II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : LA NÉCESSITÉ D'UNE ENTRÉE EN VIGUEUR RAPIDE DU TEXTE
A. DES RÉSERVES SUR LE NIVEAU ARBITRAIREMENT RETENU POUR LE PLAFONNEMENT DES SEUILS RÉGLEMENTAIRES
Lors de la première lecture, votre rapporteur avait délibérément souhaité que les seuils d'application des dispositifs ne soient pas définis dans la loi, car il s'agit d'une compétence manifestement réglementaire . De plus, le niveau de ces seuils est lui-même sujet à débat : le seuil de 250 grammes, à partir duquel un drone est capable de voler en extérieur, a été retenu par les États-Unis et le Danemark ; le seuil de 1 kg correspond à la capacité d'emport d'un drone équipé d'une grenade légère, et est par exemple retenu par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) pour distinguer les drones jouets des autres engins. Enfin, la miniaturisation croissante des appareils conduit naturellement à vouloir conserver une certaine souplesse dans la réglementation.
Dans l'hypothèse, plus que probable, où le pouvoir réglementaire tarderait à prendre les mesures réglementaires d'application, le plafonnement des seuils à 800 grammes, retenu par les députés, présente l'intérêt de fixer une référence pour les constructeurs, et contribue à la sécurité juridique . En effet, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, si l' arrêté relatif à la formation et aux compétences des télépilotes de drones professionnels pourrait paraître prochainement, il n'en va pas de même pour les autres textes réglementaires d'application, pour lesquels aucune perspective n'a été fournie à ce stade.
Pour autant, l'inscription d'un tel plafonnement dans la loi pourrait éventuellement nécessiter sa révision prochaine. Certes, la réglementation européenne ne devrait probablement pas voir le jour avant 2018 : le Parlement européen examinera en première lecture un projet de règlement vers la fin de l'année. Elle sera ensuite complétée par des règles de l'Agence européenne de sécurité aérienne, qui fixeront probablement des seuils en fonction de plusieurs paramètres (poids, altitude, utilisation, vitesse). Si ces règles sont contradictoires avec les nôtres, elles pourraient entraîner un réexamen de notre législation , qu'un renvoi au décret aurait permis d'éviter.
Au-delà de ces considérations juridiques, les débats à l'Assemblée nationale ont montré toute la difficulté de retenir un niveau arbitraire sans réel fondement scientifique . De fait, la rapporteure présente ce plafonnement comme celui permettant de cibler a minima les 10 % d'appareils les plus dangereux : d'après elle, un plafonnement à 1kg ne permettrait de cibler que 6% des appareils, et priverait la loi de toute portée utile. Elle suggère également que ce plafonnement correspond à une rupture de gamme , et donc de prix, entre les drones très grand public et les autres. Votre rapporteur n'approuve pas ce raisonnement , dans la mesure où le Parrot Disco (750 grammes - 1299 €) est sensiblement au même prix que le DJI Phantom 4 (1 380 grammes - 1399 €) par exemple.
Surtout, bien qu'il ait à coeur de soutenir l'industrie française, en particulier lorsqu'elle est en pointe dans des secteurs innovants, votre rapporteur s'inquiète du fait que ce plafonnement arbitraire à 800 grammes puisse être trop facilement qualifié de protectionniste . En effet, les modèles phares de Parrot sont systématiquement en-dessous du seuil : le quadricoptère Bebop 2 pèse 500 grammes et la nouvelle aile Disco pèse 750 grammes. A contrario , les produits grand public du chinois DJI sont systématiquement au-dessus : le Phantom 3 pèse 1280 grammes et le Phantom 4 pèse 1380 grammes. Certes, DJI vient de sortir un nouveau modèle Mavic qui pèse 743 grammes, mais il n'est pas certain que cela suffise à convaincre de la neutralité du choix de 800 grammes.
Enfin, un plafonnement uniforme à 800 grammes laisse entendre que le seuil réglementaire pourrait être le même pour les différentes obligations d'enregistrement (article 1 er ), de formation (article 2) et de signalement/limitation de capacités (article 4). Ceci est co ntraire à l'esprit initial de la proposition de loi , qui vise à mettre en place une série d' obligations croissantes en fonction de la dangerosité potentielle du drone utilisé , en général corrélée à son poids. Il ne serait pas aberrant que l'obligation d'enregistrement s'impose à tous les drones capables de voler en extérieur (soit au-dessus de 250 g) et que le signalement électronique ne concerne que les plus lourds (au-dessus de 800 g par exemple).