CHAPITRE II - De la modernisation des garanties disciplinaires des agents
Article 12 (art. 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983) - Instauration d'un délai de prescription de l'action disciplinaire
Le présent article vise à mettre fin à l'imprescriptibilité de l'action disciplinaire dans la fonction publique afin, d'une part, de responsabiliser les employeurs publics et, d'autre part, de sécuriser la situation des agents.
À l'heure actuelle, « aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire », conformément à une jurisprudence constante du Conseil d'État depuis l'arrêt Deleuze de 1955 156 ( * ) . Et ce, contrairement à la règle qui prévaut en droit du travail 157 ( * ) . Il n'existe pas non plus de principe fondamental reconnu par les lois de la République fondant une quelconque prescription en matière disciplinaire, comme l'a affirmé le Conseil constitutionnel 158 ( * ) .
En revanche, le juge procède à un contrôle du délai d'engagement de la procédure disciplinaire dans le cadre de son appréciation de la proportionnalité entre la sanction et la faute. Le Conseil d'État a ainsi déjà annulé une sanction au motif que l'agent concerné n'aurait pas été mis en mesure de présenter utilement sa défense en raison de la durée excessive de la procédure 159 ( * ) . La Cour administrative d'appel de Marseille a même érigé en « principe général du droit disciplinaire » l'exigence d'un délai raisonnable entre le moment où l'administration a connaissance de faits susceptibles de donner lieu à sanction disciplinaire et celui où elle décide d'infliger une telle sanction 160 ( * ) . Cependant, la jurisprudence est fluctuante et la durée au-delà de laquelle le délai raisonnable n'est plus respecté variable selon les juges.
1. La durée du délai de prescription
Le présent article introduit donc au sein de l'article 19 du titre I er du statut général de la fonction publique le principe selon lequel tout fait passible de sanction disciplinaire doit être poursuivi dans un délai de trois ans . Un même délai de trois ans est introduit dans le statut des magistrats par l'article 25 du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature en cours d'examen devant le Parlement.
2. Le point de départ du délai de prescription
Conformément à la formule retenue par le code du travail et par la jurisprudence, le projet de loi initial prévoyait que le point de départ de ce délai était le jour où l'administration a acquis la connaissance des faits passibles de sanction. La commission des lois de l'Assemblée nationale a toutefois estimé que cette notion était trop imprécise et lui a substitué le jour à compter duquel l'administration a établi la matérialité des faits . Sa rapporteure indique avoir tenu à prendre en compte la complexité de certaines affaires qui rend nécessaire une enquête ou une instruction administrative préalable afin de faire apparaître la responsabilité de l'agent. Elle a, en outre, considéré qu'il s'agissait d'une garantie pour les parties, l'administration étant ainsi tenue d'établir la matérialité des faits avant d'engager une procédure disciplinaire.
Votre rapporteur observe toutefois que le délai de prescription créé par le présent article s'applique à l'engagement de la procédure disciplinaire et non au prononcé de la sanction auquel est susceptible d'aboutir cette procédure disciplinaire après enquête, la solution retenue par l'Assemblée nationale revenant, de fait, à allonger un délai déjà long en comparaison de ce que prévoit le code du travail (deux mois).
En outre, faire débuter le délai de prescription de l'action disciplinaire au moment où l'administration aura établi la matérialité des faits revient à conférer à cette même administration le pouvoir de déterminer elle-même le point de départ du délai.
Enfin, la notion de « connaissance des faits » a d'ores et déjà donné lieu à une jurisprudence abondante de la chambre sociale de la Cour de cassation. Conformément à celle-ci, « le délai de prescription ne court qu'à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits » 161 ( * ) , c'est-à-dire une connaissance effective des faits, et « non à compter [du jour] où il a possibilité de les connaître » 162 ( * ) . De jurisprudence constante, par ailleurs, la Cour estime que dès lors que les faits ont été commis antérieurement à ce délai, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans le délai de prescription 163 ( * ) .
Pour toutes ces raisons, votre commission a adopté l' amendement COM-134 de son rapporteur visant à rétablir la rédaction initiale sur ce point.
3. L'interruption du délai de prescription
Le présent article prévoit que l'interruption de ce délai ne serait possible qu'en cas de poursuites pénales . Dans cette hypothèse, l'intégralité du délai de trois ans recommencerait donc à courir à compter du terme des poursuites. L' amendement COM-136 du rapporteur, adopté par votre commission, a précisé cette notion de « terme des poursuites » : décision définitive de classement sans suite par le procureur de la République ou de non-lieu à statuer du juge d'instruction, acquittement, relaxe ou condamnation définitifs par le tribunal.
À l'initiative de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a également prévu la prorogation de ce délai dans la limite des délais de prescription de l'action publique lorsque les faits passibles de sanction constituent des crimes ou des délits , à savoir respectivement dix ans et trois ans à compter du jour de commission de l'infraction. Mme Françoise Descamps-Crosnier a indiqué que cet ajout permettrait à l'administration de tirer les conséquences d'actes particulièrement répréhensibles confirmés à l'occasion d'une enquête judiciaire.
Là encore, votre rapporteur s'interroge sur la solution retenue et ses conséquences pour l'articulation entre la procédure disciplinaire et la procédure pénale.
En premier lieu, il convient de rappeler qu'en application de l'article 40 du code de procédure pénale, « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs . » Ainsi, si l'autorité disciplinaire a connaissance de faits constituant des crimes ou des délits, elle a l'obligation d'en informer immédiatement le procureur de la République. Cela entraîne peu ou prou la coïncidence du point de départ de la procédure pénale et du délai de la prescription en matière disciplinaire.
En second lieu, dans la mesure où le présent article prévoit l'interruption du délai de prescription disciplinaire en cas de poursuites pénales, il n'apparaît pas nécessaire de proroger, le cas échéant, au-delà de trois ans le délai de prescription pour laisser à l'autorité disciplinaire la faculté de décider l'engagement de poursuites dès lors que l'autorité pénale aura déjà statué sur les mêmes faits.
Votre rapporteur rappelle, au surplus, qu'en cas de faute grave, l'autorité disciplinaire dispose de la possibilité de suspendre le fonctionnaire avant de prononcer une sanction et qu'elle peut même surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal 164 ( * ) .
Aussi votre commission a-t-elle adopté l' amendement COM-135 de son rapporteur supprimant cette prorogation.
Passé ce délai de prescription, aucune procédure disciplinaire ne pourrait plus faire état des faits portés à la connaissance de l'autorité investie du pouvoir de sanction s'ils n'ont pas donné lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire.
L'étude d'impact du projet de loi précise que cette prescription vaudrait pour l'ensemble des agents titulaires et stagiaires . Elle ne serait rendue applicable aux agents non titulaires que par l'insertion d'une disposition expresse dans les décrets relatifs à leur situation au sein de chaque versant de la fonction publique.
Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .
Article 13 (art. 19 bis [nouveau] de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; art. 66 [abrogé] de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; art. 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; art. 81 [abrogé] de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 et art. 29-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990) - Révision de l'échelle des sanctions disciplinaires et harmonisation entre les trois fonctions publiques
Le présent article vise à moderniser l'échelle des sanctions disciplinaires et à l'harmoniser entre les trois versants de la fonction publique. Il substitue à cet effet, intégralement ou partiellement, aux dispositions spécifiques à chacune des fonctions publiques un nouvel article 19 bis dans le titre I er du statut général. Il ne concerne que les fonctionnaires titulaires.
1. La révision de l'échelle des sanctions
Lorsque l'autorité disciplinaire doit infliger une sanction à un agent dont il est établi qu'il a commis des faits passibles de sanctions disciplinaires, elle dispose de la faculté de choisir la sanction qu'elle jugera la plus appropriée parmi une échelle de sanctions limitativement énumérées par la loi . L'administration est également tenue au respect du principe de la proportionnalité entre la faute et la sanction, étant rappelé que le pouvoir disciplinaire s'exerce sous le contrôle du juge administratif.
En vertu de l'article 19 du titre I er du statut général, les sanctions les plus graves, appartenant aux deuxième à quatrième groupes de cette échelle, ne peuvent toutefois être infligées qu'après consultation du conseil de discipline 165 ( * ) . Ce dernier formule une proposition de sanction après avoir pris connaissance des éléments du dossier. Si cet avis ne lie pas l'autorité disciplinaire, il peut permettre la saisine par l'agent concerné de l'instance de recours 166 ( * ) dans certaines hypothèses dans lesquelles l'autorité disciplinaire aurait infligé une sanction plus lourde que celle préconisée par le conseil de discipline. L'avis de la commission de recours, lorsqu'il prévoit une sanction moins sévère que celle initialement prononcée, lie ensuite l'autorité disciplinaire dans les seules fonctions publiques territoriale et hospitalière.
1.1. Une échelle harmonisée entre les trois versants de la fonction publique
En l'état actuel du droit, l'échelle de sanctions varie selon le versant de la fonction publique auquel appartient l'agent, les sanctions en vigueur dans les fonctions publiques de l'État et hospitalière étant toutefois quasiment identiques ( cf . le tableau ci-dessous). Le projet de loi a pour objectif d' harmoniser les sanctions dans les trois versants en introduisant dans le titre I er du statut général une nouvelle échelle qui se substituerait aux échelles particulières.
Cette nouvelle échelle s'inspirerait largement de l'échelle en vigueur dans la fonction publique de l'État dans la mesure où elle étendrait aux deux autres versants la sanction de déplacement d'office .
À l'initiative de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a substitué à l'expression « d'office » le mot « disciplinaire » afin d'éviter tout risque de confusion entre, d'une part, la mesure disciplinaire et, d'autre part, la mutation d'office dans l'intérêt du service qui est une mesure d'organisation du service. Mme Françoise Descamps-Crosnier a en effet rappelé que si la mutation d'office permet également de modifier l'affectation initiale de l'agent sans son accord, son objectif diffère : elle peut être prononcée, après avis de la commission administrative paritaire et consultation de son dossier par l'agent, pour, par exemple, restaurer un climat de travail dégradé, préserver le bon fonctionnement du service ou encore préserver l'agent contre des éléments perturbant l'exercice de ses fonctions. Ainsi, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une sanction prise à l'encontre de l'agent, la mutation d'office ne peut impliquer une dégradation de sa situation personnelle comme une baisse de sa rémunération ou de sa situation statutaire.
1.2. Une échelle précisée
Le Gouvernement a profité de cette harmonisation pour préciser la portée de certaines sanctions existantes . Ainsi serait-il désormais précisé que l'abaissement d'échelon se ferait exclusivement à l'échelon immédiatement inférieur . De même, la rétrogradation se ferait exclusivement au grade immédiatement inférieur .
Échelon et grade L'avancement de carrière des fonctionnaires comprend l'avancement d'échelon et l'avancement de grade. Les textes précisent que l'avancement d'échelon se fait de façon continue d'un échelon à l'échelon immédiatement supérieur. Il est fonction à la fois de l'ancienneté et de la valeur professionnelle du fonctionnaire. Il se traduit par une augmentation de traitement. L'avancement de grade a en principe également lieu de façon continue, mais il peut y être dérogé dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle. Il a lieu, selon les corps et cadres, suivant l'une ou plusieurs des modalités suivantes : - soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; il s'agit de la voie la plus usuelle ; - soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, après une sélection par voie d'examen professionnel ; c'est le cas pour l'accession au grade d'attaché principal dans la fonction publique territoriale ; - soit par sélection opérée exclusivement par voie de concours professionnel ; tel est le cas par exemple pour l'accession à la 2 e classe pour les inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière. |
La limitation de la sanction de l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur devrait avoir des conséquences dans la mesure où la jurisprudence admettait jusqu'à présent l'abaissement de deux échelons 167 ( * ) .
En revanche, la limitation de la rétrogradation au grade immédiatement inférieur entérinerait la solution jurisprudentielle dégagée par la Cour administrative d'appel de Douai selon laquelle, à défaut de précision sur les nouveaux grade et échelon, la rétrogradation « devait être regardée comme impliquant implicitement mais nécessairement un reclassement dans le grade immédiatement inférieur, à l'échelon correspondant à l'indice égal ou à défaut immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'intéressé dans son ancien grade » 168 ( * ) .
1.3. Une amélioration de la gradation des sanctions disciplinaires
La limitation de l'abaissement d'échelon et de la rétrogradation participe, en outre, de l'amélioration de la gradation des sanctions disciplinaires entreprise par le Gouvernement dans ce projet de loi. Cette amélioration passe, par ailleurs, par la diversification des sanctions susceptibles d'être prononcées .
1.3.1. Une plus grande souplesse dans la fixation de la durée des exclusions temporaires de fonctions
L'une des deux principales modifications apportées à l'échelle des sanctions concerne le régime des exclusions temporaires de fonctions, sanction privative de toute rémunération et assortie, le cas échéant, d'un sursis total ou partiel.
Dans les fonctions publiques de l'État et hospitalière, l'exclusion temporaire ne peut être prononcée qu'après avis du conseil de discipline soit pour une durée maximale de quinze jours (sanction du deuxième groupe), soit pour une durée allant de trois mois à deux ans (sanction du troisième groupe). L'autorité disciplinaire est donc fortement contrainte, ne pouvant moduler finement l'exclusion temporaire puisqu'elle n'est pas possible pour une durée comprise entre seize jours et trois mois.
Dans la fonction publique territoriale, l'autorité disciplinaire dispose à l'heure actuelle de beaucoup plus de souplesse à cet égard puisqu'elle peut :
- infliger une exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours sans consultation préalable du conseil de discipline puisqu'il s'agit d'une sanction du premier groupe ;
- ou infliger une exclusion temporaire pour une durée comprise entre quatre et quinze jours (sanction du deuxième groupe) ou entre seize jours et deux ans (sanction du troisième groupe).
L'exclusion temporaire de fonctions pour une
durée maximale de trois jours
Il semblerait qu'il n'existe aucune statistique nationale sur les sanctions prononcées au sein de la fonction publique territoriale. En réponse aux interrogations de votre rapporteur, seuls les exemples de sanctions d'exclusion temporaire du premier groupe suivants ont pu lui être communiqués : - pour refus de travailler un week-end (désobéissance), 1 jour d'exclusion ; - pour refus d'assurer la permanence du standard téléphonique pendant 5 jours (désobéissance), 2 jours d'exclusion ; - pour manquement à l'obligation de réserve par la critique de l'employeur au cours d'une réunion publique, 3 jours d'exclusion ; - pour refus de se conformer aux instructions des supérieurs hiérarchiques compromettant la continuité du service, 3 jours d'exclusion ; - pour emprunt sans autorisation du matériel et des produits professionnels à des fins personnelles, 3 jours d'exclusion ; - pour détérioration du matériel par manque de soin, 3 jours d'exclusion. Source : Association des DRH des grandes collectivités |
Dans sa version initiale, le projet de loi apportait deux modifications :
- en premier lieu, il alignait le régime applicable à la fonction publique territoriale sur celui applicable aux deux autres fonctions publiques en supprimant l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours figurant dans le premier groupe ;
- en second lieu, il allongeait la durée de l'exclusion temporaire du troisième groupe en l'enserrant dans un délai allant de un mois (au lieu de trois) à deux ans.
À l'initiative de sa rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a opéré le choix inverse en alignant les fonctions publiques de l'État et hospitalière sur la fonction publique territoriale en :
- réintroduisant au sein des sanctions du premier groupe l'exclusion temporaire de trois jours maximum et en l'étendant aux deux autres versants de la fonction publique ; elle n'a toutefois pas repris le principe de son inscription au dossier du fonctionnaire, non plus que les règles relatives à son effacement automatique ( cf. infra 2.) ;
- en permettant le prononcé d'une exclusion temporaire de quatre à quinze jours (sanction du deuxième groupe) ou de seize jours à deux ans (sanction du troisième groupe).
Mme Françoise Descamps-Crosnier expliquait son choix, d'une part, par l'efficacité de la sanction d'exclusion temporaire de trois jours maximum dans la mesure où elle ne requiert par la réunion d'un conseil de discipline, et, d'autre part, par le risque que la suppression de cette sanction conduise les autorités disciplinaires à prononcer davantage d'exclusions temporaires de plus longues durées.
Les auditions menées par votre rapporteur ont montré que l'absence d'obligation de consultation du conseil de discipline préalable au prononcé de sanctions du premier groupe amène les autorités disciplinaires à privilégier ces sanctions . Si l'on ne dispose pas de statistiques pour la fonction publique territoriale, en revanche les statistiques pour la fonction publique de l'État portent la marque de cette préférence nette pour les sanctions de premier groupe prononcées sans consultation du conseil de discipline, qui, comme l'indique le tableau ci-après, représentent plus de 77 % des sanctions prononcées en 2014.
Sanctions disciplinaires prononcées à
l'encontre
des agents titulaires de la fonction publique de l'État en
2014
Sanction prononcée |
Nombre |
Part |
Avertissement sans consultation du conseil de discipline |
1 307 |
41,1 % |
Avertissement après consultation du conseil de discipline |
44 |
1,4 % |
Blâme sans consultation du conseil de discipline |
1 149 |
36,2 % |
Blâme après consultation du conseil de discipline |
81 |
2,5 % |
Radiation du tableau d'avancement |
nc |
0,1 % |
Abaissement d'échelon |
16 |
0,5 % |
Exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de 15 jours |
196 |
6,2 % |
Déplacement d'office |
66 |
2,1 % |
Rétrogradation |
8 |
0,3 % |
Exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 3 mois à 2 ans |
152 |
4,8 % |
Mise à la retraite d'office |
20 |
0,6 % |
Révocation |
135 |
4,2 % |
Total |
3 177 |
Source : commission des lois du Sénat à partir des données fournies par la DGAFP
C'est pourquoi les organisations syndicales entendues par votre rapporteur ont unanimement dénoncé la réintroduction de cette sanction pour la fonction publique territoriale et son extension aux autres versants de la fonction publique. Elles ont mis en avant la lourdeur de cette sanction, qui peut conduire à priver le fonctionnaire concerné jusqu'à 10 % de sa rémunération 169 ( * ) , eu égard aux moindres garanties procédurales apportées en l'absence de consultation du conseil de discipline.
En effet, s'agissant des sanctions du premier groupe, la garantie des droits de la défense n'est assurée que par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. Le fonctionnaire ne bénéficie cependant pas de la possibilité d'être entendu pour sa défense par l'organisme paritaire, ni de la faculté de saisir en révision de la sanction la commission de recours.
Votre rapporteur a toutefois relevé que même en l'absence d'obligation de consultation du conseil de discipline, il est loisible à l'administration de le saisir avant de prononcer une sanction du premier groupe. Dans ce cas, la jurisprudence lui impose toutefois de respecter la procédure applicable 170 ( * ) .
Aussi a-t-il proposé à votre commission de ne pas modifier les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale relatives à l'exclusion temporaire de fonctions mais de les compléter en ouvrant au fonctionnaire la faculté de demander la réunion préalable du conseil de discipline lorsque l'autorité disciplinaire l'a informé de son intention de lui infliger une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois jours . Facultative et laissant une marge de négociation entre l'autorité disciplinaire et le fonctionnaire, cette procédure permettrait, en cas de contestation, de faire intervenir l'organisme paritaire comme médiateur. Elle pourrait présenter l'avantage de limiter in fine le recours au juge administratif, la commission de recours étant présidée soit par un magistrat administratif dans la fonction publique territoriale, soit par un conseiller d'État dans les deux autres versants.
Suivant son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-138 .
1.3.2. La création d'une nouvelle sanction : la radiation de la liste d'aptitude
Le second apport du projet de loi est la création d'une nouvelle sanction relative au déroulement de la carrière de l'intéressé : la radiation de la liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire.
Introduite au sein des sanctions du deuxième groupe, cette sanction interviendrait dans l'échelle des sanctions après la radiation du tableau d'avancement. Elle reviendrait à priver le fonctionnaire non plus du bénéfice de son ancienneté ou de son expérience pour progresser dans la carrière, mais de la faculté qui lui était ouverte d'accéder à certaines responsabilités par voie de promotion interne.
Si votre commission se félicite de cette amélioration de la progressivité de l'échelle disciplinaire et de ce début d'harmonisation entre les différents versants de la fonction publique en matière disciplinaire, elle regrette toutefois que le projet de loi n'aille pas jusqu'à harmoniser les procédures disciplinaires elles-mêmes. Elle appelle donc le Gouvernement et les partenaires sociaux à travailler à cette harmonisation plus poussée, s'agissant notamment du rôle des commissions des recours et du caractère ou non conforme de leur avis.
2. Le renforcement des garanties disciplinaires
Le présent article comprend, par ailleurs, plusieurs dispositions renforçant les garanties disciplinaires apportées au fonctionnaire faisant l'objet d'une procédure disciplinaire.
Tout d'abord, en complément de l'instauration d'un délai de prescription par l'article 12 du projet de loi, le présent article introduit l' obligation pour l'autorité disciplinaire de statuer dans un délai maximal de deux mois à compter de l'avis rendu par le conseil de discipline . Comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi, ce délai a pour but de ne pas prolonger outre mesure la situation de suspension de fonctions dans laquelle se trouve un grand nombre d'agents dont l'affaire est examinée par un conseil de discipline.
Le III du présent article prévoit en conséquence une disposition transitoire obligeant l'autorité disciplinaire à prononcer la sanction appropriée dans les deux mois suivant l'entrée en vigueur de cette disposition si le conseil de discipline a émis son avis préalablement à l'entrée en vigueur de cette même disposition.
Le projet de loi réduit ensuite de trois à deux ans le délai à l'issue duquel le blâme cesse automatiquement d'être mentionné dans le dossier du fonctionnaire sanctionné si aucune autre sanction n'est intervenue dans ce délai.
Enfin, pour compléter la disposition précédente et parfaire le dispositif de « droit à l'oubli », le présent article introduit la possibilité pour le fonctionnaire ayant fait l'objet d'une sanction des deuxième ou troisième groupes de demander la suppression de toute mention de sanction dans son dossier passé un certain délai . Ce dernier serait fixé à dix ans de services effectifs à compter de la date de la sanction disciplinaire. Si le présent article consacre un droit à demander cette suppression, il ne dit rien des suites qui y seront réservées par l'autorité. En outre, il n'est aucunement tenu compte de l'évolution de l'agent au cours de ces dix années. Par analogie avec ce que prévoit la loi pour le blâme, votre commission a donc suivi son rapporteur et adopté l' amendement COM-137 tendant à préciser que l'autorité ne peut refuser de supprimer la mention de la sanction de son dossier que dans le cas où le fonctionnaire a fait l'objet de nouvelles sanctions durant ce délai.
Votre commission a, par ailleurs, adopté l' amendement de précision COM-178 de son rapporteur.
Le I du présent article introduisant un article 19 bis dans le titre I er du statut général qui a vocation à se substituer aux dispositions existantes dans les titres II, III et IV de ce même statut, son II abroge l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État et l'article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Son II bis supprime, quant à lui, les dispositions devenues inutiles de l'article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ne conservant que l'alinéa relatif à l'autorité disciplinaire et à la faculté dont dispose celle-ci de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs.
Un IV ajouté par l'Assemblée nationale à l'initiative de la rapporteure de sa commission des lois assure enfin la coordination avec l'article 29-2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom.
Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .
Article 13 bis (supprimé) (art. 31 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) - Suppression de la présidence du conseil de discipline par un magistrat administratif dans la fonction publique territoriale
Introduit par l'adoption par la commission des lois de l'Assemblée nationale d'un amendement de sa rapporteure, cet article a pour objet de supprimer la présidence de la commission administrative paritaire siégeant en tant que conseil de discipline par un magistrat administratif dans la fonction publique territoriale.
Conformément à l'article 19 du titre I er du statut général, l'autorité disciplinaire est l'autorité de nomination. Elle ne peut toutefois prononcer de sanctions disciplinaires des deuxième, troisième et quatrième groupes qu'après consultation du conseil de discipline. Le conseil de discipline est une formation restreinte de la commission administrative paritaire (CAP).
En vertu de l'article 31 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les CAP sont présidées par l'autorité territoriale sauf lorsqu'elles siègent en tant que conseil de discipline. Dans cette hypothèse, elles sont présidées par un magistrat de l'ordre administratif , en activité ou honoraire, désigné par le président du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le conseil de discipline.
À l'origine cantonnée au personnel communal, cette disposition a été étendue à l'ensemble des fonctionnaires territoriaux par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée. La loi n° 94-1134 du 27 décembre 1994 modifiant certaines dispositions relatives à la fonction publique territoriale a ensuite substitué au magistrat de l'ordre judiciaire un magistrat de l'ordre administratif dans la mesure où le contentieux contre les sanctions disciplinaires relève des juridictions administratives.
Cette disposition est spécifique à la fonction publique territoriale . Dans les deux autres versants de la fonction publique, la présidence de la CAP siégeant en qualité de conseil de discipline est la même que celle de la CAP « habituelle » :
- dans la fonction publique de l'État, la CAP est présidée par le directeur général, le directeur ou le chef de service auprès duquel elle est placée et, au niveau local, par l'autorité auprès de laquelle la commission est placée ou, en cas d'empêchement, par un représentant de l'administration membre de la CAP ;
- dans la fonction publique hospitalière, les CAP départementales sont présidées par le président du conseil de surveillance de l'établissement qui en assure la gestion ou son représentant et les CAP locales par le président de l'assemblée délibérante ou son représentant ; en cas d'empêchement, le président de séance est choisi parmi les représentants de l'administration.
Le choix opéré par le législateur en 1984 s'explique avant tout par une volonté de garantir l'impartialité du conseil de discipline 171 ( * ) .
Ces détracteurs, à l'instar de la rapporteure de l'Assemblée nationale, y voient au contraire une anomalie par rapport aux autres versants de la fonction publique, source de rigidité. La complexité et la lourdeur de la procédure faisant intervenir un magistrat administratif amèneraient les employeurs territoriaux à limiter le recours à des sanctions des deuxième à quatrième groupes. Une prudence extrême de la part du magistrat administratif aboutirait à la prise de sanctions de niveau inférieur à celles qui seraient proposées sous une autre présidence. Enfin, comme dans les autres versants de la fonction publique, la commission de recours contre les sanctions disciplinaires est présidée par un magistrat.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a supprimé la présidence du conseil de discipline par un magistrat administratif. Présiderait ainsi ce conseil soit le chef de l'exécutif de la collectivité, soit le président du centre de gestion.
Votre rapporteur entend l'argument relatif à la lourdeur de la procédure. Il note toutefois l'attachement exprimé par la plupart des employeurs publics, représentés en particulier par l'Association des maires de France et l'Association des régions de France, ainsi que par les organisations syndicales à la garantie de neutralité, d'impartialité et de sérénité que représente la présidence par un magistrat administratif . En outre, et en dépit de la qualité des juristes des grandes collectivités et des centres de gestion, la présidence par un magistrat administratif est incontestablement source de sécurité juridique tant du point de vue du respect du formalisme de la procédure disciplinaire que du respect de la proportionnalité entre les faits reprochés et les sanctions retenues . En aucun cas, cette présidence par un magistrat administratif ne saurait être encore regardée de nos jours comme un signe de défiance à l'égard des élus locaux.
À l'initiative de votre rapporteur, la commission a donc supprimé l'article 13 bis par l'adoption de l' amendement COM-139 .
Article 14 (art. 6, 6 bis, 6 ter A, 6 ter, 6 quinquies, 11 bis A et 32 [nouveau] de la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983) - Appréciation de l'aptitude des non titulaires et application à ces agents de certaines dispositions du statut général
L'article 14 porte l'objet de l'article 32 du projet de loi initial : créer au sein du titre I er du statut général des fonctionnaires un article spécifique aux non-titulaires qui, d'une part, prescrirait l'appréciation de l'aptitude du candidat à exercer les fonctions à pourvoir avant tout recrutement et, d'autre part, préciserait les dispositions statutaires générales auxquels ils seraient soumis.
Il a été réécrit par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement et de sa rapporteure, pour notamment substituer au terme générique de « non-titulaires » celui de « contractuels ».
Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, le titre I er leur serait partiellement applicable :
- le chapitre II fixant les garanties accordées aux fonctionnaires (articles 6 à 11 bis ) ;
- l'article 23 bis à l'exception de ses II et III (avancement pour les délégués syndicaux qui bénéficient d'une décharge totale ou partielle d'activité), rétabli par l'article 20 quater du présent projet de loi pour regrouper les principales dispositions régissant la carrière des agents exerçant une activité syndicale ;
- l'article 24 sur la cessation définitive des fonctions ;
- le chapitre IV déterminant les obligations des fonctionnaires à l'exception de l'article 30 (suspension pour faute grave, professionnelle ou de droit commun) (articles 25 à 29).
Les conditions d'application de l'ensemble de ces dispositions aux contractuels seraient précisées par voie réglementaire.
Le décret fixerait la liste des actes de gestion propres à la qualité de contractuel qui ne pourraient être pris à leur égard lorsqu'ils bénéficient de garanties : il s'agit notamment, comme l'a précisé la rapporteure de l'Assemblée nationale à l'origine de cette disposition, d'adapter à ces agents les mesures de protection des lanceurs d'alerte introduites par l'article 3 du projet de loi pour les fonctionnaires.
L'article 14 procède aux coordinations résultant de son objet dans les différents articles concernés de la loi du 13 juillet 1983 qui prévoient expressément leur application aux non titulaires.
Votre commission des lois, sur la proposition de son rapporteur, a procédé à une coordination rédactionnelle et tiré les conséquences de son précédent amendement à l'article 3 concernant les lanceurs d'alerte ( amendement COM-140 ).
Elle a adopté l'article 14 ainsi modifié .
* 156 Conseil d'État, 27 mai 1955, Deleuze, n° 95027.
* 157 L'article L. 1332-4 du code du travail dispose en effet : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ».
* 158 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, cons. 5 : « 5. Considérant qu'aucune loi de la République antérieure à la Constitution de 1946 n'a fixé le principe selon lequel les poursuites disciplinaires sont nécessairement soumises à une règle de prescription ; que, dès lors, le grief tiré de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de prescription des poursuites disciplinaires doit être écarté ; ».
* 159 Conseil d'État, 12 juin 1992, CPAM Paris, n° 78484.
* 160 CAA Marseille, 13 décembre 2011, n° 09MA03062.
* 161 Cf . par exemple Cour de cassation, chambre sociale, 24 avril 2013, n os 11-28.425 et 11-22.151.
* 162 Cour de cassation, chambre sociale, 5 février 2014, n° 12-28.058.
* 163 Cf . par exemple Cour de cassation, chambre sociale, 17 février 1993, n° 88-45.539 ou Conseil d'État, 31 janvier 1990, n° 75265.
* 164 Cf . le commentaire de l'article 11.
* 165 Sur le conseil de discipline, cf . le commentaire de l'article 13 bis .
* 166 Commission des recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, commission des recours du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et conseil de discipline régional pour la fonction publique territoriale.
* 167 Pour un exemple de sanction d'abaissement de deux échelons validée par le juge : Conseil d'État, 17 janvier 1992, n° 95654.
* 168 Cour administrative d'appel de Douai, 30 novembre 2004, n° 02DA00340.
* 169 Un jour d'exclusion conduisant à une retenue d'un trentième, trois jours d'exclusion signifient une retenue de trois trentièmes, soit 10 % de la rémunération.
* 170 Conseil d'État, 14 décembre 1988, n° 59743.
* 171 Cf. l'intervention de M. Gaston Defferre, ministre de l'intérieur et de la décentralisation : « Il me semble important que les commissions siégeant en tant que conseil de discipline soient présidées par un magistrat car c'est là une garantie d'indépendance. » (JO Débats Assemblée nationale, 1 er séance du 4 octobre 1983, p. 3713).