B. LA FINALITÉ DE LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE : LA CONSTITUTIONNALISATION DU TITRE IER DE LA LOI DE 1905
Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle, la loi de 1905, « d'une grande modernité, est toujours nécessaire pour garantir la liberté de conscience de chacun et rassembler tous les Français au sein de la communauté nationale ». Il s'agirait, avec ce texte, de mieux préciser dans la Constitution les contours du principe de laïcité, qualifié de « principe constitutif de la construction et de l'identité même de notre République », principe « au fondement même des relations de l'État et des citoyens ». L'exposé des motifs ajoute, à juste titre, que la laïcité « participe à la protection et au respect d'autres principes constitutionnels, et en premier lieu, la liberté de conscience ».
L'exposé des motifs considère également que, dans le contexte des attentats de janvier et novembre 2015, le principe de laïcité « doit être plus que jamais réaffirmé, proclamé et précisé, et ce contre toute autre forme de renoncement intellectuel ou d'interprétation volontairement ambiguë à des fins partisanes », et « ne doit souffrir aucune contestation » : « il est essentiel pour la République d'appliquer avec rigueur le texte de la loi du 9 décembre 1905 : la loi de 1905, toute la loi de 1905, rien que la loi de 1905 ». Reposant sur « la neutralité de l'État vis-à-vis de toutes les religions », la laïcité implique « une conception exigeante de l'égalité de tous les citoyens devant la loi » ainsi qu'« une stricte séparation du fait religieux entre sphère publique et sphère privée », « la liberté de conscience s'exprim[ant] librement dans la sphère privée ». Nos collègues auteurs de cette proposition de loi défendent ainsi une conception forte et exigeante de la laïcité républicaine.
L'article unique de la proposition dispose que « la République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l'État, conformément au titre premier de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État » 70 ( * ) .
Ainsi que cela a été exposé supra , le titre I er de la loi de 1905 fixe les principes selon lesquels la République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes, dans le respect de l'ordre public, selon les restrictions énoncées plus loin par la loi, et ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Il prévoit que toute dépense relative à l'exercice des cultes doit être supprimée des budgets publics, à l'exception du financement des aumôneries dans certains établissements publics.
La présente proposition de loi constitutionnelle aurait ainsi pour effet de donner une valeur constitutionnelle à ces principes qui figurent aux deux premiers articles de la loi de 1905, pour ceux de ces principes qui n'en sont pas déjà revêtus. Si la liberté de conscience 71 ( * ) et le libre exercice des cultes, dans le respect des exigences de l'ordre public, possèdent une valeur constitutionnelle, de même que le principe selon lequel la République ne reconnaît aucun culte et celui selon lequel elle ne salarie aucun culte, comme le Conseil constitutionnel l'a explicité dans sa décision du 21 février 2013 précitée, tel n'est pas le cas pour le principe selon lequel la République ne subventionne aucun culte : ainsi que cela a été exposé supra , le principe d'interdiction du subventionnement des cultes n'a qu'une valeur législative, de sorte qu'il peut y être librement dérogé par le législateur sans porter atteinte à une norme constitutionnelle.
Par conséquent, adopter la présente proposition de loi constitutionnelle aurait pour effet juridique immédiat de donner une valeur constitutionnelle au principe interdisant le subventionnement des cultes .
* 70 À titre de comparaison, lors de la campagne pour l'élection présidentielle de 2012, le Président de la République avait proposé une rédaction très proche, préservant cependant la situation en Alsace-Moselle :
« La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l'État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. » (proposition n° 46 du programme de M. François Hollande pour l'élection présidentielle de 2012).
* 71 Dans sa décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs estimé que la liberté de conscience devait « être regardée comme l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».