Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Roger KAROUTCHI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016
Disponible au format PDF (719 Koctets)
-
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
-
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION
-
ANALYSE PAR PROGRAMME
-
I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET
ASILE »
-
1. Un programme aux contours stables
-
2. La poursuite de l'augmentation des moyens de
l'Ofpra
-
3. Un effort consolidé sur les places de
centres d'accueil des demandeurs d'asile
-
4. Le financement insuffisant de
l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile
-
5. L'allocation pour demandeurs d'asile : une
budgétisation insincère
-
6. Une aide aux communes insuffisamment
sollicitée
-
7. Une dotation pour la lutte contre l'immigration
irrégulière en hausse en raison d'une enveloppe ponctuelle pour
Calais
-
1. Un programme aux contours stables
-
II. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION
ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ
FRANÇAISE »
-
1. Une augmentation des crédits du programme
même à périmètre constant
-
2. La rebudgétisation de la subvention de
l'OFII dans un contexte de forte augmentation des dépenses de
l'opérateur
-
3. La poursuite de l'effort de financement des
actions d'intégration
-
4. Les centres provisoires
d'hébergement : une création de places trop réduite
pour répondre à l'enjeu d'intégration des
réfugiés
-
1. Une augmentation des crédits du programme
même à périmètre constant
-
I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET
ASILE »
-
LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE
-
EXAMEN EN COMMISSION
N° 140
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016 |
RAPPORT GÉNÉRAL
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Rapporteur général,
Sénateur.
TOME III
LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
( Seconde partie de la loi de finances )
ANNEXE N° 17
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
Rapporteur spécial : M. Roger KAROUTCHI
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833
Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. La mission « Immigration, asile et intégration » est composée de deux programmes : le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». 2. La dotation pour l'ensemble de la mission est en forte progression, passant entre 2016 et 2017 de 804,8 millions d'euros à 1 182,9 millions d'euros en AE et de 804,1 millions d'euros à 1 056,1 millions d'euros en CP (+ 31,3 %). 3. Cette augmentation est en partie due à une rebudgétisation des taxes affectées à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), pour 133 millions d'euros. À périmètre constant, les crédits de la mission passent de 804,1 à 923,1 millions d'euros (+ 14,8 %). 4. Le programme 303 se caractérise par une forte tension sur les dispositifs de l'asile, dans un contexte d'afflux migratoire majeur au sein de l'Union européenne se traduisant par une hausse de la demande d'asile constatée en France, qui devrait être proche de 100 000 personnes en 2016, et par une cristallisation dans certains points du territoire, notamment Paris et le Calaisis. 5. Pour faire face à cette augmentation de la demande, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une hausse des dotations pour l'action relative à la garantie du droit d'asile, qui passe de 597 millions d'euros à 687 millions d'euros. 6. En particulier, les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) sont une fois encore renforcés, avec une subvention portée à 65 millions d'euros et un plafond d'emploi porté à 780 ETPT. Au total, depuis 2012, la subvention à l'Ofpra a augmenté de 67 %, tandis que le plafond d'emploi a augmenté de 71 %. Toutefois, le délai moyen de traitement d'une demande reste élevé, soit 216 jours en 2015, et le stock de dossiers supérieurs à trois mois est reparti à la hausse en 2016 (21 432 à mi-2016, contre 15 664 en 2015). 7. Le parc de CADA sera porté à 40 000 places en 2017, poursuivant ainsi le plan de création de places mené depuis 2014. La dotation, qui s'établit à 280 millions d'euros, est la plus importante du programme. Toutefois, les places créées sont en partie des reconversions de places d'hébergement d'urgence existantes et ne sont pas toujours adaptées à un public d'hommes isolés seuls. 8. La dotation pour l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) est en forte progression mais, avec 220 millions d'euros, elle reste bien en-deçà de la consommation prévisionnelle pour 2016, soit 315 millions d'euros, dont il n'y a pas de raison de penser qu'elle soit moins importante en 2017. En conséquence, la dotation est manifestement insincère. |
9. De même, la dotation pour l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, soit 118 millions d'euros, est inférieure à la consommation prévisionnelle pour 2016, soit 148,5 millions d'euros. À cet égard, à l'insincérité budgétaire s'ajoute l'utilisation, contraire aux règles de bonne gestion, du programme 177 de la mission « Egalité des territoires et logement » pour financer l'hébergement d'urgence des migrants demandeurs d'asile mis à l'abri depuis les campements parisiens ou le Calaisis. 10. Les crédits en faveur de la lutte contre l'immigration irrégulière sont en forte progression (+ 12,5 millions d'euros, + 15,9 %) en raison de la création d'une enveloppe dédiée à l'accompagnement des migrants de la jungle de Calais, pour 14 millions d'euros. 11. Le programme 104 se caractérise lui aussi par une augmentation des crédits, même à périmètre constant, sous l'effet de la hausse des crédits dédiés à la formation linguistique des étrangers primo-arrivants (+5,2 millions d'euros) et à la hausse des crédits des centres provisoires d'hébergement pour les réfugiés, dont le parc est une nouvelle augmenté de 500 places (+6 millions d'euros). 12. L'OFII, dont le financement est désormais clarifié grâce à la re-budgétisation de ses taxes affectées, fait face à une forte hausse de ses missions et de ses charges, en particulier sur la gestion de l'asile et la formation linguistique. Bien qu'en progression, la dotation globale, soit 181,9 millions d'euros, est largement inférieure à la prévision de dépenses pour 2016, soit 207,7 millions d'euros. Le fonds de roulement de l'opérateur pourrait donc être une nouvelle fois sollicité pour maintenir son niveau d'activité. 13. Le parc de centres provisoires d'hébergement devrait être porté en 2017 à 2 101 places, soit un doublement en deux ans. Cependant, compte tenu de la forte hausse et des demandes d'asile et, plus encore, des admissions au statut de réfugié, qui pourraient concerner environ 35 000 personnes en 2016, le parc reste largement sous-calibré et l'intégration des réfugiés demeure le parent pauvre de notre politique d'asile. |
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial en ce qui concerne la mission « Immigration, asile et intégration ». |
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION
I. UNE MISSION SOUS TENSION
1. 2015 et 2016, années record pour l'afflux de demandeurs d'asile en Europe et en France
Le continent européen est confronté depuis la fin de l'année 2014 à un afflux de migrants en demande de protection internationale sans précédent depuis la création des Communautés européennes . En 2014, 562 000 demandes d'asile ont été déposées dans l'Union européenne. En 2015, c'est plus du double qui a été enregistré, soit 1 255 000. La tendance se poursuit en 2016, puis que plus de 592 000 demandes d'asile ont été enregistrées sur le premier semestre 2016.
Les trois premières nationalités des demandeurs d'asile en Europe sont la Syrie, l'Afghanistan et l'Irak.
Évolution de la demande d'asile dans l'Union européenne (28)
(1) Estimation sur la base du flux du premier semestre 2016
Source : commission des finances, d'après les données Eurostat
Comme l'illustre le graphique ci-dessus, la France est, comparativement, moins touchée que d'autres pays européens - en particulier l'Allemagne - par cet afflux de demandeurs d'asile . Il n'en demeure pas moins que, relativement à l'histoire récente, le nombre de demandes d'asile déposées en France a connu une augmentation sensible ces dernières années. Avec plus de 80 000 demandes déposées en 2015 et un nombre qui devrait approcher 100 000 en 2016, le nombre de demandes d'asile déposées en France a connu un quasi-triplement depuis 2007, où il s'établissait à environ 35 000 .
La France se caractérise également par un profil légèrement différent de demandeurs d'asile ; en 2015, même si les Syriens constituent la deuxième nationalité la plus représentée, ils sont devancés par le Soudan et immédiatement suivis par le Kosovo et la République démocratique du Congo.
Évolution des demandes d'asile déposées annuellement en France
(1) Estimation sur la base du flux du premier semestre 2016
Source : commission des finances, d'après les données de l'Ofpra
Au total, l'évolution des crédits de la présente mission ne peut se comprendre qu'en tenant compte de l'ampleur sans précédent de la crise migratoire que traverse l'Europe et à laquelle la France prend sa part . Cette crise met en effet sous tension les principaux dispositifs de la mission, en particulier l'hébergement et l'allocation des demandeurs d'asile.
2. Un système de répartition européenne qui peine à se mettre en place
Un système européen de répartition des réfugiés a été mis en place en deux temps . Décidée par le Conseil de l'Union européenne le 27 mai 2015, une première répartition concernait 40 000 demandeurs d'asile , arrivés en Grèce et en Italie. Sur la base d'une clé de répartition qui tient compte de la population, du produit intérieur brut, du nombre de demandeurs d'asile accueillis sur les dernières années et du taux de chômage 1 ( * ) , ce nombre a été réparti entre chaque pays, la France devant en accueillir 4 051 en provenance d'Italie et 2 701 en provenance de la Grèce sur 2016 et 2017.
Puis, au mois de septembre 2015, au regard de l'aggravation de la crise des migrants, le Conseil, sur la base d'une initiative commune de la France et de l'Allemagne, a proposé de relocaliser 120 000 migrants supplémentaires présents en Italie, en Grèce et en Hongrie. Selon la même clé de répartition, la France devrait en accueillir 24 031 sur 2016 et 2017.
Ainsi, au total, la France devrait donc accueillir 30 783 migrants dans le cadre des programmes de relocalisation d'urgence adoptés au niveau européen .
Néanmoins, la mise en oeuvre de ce programme s'avère délicate. Au 1 er octobre 2016, seules 1 987 personnes ont été relocalisés en France dont 231 depuis l'Italie et 1 756 depuis la Grèce .
Cela s'explique par deux principales raisons. La première est qu'à la suite de l'accord entre l'Union européenne et la Turquie conclu le 18 mars 2016, le flux en provenance de la Méditerranée orientale, via la Grèce et la Turquie, s'est considérablement ralenti, voire tari. La seconde est que les caractéristiques des migrants, en particulier leurs nationalités, ne correspondent pas aux critères définis par le programme de relocalisation, qui s'adresse aux seuls migrants en « besoin manifeste de protection internationale » (Syriens, Irakiens, Erythréens). Or, les migrants qui déposent aujourd'hui leurs demandes en Europe, a fortiori ceux arrivés en Italie via la Libye, sont pour beaucoup des Soudanais ou des ressortissants d'autres pays d'Afrique subsaharienne.
Il n'en demeure pas moins que, s'il finissait par être véritablement mis en oeuvre, ce programme de relocalisation conduirait à une nouvelle augmentation des flux devant être pris en charge , même à titre très temporaire, par l'Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et par les centres d'accueil pour les demandeurs d'asile et l'allocation aux demandeurs d'asile, puis par les dispositifs d'intégration du programme 104 une fois la protection accordée.
3. En France, une cristallisation de la crise migratoire dans le Calaisis et la région parisienne
Si les arrivées de migrants que connaît la France sont sans commune mesure avec celles observées en Allemagne, elles ont toutefois ceci de particulier d'être particulièrement concentrées sur quelques zones du territoire national qui cristallisent le débat politique et l'attention de l'opinion publique. Il s'agit essentiellement du Calaisis et de la région parisienne.
Pour de nombreux migrants - ayant ou non déposé une demande d'asile en France ou dans un autre pays de l'Union européenne - qui cherchent à rejoindre le Royaume-Uni, la région de Calais constitue en effet un point d'arrivée sans issue. L'impossible franchissement de la mer de la Manche s'est traduit par l'installation progressive d'une « jungle », composée de campements spontanés réunis à proximité des containers d'un centre d'accueil et du centre Jules Ferry. L a préfecture du Pas-de-Calais a recensé 6 900 migrants en septembre 2016 2 ( * ) , soit le double de la population présente au printemps (après une décrue entre octobre 2015 et mars 2016). À Grande-Synthe (Dunkerque), le nombre de migrants était évalué à environ 700. Ces migrants ont fait l'objet, à la fin du mois d'octobre, d'une vaste opération de relocalisation en différents points du territoire national, afin de démanteler définitivement la « jungle ».
Pour d'autres migrants, la région parisienne , avec ses communautés d'origine organisées et ses perspectives d'emploi jugées plus importantes, constitue un pôle d'attraction particulièrement fort. Une partie de ceux-là se sont installés dans des campements de fortune dans le Nord de la capitale, en particulier autour du quartier La Chapelle et de l'avenue de Flandre. D'après un comptage réalisé par certaines associations en septembre 2016, environ 40 à 50 nouveaux migrants arriveraient chaque jour dans ces campements provisoires .
Ces camps sont régulièrement démantelés : depuis début 2015, 28 opérations de « mise à l'abri » ont été conduites , dont 14 entre janvier et septembre 2016. Sur la seule année 2016, environ 10 000 personnes se sont vues proposer une place d'hébergement.
D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, les migrants présents à Calais constituent « un public majoritairement masculin, jeune et isolé . La part des femmes et des femmes avec enfants est résiduelle (inférieure à 5 %) » et « les nationalités [déclarées] majoritaires (...) sont les soudanais (48 %), les afghans (24 %), les érythréens (13 %) , les pakistanais (5 %), les syriens (2,6 %), les irakiens (1,8 %) ». Le public des campements parisiens est très similaire. Ainsi, à Paris comme à Calais, les Syriens et les Irakiens représenteraient moins de 5 % des migrants présents.
Il convient de signaler que les places d'hébergement vers lesquelles les migrants sont conduits, depuis les campements parisiens ou depuis la jungle de Calais, ne sont généralement pas des places financées par la présente mission . En effet, les « centres d'accueil et d'orientation » (CAO) pour le désengorgement de Calais et les centres d'hébergement d'urgence migrants (CHU-migrants) pour la région parisienne sont financés sur les crédits de l'hébergement d'urgence de droit commun, du programme 177 de la mission « Égalité des territoires et logement », alors même que la majorité du public concerné relèvera en réalité de l'asile et du programme 303 au terme de l'analyse de sa situation. Pour la seule région Île-de-France, le montant des crédits du programme 177 utilisés en 2016 à destination de publics relevant du programme 303 est estimé à 80 millions d'euros.
En d'autres termes, d'un point de vue budgétaire, ce n'est que grâce à une utilisation irrégulière des enveloppes de l'hébergement de droit commun pour un public de demandeur d'asile que la mise à l'abri des migrants de Calais et de Paris peut être réalisé sans impact majeur sur les dispositifs d'hébergement d'urgence de la présente mission .
II. DES CRÉDITS EN HAUSSE INSUFFISANTE POUR RÉPONDRE AUX ENJEUX DE L'AFFLUX MIGRATOIRE
1. Une augmentation significative des crédits, même à périmètre constant
La maquette de la mission est stable et reste composée de deux programmes :
- le programme 303 « Immigration et asile » , qui porte les crédits de garantie du droit d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière ;
- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui porte les crédits d'intégration des étrangers primo-arrivants et des réfugiés, en particulier la subvention à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et les subventions aux associations oeuvrant en la matière.
Si la maquette de la présente mission n'évolue pas, un important transfert est toutefois à signaler au sein du programme 104 , puisque les taxes précédemment affectées à l'OFII sont transférées sur le programme et désormais inscrites sur l'action 11 pour un montant de 133 millions d'euros . Il s'agit des différentes taxes et droits de timbre assis sur la délivrance de titres de séjour et sur l'emploi de main d'oeuvre étrangère par les entreprises.
Cette mesure de transfert, qui « gonfle » visuellement les crédits du programme 104 d'environ 130 millions d'euros, explique une partie de la forte augmentation des crédits de paiement entre 2016 et 2017, de plus de 31 %.
À périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant le transfert des taxes affectées, l'augmentation reste toutefois significative, puisqu'elle s'établit à + 14 % . Elle trouve son origine dans deux principaux éléments de la budgétisation 2017 :
- une hausse des dépenses d'asile , en particulier de l'allocation aux demandeurs d'asile (ADA) (+ 70 millions d'euros) et de la subvention à l'Ofpra (+ 10 millions d'euros) ;
- la création d'une enveloppe nouvelle pour l'accompagnement social des migrants de la « jungle » de Calais, pour 14 millions d'euros au sein de l'action 03 « Lutte contre l'immigration irrégulière » du programme 303.
Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration »
(en millions d'euros)
Autorisations d'engagement |
||||
Exécution 2015 |
LFI 2016 |
PLF 2017 |
Variation |
|
Immigration et asile |
610,79 |
709,24 |
935,08 |
+ 31,84% |
Circulation des étrangers et politique des visas |
1,02 |
0,57 |
0,52 |
- 7,96% |
Garantie de l'exercice du droit d'asile |
496,56 |
597,42 |
815,24 |
+ 36,46% |
Lutte contre l'immigration irrégulière |
85,86 |
79,88 |
92,52 |
+ 15,82% |
Soutien |
27,35 |
31,38 |
26,81 |
- 14,56% |
Intégration et accès à la nationalité française |
59,57 |
95,61 |
247,84 |
+ 159,22% |
Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants |
8,99 |
8,54 |
- 5,00% |
|
Actions d'intégration des étrangers en situation régulière |
32,41 |
24,54 |
29,73 |
+ 21,16% |
Accompagnement des réfugiés |
18,58 |
20,24 |
26,73 |
+ 32,02% |
Accueil des étrangers primo arrivants |
7,44 |
40,64 |
181,90 |
+ 347,63% |
Accès à la nationalité française |
1,14 |
1,20 |
0,95 |
- 21,50% |
Total général |
670,36 |
804,85 |
1 182,92 |
+ 46,97% |
Crédits de paiement |
||||
Exécution 2015 |
LFI 2016 |
PLF 2017 |
Variation |
|
Immigration et asile |
617,89 |
708,66 |
808,22 |
+ 14,05 % |
Circulation des étrangers et politique des visas |
1,02 |
0,57 |
0,52 |
- 7,96% |
Garantie de l'exercice du droit d'asile |
495,90 |
597,42 |
687,48 |
+ 15,07% |
Lutte contre l'immigration irrégulière |
93,95 |
79,96 |
92,66 |
+ 15,89% |
Soutien |
27,03 |
30,72 |
27,57 |
- 10,24% |
Intégration et accès à la nationalité française |
59,62 |
95,46 |
247,90 |
+ 159,68 % |
Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants |
8,99 |
8,54 |
- 5 % |
|
Actions d'intégration des étrangers en situation régulière |
32,35 |
24,54 |
29,73 |
+ 21,16% |
Accompagnement des réfugiés |
18,17 |
20,24 |
26,73 |
+ 32,02% |
Accueil des étrangers primo arrivants |
7,44 |
40,64 |
181,90 |
+ 347,63% |
Accès à la nationalité française |
1,67 |
1,06 |
1,01 |
- 5,01% |
Total général |
677,52 |
804,12 |
1 056,12 |
+ 31,34 % |
Total général à périmètre constant |
677,52 |
804,12 |
923,12 |
+ 14,8 % |
Source : commission des finances
Il convient de souligner que la différence importante - et inhabituelle s'agissant de la présente mission dont les dépenses d'investissement sont limitées - entre les autorisations d'engagement (pour 1 182 millions d'euros) et les crédits de paiement (pour 1 056 millions d'euros) s'explique par le choix du Gouvernement de recourir, en 2017, à un appel d'offres national pour 5 351 nouvelles places d'hébergement d'urgence, pour une durée de cinq ans . Ainsi, la dotation d'hébergement d'urgence s'établit à 245,8 millions d'euros en AE et à 118 millions d'euros en CP.
2. ... sans être à la hauteur de la réalité des dépenses concernant l'asile
Les dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » sont en réalité très concentrées sur l'asile (instruction et conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile), à plus de 65 % . En outre, si elle ne peut pas être isolée et chiffrée avec précision au sein du budget de l'OFII, la place prise par les missions relatives à l'asile au sein de l'OFII (guichet unique d'accueil des demandeurs d'asile, gestion du plan « Migrants », gestion de l'ADA, frais de transport et frais d'interprétariat pour les demandeurs d'asile, etc.) est très importante depuis l'entrée en vigueur de la réforme de l'asile à la fin de l'année 2015.
Répartition des crédits de paiement demandés pour 2017
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Toutefois, malgré l'augmentation importante des crédits destinés à l'asile, votre rapporteur spécial constate que, cette année encore, la programmation budgétaire est inférieure à la consommation prévisionnelle de l'exercice 2016 . Ainsi, s'agissant de l'allocation pour les demandeurs d'asile, l'enveloppe prévue à 220 millions d'euros est inférieure de près de 100 millions d'euros à la consommation prévisionnelle pour 2016 (315 millions d'euros d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial). De la même manière, l'enveloppe destinée à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, soit 118 millions d'euros, est inférieure de près de 30 millions d'euros à la consommation prévisionnelle pour 2016 (145 millions d'euros d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial).
Or, compte tenu de l'augmentation prévisionnelle des flux et de l'inertie des stocks, il semble improbable que la dépense soit en 2017 inférieure à la consommation de 2016 . Au total, la présente mission est donc manifestement insincère s'agissant de la budgétisation des dépenses de l'asile : le Gouvernement court après la progression du nombre de demandeurs d'asile, sans jamais mettre les moyens financiers nécessaires pour y répondre efficacement et dignement, choisissant d'ajouter la tension et l'insincérité budgétaire à la gestion déjà compliquée de la crise migratoire .
ANALYSE PAR PROGRAMME
I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE »
1. Un programme aux contours stables
Le programme 303 « Immigration et asile » est composé de quatre actions :
- l'action 1 « Circulation des étrangers et politique des visas » , qui porte les crédits de fonctionnement de la sous-direction des visas, placée au sein de la direction générale des étrangers en France ; cette action ne porte, en 2016, plus qu'un reliquat de crédits de 560 000 euros, en raison du transfert des crédits de fonctionnement de la sous-direction des visas de Nantes vers le programme 216 ;
- l'action 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » , qui rassemble les crédits destinés à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et l'ensemble du financement des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile (centres d'accueil des demandeurs d'asile, hébergement d'urgence, allocation aux demandeurs d'asile) ;
- l'action 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » , qui porte principalement les crédits destinés au fonctionnement des centres et lieux de rétention administrative (CRA), ainsi que les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ;
- l'action 4 « Soutien » , qui porte les dépenses de fonctionnement - en particulier informatiques - de la direction générale des étrangers en France, à l'exclusion des dépenses de personnel et des loyers budgétaires.
Globalement, le programme se caractérise en 2017 par une hausse importante des dotations , portée par trois principaux éléments :
• tout d'abord, une augmentation d'environ 70 millions d'euros de la dotation pour l'allocation aux demandeurs d'asile (220 millions d'euros en 2017 contre 148,5 millions d'euros dans la loi de finances pour 2016) et de 11,4 millions d'euros pour la subvention à l'Ofpra ;
• ensuite, la création de deux nouvelles enveloppes au stade du projet de loi de finances : une aide aux communes , pour 4 millions d'euros, pour les communes facilitant l'implantation de centres d'hébergement sur leur territoire, et une enveloppe spécifique de 14 millions d'euros pour la prise en charge des migrants à Calais ;
• enfin, s'agissant des autorisations d'engagement, le recours à un appel d'offres pour 5 351 places d'hébergement d'urgence pour cinq ans , qui crée un décalage entre le montant des autorisations d'engagement (dont une partie seront consommées sur cinq années) et les crédits de paiement.
Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement du programme 303
(en millions d'euros)
Autorisations d'engagement
Exécution 2015 |
LFI 2016 |
PLF 2017 |
Variation |
|
Immigration et asile |
610,79 |
709,24 |
935,08 |
+ 31,84% |
Action 1 - Circulation des étrangers et politique des visas |
1,02 |
0,57 |
0,52 |
- 7,96% |
Action 2 - Garantie de l'exercice du droit d'asile |
496,56 |
597,42 |
815,24 |
+ 36,46% |
Action 3 - Lutte contre l'immigration irrégulière |
85,86 |
79,88 |
92,52 |
+ 15,82% |
Action 4 - Soutien |
27,35 |
31,38 |
26,81 |
- 14,56% |
Crédits de paiement
Exécution 2015 |
LFI 2016 |
PLF 2017 |
Variation |
|
Immigration et asile |
617,89 |
708,66 |
808,22 |
+ 14,05 % |
Action 1 - Circulation des étrangers et politique des visas |
1,02 |
0,57 |
0,52 |
- 7,96% |
Action 2 - Garantie de l'exercice du droit d'asile |
495,90 |
597,42 |
687,48 |
+ 15,07% |
Action 3 - Lutte contre l'immigration irrégulière |
93,95 |
79,96 |
92,66 |
+ 15,89% |
Action 4 - Soutien |
27,03 |
30,72 |
27,57 |
- 10,24% |
Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017
2. La poursuite de l'augmentation des moyens de l'Ofpra
L'Ofpra est l'office chargé, en première instance, d'accorder ou non la protection de la France aux demandeurs d'asile qui la sollicitent .
Le projet de loi de finances pour 2017 s'inscrit, s'agissant de l'Ofpra, dans la continuité des précédentes lois de finances, en cohérence avec l'objectif de réduction des délais de traitement des demandes affiché dans le cadre de la réforme de l'asile à trois mois (sans compter un éventuel appel auprès de la Cour nationale du droit d'asile [CNDA]). Ainsi, comme l'illustre le graphique ci-dessous, l'Ofpra connaît, pour 2017, une augmentation conséquente de sa subvention pour charges de service public (+ 11,4 millions d'euros) et de son plafond d'emploi (+ 140 ETPT , y compris l'extension en année pleine du schéma d'emploi supplémentaire décidé en 2016).
L'évolution des moyens accordés à l'Ofpra
Source : commission des finances
Au total, depuis 2012, la subvention à l'Ofpra a augmenté de 67 %, tandis que le plafond d'emploi a augmenté de 71 % .
Toutefois, malgré cette évolution qui a reflété celle de la demande d'asile à laquelle l'office fait face, l'office reste confronté à d'importants délais de traitement, supérieurs aux objectifs fixés par la réforme . Ainsi, au 1 er juin 2016, le stock de dossiers de plus de trois mois en attente d'une décision, qui est un bon indicateur des retards pris par l'Office, est en augmentation par rapport à 2015 (21 432, contre 15 664 en 2015). De même, même s'il est en légère baisse en 2016, le délai moyen de traitement d'un dossier s'établit à 216 jours en 2015, bien au-dessus de l'objectif de 90 jours.
Il est vrai que la forte vague de recrutements en 2015-2017 ne produit ses pleins effets en termes de traitement des dossiers qu'avec un important retard, de l'ordre de six à neuf mois, en raison des délais de recrutement puis de formation des officiers de protection.
3. Un effort consolidé sur les places de centres d'accueil des demandeurs d'asile
La loi portant réforme de l'asile 3 ( * ) a réaffirmé le rôle des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) comme solution principale d'hébergement de ces derniers . Ainsi, l'article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que « les personnes dont la demande d'asile a été enregistrée (...) peuvent bénéficier d'un hébergement en centre d'accueil pour demandeurs d'asile ». L'article L. 348-2 du même code précise que ces centres « ont pour mission d'assurer l'accueil, l'hébergement ainsi que l'accompagnement social et administratif des personnes dont la demande d'asile a été enregistrée, pendant la durée d'instruction de cette demande ». Ils sont ainsi placés au coeur du dispositif de garantie du droit d'asile, non seulement en termes d'hébergement mais aussi d'accompagnement des demandeurs.
Pour être en mesure d'assurer cette mission face à l'afflux des demandeurs d'asile, le parc de CADA a connu un important accroissement au cours des dernières années, en particulier en 2015 et 2016 sous l'effet d'une succession de plans de créations de places . Ainsi, le parc de CADA est passé de 24 418 places en 2014 à 38 590 à la fin de l'année 2016, avec deux principaux appels à projet, l'un en avril 2015 dans le cadre du plan « Migrants » pour 5 000 places, et l'autre en novembre 2015, dans le cadre de l'annonce du programme de relocalisation européenne, pour 8 630 places.
Évolution du nombre de places en CADA et en hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA)
(1) 2016 : exécution prévisionnelle, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial
Source : commission des finances
Les créations de places en CADA depuis 2012
Date de lancement
|
Prévision du nombre de places à créer |
Nombre de places effectivement ouvertes |
09/11/2012 + addendum 21/01/2013 |
1 000 + 1 000
|
2 057 |
05/04/2013 |
1 000 |
1 038 |
01/12/2014 |
1 000 |
948 |
20/04/2015 |
Pouvant aller jusqu'à 5 000 |
4 034 |
10/11/2015 |
8 630 |
NC au 10 octobre 2016 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire
La création de places en CADA depuis 2012 et, en particulier, depuis 2015, présente quatre principales caractéristiques .
• Tout d'abord, cette création s'est réalisée en partie au détriment des places d'hébergement d'urgence, qui ont été transformées en CADA . Ainsi, sur la période 2013-2015, sur 8 182 places créées, 2 215 places, soit plus du quart, l'ont été par transformation de places existantes d'hébergement d'urgence . Si cela constitue une amélioration en termes d'encadrement et d'accompagnement des demandeurs d'asile hébergés, ces places de CADA n'améliorent toutefois pas la capacité globale d'hébergement des demandeurs pour les gestionnaires départementaux.
• Ensuite, ces places ont été réalisées selon le schéma national d'accueil, qui prévoit une réallocation des capacités vers les régions sous-dotées, en particulier l'Ouest de la France , comme le montre le tableau ci-dessous. Si votre rapporteur spécial reconnaît l'intérêt de cette démarche visant à désengorger certaines régions, en premier lieu la région parisienne, la quasi-stagnation des capacités en Île-de-France aggrave également, à court terme, la situation de saturation des dispositifs parisiens et franciliens et le phénomène de campements .
Le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile
Source : réponse au questionnaire budgétaire
• Par ailleurs, le dispositif de CADA, qu'il s'agisse des places existantes anciennes ou des places nouvelles, est relativement inadapté au nouveau profil des demandeurs . Alors que ce dispositif était prévu pour accueillir des familles ou des femmes seules avec enfants, la grande majorité des demandeurs d'asile arrivés en France en 2015 et 2016 sont des hommes jeunes isolés . Cela nécessite une évolution du parc ou, à tout le moins, la mise en oeuvre de colocations et, surtout, un accompagnement individuel plus lourd pour les associations gestionnaires, puisqu'à chaque personne accueillie correspond un dossier de demande d'asile et un récit à accompagner.
• Enfin, cet effort de construction de places en CADA, pour important qu'il soit, ne saurait suffire à répondre à l'ampleur de l'afflux migratoire . Au 31 décembre 2015, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, seuls 36,9 % des demandeurs d'asile en cours de procédure étaient hébergés en CADA, soit 22 524 sur un total de 61 018. En effet, au nombre limité de places s'ajoute leur occupation indue par les personnes déboutées du droit d'asile, soit 7,4 % du parc - auxquels il convient d'ajouter 2 % des places occupées par des réfugiés.
Ainsi, sur les CADA comme sur d'autres dispositifs, le Gouvernement court après l'afflux migratoire, sans avoir pris les devants par un véritable plan d'urgence massif . La création en trois ans d'environ 15 000 places en CADA ne saurait être une réponse suffisante et durable quand le dispositif affichait déjà, en 2014, un besoin d'environ 20 000 places et que le nombre de demandes d'asile déposées chaque année a augmenté, sur la période, d'environ 30 000.
En 2017, le dispositif CADA devrait comporter un peu plus de 40 000 places, compte tenu d'un appel à projet de 1 800 places devant avoir lieu en cours d'année. Sur la base d'un coût fixé de façon forfaitaire à 19,5 euros par jour et par place, l'enveloppe budgétaire s'établit à 280 millions d'euros en 2017, en augmentation de 7 millions d'euros par rapport à 2016 . Il convient de souligner que, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, la dotation 2016 ne sera pas entièrement consommée car elle a été calculée sur la base d'un total de 38 000 places dès le 1 er janvier, alors que certaines ne sont livrées qu'à la fin 2016. D'après les informations de votre rapporteur spécial, ces crédits sont toutefois utilisés pour subvenir aux besoins constatés sur l'ADA (cf. infra ).
4. Le financement insuffisant de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile
Les demandeurs d'asile qui ne peuvent être orientés vers une place de CADA sont hébergés dans le dispositif d'hébergement . Le parc d'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile (HUDA) est composé de deux dispositifs : un parc national dit « Accueil Temporaire - Service de l'asile » (AT-SA), soit 6 000 places bénéficiant d'un accompagnement renforcé ; et un parc déconcentré, géré par les préfets de département, soit environ 15 000 places prévues en 2017.
Au sein de ces 15 000 places du parc déconcentré, 5 351 places sont des places nouvelles qui seront créées en 2017 dans le cadre d'un appel d'offres national, pour une durée de cinq ans . Cette démarche de commande publique est novatrice dans le domaine de l'hébergement d'urgence, soumis habituellement à un conventionnement annuel. Elle pourrait être pourvue par le projet, développé par Adoma et par la SNI, de transformation de bâtiments hôteliers premier prix en centre d'hébergement, pour 10 000 places, dont 5 000 pour les demandeurs d'asile (programme 303) et 5 000 pour les sans-abris (programme 177).
En tout état de cause, cette démarche explique que la dotation en autorisations d'engagement soit plus importante que les crédits de paiement (245,7 millions d'euros en AE contre 118 millions d'euros en CP).
Au total, la dotation est fixée à 118 millions d'euros en crédits de paiement, sur la base d'un coût journalier de 16 euros par place . Il convient de souligner que le parc déconcentré est composé à la fois de centres d'hébergement collectifs, d'appartements pris à bail et de nuitées d'hôtels, ces dernières étant la formule la plus coûteuse en termes de coût journalier.
La dotation est ainsi en légère augmentation par rapport à 2016, où elle était fixée à 115 millions d'euros. Elle reste toutefois significativement inférieure à la consommation prévisionnelle pour 2016, qui s'établit à 144,5 millions d'euros , confirmant les analyses de votre rapporteur spécial qui avait estimé, dans son précédent rapport budgétaire, que la dotation initiale « devra probablement faire l'objet d'un abondement de l'ordre de 30 millions à 40 millions d'euros en cours d'année ».
En outre, ce montant prévisionnel ne tient pas compte de la prise en charge massive d'une partie du public de demandeurs d'asile par le programme 177 , dans le cadre de l'hébergement d'urgence de droit commun. Bien que lui-même sous-doté, ce programme est en effet utilisé comme une « soupape » pour l'hébergement des demandeurs d'asile par les gestionnaires départementaux qui disposent des deux enveloppes, en particulier dans le cadre de la mise à l'abri des migrants des campements parisiens et du Calaisis.
Ainsi, au regard de l'évolution de la demande d'asile et des besoins manifestes de mise à l'abri des demandeurs d'asile, la dotation pour 2017 est manifestement insuffisante et nécessitera soit une ouverture de crédits en cours d'année, soit un déversement massif du public pris en charge vers le programme 177 , en contradiction avec les règles régissant l'une et l'autre de ces enveloppes.
5. L'allocation pour demandeurs d'asile : une budgétisation insincère
Depuis le 1 er novembre 2015, les demandeurs d'asile bénéficient d'une allocation unique pour demandeurs d'asile (ADA), versée par l'OFII et dont le montant est fonction de la composition familiale . Le montant individuel est de 6,8 euros mais peut aller jusqu'à 37,40 euros, si le ménage est composé de dix membres. Le montant moyen journalier estimé par le Gouvernement pour 2017 est de 8,5 euros.
La consommation 2016 de l'ADA se caractérise par un dépassement considérable de la dotation initiale : alors que la loi de finances, après les amendements du Gouvernement en prévision de la répartition européenne des réfugiés, prévoyait une ligne de 148,5 millions d'euros, la dépense prévisionnelle s'établit, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, à 315 millions d'euros . En d'autres termes et comme l'illustre le graphique ci-dessous, la dotation initiale d'allocation avait déjà été quasi-intégralement consommée, en termes de versement par l'État à l'opérateur chargé du paiement de la prestation, dès le mois de mars 2016 .
Exécution de la dépense d'ADA pour l'État au cours de l'année 2016
* Prévisions sur la base des données du ministère de l'Intérieur
Source : commission des finances, d'après le suivi mensuel des dépenses (direction du budget)
Cette situation s'explique par deux principaux éléments.
Le premier est que la gestion de l'ADA par l'OFII dans le cadre du guichet unique d'accueil des demandeurs d'asile a en pratique mis fin au non-recours à la prestation . Ainsi, une partie des demandeurs d'asile qui auraient renoncé à solliciter l'ancienne allocation temporaire d'attente car elle nécessitait un dossier distinct auprès de Pôle emploi, est désormais facilement prise en charge par l'OFII.
La seconde raison de ce dépassement tient au fait que les exercices antérieurs, en particulier 2014 et 2015, avaient été marqués par l'accumulation d'une dette importante de l'État auprès de Pôle Emploi qui avait permis de masquer les sous-dotations massives dont souffrait l'allocation. Au 1 er octobre 2016, la dette de l'État vis-à-vis de Pôle Emploi au titre de l'ancienne allocation temporaire d'attente s'établit ainsi à 193 millions d'euros ; ce montant doit être régularisé en 2016 et devrait faire l'objet d'un abondement dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année 2016. Or, un tel report de charges n'est plus envisageable depuis que l'OFII est gestionnaire de l'allocation.
Avec une dotation fixée à 220 millions d'euros, l'enveloppe pour 2017, inférieure d'un tiers à la consommation prévisionnelle pour 2016, est une fois de plus manifestement insincère dans un contexte d'augmentation continue des flux de demandes d'asile. La réduction des délais de traitement par l'Ofpra et la CNDA, pour avérée qu'elle soit, est encore trop limitée pour permettre une telle réduction du champ des bénéficiaires en 2017.
Évolution de la dépense d'allocation aux demandeurs d'asile
(1) Exécution prévisionnelle, d'après le ministère de l'intérieur
Source : commission des finances
En tout état de cause, votre rapporteur spécial se félicite de la reprise de la gestion de l'allocation par l'OFII, conformément aux recommandations de son rapport d'information sur l'ATA en 2013 4 ( * ) . Elle a permis de mieux maîtriser les indus et les fins de droit, tout en augmentant le taux de recours. Toutefois, on peut regretter l'absence de données sur les suspensions de droits . En effet, il est impossible d'évaluer l'efficacité de la possibilité, offerte par l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de réserver le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, dont l'ADA fait partie, aux demandeurs d'asile qui acceptent l'offre de prise en charge proposée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de la suspendre pour les demandeurs d'asile qui fraudent ou qui abandonnent leur lieu de résidence.
Au total, sur l'hébergement d'urgence comme sur l'allocation, le Gouvernement entretient, par des sous-dotations manifestement inférieures aux besoins, une tension budgétaire qui s'ajoute aux difficultés locales de gestion et qui n'a d'autre but que de masquer, sinon de maquiller, la réalité des dépenses liées aux demandeurs d'asile . Du point de vue des dotations budgétaires accordées, année après année, le Gouvernement court après la vague migratoire et se laisse délibérément distancer .
6. Une aide aux communes insuffisamment sollicitée
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, le Parlement avait adopté un amendement du Gouvernement visant à abonder les crédits de la présente mission dans le cadre du programme de relocalisation européenne des réfugiés. Cet amendement prévoyait notamment une enveloppe de 15 millions d'euros pour une aide aux communes sur le territoire desquelles se créent des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile.
Le projet de loi de finances pour 2017 reconduit cette enveloppe, en la fixant à 4 millions d'euros , sur la base d'une aide de 1 000 euros par place d'hébergement créée en CADA, en AT-SA ou pour un réfugié (centre provisoire d'hébergement, cf. infra ).
D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, l'enveloppe 2016 ne serait pas entièrement consommée, compte tenu d'une faible sollicitation de la part des communes qui connaissent mal ce dispositif nouveau et exceptionnel .
7. Une dotation pour la lutte contre l'immigration irrégulière en hausse en raison d'une enveloppe ponctuelle pour Calais
L'action 3 du programme 303 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière finance trois principaux postes :
- les dépenses de fonctionnement des centres et locaux de rétention administrative et zones d'attente ;
- les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière ;
- diverses subventions aux associations chargées du suivi sanitaire, social et juridique des étrangers retenus .
Après une hausse en 2016, les crédits prévus pour le fonctionnement hôtelier des centres de rétention administrative (CRA) sont en baisse et s'établissent à 19 millions d'euros . Par ailleurs, l'assignation à résidence continue d'être financée à hauteur de 1,5 million d'euros (+ 0,2 million d'euros).
Les frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière continuent leur progression . Alors qu'ils s'établissaient à 20,4 millions d'euros en 2012, la dotation est prévue à 33,3 millions d'euros en 2017 (+ 63 %). Dans le même temps, le nombre de mesures de reconduites à la frontière exécutées a plutôt baissé, passant de 27 081 en 2013 à 18 873 en 2015 . Cette double évolution contradictoire s'explique principalement par l'augmentation des frais de billetterie, les étrangers étant reconduits vers des destinations plus lointaines , en particulier hors continent européen. Par ailleurs, la police recourt également à l'utilisation d'un aéronef de type Beechcraft 1900-D de 19 places, affrété dans le cadre d'un marché passé avec le loueur TWIN JET, pour une dépense en forte hausse en 2017 (3,7 millions d'euros, contre 2,63 millions d'euros en 2015). L'augmentation du nombre d'éloignements opérés par ce moyen et la hausse corrélative de son coût rendent plus urgents que jamais la renégociation de ce marché, la location de cet avion présentant un coût horaire moyen particulier élevé de 421 euros par reconduit en 2015.
Évolution du nombre et du coût des reconduites à la frontière
(1) Pour 2012, le nombre de reconduites à frontière comprend également les retours volontaires, qui ne sont plus comptabilisés à compter de 2013
Source : commission des finances, d'après les projets annuels de performances
Par ailleurs, l'action 03 comporte également, pour la première fois, une enveloppe de 14 millions d'euros dédiée à l'accompagnement et à la prise en charge des migrants à Calais et à Dunkerque afin de financer le fonctionnement des camps Jules Ferry et Grande Synthe . Compte tenu du démantèlement en cours de la jungle de Calais, cette enveloppe sera utilisée pour accompagner la reconversion des associations sur place et son reliquat sera affecté à d'autres actions au sein du programme.
II. LE PROGRAMME 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE »
1. Une augmentation des crédits du programme même à périmètre constant
Le programme 104 regroupe les crédits d'intervention consacrés à l'intégration des étrangers et des réfugiés et s'articule autour de cinq actions :
- l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants », qui porte la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- l'action 12 « Accompagnement des étrangers primo-arrivants », qui finance les actions d'intégration des étrangers en situation régulière hors OFII ;
- l'action 14 « Accès à la nationalité française », qui porte les crédits de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations ;
- l'action 15 « Accompagnement des réfugiés », qui finance les actions d'intégration des réfugiés et, en pratique, essentiellement les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) ;
- l'action 16 « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », nouvellement créée, qui reprend des crédits auparavant intégrés au sein de l'action 12 et qui sont désormais, à juste titre, isolés au sein d'une action spécifique.
Le programme connaît, en 2017, une importante évolution de périmètre . En effet, l'OFII, qui est le principal opérateur de l'État dans le champ du présent programme, était jusqu'en 2016 essentiellement financé par des taxes affectées (plafonnées), notamment le droit de timbre pour la délivrance d'un titre de séjour. Or, ces taxes sont, à compter de 2017, entièrement ré-affectées au budget général, et compensées par une augmentation de la subvention versée par le présent programme, à hauteur de + 133 millions d'euros .
Ainsi, la majeure partie de l'augmentation des crédits de paiement, qui passent de 95,5 millions d'euros en 2016 à 247,9 millions d'euros en 2017 (+ 160 %), provient de cette évolution de périmètre. Toutefois, même à périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant la rebudgétisation de la subvention à l'OFII, les crédits du programme 104 connaissent une augmentation significative, de l'ordre de 20,4 %, comme l'illustre le tableau ci-dessous .
Évolution des crédits de paiement du programme 104
(en millions d'euros)
Crédits de paiement |
||||||||||
Exécution 2015 |
LFI 2016 |
PLF 2017 |
Variation |
|||||||
Intégration et accès à la nationalité française |
59,62 |
95,46 |
247,90 |
+ 159,68 % |
||||||
Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants |
8,99 |
8,54 |
- 5 % |
|||||||
Actions d'intégration des étrangers en situation régulière |
32,35 |
24,54 |
29,73 |
+ 21,16% |
||||||
Accompagnement des réfugiés |
18,17 |
20,24 |
26,73 |
+ 32,02% |
||||||
Accueil des étrangers primo arrivants |
7,44 |
40,64 |
181,90 |
+ 347,63% |
||||||
Accès à la nationalité française |
1,67 |
1,06 |
1,01 |
- 5,01% |
||||||
Total à périmètre constant |
59,62 |
95,46 |
114,9 |
+ 20,36 % |
||||||
Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016
2. La rebudgétisation de la subvention de l'OFII dans un contexte de forte augmentation des dépenses de l'opérateur
Créé en 2009, l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dispose d'une compétence générale en matière d'intégration des étrangers en situation régulière dans les cinq premières années de résidence sur le territoire français .
Jusqu'en 2016, il est financé essentiellement par des taxes affectées , correspondant aux droits de timbre acquittés par les étrangers ou aux taxes sur la main d'oeuvre étrangère due par les entreprises. Ces taxes sont complétées par une subvention pour charges de service public de l'État , et par des crédits du fonds européens d'intégration (FEI) et « Asile, migration et intégration » (FAMI).
L'adoption, en 2015 et 2016, des deux lois successives relatives à l'asile 5 ( * ) d'une part et au droit des étrangers 6 ( * ) d'autre part , a considérablement renforcé les missions dévolues à l'OFII.
S'agissant de l'asile, l'OFII est désormais un acteur majeur du dispositif d'orientation, d'accompagnement et de gestion des demandeurs d'asile , en étant chargé du premier accueil des demandeurs, de la gestion du parc d'hébergement et de la gestion de l'ADA. En outre, l'OFII assure une partie du financement nécessaire aux opérations exceptionnelles conduites à Calais et dans les campements parisiens (démantèlement, transports, etc.).
S'agissant du droit des étrangers et de l'intégration, les missions de l'OFII ont été également revues à la hausse : refonte du parcours d'intégration autour d'un contrat d'intégration républicaine (CIR), qui comprend un entretien individuel plus personnalisé, renforcement de la formation civique (deux jours, contre deux heures auparavant), relèvement des exigences de connaissance de la langue pour les étrangers.
Dans le même temps, l'allègement de certaines missions antérieures, notamment la visite médicale, n'est pas encore entré en vigueur.
Dans ce contexte, les dépenses de l'opérateur sont en nette augmentation, puisqu'elles passent de 166,2 millions d'euros en 2015 à 207,7 millions d'euros dans le budget initial de 2016 . Cette hausse est principalement portée par le dynamisme des dépenses d'intervention, qui passent de 83,1 millions d'euros en 2015 à 117,8 millions d'euros en 2016 (+ 41 %) .
Face à cette évolution, l'OFII a bénéficié en 2016 d'une augmentation de ses ressources, soit 179,9 millions d'euros :
- 140,7 millions de taxes affectées ;
- 22,6 millions d'euros de subvention de l'État (38,9 millions d'euros dans le budget initial, réduits en cours de gestion par le décret d'avance du 2 juin 2016 7 ( * ) et par la réserve de précaution) ;
- 1,3 million d'euros de frais de gestion de l'ADA ;
- 15,3 millions d'euros d'autres ressources, notamment de subventions européennes.
Le différentiel entre les charges et les produits conduira en 2016 à une baisse du fonds de roulement de l'OFII, estimé à 32,5 millions d'euros à fin 2016 .
Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une subvention de 181,9 millions d'euros , dont 133 millions d'euros au titre des taxes affectées rebudgétisées. Ainsi, le montant de la subvention prévisionnelle en 2017 est en augmentation significative par rapport aux ressources d'État effectivement versées en cours d'année 2016 (163,3) 8 ( * ) . Il convient de souligner que le plafond d'emploi de l'opérateur, qui passe de 936 ETPT à 1 014 ETPT (+ 78), suit la même évolution .
Toutefois, il demeure un différentiel de financement de l'ordre de 25,8 millions d'euros entre les dépenses prévisionnelles 2016 - qui devraient pourtant encore croître en 2017 - et la subvention de l'OFII prévue pour 2017 . Ce différentiel ne pourra pas être intégralement compensé par les subventions européennes, dont le produit s'établit chaque année à environ 10 millions d'euros. En conséquence, votre rapporteur spécial constate l'insuffisance de la subvention à l'OFII, qui se traduira par un nouveau prélèvement sur le fonds de roulement de l'opérateur, voire une réduction de ses interventions pourtant prioritaires pour l'intégration des réfugiés et des étrangers .
Au total, bien que la hausse des crédits et des emplois en faveur de l'OFII constitue un motif de satisfaction, cet effort semble encore trop limité pour faire face à l'augmentation massive des charges de cet opérateur, au regard des réformes engagées et de l'afflux migratoire .
3. La poursuite de l'effort de financement des actions d'intégration
La loi précitée relative au droit des étrangers dispose que les étrangers primo-arrivants signent un contrat d'intégration républicaine (CIR) qui prévoit de les amener, à l'issue d'un an, au niveau A1 en langue française et, à l'issue de cinq années de présence en France, au niveau A2.
La formation linguistique correspondant à la première marche, au cours de la première année sur le sol français, est financée par l'OFII dans le cadre de l'action 11 « Accueil des étrangers primo-arrivants ».
La seconde marche, devant permettre le passage du niveau A1 au niveau A2, est financée par l'action 12 « Accompagnement des étrangers en situation régulière » du programme 104. En raison de la réforme qui organise le relèvement du niveau de langue, il était prévu que cette action voit ses crédits augmenter de façon régulière sur cinq ans . Ainsi, après une augmentation de 3 millions d'euros entre 2015 et 2016, la dotation de cette action progresse de 5,2 millions d'euros, pour atteindre 29,7 millions d'euros .
4. Les centres provisoires d'hébergement : une création de places trop réduite pour répondre à l'enjeu d'intégration des réfugiés
L'action 15 du programme 104 porte essentiellement les crédits destinés au financement de l'hébergement des réfugiés, en particulier les centres provisoires d'hébergement (CPH) .
Le projet de loi de finances pour 2017 poursuit la dynamique lancée par la loi de finances pour 2016, à la suite du rapport d'information de votre rapporteur spécial 9 ( * ) et des reprises de ses conclusions dans la loi portant réforme de l'asile. Ainsi, après la création de 500 places en 2016, le projet de loi de finances pour 2017 prévoit la création de 500 nouvelles places de CPH, portant le parc à un total de 2 101 places , soit un doublement par rapport à 2015. Il convient de signaler que l'action 15 finance également d'autres places d'hébergement pour les réfugiés, similaires aux CPH, pour un total de 3 millions d'euros (CADA-IR de Forum réfugiés et Dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires [DPHRS] de France Terre d'Asile).
L'enveloppe consacrée à la présente action est ainsi en forte augmentation, passant de 20,6 millions d'euros à 26,7 millions d'euros .
L'augmentation du nombre de places, que votre rapporteur spécial avait appelée de ses voeux, est une nécessité dans le contexte de la crise migratoire. En effet, le nombre de demandeurs d'asile à qui la protection est accordée est plus important que jamais et pourrait atteindre plus de 35 600 personnes en 2016 , au regard du taux d'admission constaté sur le premier semestre 2016.
Nombre d'admissions à la protection
(y
compris protection subsidiaire et apatride)
(1) Estimation prévisionnelle 2016 sur la base du nombre d'admissions au 1 er semestre (12 060) et du taux d'admission constaté (37,1 %)
Source : commission des finances
Ainsi, sur la période 2013-2016, alors que le nombre de réfugiés a plus que triplé, le parc de CPH, déjà sous-calibré, a seulement augmenté de 50 % pour atteindre 1 500 places à la fin de l'année 2016 . Compte tenu de la faible rotation en CPH, où les réfugiés séjournent en moyenne une année, seul un réfugié sur vingt-six a donc accès à une place dédiée en CPH en 2016 . La sous-capacité du dispositif d'accueil, déjà manifeste s'agissant des demandeurs d'asile, est plus criante encore s'agissant des réfugiés.
Pourtant, les besoins de parc dédié sont d'autant plus importants que l'occupation de places en CADA par des réfugiés de plus en plus nombreux réduit la fluidité du dispositif. En outre, les réfugiés, qui sont souvent des hommes isolés jeunes, sont un public de moins en moins solvable, car n'ayant pas l'âge minimum de 25 ans ouvrant le droit au revenu de solidarité active (RSA).
LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement visant à :
- augmenter les crédits (+ 23,4 millions d'euros sur le programme 303 et + 1,6 million d'euros sur le programme 104) pour financer la prise en charge des migrants de Calais , d'une part ;
- réduire les crédits, afin de gager les ouvertures de crédits sur cette mission et sur d'autres (- 3,5 millions d'euros sur le programme 303 et - 10 millions d'euros sur le programme 104).
Au total, cet amendement augmente donc légèrement les crédits sur le programme 303, sans pour autant assurer une budgétisation sincère, et réduit les crédits sur le programme 104, l'éloignant plus encore de la réalité des besoins en matière d'intégration .
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 3 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration », et a entendu sa communication sur le plan de création de places en centres d'accueil de demandeurs d'asile.
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Je le dis d'emblée, comme l'année précédente, je ne proposerai pas d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Il ne s'agit pas d'ouvrir un débat, qui n'a pas lieu d'être en commission des finances, sur la politique migratoire du Gouvernement, que je désapprouve. Mon désaccord tient plutôt au fait que le Gouvernement ne met pas en place les moyens de sa propre politique ! Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, je ne comprends pas qu'un gouvernement ne traduise pas sa politique dans son budget.
Or, le nombre de demandeurs d'asile s'accroît considérablement -d'environ 50 000 demandeurs par an en 2010, nous sommes passés à 60 000 en 2014 et leur nombre devrait atteindre 100 000 en 2016 -, mais les moyens de leur accueil ne sont pas assurés. Il eût fallu un programme d'urgence, que je réclame depuis plusieurs années, car ces personnes sont, de fait, présentes sur le territoire. Certes, des efforts sont faits, mais ils ne sont pas à la hauteur de la situation. Au final, on ne peut que constater que le fossé s'élargit encore entre les demandes et les capacités.
Les deux programmes de la mission, 303 et 104, affichent des augmentations de crédits importantes, mais la réalité est plus contrastée. Par exemple, les moyens de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qui était financé par des taxes affectées, sont rebudgétisés. Ainsi, à périmètre constant, les crédits de la mission ne progressent pas de 30 %, comme affiché, mais de 14,8 %. Cela reste certes un bel effort, mais qui demeure insuffisant.
Il en va de même avec les centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) : un important programme de construction a bien été lancé depuis 2013, qui devrait aboutir à un total de 40 000 places en 2017, mais il se fait pour partie au détriment des places en hébergement d'urgence. Or, ce système de vases communicants ne peut perdurer alors que le nombre de demandeurs d'asile augmente dans de telles proportions. En outre, étant très loin de disposer du nombre de places d'hébergement nécessaires, l'on est contraint de compenser en puisant dans l'hébergement d'urgence de droit commun, qui relève du programme 177, extérieur à cette mission.
Une politique dite de mise à l'abri a été lancée pour l'évacuation de l'ensemble des campements de France, à Calais et à Paris. Un schéma national de répartition a été adopté ; le raisonnement qui le sous-tend est positif, mais il n'est pas viable.
J'en veux pour preuve la situation de l'Île-de-France. À Stalingrad, le campement, qui a été déjà évacué plusieurs fois cette année, compte aujourd'hui environ 3 000 personnes - qui seront sans doute proches de 4 000 après l'annonce de l'évacuation... On peut donc dire qu'il y aura eu sur place plus de 10 000 personnes en 2016, alors que le nombre de places en CADA est très faible dans la région - et le nombre de places supplémentaires prévues pour l'Île-de-France dans le budget 2017 ne dépasse pas 169 ! Comment prétendre organiser des mises à l'abri à ce compte ? Le Gouvernement envoie les migrants en province, mais on estime qu'une grande partie d'entre eux reviennent très vite en région parisienne. Ils ont en effet noué des liens avec des membres de leur communauté, veulent rester près des organismes qui gèrent leur dossier et des opportunités de travail.
Cela s'apparente à une véritable course poursuite ! On le voit bien, puisque le préfet de région demande à réquisitionner des gymnases ou des bases de loisirs dans telle commune pour quelques mois et le fera dans telle autre pour la période suivante... On comprend que les collectivités soient réticentes... On décale le problème, sans trouver de solution pérenne !
Parallèlement à l'accroissement du nombre de demandeurs d'asile, on observe, comme cela est logique, une forte hausse dans l'attribution du statut de réfugié. Ils devraient être 35 000 en 2016, mais cela laisse entière la question de ceux à qui le statut n'est pas accordé.
Ajoutons à cela que dans le cadre du plan de relocalisation de l'Union européenne, la France n'a accueilli que 2 000 personnes environ, quand 31 000 étaient prévus... qui peuvent à tout moment s'ajouter aux arrivées, pour peu que l'Union européenne, ou l'Allemagne, nous rappelle à nos engagements. Or, nous savons qu'en 2017, on peut s'attendre à l'arrivée de 100 000 à 110 000 demandeurs d'asile, indépendamment des relocalisés.
Au total, je ne conteste pas les efforts qui ont été fournis, mais les moyens ne suivent pas. L'augmentation des crédits reste insuffisante au regard des besoins. Pour la seule région Île-de-France, on consomme 80 millions d'euros du programme 177, qui devraient normalement aller à l'hébergement d'urgence de droit commun.
Le Gouvernement a fait un effort en confiant la gestion de l'allocation pour les demandeurs d'asile (ADA), auparavant gérée par Pôle emploi, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Les dépenses au titre de l'ADA, en 2016, avoisineront 315 millions d'euros. Pour 2017, le budget prévoit 100 millions d'euros de moins, alors que le versement de l'allocation dure au moins le temps d'examen du dossier et que rien ne laisse penser que le nombre de demandeurs baissera... Ce ne sont pas 220 millions d'euros, ni même 315 millions d'euros qu'il aurait fallu prévoir, mais 380 millions d'euros ! Bref, l'insincérité de ce budget est manifeste, et je la dénonce tous les ans. Sans compter que certains crédits sont systématiquement gelés en cours d'année, ce qui est absurde, car les gens sont bel et bien présents sur le territoire.
On pourrait imaginer une diminution des crédits de l'ADA si les procédures étaient raccourcies. Des efforts sont faits : en 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) comptera ainsi 140 équivalents temps plein supplémentaires. La formation de ces agents dure toutefois six mois, et le nombre de demandeurs augmente incomparablement plus vite. En sorte qu'en 2015, le délai moyen d'examen des dossiers était de 215 jours, loin de l'objectif de 90 jours... Le stock de dossiers en instance au 1 er juillet 2016 est supérieur à celui constaté en 2015.
Le système du schéma national procède d'un bon principe, mais il ne fonctionne pas. Parce qu'on ne crée pas suffisamment de places en CADA, on siphonne, en recourant à l'hébergement d'urgence de droit commun, les crédits du programme 177.
Quant aux crédits de la lutte contre l'immigration irrégulière, ils ne croissent qu'en apparence, car cette hausse est liée à une enveloppe dédiée à la situation de Calais. Les reconduites à la frontière, ainsi que le Gouvernement le reconnaît lui-même, ont été moins nombreuses en 2015, parce que les forces de police sont massivement mobilisées sur les plans Vigipirate et Sentinelle : elles n'étaient que de 19 000 en 2015, contre 27 000 en 2013.
S'agissant du programme 104 qui, dédié à l'intégration, me tient particulièrement à coeur, les crédits destinés à la formation linguistique et les crédits de l'OFII augmentent faiblement. Le budget total de l'Office atteint 181 millions d'euros, c'est-à-dire moins que ce qui devrait être consommé en 2016, alors que l'on ne cesse de lui demander d'en faire plus. On ne peut simultanément demander à l'OFII d'aider davantage de personnes à s'intégrer et diminuer ses moyens ! L'intégration des migrants demande un personnel dévoué et une vraie vision de la politique migratoire. C'est le cas au ministère de l'intérieur, à l'Ofpra et à l'OFII, mais tous sont soumis à ces contraintes budgétaires. Les créations de postes sont très insuffisantes, de même que celles de places en CADA ou d'hébergement d'urgence. La situation, surtout en Île-de-France, ne peut pas continuer ainsi.
Il y a deux ans, j'avais préconisé d'adopter ces crédits ; l'an dernier, de les rejeter. Je ne peux cette année proposer d'adopter un budget à ce point insincère : prévoir des crédits inférieurs à ce qui a été consommé l'an dernier alors que l'on sait que les besoins vont croissant, ce n'est pas conforme à la politique affichée, et ce n'est pas raisonnable.
Mme Michèle André , présidente . - Les reconduites à la frontière requièrent l'accord des pays concernés. Or, le rapport le précise bien, la question est plus large que celle de la guerre en Syrie. De nombreux migrants viennent par exemple du Soudan, un pays où sévit une effroyable guerre civile, et dont les autorités ne sont pas disposées à conclure de tels accords.
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - En effet, les réfugiés syriens ou irakiens veulent majoritairement se rendre en Allemagne ou dans les pays du Nord. Ceux qui demeurent sur notre territoire proviennent majoritairement des pays africains, comme l'Érythrée, l'Éthiopie, le Soudan ou le Mali, où la situation politique et militaire est pour le moins compliquée.
M. François Patriat . - Je remercie le rapporteur pour son analyse lucide, mais je ne partage pas sa conclusion : rejeter des crédits insuffisants n'est pas une solution !
Je voudrais apporter un témoignage. J'habite en Bourgogne dans un village de 1 600 habitants auquel le Gouvernement a demandé, il y a vingt mois, d'accueillir 80 réfugiés. Les médias se sont empressés de monter le sujet en épingle, attisant les inquiétudes. Mais la municipalité, les associations, les enseignants et les bénévoles ont finalement pris les choses en main et, vingt mois plus tard, l'opération se révèle une réussite. En réalité, le sentiment des populations peut changer très rapidement. La commune accueille toujours une vingtaine de réfugiés, plus jeunes, majoritairement originaires de Syrie et de pays arabes. Nous devrions, avec l'aide des médias, faire connaître de tels exemples d'intégration réussie, et encourager le dialogue pour faciliter les relocalisations.
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - J'ai examiné plusieurs exemples d'installations de réfugiés sur le territoire, il me semble que l'acceptation des populations fait défaut lorsque l'État se contente de réquisitionner un bâtiment public ; lorsqu'en revanche il relocalise les gens dans des communes pourvues de logements vacants ou de centres dédiés, où sont implantées des associations et des réseaux d'accompagnement, les choses sont beaucoup plus simples.
Mme Michèle André , présidente . - En examinant tous les exemples d'accueil sur nos territoires, nous pourrions, sans chercher à mettre de l'huile sur le feu, rassembler une utile documentation des projets d'intégration réussis.
M. Philippe Dallier . - Le rapporteur a eu le courage de s'essayer à chiffrer ce qui relève du programme 177 mais devrait en réalité peser sur les programmes dont il a la charge. Comment ces 80 millions d'euros ont-ils été calculés ?
Entre les demandeurs d'asile, les déboutés et personnes « à droits incomplets » - doux euphémisme -, les places en CADA et d'hébergement d'urgence sont très insuffisantes. Il n'y a pas de chiffre officiel, mais ceux que l'on obtient en parcourant le terrain indiquent que la moitié des bénéficiaires d'un hébergement d'urgence en Île-de-France sont en situation irrégulière. Ils ne peuvent donc pas en sortir, et c'est ainsi que le système arrive à l'embolie.
M. Claude Raynal . - Je remercie à mon tour le rapporteur pour la cohérence de ses rapports, année après année, et l'équilibre de sa présentation, même si je n'en partage pas toutes les conclusions. Il conviendrait même de la diffuser sur les chaînes d'information en continu, où les candidats à la prochaine échéance électorale n'auront que quelques secondes pour exposer leur vision du sujet...
Il faut souligner les progrès réalisés depuis quelques années. Construire de nouvelles places en CADA n'est pas simple : il faut trouver un terrain, obtenir l'accord de la collectivité concernée, la construction elle-même prend du temps... Le Gouvernement fait face à l'urgence, même si beaucoup reste à faire. La question du juste niveau de crédits à budgéter en loi de finances est plus complexe qu'il n'y paraît : il faut répondre aux nécessités, sans créer d'appel d'air.
Nous ne suivrons pas le rapporteur dans sa conclusion. Nous ne pouvons qu'encourager les améliorations, année après année, en constatant les progrès accomplis.
M. Antoine Lefèvre . - Je partage pour ma part l'inquiétude du rapporteur. Ma commune, qui a reçu des réfugiés évacués de la jungle de Calais, ne recevra plus de crédits dans six mois, m'a dit le préfet. Je crains que nous ne puissions faire face.
M. Yannick Botrel . - Je salue à mon tour le travail du rapporteur, même si nous ne saurions partager ses conclusions. Après le démantèlement de la jungle de Calais, chacun a dû prendre sa part. Dans les Côtes-d'Armor, une trentaine de migrants ont été accueillis dans un centre des oeuvres sociales de EDF à Trébeurden, et autant à Trégastel. La population locale s'est inquiétée. Le responsable du Front national au conseil régional a aussitôt entrepris d'échauffer les esprits, en débarquant à la tête d'une cinquantaine de manifestants, mais les soutiens au maire se sont révélés dix fois plus nombreux. De fait, qu'est-ce qu'accueillir quelques dizaines de migrants pour quelques mois dans une station balnéaire qui accueille sans difficulté des milliers de touristes chaque été ? Au demeurant, l'État a pris ses responsabilités en prévoyant, pour répondre aux inquiétudes de l'opinion publique, une surveillance plus appuyée de la gendarmerie.
Dispose-t-on d'éléments, pour alimenter notre réflexion, sur l'intégration des réfugiés au terme de quelques années ?
Mme Marie-France Beaufils . - Ce rapport est très riche. Je partage l'inquiétude qu'il exprime, car chaque année, ces crédits sont insuffisants, alors que la paix dans les pays de provenance des réfugiés est rien moins qu'assurée.
Il y a trois ans, nous avons accueilli dans un foyer de la SNCF 75 migrants dont 35 enfants, et ils y sont toujours ! Je regrette cependant le manque de moyens en faveur de l'apprentissage du français ; lorsque j'en sollicite, on me suggère de prendre sur les crédits de la politique de la ville... On ne pourra pas indéfiniment faire face avec des bouts de ficelle.
Nous avons, nous aussi, reçu des réfugiés évacués de Calais - Soudanais pour la plupart, hormis deux Erythréens. J'espère que les moyens seront au rendez-vous. Sans la participation d'Adoma, ainsi que de bénévoles, nous n'y arriverions pas. Mais le bénévolat, le monde associatif, ne sauraient apporter une solution pérenne, et la fragilité des populations augmente avec le temps. Il n'y a pas d'autre solution que de doter les organismes officiels de moyens à la mesure des enjeux. Ceux prévus pour 2017 sont très insuffisants.
M. Francis Delattre . - Les crédits dédiés à l'aide médicale d'État (AME) devraient être inclus dans cette mission. Leur volume est analogue, environ 800 millions d'euros. L'AME, réservée aux étrangers en situation irrégulière depuis plus de trois mois, bénéficie en réalité à 300 000 personnes, essentiellement des déboutés du droit d'asile, qui obtiennent un droit de tirage en frais médicaux dont l'utilisation n'est pas contrôlée. Les urgences des hôpitaux, prises en otage, font payer la facture à l'assurance maladie. Rattacher ces crédits à la présente mission permettrait à l'appareil d'État qui supervise l'immigration d'identifier précisément la population qui a vraiment besoin de l'AME. Sur les 800 millions d'euros que constitue cette dépense de guichet devenue incontrôlable, seuls 40 millions sont justifiés par la nécessité d'une prise en charge d'urgence.
M. Marc Laménie . - Je salue à mon tour le travail pédagogique du rapporteur sur ce sujet extrêmement sensible. L'Ofpra a bien sûr besoin de moyens humains, tout comme l'OFII. Comment leurs effectifs sont-ils répartis sur le territoire ?
Le rapport indique que les communes ne sollicitent pas suffisamment l'aide qui leur est proposée, sans doute par méconnaissance. Comment améliorer l'utilisation du dispositif ?
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Pour répondre à Philippe Dallier, ce chiffre de 80 millions d'euros provient de la direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement d'Île-de-France, sur la base des crédits utilisés pour les mises à l'abri : selon elle, 80 % des personnes mises à l'abri relèvent in fine de la demande d'asile. C'est une estimation, mais elle est fiable.
La construction de places en CADA ne prend pas tant de temps : de douze et dix-huit mois entre la décision et leur livraison. Il est en définitive plus facile de créer des places en CADA que de relocaliser des familles dans des communes dépourvues de structures d'accueil et d'accompagnement.
Monsieur Lefèvre, les préfets sont tous dans la même situation : il n'y a plus de crédits et il faut trouver des solutions transitoires, de trois à six mois...
Monsieur Botrel, malgré mon souhait exprimé depuis 2014, on ne sait rien de la qualité de l'intégration des réfugiés. Nous avons même eu beaucoup de mal à obtenir une légère augmentation du niveau de français requis. En tout état de cause, si les cours sont obligatoires, la réussite à l'examen final ne l'est pas...
Madame Beaufils, il faut en effet investir dans l'intégration ; à défaut, le risque est grand de provoquer des réactions de rejet. C'est pourquoi je plaide pour l'augmentation des crédits du programme 104. Je reconnais toutefois que, d'une manière générale, l'arrivée massive de réfugiés fait exploser le système. Les associations elles-mêmes reçoivent moins de crédits, et les reçoivent tardivement - ceux de l'Union européenne, au bout de trois ou quatre ans. Si la commune que vous citez reçoit une population familiale, les réfugiés sont désormais majoritairement des hommes isolés. Or beaucoup de places en CADA ont été conçues pour des familles ou des couples...
Mme Marie-France Beaufils . - Je parlais de la première vague, arrivée il y a trois ans. Les nouveaux arrivants, en provenance de Calais, sont en effet des hommes seuls.
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - Monsieur Delattre, la Cour des comptes analyse les crédits de l'AME conjointement avec ceux des programmes 303, 104 et une partie du programme 177. Je partage votre logique, et je suis sûr que le rapporteur spécial de la mission « Santé » sera un jour écouté ...
Monsieur Laménie, le personnel de l'Ofpra et de l'OFII se trouve là où il existe des CADA, il est nombreux dans les grandes préfectures, où les demandes sont nombreuses. Il est également présent dans les hot spots , en Italie, en Allemagne.
Mme Michèle André , présidente . - Merci à tous pour la qualité de ce débat. Puisse le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes en avoir écho.
À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » .
*
* *
Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.
* 1 La clé de répartition est fonction des critères suivants : taille de la population : pondération de 40 % ; PIB : pondération de 40 % ; nombre moyen de demandes d'asile antérieures : pondération de 10 %, et taux de chômage : pondération de 10 %.
* 2 Certaines associations avancent le chiffre de 9 000 migrants.
* 3 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.
* 4 Rapport d'information n° 105 (2013-2014) « L'allocation temporaire d'attente : pour une refonte globale de la gestion de l'asile », 30 octobre 2013.
* 5 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.
* 6 n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
* 7 Décret n° 2016-732 du 2 juin 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.
* 8 En outre, il convient de noter que la réserve de précaution, dont le taux n'est pas encore connu, ne sera pas appliquée à la subvention de l'OFII correspondant à la re-budgétisation des taxes affectées.
* 9 Rapport d'information n° 97 (2014-2015) : « Les centres provisoires d'hébergement : remettre l'accueil et l'intégration des réfugiés au coeur de la politique d'asile », 12 novembre 2014.