B. UNE BAISSE DES ACCIDENTS DE TRAJET EN 2014
L'évolution des accidents de trajet apparaît quant à elle plus fluctuante. Après une augmentation de près de 6,5 % entre 2008 et 2011, leur nombre a diminué de 8 % en 2014 par rapport à 2013. Le nombre d'accidents de trajet avec arrêt est revenu l'année dernière à un niveau quasi identique à celui de 2008.
De la même façon, l'indice de fréquence des accidents de trajet, qui a connu des évolutions contrastées entre 2008 et 2014, a retrouvé en 2014 le niveau enregistré avant 2009, avec 4,7 accidents pour 1 000 salariés.
Figure n° 3 : Indice de fréquence des accidents de trajet (pour 1 000 salariés)
2001 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Accidents de trajet
|
5,0 |
4,7 |
4,7 |
4,7 |
5,1 |
5,2 |
5,3 |
4,8 |
5,0 |
4,7 |
AT ayant entraîné une IP |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
0,5 |
0,4 |
0,4 |
0,4 |
AT avec décès |
n.d |
n.d |
n.d |
0,02 |
0,02 |
0,02 |
0,02 |
0,02 |
0,02 |
0,02 |
Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 38
Comme l'indique la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2015, cette tendance « peut être expliquée, bien que de façon partielle, par une amélioration de la sécurité routière : le nombre d'accidents corporels impliquant un véhicule automobile a baissé de près d'un tiers entre 2005 et 2014. Ainsi, à l'inverse des autres sinistres indemnisés par la branche, l'évolution du nombre d'accidents de trajet dépend davantage de facteurs exogènes que des efforts de prévention déployés par les employeurs . »
Les secteurs d'activité dans lesquels les accidents de trajet avec arrêt sont les plus nombreux en valeur absolue sont les services :
- activités de service II (action sociale, santé, nettoyage...) et de travail temporaire (26 % de l'ensemble des accidents de trajet). La fréquence des accidents de trajet avec arrêt y est également la plus élevée (6,8 pour 1 000 employés en 2014) ;
- activités de services I (banques, assurances, administrations...) (19 %) ;
- et services, commerces et industries de l'alimentation (18 %).
C. LA HAUSSE CONTINUE DES MALADIES PROFESSIONNELLES
D'un peu plus de 55 000 en 2007, le nombre de maladies professionnelles reconnues au régime général a été porté à 80 400 en 2011, soit une hausse de 46 % sur la période.
1. Evolution du nombre total de maladies professionnelles reconnues au régime général
Pour faire reconnaître l'origine professionnelle de sa maladie dans les conditions du droit commun, un salarié doit remplir quatre critères précisés dans l'un des 98 tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale :
- souffrir de l'une des maladies qui y sont énoncées ;
- respecter le délai de prise en charge qui correspond à la durée maximale entre la cessation de l'exposition et la survenue de la maladie (et, pour certains tableaux, la durée minimale d'exposition à la nuisance responsable de la maladie) ;
- exercer ou avoir exercé l'un des travaux mentionnés dans le tableau ;
- être ou avoir été exposé à la nuisance précisée dans le titre du tableau.
Toute affection qui répond à ces conditions est systématiquement présumée d'origine professionnelle, sans qu'il y ait besoin d'en établir la preuve.
Entre 2008 et 2014, le nombre de maladies professionnelles reconnues au régime général affiche une croissance de plus de 9 %. Sur la même période, le nombre de maladies professionnelles avec arrêt progresse lui aussi de manière soutenue (+ 13,7 %). La hausse a été largement concentrée sur la période 2008-2011, marquée par un doublement. La baisse entamée en 2012 et qui se poursuit en 2014 pourrait indiquer une rupture de tendance mais l'importance de cette évolution ne pourra être appréciée que sur une période plus longue.
Le nombre de maladies professionnelles nouvellement reconnues est largement tiré à la hausse par les troubles musculo-squelettiques (TMS), en particulier les affections péri-articulaires. Sur les 51 631 maladies professionnelles avec arrêt dénombrées en 2014, 79 % sont des TMS, 7 % sont des maladies dues à l'amiante, 7 % des affections chroniques du rachis lombaire et 7 % des maladies diverses (notamment, surdité, allergies ou encore affections respiratoires).
Figure n° 4 : Une croissance des maladies professionnelles portée par les troubles musculo-squelettiques, en particulier par les affections péri-articulaires (maladies professionnelles du tableau 57)
Figure n° 5 : La part des TMPS passe de 26 % en 1990 à 87 % en 2014
Source : Réponses de la Cnam-AT-MP au questionnaire de votre rapporteur
La fréquence des maladies professionnelles est relativement stable depuis 2009 mais elle a doublé par rapport à son niveau de 2001.
Figure n° 6 : Indice de fréquence des maladies professionnelles (pour 1 000 salariés)
2001 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Maladies professionnelles
|
1,4 |
2,4 |
2,4 |
2,5 |
2,7 |
2,7 |
2,9 |
2,9 |
2,8 |
2,8 |
MP ayant entraîné une IP |
0,6 |
1,3 |
1,2 |
1,2 |
1,3 |
1,4 |
1,5 |
1,6 |
1,5 |
1,4 |
MP avec décès |
n.d |
n.d |
n.d |
0,02 |
0,03 |
0,03 |
0,03 |
0,03 |
0,02 |
0,02 |
Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 38
Les secteurs où la sinistralité est la plus importante sont les industries du bois, ameublement et papier-carton (6,7 maladies professionnelles nouvellement reconnues pour 1 000 employés en 2014), devant le secteur des services, commerces et industries de l'alimentation (4,4 pour 1 000).
En tant que telle, la croissance du nombre de maladies professionnelles reconnues n'indique pas nécessairement une aggravation de l'état de santé des salariés car ce nombre est particulièrement sensible aux évolutions réglementaires et aux modifications apportées aux critères inscrits dans les tableaux de maladies professionnelles. Elle renvoie également à la meilleure information dont bénéficient progressivement, quoique encore insuffisamment, tant les médecins que les salariés sur les règles de reconnaissance en vigueur. Les spécificités des maladies professionnelles, comme les délais de latence entre l'activité professionnelle et l'apparition de la maladie, rendent par ailleurs plus difficiles les enseignements à tirer de l'évolution de l'indicateur de fréquence.
2. Maladies professionnelles reconnues par dérogation
Parallèlement à la procédure de droit commun, deux voies dérogatoires, prévues aux alinéas 3 et 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, autorisent depuis 1993 la reconnaissance du caractère professionnel de maladies qui ne répondent pas aux critères définis dans les tableaux ou qui n'y figurent pas 1 ( * ) :
- en vertu de l'alinéa 3 , si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau, peut être reconnue d'origine professionnelle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ;
- l' alinéa 4 prévoit que le CRRMP peut également reconnaître le caractère professionnel d'une maladie non désignée dans un tableau, lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne une incapacité permanente d'un taux d'au moins 25 % ou le décès.
Ces procédures dérogatoires aboutissent à une progression toujours plus importante du nombre de maladies dont l'origine est reconnue comme professionnelle. Plus de 7 700 maladies, soit 15 % de l'ensemble des maladies professionnelles nouvellement reconnues, ont été considérées comme d'origine professionnelle au titre des alinéas 3 et 4 en 2014. Ce nombre a augmenté de 3 400 depuis 2006.
En 2014, les CRRMP ont donné 7 118 avis favorables sur le fondement de l'alinéa 3. Ce nombre est en très légère augmentation par rapport à 2013, après une hausse de plus de 68 % entre 2006 et 2013. Quant au nombre de maladies professionnelles reconnues au titre de l'alinéa 4, après une multiplication par deux entre 2006 et 2012, il a augmenté de près de 25 % entre 2013 et 2014.
Figure n° 7 : Nombre de maladies professionnelles reconnues par dérogation aux critères des tableaux (alinéa 3) et en dehors des tableaux (alinéa 4)
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Evolution 2006-2014 en % |
|
Pathologies reconnues au titre de l'alinéa 3 |
4 169 |
4 181 |
4 675 |
5 463 |
5 913 |
6 564 |
7 598 |
7 021 |
7118 |
+ 70,7 |
Affections rhumatologiques |
3 158 |
3 150 |
3 634 |
4 429 |
4 926 |
5 527 |
6 501 |
6 002 |
6120 |
+ 93,8 |
Affections amiante |
509 |
524 |
458 |
462 |
466 |
510 |
515 |
492 |
476 |
- 6,5 |
Surdité |
285 |
245 |
272 |
248 |
233 |
230 |
249 |
199 |
244 |
- 14,4 |
Affections respiratoires |
151 |
84 |
166 |
113 |
146 |
158 |
176 |
162 |
119 |
-21,2 |
Affections de la peau |
28 |
16 |
26 |
79 |
29 |
37 |
38 |
30 |
25 |
- 10,7 |
Autres pathologies |
38 |
162 |
119 |
132 |
113 |
102 |
119 |
136 |
134 |
+ 252,6 |
Pathologies reconnues au titre de l'alinéa 4 |
150 |
176 |
186 |
227 |
235 |
258 |
299 |
491 |
612 |
+ 308 |
Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2016 (programme de qualité et d'efficience de la branche ATMP), pages 50 et 52
La hausse du nombre d'avis donnés est essentiellement due à l'augmentation des avis donnés pour des affections rhumatologiques qui représentent 91 % des demandes traitées avec un taux de reconnaissance de 39 %.
Au titre de l'alinéa 3, quatre tableaux de MP représentent à eux seuls près de 95 % des avis donnés par les CRRMP pour le régime général :
- les affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures (tableau MP 57), qui représentent plus de trois-quarts des avis ;
- les affections chroniques du rachis lombaire, dues à la manutention manuelle de charges lourdes (tableau MP 98), avec 12 % des avis ;
- les affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante (tableaux MP 30 et 30 bis), près de 4 % des avis.
Pour l'ensemble de ces tableaux, le pourcentage de reconnaissance est en augmentation par rapport à 2013.
Au titre de l'alinéa 4, trois groupes de pathologies représentent 88 % des demandes soumises :
- les affections psychiques qui continuent d'augmenter (les 693 demandes représentent 35 % des dossiers soumis et le taux d'avis favorables est de 49 %) ;
- les affections malignes, qui restent stables ;
- les 611 pathologies ostéo-articulaires représentent 31 % des demandes traitées.
Avec 612 avis favorables sur les 1963 avis donnés, le pourcentage d'avis favorables rendus au titre de l'alinéa 4 dépasse 30 % pour la première fois depuis trente ans.
3. La question de la reconnaissance du « burn-out »
L'article 27 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi 2 ( * ) a consacré explicitement la possibilité de reconnaître l'origine professionnelle de certaines pathologies psychiques par la voie dérogatoire.
En l'état actuel du droit, seules des pathologies physiques peuvent en effet faire l'objet d'une reconnaissance sur le fondement des tableaux de maladies professionnelles. Selon l'étude réalisée par l'Eurogip 3 ( * ) , cette situation n'est pas propre à la France ; aucun pays européen étudié ne fait figurer des pathologies psychiques dans la liste des maladies professionnelles.
Dans les faits, dans un nombre croissant de cas, la procédure dérogatoire permet toutefois d'ores et déjà de prendre en compte l'origine professionnelle de certaines affections psychiques.
Les troubles psycho-sociaux représentent d'ailleurs les affections pour lesquelles les CCRMP ont eu à se prononcer le plus souvent au titre de l'alinéa 4 en 2014 (693 demandes).
Le nombre de reconnaissances d'une affection psychique au titre d'une maladie professionnelle a ainsi quasiment quadruplé en l'espace de deux ans (339 reconnaissances en 2014, après 239 en 2013 et 90 en 2012). Le nombre d'avis favorables des CRRMP relatifs à des affections psychiques s'est accru de 73 % entre 2010 et 2014 pour les dépressions, de 13 % pour les troubles anxieux et de 13,4 pour les états de stress post-traumatique.
Figure n° 8 : Nombre d'avis favorables des CRRMP relatifs à des affections psychiques de 2010 à 2014
Année |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Cumul
|
|
Dépressions |
41 |
59 |
58 |
157 |
243 |
558 |
+ 73.3 % |
Troubles anxieux |
11 |
15 |
6 |
30 |
39 |
101 |
+ 13.3 % |
Etats de stress post-traumatique |
3 |
12 |
18 |
36 |
33 |
102 |
+ 13.4 % |
Total |
55 |
86 |
82 |
223 |
315 |
761 |
+ 100.0 % |
Source : Rapport de gestion 2014 de l'Assurance maladie - Risques professionnels
Cet accroissement s'explique en partie par l'interprétation plus souple donnée par le Gouvernement, dans une lettre ministérielle de mars 2012, à l'alinéa 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Cette nouvelle interprétation supprime l'exigence de stabilisation et permet aux caisses de transmettre un plus grand nombre de dossiers aux CRRMP dès lors que le taux d'incapacité permanente prévisible évalué à la date de la demande est supérieur ou égal à 25 %.
Sur le fondement de la loi d'août 2015, des modalités spécifiques de traitement des demandes de reconnaissance de pathologies psychiques devraient prochainement être précisées par décret. La composition des CRRMP appelées à se prononcer sur la reconnaissance de ces affections pourrait ainsi évoluer pour intégrer, le cas échéant, des médecins psychiatres.
Parallèlement, la Cnam poursuit ses travaux relatifs à l'amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques d'origine professionnelle. En 2012, le groupe de travail de la commission des pathologies professionnelles du Conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) a achevé la rédaction d'un rapport sur les affections susceptibles d'être prise en compte par les médecins-conseils et de recommandations destinées à guider les CRRMP dans l'appréciation des liens entre ces pathologies et l'activité professionnelle. En mai 2014, les travaux d'élaboration d'un référentiel permettant de faciliter le travail des agents des caisses lors de leurs enquêtes ont été présentés lors de la commission des pathologies professionnelles. Il est à noter que le « burn out », ou syndrome d'épuisement professionnel, n'a pas fait l'objet d'analyses en tant que tel parce qu'il ne figure pas dans les nosographies d'usage international. Les pathologies concernées sont la dépression, l'anxiété généralisée et les états de stress post-traumatique.
Selon le droit en vigueur, la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une pathologie psychique ne peut cependant toujours intervenir qu'à la condition que l'origine professionnelle de la maladie soit établie par un CRRMP et que le taux d'IPP est supérieur ou égal au seuil de 25 %. Or l'objectivation du lien entre cette pathologie, reposant sur des causes le plus souvent multifactorielles, et le travail, reste, la plupart du temps, particulièrement difficile à établir.
De nouveaux éléments d'appréciation sur la possibilité de franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance de l'origine professionnelle des pathologies psychiques devraient être mis à la disposition du Parlement par le Gouvernement avant le 1 er juin 2016 en application de l'article 33 de la loi du 17 août 2015.
Un rapport du Gouvernement est en effet attendu sur l'intégration des affections psychiques dans le tableau des maladies professionnelles ou l'abaissement du seuil d'incapacité permanente partielle pour ces mêmes affections. Votre rapporteur y sera particulièrement attentif ; il s'agit de l'une des préconisations émises par le rapport sur le mal-être au travail adopté par la commission des affaires sociales le 7 juillet 2010 4 ( * ) .
* 1 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses dispositions d'ordre social.
* 2 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015.
* 3 Eurogip, « Burn-out en Belgique et reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail en Europe », 10 septembre 2015.
* 4 « Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l'action ». Rapport d'information n° 642 (2009-2010) de M. Gérard Dériot, fait au nom de la mission d'information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales.