II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Une augmentation des dépenses de contributions internationales en grande partie due au contexte de change négatif
Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » comprend, parmi les dépenses d'intervention contraintes, les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix (CIOMP) . La loi de finances initiale avait prévu à cet effet une dotation de 746,4 millions d'euros, dont 368,5 millions d'euros au titre des OMP (payables en dollar), 166,3 millions d'euros au titre des contributions internationales payables en euros et 211,5 millions d'euros au titre des contributions internationales payables en devises, en particulier en dollar.
En raison de la dépréciation de l'euro par rapport au dollar à la fin de l'année 2014 et au cours de l'année 2015, le montant des CIOMP a mécaniquement augmenté . À cet égard, vos rapporteurs spéciaux rappellent qu'ils avaient mis en garde le Gouvernement contre l'éventualité d'un tel phénomène dans leur rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2015 : « le budget a été construit sur une hypothèse de cours de 1,36 dollar pour un euro ; au moment où votre commission des finances examine les crédits de cette mission, le cours réel s'établit à 1,25 dollar pour un euro et peu de facteurs semblent plaider pour un raffermissement notable de l'euro à court terme ».
Au total, les CIOMP ont représenté une dépense de 800,1 millions d'euros, soit 53,7 millions d'euros de plus que la prévision initiale (+ 7,2 %) , malgré la stabilité du nombre d'OMP de l'Organisation des nations unies (16 missions). Il convient de noter que même la dotation pour les contributions internationales payables en euros, insensibles par définition au taux de change, s'est révélée insuffisante en gestion (9,6 millions), « du fait de l'évolution du contexte international » selon le rapport annuel de performances, notamment les contributions à l'Agence internationale de l'énergie atomique en raison de l'Iran et à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe en raison de l'Ukraine.
Ce besoin supplémentaire a été couvert par un dégel total de la réserve de précaution du programme 105 , ainsi qu'une ouverture de crédits à hauteur de 95 millions d'euros en crédits de paiement (CP) dans le cadre de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2015.
Vos rapporteurs spéciaux rappellent la nécessité d'un mécanisme de couverture du risque de change qui permette d'améliorer la prévisibilité budgétaire de cette ligne et attendent, à cet égard, les conclusions du rapport que le Gouvernement devra remettre prochainement au Parlement conformément à l'article 129 de la loi de finances pour 2016.
2. Un report de plus en plus massif des crédits relatifs aux opérations de maintien de la paix
En raison des appels à contribution tardifs de l'ONU pour le paiement des OMP, une part importante des contributions pour les OMP dues au titre de l'année 2014 avaient fait l'objet d'un report sur 2015 et ont été payées au premier semestre 2015, pour 117 millions d'euros 1 ( * ) .
Le même phénomène s'est reproduit en 2015, 190 millions d'euros au titre des OMP étant reportés sur l'année 2016 . Ce report - dont le Gouvernement français n'est pas responsable - s'aggrave donc d'année en année, puisqu'il était de 42,5 millions de 2013 à 2014 puis de 117 millions d'euros de 2014 à 2015.
Vos rapporteurs spéciaux soulignent que ces retards et reports ne sont pas compatibles avec le mécanisme d'achat à terme de devises qui a été mis en oeuvre au cours de l'année 2015 pour sécuriser le paiement des contributions 2016 : cet achat à terme permet en effet à la France de payer ses contributions au terme prévu au moment de l'achat, mais ne permet pas, sauf à constituer des réserves de devises sur lesquelles un nouveau risque de change apparaît, de reporter ce paiement de plusieurs mois, voire d'une année sur l'autre. Là encore, cela témoigne de l'urgence qu'il y a à développer un mécanisme pérenne de neutralisation du risque de change.
3. La réduction significative en gestion des crédits en faveur de l'attractivité et de la recherche
Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » comprend trois principales catégories de dépenses :
- les dépenses de fonctionnement et de personnel du réseau culturel , en France et à l'étranger ;
- les subventions pour charges de service public aux opérateurs du programme , l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Campus France, l'Institut français et Atout France ;
- les bourses de recherche et d'études , qui sont délivrées à des étudiants et chercheurs étrangers par nos services culturels à l'étranger.
Ce dernier poste budgétaire constitue la dépense d'intervention discrétionnaire la plus aisément ajustable pour le responsable de programme . Subissant les plus importantes baisses au stade de la loi de finances, cette dotation est aussi celle qui fait l'objet des annulations ou sous-consommations les plus significatives en cours de gestion. Ainsi, en 2015, la dépense de bourses d'attractivité et de recherche s'est élevée à 88,6 millions d'euros, contre 106,2 millions d'euros en loi de finances initiale ; il en allait de même en 2014 (78,3 millions d'euros contre une dotation de 101,3 millions d'euros).
Le rapport annuel de performances justifie cette moindre consommation à la fois par l'application de la réserve de précaution de 8 %, ainsi que par :
- « des contextes locaux défavorables à la mise en oeuvre de bourses (Algérie, Syrie, Irak, Turquie, etc.) » ;
- « la priorité donnée par les services de coopération et d'action culturelle aux dépenses en matière de coopération culturelle et linguistique ».
À cet égard, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les contextes locaux ne sont défavorables que dans un nombre limité de zones très localisées, et que l'échange universitaire et de recherche constitue un outil puissant de coopération culturelle et de promotion du français. Ils appellent en conséquence à une meilleure consommation de cette ligne, en utilisant pleinement le potentiel lié à la promotion des échanges universitaires .
4. Une augmentation significative des moyens d'Atout France, appelée à se prolonger
L'année 2015 a été marquée, s'agissant du programme 185, par l'intégration de la subvention à l'opérateur chargé du tourisme en France, Atout France, auparavant porté par la mission « Économie ».
Atout France est financé à parité par une subvention de l'État et par des contributions de ses membres, en particulier les collectivités territoriales et, à titre plus accessoire, les entreprises. La subvention de l'État avait été fixée à 30,4 millions d'euros dans la loi de finances initiale ; au total, 33,2 millions d'euros ont été versés par l'État à Atout France (+ 2,8 millions d'euros) . Cet écart résulte non seulement d'une mesure de transfert, mais aussi, pour un million d'euros, d'une subvention complémentaire décidée en cours de gestion. Les ressources propres d'Atout France ont également augmenté, passant de 32 millions d'euros à 36,7 millions d'euros en 2015.
Au total, Atout France a pu développer ses interventions de promotion touristique, dont les dépenses ont augmenté de près de 3 millions d'euros .
En 2016, Atout France devrait bénéficier pour la première année d'un mécanisme d'attribution de produits relatifs aux visas, demandée par vos rapporteurs spéciaux. Ce mécanisme augmentera le budget de l'opérateur, qui se rapprochera ainsi du budget de ses principaux concurrents britanniques ou espagnols, conformément à l'objectif de développement touristique fixé par le ministère des affaires étrangères et du développement international.
5. Une exécution des bourses scolaires aux élèves français à l'étranger difficile à apprécier
Les aides à la scolarité des élèves français scolarisés dans le réseau des établissements français à l'étranger sont portées par le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ». L'exécution de cette dotation est difficile à apprécier, compte tenu de modifications des règles de comptabilisation de ces bourses au sein du budget de l'AEFE (qui les verse aux élèves). Ainsi, le rapport annuel de performances fait apparaître un montant de consommation de 89,5 millions d'euros, contre une dotation initiale de 125,5 millions d'euros (application de la réserve de précaution de 8 % et annulation de 26 millions d'euros).
Vos rapporteurs spéciaux avaient déjà indiqué dans leur rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2016 que le montant de 26 millions d'euros annulés en sus de la réserve initiale de précaution correspond à une avance de trésorerie à l'AEFE non utilisée au cours de l'année comptable de référence. L'AEFE présentait en effet une « trésorerie » positive de 42 millions d'euros sur le montant des bourses, qui est écrêtée en deux fois par annulation de l'enveloppe des bourses : 26 millions d'euros en 2015, et 16 millions d'euros en 2016.
D'après le rapport annuel de performances, l'AEFE a ainsi versé aux élèves ( via les établissements) un total de 99,8 millions d'euros - y compris un effet-change négatif de 2,7 millions d'euros pour les bourses scolaires versées en devises -, contre 106,5 millions d'euros en 2014 . Le nombre de bourses s'établit à 25 740, contre 25 830 en 2014.
Au total, bien que l'annulation de 26 millions d'euros soit en effet sans impact sur le montant effectivement disponible au titre des bourses, l'exécution 2015 se caractérise bel et bien par une diminution du montant total de bourses effectivement versé (-6,7 millions d'euros) . La stabilité du nombre de bourses illustre la mise en oeuvre des nouveaux principes qui président à leur répartition, en particulier la réduction des bourses à taux plein.
Dans ce contexte et au regard des conclusions de l'enquête commandée à la Cour des comptes en application de l'article 58 2° de la loi organique aux lois de finances, vos rapporteurs spéciaux seront, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, particulièrement vigilants sur le montant de la dotation initiale et les conditions prévisionnelles de son exécution.
6. Le financement de la COP 21 : des dépenses plus importantes que prévu sur l'événement, compensées par une moindre dépense sur la préparation
Le programme 341 provisoire portant les crédits de la préparation et de l'organisation de la COP 21 à Paris présente, en raison des particularités de l'évènement, une chronique budgétaire irrégulière sur les deux années 2015 et 2016 : l'essentiel des autorisations d'engagement étaient portées par l'exercice 2015, tandis que les crédits de paiement sont principalement portés par l'exercice 2016, en raison du paiement des factures pour des prestations effectuées en décembre 2015.
S'agissant des autorisations d'engagement, le montant initialement prévu à 179,1 millions d'euros s'est finalement établi à 175,8 millions d'euros . Cette évolution masque en réalité une diminution significative des engagements sur l'action 1 relative à la préparation en amont de la conférence, et une hausse corrélative sur l'action 2 relative à l'organisation de l'événement lui-même. Ainsi, le rapport annuel de performances indique que « en cours de gestion, l'enveloppe de crédits dédiée à la préparation et au suivi de la COP 21 a été réduite afin de compenser la sur-consommation apparaissant sur l'action 2 , liée à l'augmentation des surfaces à aménager, aux mesures renforcées de sécurité et à la présence des chefs d'Etat lors du sommet d'ouverture ». Cette sur-consommation s'est élevée à +10 millions d'euros (160,9 millions d'euros, contre une dotation de 151 millions d'euros).
À cet égard, il convient de noter que l'apport des entreprises mécènes, en numéraire à hauteur de 3,8 millions d'euros, et en nature par la fourniture de services gratuits, ne s'est donc pas traduit par une diminution des autorisations d'engagement sur les frais d'organisation de l'événement .
* 1 Il convient toutefois de souligner que ce report de 117 millions d'euros a été insuffisant pour payer l'intégralité des OMP dues au titre de 2014, en raison là encore du taux de change. Ces contributions se sont en effet élevées à 128,1 millions d'euros.