II. DES CRÉDITS EN HAUSSE INSUFFISANTE POUR RÉPONDRE AUX ENJEUX DE L'AFFLUX MIGRATOIRE

1. Une augmentation significative des crédits, même à périmètre constant

La maquette de la mission est stable et reste composée de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile » , qui porte les crédits de garantie du droit d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui porte les crédits d'intégration des étrangers primo-arrivants et des réfugiés, en particulier la subvention à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et les subventions aux associations oeuvrant en la matière.

Si la maquette de la présente mission n'évolue pas, un important transfert est toutefois à signaler au sein du programme 104 , puisque les taxes précédemment affectées à l'OFII sont transférées sur le programme et désormais inscrites sur l'action 11 pour un montant de 133 millions d'euros . Il s'agit des différentes taxes et droits de timbre assis sur la délivrance de titres de séjour et sur l'emploi de main d'oeuvre étrangère par les entreprises.

Cette mesure de transfert, qui « gonfle » visuellement les crédits du programme 104 d'environ 130 millions d'euros, explique une partie de la forte augmentation des crédits de paiement entre 2016 et 2017, de plus de 31 %.

À périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant le transfert des taxes affectées, l'augmentation reste toutefois significative, puisqu'elle s'établit à + 14 % . Elle trouve son origine dans deux principaux éléments de la budgétisation 2017 :

- une hausse des dépenses d'asile , en particulier de l'allocation aux demandeurs d'asile (ADA) (+ 70 millions d'euros) et de la subvention à l'Ofpra (+ 10 millions d'euros) ;

- la création d'une enveloppe nouvelle pour l'accompagnement social des migrants de la « jungle » de Calais, pour 14 millions d'euros au sein de l'action 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303.

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Variation

Immigration et asile

610,79

709,24

935,08

+ 31,84%

Circulation des étrangers et politique des visas

1,02

0,57

0,52

- 7,96%

Garantie de l'exercice du droit d'asile

496,56

597,42

815,24

+ 36,46%

Lutte contre l'immigration irrégulière

85,86

79,88

92,52

+ 15,82%

Soutien

27,35

31,38

26,81

- 14,56%

Intégration et accès à la nationalité française

59,57

95,61

247,84

+ 159,22%

Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,99

8,54

- 5,00%

Actions d'intégration des étrangers en situation régulière

32,41

24,54

29,73

+ 21,16%

Accompagnement des réfugiés

18,58

20,24

26,73

+ 32,02%

Accueil des étrangers primo arrivants

7,44

40,64

181,90

+ 347,63%

Accès à la nationalité française

1,14

1,20

0,95

- 21,50%

Total général

670,36

804,85

1 182,92

+ 46,97%

Crédits de paiement

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Variation

Immigration et asile

617,89

708,66

808,22

+ 14,05 %

Circulation des étrangers et politique des visas

1,02

0,57

0,52

- 7,96%

Garantie de l'exercice du droit d'asile

495,90

597,42

687,48

+ 15,07%

Lutte contre l'immigration irrégulière

93,95

79,96

92,66

+ 15,89%

Soutien

27,03

30,72

27,57

- 10,24%

Intégration et accès à la nationalité française

59,62

95,46

247,90

+ 159,68 %

Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants

8,99

8,54

- 5 %

Actions d'intégration des étrangers en situation régulière

32,35

24,54

29,73

+ 21,16%

Accompagnement des réfugiés

18,17

20,24

26,73

+ 32,02%

Accueil des étrangers primo arrivants

7,44

40,64

181,90

+ 347,63%

Accès à la nationalité française

1,67

1,06

1,01

- 5,01%

Total général

677,52

804,12

1 056,12

+ 31,34 %

Total général à périmètre constant

677,52

804,12

923,12

+ 14,8 %

Source : commission des finances

Il convient de souligner que la différence importante - et inhabituelle s'agissant de la présente mission dont les dépenses d'investissement sont limitées - entre les autorisations d'engagement (pour 1 182 millions d'euros) et les crédits de paiement (pour 1 056 millions d'euros) s'explique par le choix du Gouvernement de recourir, en 2017, à un appel d'offres national pour 5 351 nouvelles places d'hébergement d'urgence, pour une durée de cinq ans . Ainsi, la dotation d'hébergement d'urgence s'établit à 245,8 millions d'euros en AE et à 118 millions d'euros en CP.

2. ... sans être à la hauteur de la réalité des dépenses concernant l'asile

Les dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en réalité très concentrées sur l'asile (instruction et conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile), à plus de 65 % . En outre, si elle ne peut pas être isolée et chiffrée avec précision au sein du budget de l'OFII, la place prise par les missions relatives à l'asile au sein de l'OFII (guichet unique d'accueil des demandeurs d'asile, gestion du plan « Migrants », gestion de l'ADA, frais de transport et frais d'interprétariat pour les demandeurs d'asile, etc.) est très importante depuis l'entrée en vigueur de la réforme de l'asile à la fin de l'année 2015.

Répartition des crédits de paiement demandés pour 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Toutefois, malgré l'augmentation importante des crédits destinés à l'asile, votre rapporteur spécial constate que, cette année encore, la programmation budgétaire est inférieure à la consommation prévisionnelle de l'exercice 2016 . Ainsi, s'agissant de l'allocation pour les demandeurs d'asile, l'enveloppe prévue à 220 millions d'euros est inférieure de près de 100 millions d'euros à la consommation prévisionnelle pour 2016 (315 millions d'euros d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial). De la même manière, l'enveloppe destinée à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, soit 118 millions d'euros, est inférieure de près de 30 millions d'euros à la consommation prévisionnelle pour 2016 (145 millions d'euros d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial).

Or, compte tenu de l'augmentation prévisionnelle des flux et de l'inertie des stocks, il semble improbable que la dépense soit en 2017 inférieure à la consommation de 2016 . Au total, la présente mission est donc manifestement insincère s'agissant de la budgétisation des dépenses de l'asile : le Gouvernement court après la progression du nombre de demandeurs d'asile, sans jamais mettre les moyens financiers nécessaires pour y répondre efficacement et dignement, choisissant d'ajouter la tension et l'insincérité budgétaire à la gestion déjà compliquée de la crise migratoire .

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