EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 2 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Jacques Chiron et Bernard Lalande, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Jacques Chiron , rapporteur spécial . - La mission « Économie » est un ensemble hétéroclite de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie. Ils prennent la forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d'exonérations fiscales. Cette mission comprend aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en oeuvre de ces politiques.

Sans tenir compte des importants changements de périmètre qui interviennent cette année, les crédits de la mission « Économie » demeurent stables en 2017, s'élevant à 1,9 milliard d'euros - soit une hausse de 0,4 %.

Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », qui comprend la moitié de ces crédits, affiche une baisse de 1,1 % inégalement répartie. Les dépenses de personnel augmentent de 1,8 %, ce qui, compte tenu de leur rigidité, représente un effort réel : 22 équivalents temps plein (ETP) sont supprimés en 2017, pour un plafond d'emplois de 5 079 équivalents temps plein travaillé (ETPT). La stabilité des dépenses de fonctionnement, au contraire, est plutôt le signe d'un effort insuffisant, alors qu'il existe encore des marges de manoeuvre, en particulier en matière d'immobilier ou de fournitures. Les subventions aux opérateurs diminuent de 2,9 %, une baisse essentiellement supportée par Business France - j'y reviendrai. Mais l'essentiel de l'effort budgétaire de ce programme réside dans la réduction continue des crédits d'intervention en faveur des entreprises, qui affichent une baisse de 6,4 % (16,2 millions d'euros). Cette réduction est en elle-même nécessaire, tant les dispositifs concernés sont multiples, peu lisibles et gérés en silo par des intermédiaires peu évalués. Reste que la logique du rabot finira par trouver ses limites, et qu'il faudra bien mener un jour remettre les choses à plat - cet effort de rationalisation est au demeurant déjà engagé.

Ainsi du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) dont la dotation baisse encore de 9 % en 2017 pour s'établir à 16,5 millions d'euros, en cohérence avec la réforme de 2014 organisant le passage d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets. Mais cette réforme n'a pas rendu la programmation budgétaire plus fiable pour autant. Voici deux exemples. L'année dernière, nous avions demandé, avec la présidente Michèle André, le déblocage de 12,5 millions en faveur des stations-service de proximité, pour traiter le stock de dossiers en attente : le Gouvernement avait refusé... pour finalement débloquer cette somme en mai 2016. Deuxième exemple : la mobilisation d'un million d'euros du Fisac pour la revitalisation des centres-villes, annoncée il y a dix jours par la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, Martine Pinville.

Le programme 220, qui porte les crédits de l'Insee, s'élève à 454 millions d'euros en 2017. La hausse de 3,8 % tient surtout à la rallonge de 11 millions d'euros compensant la baisse de recettes liée à la prochaine entrée en vigueur de la gratuité des données publiques. Pour le reste, l'Insee mène un effort notable de maîtrise de ses dépenses, soumis cependant aux incertitudes qui entourent le déménagement au Centre statistique de Metz. Seuls 315 agents étaient présents à la mi-2016, sur les 400 attendus pour 2017 - objectif déjà revu à la baisse. Un certain nombre de ces agents ont été recrutés pour l'occasion en externe, ou sont issus d'autres administrations...

Les crédits du programme 305 sont stables, à 427 millions d'euros. Après une forte baisse ces dernières années, la subvention à la Banque de France (250 millions d'euros) ne varie plus : visiblement, les économies liées à l'allègement des procédures de surendettement ont atteint leurs limites, du moins à court terme. Il convient désormais de dégager des économies structurelles dans les coûts fixes.

On note aussi une hausse des dépenses de personnel des services économiques de la direction générale du Trésor, en dépit de la rationalisation de son réseau international. Réaliser des économies en regroupant certains postes à l'étranger sans compromettre les capacités de la France est un exercice difficile. Nous avons néanmoins pu constater, lors de notre visite au consulat français de San Francisco en avril 2015, l'efficacité du travail et la bonne coopération entre les agents de la direction générale du Trésor, de Business France et de Bpifrance.

Ces deux dernières entités sont, dans le domaine de l'action internationale, les deux grands succès de ces dernières années, qui posent les bases d'un véritable État stratège à l'exportation.

La création de Business France en 2015 a rassemblé en un seul opérateur l'action de l'État en matière de soutien à l'exportation et d'attraction des investissements étrangers. Sur le fond, c'est une nette réussite : l'objectif de 10 000 PME et ETI accompagnées à l'exportation devrait être tenu dès cette année, avec près de quatorze mois d'avance. Nous avons régulièrement entendu saluer l'action de l'organisme au cours de notre déplacement aux États-Unis : si quelque chose a changé, c'est qu'aujourd'hui nous vendons nos produits plutôt que nos entreprises...

Sur le plan budgétaire, la fusion d'Ubifrance et de l'Agence française des investissements internationaux (Afii) a également permis des gains de productivité, même si des économies sont encore possibles. Surtout, Business France a développé une véritable offre commerciale avec l'objectif d'en tirer plus de la moitié de ses ressources. Les premiers stades de l'accompagnement des PME sont gratuits - avec un ticket modérateur - car ils relèvent d'une mission de service public. En revanche, les prestations récurrentes et personnalisées sont facturées à hauteur de 50 % des coûts pour les phases de personnalisation et d'amorçage, et jusqu'à 100 % avec marge pour les grands groupes. Dès 2015, ces recettes commerciales ont atteint 90,7 millions d'euros, au lieu des 80 millions prévus, soit 46 % des ressources de l'opérateur. Cette politique d'autonomie financière explique la baisse de 3,2 % de la dotation budgétaire de l'agence, fixée à 98,1 millions d'euros pour 2017.

La faible présence de Business France dans les territoires - une présence pourtant indispensable pour identifier les entreprises ayant un potentiel de développement international - est néanmoins problématique. Bernard Lalande et moi-même proposons, sur le modèle britannique, le rattachement à Business France d'une partie des 400 conseillers en développement international des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Ces derniers, formés, complèteraient leur expertise locale par une expertise sectorielle, par exemple dans les domaines du luxe, de l'agro-alimentaire, de la high tech , etc. Sur le plan budgétaire, cela se traduirait par une affectation d'une fraction de la taxe pour frais de chambre à CCI France, qui reverserait ensuite cette somme à Business France - soit environ 30 millions d'euros sur les 865 millions que rapportera cette taxe affectée en 2017. Aujourd'hui, les 400 collaborateurs des CCI représentent un coût de quelque 60 millions d'euros, pour un résultat qui ne donne pas beaucoup de satisfaction. La solution que nous préconisons ne plaira pas à tout le monde, mais elle aurait le mérite de l'efficacité.

Second problème, l'État stratège à l'exportation a besoin d'une identité forte et claire, notamment vis-à-vis de nos partenaires étrangers ; or les logos French Tech se multiplient à raison d'un par métropole... N'aurait-il pas été plus simple de faire cause commune, et de conserver un seul label French Tech national ?

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Pour soutenir l'économie de notre pays, mieux vaut s'appuyer sur quelques instruments forts que sur une multitude de petites aides attribuées sans vision d'ensemble. Ces instruments, il en existe déjà plusieurs.

Parmi les 77 dépenses fiscales rattachées à la mission, les plus récentes forment un ensemble cohérent et complémentaire ; elles forment un cercle vertueux qui laisse aux gouvernants la maîtrise des choix politiques et stratégiques, et des instruments fiscaux pour les mettre en oeuvre. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui représente 15,8 milliards d'euros, a permis aux entreprises de rétablir leurs marges, de s'adapter à la concurrence, de renforcer leurs fonds propres ou tout simplement de se maintenir. Il ne faut pas se tromper sur le sens du rapport de France Stratégie présenté en septembre 2016 : il est logique que les entreprises cherchent d'abord à stabiliser leur situation financière, puis qu'elles établissent un plan stratégique de développement, avant de procéder à des recrutements. Les marges rétablies ont maintenu l'emploi et même contribué à la création nette d'emplois dès 2013-2014. Nous sommes convaincus de la nécessité de renforcer ce dispositif en direction des PME et ETI.

Deuxième instrument, le suramortissement exceptionnel de 40 % a relancé l'investissement productif. Son coût budgétaire a doublé par rapport aux prévisions initiales pour atteindre un milliard d'euros, et toutes les études récentes sur l'investissement des entreprises confirment la reprise, avec un effet positif sur l'emploi.

Plusieurs dispositifs sectoriels en faveur de filières d'avenir complètent l'ensemble, dont l'amortissement accéléré des imprimantes 3D, mesure qui n'est pas aussi anecdotique qu'elle en a l'air : Jacques Chiron et moi-même l'avions proposée lors de la dernière du projet de loi de finances pour 2016, et le Gouvernement l'a reprise dans le cadre du collectif budgétaire de fin d'année.

Le plan « France Très haut débit » est une autre preuve que l'État, lorsqu'il s'en donne les moyens, est capable de conduire une politique ambitieuse. Portée par le programme 343, la participation de l'État au déploiement de la fibre optique se monte à 3 milliards d'euros, sur les 20 milliards prévus à horizon 2022. Le fait remarquable est que pour 2017, les autorisations d'engagement s'élèvent à 409 millions d'euros, au lieu des 150 millions d'euros initialement prévus, ce qui reflète l'accélération du déploiement qui est en cours. Les conventions signées avec les opérateurs pour la couverture des zones les moins denses ont dépassé les attentes, et l'objectif intermédiaire de 50 % de la population couverte fin 2017 pourrait être tenu avec un an d'avance. Une autre partie de la hausse s'explique par le financement d'un programme de couverture des « zones blanches » en matière de téléphonie mobile.

Autre outil à disposition de l'État stratège, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » porte les crédits du Fonds pour le développement économique et social (FDES). Réactivé en 2014 et doté de 100 millions d'euros cette année, ce fonds accorde des prêts à des entreprises en difficulté. Toutefois, au vu du faible taux d'utilisation de ses capacités - 56 % en 2015, et toujours 0 % depuis le début de l'année - la question de sa pérennité se pose : soit le FDES finance des industries et des emplois viables à long terme mais fragilisés à court terme, et alors un acteur comme Bpifrance semble plus indiqué pour prendre le relais ; soit il finance des projets non viables, et il pourrait être supprimé.

Créée en 2013, Bpifrance est, avec Business France, l'une des pièces maîtresses du nouvel État stratège que nous appelons de nos voeux. La banque publique, qui peut soit accorder des crédits, soit contribuer aux fonds propres des entreprises, reprendra également la gestion des garanties publiques à l'exportation, auparavant assurées par la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface), et qui font maintenant l'objet d'une dotation de 72,6 millions d'euros inscrite au programme 134.

Lors de nos travaux précédents, et notamment lors de notre déplacement à San Francisco en avril 2016, nous nous sommes particulièrement intéressés au financement des jeunes start-up innovantes. Grâce à ses interventions - toujours minoritaires - Bpifrance a contribué à « débloquer » le marché français du capital-risque. Sur ce marché, longtemps plafonnés à 800 millions d'euros par an, les financements de Bpifrance ont exercé un effet de levier qui a permis aux investissements en capital-risque en France de dépasser le milliard d'euros au premier semestre 2016. Paris est ainsi devenue la deuxième place européenne, talonnant Londres et devançant Berlin.

Quelques réserves cependant. D'abord, et nous insistons sur ce point, l'effet de levier menace toujours de se transformer en effet d'éviction. L'initié connaît par nature mieux le marché que celui qui a besoin de financements ; de là une certaine aversion au risque chez Bpifrance. Or les fonds privés pourraient refuser de s'engager si Bpifrance n'est pas autour de la table... Le capital-risque n'est pas un simple accompagnement, il exige une ouverture d'esprit, une réelle acceptation du risque. Il conviendrait, dans ce domaine, de disposer d'indicateurs pour mesurer non pas le « taux de survie » des entreprises, c'est-à-dire les risques, mais plutôt les perspectives dans cette économie naissante.

À cet égard, pourquoi l'Agence des participations de l'État (APE) ne disposerait-elle pas d'un portefeuille en capital-risque ? Alimenté par une fraction des autres dividendes de l'État actionnaire, ce fonds donnerait à l'APE la latitude nécessaire pour s'ouvrir davantage aux PME et ETI - alors qu'elle les considère aujourd'hui comme accessoires par rapport aux grands groupes. La croissance du capital-risque en France est réelle, mais encore très insuffisante lorsque les montants à lever dépassent 100 millions d'euros. Est-il normal que Blablacar ait dû s'adresser à des fonds américains pour lever 200 millions d'euros l'année dernière ?

Plus fondamentalement, Bpifrance est bien une institution publique, et non une banque ou un fonds d'investissement comme les autres. Son rôle est de mettre en oeuvre les orientations fixées par le Gouvernement et le Parlement.

Voilà ce que nous entendons par « État stratège ». Non pas un retour à une administration centrale rigide, aux plans quinquennaux et aux monopoles - il est facile d'ironiser sur cela -, mais un instrument rendant à l'État les moyens concrets de jouer son rôle, y compris de façon discrétionnaire, dans les situations où le secteur privé est défaillant ou soumis à un horizon de court terme. En fait, il s'agit tout simplement de permettre à l'État de prendre des décisions vraiment politiques : est-ce aux grands groupes internationaux, et notamment aux grandes entreprises du secteur du numérique, de faire la fiscalité des États ? Pourquoi l'État ne favoriserait-il pas l'acquisition ou l'émergence d'un géant du numérique ?

Voici, en attendant un travail plus approfondi, les quelques principes qui ont guidé notre réflexion et pourraient guider l'État stratège du XXI e siècle. Tout d'abord, l'agilité : l'État doit être réactif dans la fixation des priorités, et faire confiance aux acteurs comme Bpifrance, Business France ou encore l'APE. Ces acteurs doivent être organisés en réseau, le Gouvernement et le Parlement conservant la maîtrise du destin économique du pays.

Ensuite, la vision : de toute évidence, les priorités de demain seront la transition écologique et la révolution numérique, et il convient de ne négliger aucune source d'innovation.

Enfin, l'ouverture : l'État stratège n'a pas vocation à protéger les intérêts acquis à l'intérieur des frontières, mais à soutenir avec zèle l'internationalisation des entreprises françaises, de la TPE au grand groupe.

Naturellement, de telles perspectives ne se traduisent pas immédiatement en amendements de crédits. Le contrôle n'excluant pas la confiance, nous vous proposons d'adopter sans modification les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Vincent Delahaye . - Je remercie les rapporteurs pour leur travail. Toutefois, le budget de l'Insee fournit, à mes yeux, trois exemples de ce qu'il ne faut pas faire. D'abord, la gratuité des données publiques : on dit qu'elle coûterait 11 millions d'euros. Qui payait jusqu'à présent, à qui a-t-on fait ce cadeau ? Ensuite, le déménagement à Metz de certains services de l'Insee, décidé en 2008 : à ce jour, seuls 315 agents ont été transférés sur les 625 attendus, et près de 200 recrutements extérieurs ont dû être effectués à Metz... En attendant, on continue de payer les locaux des deux sites. Tout cela coûte plusieurs millions d'euros ! Pourquoi ne pas imposer le déménagement à ces agents - agents publics et à ce titre soumis à certaines obligations - comme cela se fait dans le privé ? Enfin, pour le recensement, les communes fixaient auparavant elles-mêmes le niveau de rémunération des agents recenseurs, que l'Insee leur remboursait. C'était un système souple, remis en cause par la fixation de critères nationaux dans un décret de décembre 2015... qui a entraîné une augmentation annuelle de la dotation de trois millions d'euros. Je ne peux donc pas approuver la hausse du budget de l'Insee.

M. Michel Bouvard . - Merci aux rapporteurs qui ont mis en évidence l'apport positif de Bpifrance, assemblage de structures préexistantes, certes, mais qui renforce la cohérence des politiques menées. Je partage leur souhait d'une vision stratégique, avec néanmoins de fortes réserves quant à l'idée de confier la gestion du capital-risque à l'APE : l'audace n'est pas dans sa culture.

Le programme 134 s'intitule « Développement des entreprises et du tourisme », mais les crédits alloués au tourisme sont si réduits que les rapporteurs ne les ont pas même évoqués... L'action 21, « Développement du tourisme », représente 2,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,2 millions d'euros en crédits de paiement ; l'action 22, « Économie sociale et solidaire », respectivement 4,5 millions et 4,3 millions d'euros. Ce sont des montants anecdotiques. Surtout, les crédits du tourisme sont éclatés entre la mission « Économie », le budget du ministère chargé de l'égalité des territoires et celui du ministère des affaires étrangères et du développement international. Chacun reconnaît le travail accompli dans ce domaine par le précédent ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, mais la vision d'ensemble fait défaut sur un secteur qui représente tout de même 7 % de notre PIB.

Les dépenses fiscales sont elles aussi atomisées : on trouve pêle-mêle les chèques vacances, la fourniture de logements dans les hôtels ou sur les terrains de camping classés. Alors que l'on évoque un redéploiement du dispositif « Censi-Bouvard » sur les locations de meublés non professionnelles, je mets au défi quiconque de me dire le montant total des dépenses fiscales consacrées aux résidences de tourisme pour 2014 ou 2015.

En conclusion, je plaide pour un regroupement des crédits du tourisme dans un programme unique, conformément d'ailleurs aux principes de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf).

M. André Gattolin . - Je félicite moi aussi nos rapporteurs. Les louanges adressées à Bpifrance en matière d'aide à l'investissement ne sont cependant pas partagées par les chefs d'entreprise du numérique : certains d'entre eux se voient refuser des prêts par leur banquier habituel par manque de garanties, en dépit de l'aide apportée par l'organisme censé provoquer un effet de levier. Un hebdomadaire satirique a récemment révélé l'explosion des salaires de ses cadres - entre 20 et 40 %. Attendons le rapport de la Cour des Comptes, prévu pour la mi-novembre. Le tableau est moins rose qu'il n'y paraît.

J'ai toujours été favorable aux dispositifs de suramortissement, mais il était stupide d'en créer un en 2015 pour un an seulement. À ce compte, on n'avantage que ceux qui ont déjà investi ! Alors, on prolonge la mesure d'année en année... Mais les chefs d'entreprise ont besoin de visibilité sur plusieurs années. Visiblement, il n'y en a pas beaucoup à Bercy... Nos rapporteurs estiment que l'impact du dispositif est déjà visible : je demande à voir combien d'emplois ont été créés... Pourquoi ne pas abaisser le suramortissement à 20 % tout en l'allongeant sur trois ou quatre ans ?

L'augmentation de la dotation de l'Arcep est liée à la présidence par l'Agence de l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece). On parle aujourd'hui de transformer l'Orece en service de la Commission européenne : ce serait une pure folie ! Ses avis pondèrent souvent ceux de la Commission, et sont complémentaires - en témoigne son récent avis sur l'application du principe de neutralité d'Internet. En absorbant l'Orece, en en faisant une nouvelle agence, la Commission européenne risque de mettre à mal la coopération entre régulateurs nationaux, comme lorsqu'Europol est devenue une agence communautaire. Il faudra être vigilant.

M. Francis Delattre . - Ce rapport est intéressant mais contestable. Tout d'abord, mobiliser un million d'euros pour la revitalisation des centres-villes, comme l'a annoncé la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat, est ridicule. Imaginez l'effet que cela produit... Il conviendrait d'abord de supprimer les réglementations contraignantes. Je cite souvent l'exemple des trois écrans de cinéma en centre-ville, qui réclament deux à trois ans de démarches ; les moyennes surfaces sont elles aussi soumises à un parcours d'obstacles pour obtenir différentes autorisations. Commençons par créer un environnement favorable aux implantations. Quant au Fisac, j'ai connu l'époque où son budget se chiffrait en centaines de millions, au lieu d'une quinzaine aujourd'hui... Aider les petites stations-service de proximité, c'est très bien, mais cela ne correspond pas à la vocation d'origine du fonds.

Bpifrance est une initiative intéressante, mais les « canards boiteux » qu'elle est obligée de soutenir entravent son action. Elle a sans doute un rôle d'impulsion, mais les banques privées, elles, prêtent mille milliards d'euros par an aux entreprises ! C'est sur cela qu'il faudrait agir. Il y a notamment un problème avec le financement de l'innovation : lorsqu'un dirigeant de start-up va voir son banquier, celui-ci lui demande de fournir ses trois derniers bilans... qui généralement n'existent pas ! Il y a là des règles, internes aux banques et législatives, qui doivent évoluer.

Je suis tout à fait favorable au développement du capital-risque. Pourquoi ne pas orienter la réduction d'impôt sur la fortune (ISF) pour l'investissement dans les PME vers le capital-risque, et vers les entreprises exportatrices ? Le problème est connu : l'Allemagne compte 5 000 PME et PMI tournées vers l'exportation, la France 900.

Je serai plus critique quant à la notion d'État stratège. Voyez Areva, et les dix milliards d'euros que tout cela a coûté au contribuable. Voyez ces entreprises du CAC 40 qui aujourd'hui battent pavillon étranger. Et que n'a-t-on pas entendu sur General Electric ! Pourquoi un tel acharnement du leader mondial à racheter Alstom ? Parce que l'entreprise américaine - cela n'a pas été dit à l'époque - visait en réalité notre savoir-faire en matière de turbines. Avec quatre d'entre elles, on peut produire autant d'électricité que le réacteur EPR de Flamanville. Dans le deal négocié par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, l'État devait apporter deux milliards d'euros. On n'en a plus jamais entendu parler... Voilà le problème avec l'État stratège : je suis favorable à la régulation, mais cela ne signifie pas qu'il faille intervenir en dépit du bon sens. Tout est à revoir.

Au risque de me répéter, le CICE n'entre que pour un quart dans l'amélioration de 2 % des marges des entreprises ; le reste est attribuable à la baisse du coût de l'énergie, aux fluctuations de la parité entre le dollar et l'euro, et au quantitative easing par lequel la Banque centrale européenne (BCE) donne aux banques 60 à 80 milliards d'euros par an de liquidités pour investir dans l'économie. La crise serait bien plus grave si nous n'avions pas le quantitative easing .

Bref, le concept d'État stratège me laisse dubitatif, et il faut regarder tout cela de près. On peut concevoir que l'État mène une politique économique, par la régulation, mais je ne suis pas favorable à l'intervention directe. On peut ajouter que les dirigeants d'une partie de nos grandes entreprises continuent à être nommés en conseil des ministres : ce n'est pas un très bon signe.

M. Yannick Botrel . - Je félicite les rapporteurs pour la qualité et la tonalité positive de leur travail. Business France a commencé ses activités le 1 er janvier 2015 ; les exportations sont un sujet dont l'Allemagne s'est emparée bien avant nous. Les PME faisaient parfois des coups, mais sans aller au-delà ; c'est pourquoi je me félicite que 10 000 PME et ETI aient d'ores et déjà été accompagnées. Joël Bourdin et moi-même avions, dans un rapport d'information sur les exportations agroalimentaires, mis en évidence la dispersion des énergies et des organismes chargés du soutien à l'exportation dans ce secteur.

Le rattachement des conseillers des chambres de commerce et d'industrie à Business France que vous préconisez a été amorcé dans certaines régions, en particulier en Bretagne, à la plus grande satisfaction des entreprises agroalimentaires. Celles-ci, trouvant une aide à l'échelon régional, pouvaient se passer des services d'Ubifrance. Y a-t-il une complémentarité entre l'action de Business France et ces initiatives régionales ?

M. Richard Yung . - Je félicite les rapporteurs, dont le travail nous ouvre des perspectives. Quelques remarques cependant. Je ne suis pas sûr d'être favorable au développement du réseau international de la direction générale du Trésor : la rationalisation en cours découle précisément de la séparation entre les missions économiques régaliennes, relevant du Trésor, et l'aide aux entreprises, confiée à Business France.

Il est difficile d'apprécier le travail de Business France, qui coûte quelque 100 millions d'euros par an à l'État. Vous affirmez que la moitié de ses dépenses sont couvertes par des recettes propres, mais ce n'est pas ce que j'ai entendu dans les différents postes de Business France, où par ailleurs l'opérateur et les chambres de commerces à l'étranger se livrent une véritable guerre. En théorie, Business France amène les PME de France vers l'étranger, où les CCI locales les aident à prospérer. La réalité est plus diverse, et le ministère a du mal à régulariser ce paysage. En Allemagne, tout le dispositif repose sur les chambres de commerce à l'étranger ; chez nous, il repose sur une trentaine d'organismes différents... Cela tient en partie à la structure très différente du tissu des PME en Allemagne et en France.

Business France demande environ un millier d'euros aux entreprises pour une participation à un salon, et prend en charge le reste. Mais cela ne suffit pas : tout l'enjeu est créer une relation suivie. Enfin, quels sont les indicateurs de succès ? Il convient d'y regarder de plus près.

Quant à l'opérateur Atout France - 36 millions d'euros par an, rattachés au budget du ministère des affaires étrangères et du développement international -, on ne sait pas où tout cela va, ni à quoi cela sert. Or, comme Michel Bouvard l'a rappelé, nous avons besoin de soutenir le tourisme.

M. Daniel Raoul . - Je félicite les rapporteurs dont la mission aux États-Unis a manifestement été fructueuse. Les propos de Michel Bouvard sur le budget du tourisme, auxquels je m'associe entièrement, pourraient tout aussi bien s'appliquer au logement : ces politiques sont éclatées entre différentes missions, et il est impossible de s'y retrouver. En revanche, je ne partage pas le point de vue d'André Gattolin sur le suramortissement : j'ai pu constater la réussite dans mon département.

Par ailleurs, il me semble abusif d'associer le déploiement du réseau de téléphonie mobile au label du « très haut débit », quand les opérateurs installent encore de la 3G, voire de la 2G obsolète. Mieux vaudrait installer directement la 4G ou la 5G dans les zones les plus reculées, où la fibre optique n'arrivera jamais. C'est ce que préconise le plan Juncker II.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Vous le savez, j'ai un intérêt tout particulier pour les autorités administratives indépendantes (AAI). Vous jugez modeste l'augmentation du budget de l'Autorité de la concurrence ; or 4,2 %, ce sont tout de même 914 000 euros, après une augmentation de 2 millions d'euros l'an dernier, alors même que son périmètre d'intervention a été réduit, par exemple avec la création de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer). Je suis par ailleurs choquée de constater que l'Arcep n'a pas régularisé ses dépenses immobilières et persiste à louer des locaux à des montants très exagérés, au-delà des seuils fixés par France Domaine. Il convient de suivre attentivement le dossier de l'immobilier des AAI, pour lequel vous rappelez qu'il existe des marges de manoeuvre.

S'agissant du déploiement du très haut débit sur le territoire, il s'agit évidemment, comme vous l'écrivez, d'une nécessité - mais est-ce pour autant une réalité ? La communauté d'agglomération du bassin d'Arcachon-Sud, que je préside, s'est engagée avec dans un plan « Gironde numérique 2017-2022 » de résorption des zones blanches. Je sais ce que cela nous coûte - il a fallu s'engager sur trente ans - et je ne vois venir aucun résultat avant 2022. Comment peut-on écrire que l'objectif de 50 % de la population couverte en 2017 sera tenu avec une année d'avance ? Peut-être est-ce le cas en Île-de-France...

M. Philippe Dallier . - Pas en Seine-Saint-Denis !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx . - Les promesses non tenues sur la téléphonie mobile, on les renouvelle sur le très haut débit... Prenons garde, la crédibilité de la politique commence sur des dossiers comme celui-ci, auxquels les Français sont particulièrement attentifs.

M. Thierry Carcenac . - Votre éclairage est très intéressant, tout particulièrement sur le plan « France Très haut débit ». Les opérateurs, qui doivent réaliser 6 à 7 milliards d'euros d'investissement dans les zones d'initiative privée, ne couvrent que les secteurs les plus rentables, et délaissent le reste. Dans mon département, le Tarn, ce que l'on appelle le « haut débit » n'est que de l'ADSL légèrement amélioré, pas de la fibre optique. Comment distinguer, dans les 50 % de la population considérés comme couverts, la part du véritable très haut débit et celle du débit légèrement amélioré ? Lorsque vous écrivez que 47,4 % des locaux sont couverts, s'agit-il des locaux professionnels ou seulement des logements ?

Vous soulignez la montée en charge du plan « France Très haut débit ». Mais parmi les 83 départements qui doivent présenter un schéma départemental d'aménagement numérique, seuls 50 ont obtenu un accord préalable et 20 une décision de financement. Il conviendrait d'accélérer l'instruction des dossiers.

Enfin, je rappelle couverture des zones blanches de téléphonie mobile avait été engagée par le plan Jospin... en 1999. Vingt ans après, les attentes sont toujours aussi fortes et les collectivités territoriales sont parfois amenées à financer elles-mêmes un pylône. Cela mériterait une approche différente.

D'une manière générale, les délégations de service public peuvent être utiles, mais encore faut-il trouver des opérateurs candidats... Le très haut débit est un enjeu essentiel, qui mériterait d'aller encore un peu plus loin.

M. Jacques Chiron , rapporteur spécial . - En réponse à Vincent Delahaye, la gratuité des données publiques coûte à l'Insee 11 millions d'euros, que lui payaient les collectivités territoriales et les acteurs privés. Quant aux nouveaux agents de l'Institut à Metz, ce sont pour une part des fonctionnaires d'autres administrations qui ont demandé à y être transférés. On ne peut en revanche obliger un fonctionnaire à déménager : c'est le statut de la fonction publique.

Contrairement à André Gattolin, nous avons le sentiment que Business France a établi une véritable proximité avec les entreprises. En réponse à Yannick Botrel, le problème de l'éclatement des acteurs dans le secteur agroalimentaire a été résolu en 2016, avec le transfert à Business France des missions de la Sopexa (Société de promotion des produits agricoles) en la matière, pour davantage de cohérence.

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Nous sommes en plein accord avec Michel Bouvard sur la nécessité de regrouper les crédits relatifs au tourisme, afin d'en avoir une vision d'ensemble.

M. Michel Bouvard . - Changeons le nom du programme 134, c'est une imposture !

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Si l'expression d' « État stratège » vous choque, nous pouvons envisager d'en changer. Reste que l'État doit avoir une influence sur l'économie de son pays, dans le contexte de la mondialisation, et utiliser des outils comme Bpifrance, Business France, ou des dispositifs fiscaux comme le CICE ou le suramortissement de 40 %. Sinon, c'est ouvrir la voie à une libéralisation débridée, à la domination de grands groupes internationaux. Voyez les géants du numérique : ils ne paient pas d'impôts en France, et certains d'entre eux sont déjà en train d'imposer la manière dont on distribue des colis ou le courrier dans le monde entier... Va-t-on ensuite nous demander de renationaliser ? Il vaut mieux se poser les bonnes questions en amont : ayons une politique stratégique agile, par exemple avec des outils fiscaux qui ont une influence immédiate sur l'investissement.

Nous plaidons, je l'ai dit, pour que le FDES soit intégré à Bpifrance. Un canard boiteux, ce sont tout de même des emplois et une activité économique. Sans compter qu'une entreprise qui ne vaut pas un euro peut valoir des fortunes quelques années plus tard...

M. Daniel Raoul . - Nous avons des exemples !

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - On peut critiquer le saupoudrage des dispositifs portés par la mission « Économie », mais à nous de balayer devant notre porte : après tout, c'est nous qui faisons la loi, et qui les laissons s'accumuler après année, parce que chacun demande le sien.

Bpifrance a été créée en 2013, Business France en 2015. Malgré leur jeune âge, ces organismes ont déjà des résultats. Bpifrance, qui doit récupérer certaines missions de la Coface, est un outil qui s'adresse véritablement aux PME et aux ETI : nous en avions grand besoin. Notre politique a trop longtemps été centrée sur les grands groupes, alors que la richesse d'un pays, ce sont aussi ses PME et ETI.

D'après les chiffres fournis par la mission « France très haut débit », le taux de couverture est aujourd'hui de 63 % de la population dans les zones d'initiative privée, contre 28 % dans les zones d'initiative publique. Certes, des zones blanches perdurent, comme en Saintonge, mais à l'échelle nationale nous sommes en avance sur la planification, et l'on peut espérer que les objectifs seront atteints avant 2022. Il est vrai que les crédits et priorités se sont parfois superposés, entre téléphonie mobile et très haut débit fixe...

Si nous voulons réduire notre déficit commercial, nous devons avoir une stratégie à l'exportation. Notre proposition au sujet de Business France et de CCI vise à mobiliser les correspondants sur tout le territoire. Encore faut-il que les collectivités jouent le jeu, et ne multiplient pas les logos pour se concurrencer entre elles...

Mme Michèle André , présidente . - L'illustration à la dernière page de votre rapport est éloquente !

M. Bernard Lalande , rapporteur spécial . - Nous tiendrons compte des remarques entendues, notamment de la part de Michel Bouvard et Marie-Hélène Des Esgaulx, dans la rédaction définitive de notre rapport.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'une des raisons de notre abstention est que, malgré la progression de certains indicateurs, les choses évoluent très lentement en matière de couverture du territoire par le très haut débit. Les chiffres fournis par la mission « France très haut débit » ne doivent pas être pris pour argent comptant.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

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Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

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