PREMIÈRE PARTIE - ANALYSE DE LA MISSION
1. Une architecture qui maintient les modifications intervenues dans la loi de finances pour 2015
La mission « Action extérieure de l'État » était marquée, en loi de finances pour 2015, par deux principales modifications de son architecture .
D'une part, elle accueillait un nouveau programme 341 « Conférence " Paris Climat 2015 " » , programme provisoire destiné à rassembler l'ensemble des crédits consacrés à la préparation et à l'organisation de la 21 e Conférence des parties (COP 21) à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CNUCC), qui se tient du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris. Ce programme est maintenu dans le projet de loi de finances pour 2016, d'autant plus que la chronique de paiement d'une telle manifestation en fin d'année implique un montant important d'autorisations d'engagement en 2015, qui sont couverts par un montant important de crédits de paiement, correspondant au paiement des factures des prestations fournies, en 2016 .
D'autre part, la mission intégrait la subvention pour charges de service public de l'opérateur national chargé de la promotion du tourisme, Atout France , auparavant porté par le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ». Ce transfert correspond à l'évolution qui a conduit le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) à se voir attribuer la mise en oeuvre de la politique du commerce extérieur et du tourisme.
Au total, le montant des crédits demandés pour la présente mission dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 s'établit à 3 076 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 3 198,7 millions d'euros en crédits de paiement, répartis comme suit entre les quatre programmes de la mission.
Autorisations d'engagement
(en millions d'euros)
Exécution 2014 |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2015-2016 |
|
Programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » |
1 718,9 |
1 786,8 |
1 979,5 |
+10,8 % |
Programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » |
691,2 |
747,9 |
718,8 |
-3,9 % |
Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » |
355,0 |
374,3 |
369,9 |
-1,2 % |
Programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 |
- |
179,1 |
7,8 |
-95,6 % |
Total |
2 765,1 |
3 088,1 |
3 076,0 |
-0,4 % |
Total hors programme 341 |
2 765,1 |
2 909 |
3 068,2 |
+ 5,5 % |
Crédits de paiement
(en millions d'euros)
Exécution 2014 |
LFI 2015 |
PLF 2016 |
Évolution 2015-2016 |
|
Programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » |
1 735,2 |
1 791,8 |
1 970,7 |
+ 10,0 % |
Programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » |
691,7 |
747,9 |
718,8 |
-3,9 % |
Programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » |
355,4 |
374,3 |
369,9 |
-1,2 % |
Programme 341 « Conférence Paris Climat 2015 |
- |
43,5 |
139,3 |
+ 220,2 % |
Total |
2 782,4 |
2 957,5 |
3 198,7 |
+ 8,2 % |
Total hors programme 341 |
2 782,4 |
2 914,0 |
3 059,4 |
+5,0 % |
Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances
2. Le dépassement du plafond triennal en raison d'une évolution défavorable du taux de change
L'examen de la loi de règlement des comptes de 2014 a mis en évidence une sous-exécution significative en 2014 - année il est vrai favorable du point de vue du taux de change - qui témoigne des efforts d'économie importants réalisés par le ministère des affaires étrangères et du développement international, notamment sur ses dépenses de fonctionnement, sur ses effectifs et sur ses opérateurs.
Toutefois, selon la loi de programmation des finances publiques adoptée en 2014, les crédits de la mission devraient encore diminuer de 3 % au cours du triennal 2015-2017 . Ainsi, après une « bosse » en CP en 2016 , du fait du règlement de la plupart des dépenses liées à la tenue de la Conférence de Paris sur le climat (2,96 milliards d'euros), les crédits de la mission devaient tomber à 2,74 milliards d'euros en 2017 - contre 2,82 milliards d'euros en 2014 à périmètre constant .
Plafonds des crédits des programmations
pluriannuelles
(périmètre constant)
(en millions d'euros)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
|
Crédits LFI |
2 811 |
2 816 |
3 058 |
|
Exécution |
2 628 |
|||
Plafond des crédits du triennal 2015-2017 |
2 816 |
2 958 |
2 744 |
Source : commission des finances
Or, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une dotation de 3,06 milliards d'euros (au format de la loi de programmation, c'est-à-dire hors contribution au compte d'affection spéciale « Pensions »), soit environ 100 millions d'euros de plus que le plafond prévu par le triennal .
En réalité, ce dépassement est le résultat de la prise en compte, par le projet de loi de finances pour 2016, de la dépréciation de l'euro par rapport au dollar . En effet, le triennal inscrit dans la loi de programmation des finances publiques était bâti sur la base d'un taux de change de 1,36 dollar pour 1 euro ; or, le cours de l'euro a significativement baissé à partir de la fin de l'année 2014, se stabilisant aux alentours de 1,15 dollar pour 1 euro. Le taux de budgétisation a été révisé au cours de l'année 2015, conduisant à réajuster à la hausse les enveloppes de dépenses qui sont payables en devises. Il s'agit, en particulier, des contributions internationales et des contributions aux opérations de maintien de la paix (CI-OMP), qui sont payées, pour l'essentiel, en dollars. Ainsi, les contributions internationales en devises, qui avaient été estimées à 193 millions d'euros pour 2016 dans le triennal 2015-2017, sont budgétées à hauteur d'environ 233 millions d'euros (+ 21 %). De même, les opérations de maintien de la paix passent de 442,4 millions d'euros à 494,5 millions d'euros (+ 12 %).
Il convient de souligner qu' une baisse de la valeur de l'euro par rapport aux devises a un double impact sur les crédits de la mission . D'une part, elle entraîne une hausse du coût en euros des dépenses obligatoires libellées en dollars , comme les CI-OMP. D'autre part, elle induit une perte de pouvoir d'achat pour les dépenses d'intervention réalisées à l'étranger , comme les bourses, les campagnes de promotion ou de soutien, etc.
Hors effet de change et hors prise en compte de la COP 21, qui augmente les crédits de paiement demandés pour 2016, le budget de la présente mission diminue en réalité d'environ 155 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2015, soit 3,3 % .
À cet égard, le projet de loi de finances prévoit certaines économies supplémentaires par rapport à la prévision inscrite dans la loi de programmation , notamment :
- une économie d'environ 30 millions d'euros sur les opérations de maintien de la paix (à taux de change constant) , en raison de l'anticipation du nouveau barème des contributions qui devrait réduire la participation proportionnelle de la France ;
- une réduction d'environ 11 millions d'euros des bourses scolaires sur le programme 151 ;
- une diminution des moyens d'intervention du réseau culturel et d'influence, notamment les bourses du supérieur ;
- la réduction des subventions aux opérateurs de la mission, en particulier Campus France, l'Institut Français et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
3. La poursuite de la réduction des effectifs du ministère, continue depuis 2007
La loi de programmation a prévu, pour le triennal 2015-2017, la suppression de 450 emplois dans le cadre de la mission , dont 220 suppressions dès 2015, 115 en 2016 et 115 en 2017. Cette évolution poursuit une tendance continue de réduction des effectifs de la mission constatée depuis 2007 , comme l'illustre le graphique ci-dessous.
Cette diminution concerne l'ensemble des catégories et statuts de personnel du MAEDI (titulaires et contrats à durée déterminée et indéterminée en centrale ou à l'étranger, militaires, agents de droit local). Au total, les effectifs du MAEDI sont passés de 16 275 ETP en 2007 à 14 071 au 31 décembre 2014, et devraient atteindre 13 851 à la fin de cette année, puis 13 736 au 31 décembre 2016 (- 15,6 % en neuf ans) . En parallèle, il convient de noter que les dépenses de personnel ont, quant à elle, continué de progresser, passant de 786 millions d'euros en 2007 à 886,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016.
Évolution des effectifs du MAEDI depuis 2007 (hors opérateurs)
(en ETP)
Source : commission des finances
A ces emplois directement financés par le MAEDI s'ajoutent 6 939 ETPT sous plafond employés par les opérateurs du programme 185 , en baisse de seulement 2 ETPT par rapport à 2015.
4. La gestion du patrimoine immobilier : une vente exceptionnelle qui garantit le paiement de la contribution forfaitaire en 2015 et 2016
Le MAEDI, qui dispose d'un patrimoine immobilier important et spécifique, en raison de sa localisation à l'étranger et de ses fonctions, bénéficie d'un mécanisme particulier de retour du produit des cessions d'immeubles à l'étranger , en échange notamment de la prise en charge par le ministère des dépenses de rénovation lourde.
En effet, en vertu de l'article 47 de loi de finances pour 2006, le produit des cessions de biens immobiliers est affecté, pour 30 % au moins, au désendettement de l'État. Or, l'article 38 de la loi de finances pour 2015, prolongeant en cela jusqu'en 2017, avec quelques ajustements, un dispositif existant, a prévu que les produits de cession de biens à l'étranger ne seraient pas soumis à cette contribution au désendettement de l'État . En compensation, le ministère est tenu de verser un montant forfaitaire « au moins égal à 25 millions d'euros par an en 2015, 2016 et 2017 » .
D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, ce versement devrait pouvoir être effectué en 2015 et en 2016, grâce à la cession de quelques biens d'exception : le campus diplomatique de Kuala Lumpur (171 millions d'euros) ; le palais Clam-Gallas à Vienne (22 millions d'euros) ; la résidence consulaire à Munich (10 millions d'euros). Ainsi, le produit de cessions est estimé, pour 2015, à 252 millions d'euros . Grâce à ces ventes qui seront encaissées en 2015, la contribution forfaitaire au désendettement de l'État s'établira à 25 millions d'euros en 2015 et à 100 millions d'euros en 2016, bien au-delà du montant minimal prévu par la loi de finances pour 2015 .
Si la contribution forfaitaire pourra ainsi être largement financée en 2016 grâce, notamment, à l'opération de Kuala Lumpur de cette année, l'estimation du produit de cession pour 2016, soit 36 millions d'euros seulement d'après les informations recueillies par vos rapporteurs spéciaux, illustre les limites du mécanisme mis en place , dès lors que ce seul produit ne permettrait pas au MAEDI de verser une contribution forfaitaire tout en assurant de façon satisfaisante les dépenses d'entretien lourd des biens immobiliers, ainsi que l'ensemble des charges (nouvelle acquisition, location de nouveaux bâtiments) qui résultent de la vente d'un bien immobilier.
De façon générale, les informations dont disposent vos rapporteurs spéciaux restent relativement limitées quant aux perspectives d'évolution à moyen terme du patrimoine immobilier à l'étranger (cessions, acquisitions, entretiens ou rénovations prioritaires) et des recettes et dépenses afférentes.