EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (Art. 222-48-3 et 227-31-1 [nouveaux] du code pénal) - Automaticité de la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs

L'article 1 er de la proposition de loi a pour objet de rendre systématique et définitive la peine complémentaire d'interdiction d'une activité professionnelle ou bénévole en cas de condamnation d'une personne pour certaines infractions sexuelles commises contre les mineurs. Il tend à cet effet à modifier l'article 222-45 du code pénal et à créer un nouvel article 222-45-1.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 222-45 définit le régime des peines complémentaires qu'encourent les personnes physiques reconnues coupables des infractions prévues aux sections 1, 3 et 4 du chapitre II 13 ( * ) du titre II du livre II du code pénal, parmi lesquelles la privation des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou encore l'interdiction, établie à son 3°, « d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».

Le de l'article 1 er de la proposition de loi abroge le 3° de l'article 222-45 du code pénal, dont les dispositions seraient reprises, sous une forme différente, dans un nouvel article 222-45-1, inséré par le de l'article 1 er . Cet article 222-45-1 dispose qu'en cas de condamnation pour un crime ou un délit commis contre un mineur, prévu à la section 3 14 ( * ) du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, la juridiction prononce l'interdiction d'exercer à titre définitif une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs. La juridiction ne pourrait « renoncer » à cette peine complémentaire que par une décision spécialement motivée.

Seraient concernées par cette peine complémentaire obligatoire les infractions commises sur mineur suivantes :

- le viol (articles 222-23 à 222-26) ;

- les agressions sexuelles autres que le viol, notamment les attentats à la pudeur, les attouchements, etc. (articles 222-27 à 222-31) ;

- l'exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel (articles 222-32 et 222-33).

Tout en donnant au juge la possibilité de déroger à cette obligation, ces dispositions lui interdiraient en revanche de moduler la durée de cette interdiction.

Régime juridique des peines complémentaires

Votre rapporteur rappelle que, dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel applique aux peines complémentaires les principes juridiques qu'il a définis pour les peines principales. Il en résulte que la définition par le législateur des peines complémentaires doit respecter les prescriptions de l'article 8 de la Déclaration de 1789 - en vertu duquel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » -, et le principe d'individualisation des peines qui en découle. Par conséquent, toute peine doit être expressément prononcée par un juge, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce, et ce dernier doit pouvoir également en moduler la durée et l'importance.

Comme le souligne le commentaire de la décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012 du Conseil constitutionnel 15 ( * ) , « s'agissant des peines complémentaires obligatoires, la jurisprudence du Conseil constitutionnel se fonde sur un faisceau d'indices pour apprécier si la restriction apportée au pouvoir du juge de moduler la peine en fonction des circonstances méconnaît ou non les exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789. Outre le caractère plus ou moins rigide du pouvoir de modulation du juge, le Conseil constitutionnel prend en compte la gravité des faits, la sévérité de la sanction, l'existence ou non d'un lien entre la nature des faits réprimés et la nature de la sanction et, enfin, l'intérêt de la mesure au regard de l'objectif de bonne administration de la justice ».

Ainsi, le juge constitutionnel a procédé à une censure dans sa décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, mais aussi dans sa décision n° 2013-318 QPC du 7 juin 2013 par laquelle il a estimé qu'une peine complémentaire prévue par le code des transports était manifestement disproportionnée au regard de la gravité de l'infraction. En revanche, il a admis le principe d'une peine complémentaire obligatoire dans ses décisions n os 2010-40 et 2010-41 QPC du 29 septembre 2010, dans la mesure où le juge n'était pas « privé du pouvoir d'individualiser la peine ».

Garantir la constitutionnalité du dispositif

Votre rapporteur partage l'objectif des auteurs de la proposition de loi qui souhaitent que la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle impliquant un contact avec les mineurs soit plus systématiquement prononcée par les juridictions. En effet, d'après les statistiques fournies par le ministère de la justice à votre rapporteur, en 2013 16 ( * ) , sur 2 978 condamnations pour des infractions prévues aux articles 222-22 à 222-33-1 du code pénal (agressions sexuelles sur mineurs), 86 peines complémentaires d'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle ou bénévole auprès des mineurs ont été prononcées par les juridictions et sur 1 600 condamnations pour des infractions aux articles 227-22 à 227-28-3 du code pénal (mise en péril des mineurs), cette peine complémentaire a été décidée à 74 reprises.

Il a été fait valoir à votre rapporteur que le caractère automatique de la peine complémentaire n'améliorerait pas la protection des mineurs puisque cette sanction ne présenterait un véritable intérêt que si la personne condamnée exerce une activité au contact habituel des mineurs, ce qui ne constitue pas la majorité des cas. Tout en prenant acte de cet argument, votre rapporteur relève cependant que les affaires de Villefontaine et d'Orgères impliquent des personnes ayant déjà fait l'objet d'une condamnation pour infraction sexuelle, démontrant que les juridictions peuvent fréquemment ne pas prononcer cette peine alors même que la personne condamnée travaille auprès de mineurs. Le rapport précité des deux inspections indique d'ailleurs qu'à la suite de ces affaires, le procureur général de Versailles a diffusé auprès des magistrats du parquet une note de politique pénale régionale sur les agressions sexuelles à l'encontre des mineurs demandant aux magistrats de requérir systématiquement le prononcé de l'interdiction professionnelle et d'interjeter appel des décisions ne suivant pas cette réquisition. Par ailleurs, si une personne condamnée n'exerce pas, au moment de la décision de justice, une activité impliquant un tel contact, rien n'interdit qu'une évolution professionnelle l'amène ultérieurement à fréquenter des mineurs. Enfin, la juridiction pourra toujours apprécier, au vu des circonstances et de la personnalité du condamné, si une dispense de peine complémentaire est opportune, à charge pour elle de la motiver.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-5 portant rédaction globale de l'article 1 er .

Cette nouvelle rédaction apporte quatre types de modifications.

• Elle a d'abord pour objet de remédier à un inconvénient juridique du texte présenté par notre collègue Catherine Troendlé qui propose, au sein de l'article 222-45, de supprimer les dispositions relatives à la peine complémentaire d'interdiction d'exercice auprès des mineurs pour les rétablir sous la forme d'un article spécifique, numéroté 222-45-1, qui ne concernerait plus que les agressions sexuelles contre mineurs. Ce choix légistique aurait pour inconvénient d'interdire que cette peine complémentaire puisse être prononcée par les juridictions dans les autres cas actuellement prévus à l'article 222-45, en l'occurrence en cas d'infraction aux articles des sections 1 et 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, respectivement consacrées aux atteintes volontaires à l'intégrité de la personne (actes de tortures et barbarie, violences et menaces) et au trafic de stupéfiants. Si votre rapporteur approuve le fait que cette peine complémentaire devienne, sauf décision contraire spécialement motivée, automatique, il n'apparaît pas pour autant souhaitable d'interdire aux juridictions de la décider dans le cas des infractions définies à ces deux sections du code pénal.

• Par ailleurs, en rendant définitive cette peine complémentaire, la proposition de notre collègue tomberait nécessairement sous le coup de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'individualisation des peines puisqu'elle ne permettrait pas à la juridiction d'en moduler l'importance en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur. Dans sa rédaction proposée par l'amendement COM-5, l'article 1 er complète la section 5 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal par un nouvel article 222-48-3 disposant qu'en cas de condamnation pour une infraction prévue à la section 3 17 ( * ) du chapitre II et commise sur un mineur, la juridiction prononce la peine complémentaire dans les conditions fixées au 3° de l'article 222-45. Ce renvoi au 3° permettrait ainsi à la juridiction de décider d'une interdiction définitive ou temporaire dans la limite de 10 ans.

• En outre, la juridiction pourrait, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur . La formulation retenue par votre commission s'inspire à cet égard des articles 7 à 20 de la loi du 6 mars 2012 18 ( * ) , lesquels ont eu pour objet d'insérer dans notre législation des peines complémentaires obligatoires restreignant la capacité d'acquérir et de détenir des armes à la suite d'une condamnation pénale.

• Enfin, dans un souci de bonne organisation de la proposition de loi, le texte élaboré par votre commission a pour effet de reprendre, au sein de l'article 1 er , les dispositions de l'article 2 qui poursuivent le même objectif. En effet, l'article 2, qui modifie l'article 227-29 du code pénal et crée un nouvel article 227-29-1, a également pour objet de rendre automatique et définitive la même peine complémentaire pour d'autres types d'infractions commises contre des mineurs. Seraient concernées certaines des infractions de la section du code pénal consacrée à la mise en péril des mineurs (227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3), parmi lesquelles la corruption de mineurs, les propositions sexuelles à un mineur, la diffusion et la consultation d'images ou de représentations pédopornographiques, etc.

Votre rapporteur ayant à formuler les mêmes observations, l'amendement COM-5 insère à l'article 1 er le dispositif de l'article 2 de la proposition de loi en y apportant les mêmes modifications que celles exposées ci-dessus. Celles-ci permettent au juge de déroger à la peine complémentaire par décision spécialement motivée au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur et de moduler la durée de l'interdiction d'exercice. Elles n'ont pas pour effet d'abroger le 6° de l'article 227-29, comme proposé dans le texte initial de notre collègue, afin de ne pas rendre impossible le prononcé de la peine complémentaire pour les autres infractions prévues au chapitre VII 19 ( * ) du titre II du livre II du code pénal. À cet effet, l'amendement de votre commission propose la création d'un nouvel article 227-31-1 dans le code pénal faisant référence à la peine complémentaire d'interdiction d'exercice qui demeurerait régie par le 6° de l'article 227-29.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (Art. 227-29 et 227-29-1 [nouveau] du code pénal) - Automaticité de la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs

Comme indiqué ci-dessus, l'article 2 poursuit le même objectif que l'article 1 er - créer une peine complémentaire automatique d'interdiction définitive d'exercice d'une activité auprès des mineurs -, la seule différence reposant sur le champ des infractions concernées. Les dispositions de l'article 2 ayant été reprises à l'article 1 er , dans une rédaction permettant d'assurer leur conformité aux principes constitutionnels, votre commission a adopté un amendement COM-6 de son rapporteur, ainsi qu'un amendement COM-2 présenté par M. Jacques Bigot, afin de supprimer l'article 2.

Article 3 (Art. 138 et 706-47 et art. 706-47-4 et 706-47-5 [nouveaux] du code de procédure pénale) - Information de l'autorité administrative en cas de condamnation ou de procédure en cours pour une infraction sexuelle commise sur mineur

L'article 3 de la proposition de loi tend à rendre obligatoire, par des dispositions non codifiées, l'information « dans les délais les plus brefs » par « l'autorité judiciaire » de l'organisme auprès duquel une personne exerce une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs en cas d'ouverture d'une information judiciaire pour l'une des infractions mentionnées aux articles 1 er et 2 commise contre un mineur. Une information serait également communiquée « sans délai » en cas de peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs.

L'état du droit en matière de transmission d'informations pénales

Le dispositif de l'article 3 renvoie aux débats qui se sont tenus à l'occasion de l'examen du projet de loi DADUE et qui avaient conduit à l'échec de la commission mixte paritaire. Votre rapporteur souhaite d'abord rappeler l'état du droit en vigueur en matière de transmissions d'informations concernant des agents publics entre l'autorité judiciaire et les administrations. La question de ces transmissions se pose dans des termes différents selon que l'information est effectuée au cours de l'enquête ou de l'instruction, phase pendant laquelle le secret de l'instruction et la présomption d'innocence doivent s'appliquer, ou qu'une condamnation a été prononcée par une juridiction de jugement.

1) L'information de l'autorité administrative avant condamnation

L'article 11 du code de procédure pénale détermine un principe fondamental de la procédure pénale en vertu duquel « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ». Le non-respect de ce principe est sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende par l'article 226-13 du code pénal.

Les dérogations légales au secret de l'enquête et de l'instruction sont en nombre limité pour :

- éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou mettre fin à un trouble à l'ordre public (dernier alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale) ;

- prévenir la commission d'accidents ou faciliter l'indemnisation des victimes (article 11-1 du CPP) ;

- informer les plaignants et les victimes, ainsi que les agents publics ayant fait application de l'article 40, des suites données à leur plainte ou signalement (article 40-2 du CPP) ;

- informer une victime du fait qu'une personne placée sous contrôle judiciaire a interdiction d'entrer en relation avec elle (article 138-1 du CPP) ;

- informer la personne chez qui une personne poursuivie pour un crime ou une infraction sexuelle sur mineur établit sa résidence principale ou informer l'autorité académique et le chef d'établissement si une personne poursuivie pour les mêmes motifs demeure scolarisée (article 138-2 du CPP) ;

- informer la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (article 706-6 du CPP).

Malgré un cadre légal, en apparence, clair, le rapport précité des inspections générales rappelle que les pratiques des parquets en matière d'information des autorités administratives sur des procédures en cours sont disparates. Ces divergences trouvent leur fondement dans la multiplication, depuis 1813, de nombreuses circulaires 20 ( * ) , une vingtaine, ayant rappelé « la nécessité que l'administration soit informée par l'autorité judiciaire des poursuites et condamnations frappant ses agents » dans le but que l'administration puisse assurer un contrôle sur les fonctionnaires et, le cas échéant, prendre des mesures de suspension, voire engager des poursuites disciplinaires. Ces circulaires se sont ensuite appuyées sur une jurisprudence de la Cour de cassation 21 ( * ) selon laquelle « le secret de l'instruction ne lui étant pas opposable, le ministère public, dans l'exercice des missions que la loi lui attribue , a qualité pour apprécier l'opportunité de communiquer au juge une procédure judiciaire de nature à l'éclairer ». Cette liberté d'appréciation du parquet a ensuite été reconnue par la jurisprudence pour une transmission d'informations à une administration chargée d'une procédure disciplinaire contre un fonctionnaire 22 ( * ) .

Comme le précise le rapport des inspections générales, certains magistrats du ministère public considèrent que la jurisprudence de la Cour de cassation, ou même le dernier alinéa de l'article 11 du CPP, constituent des bases juridiques suffisantes pour informer l'administration des poursuites pénales engagées à l'encontre de ses agents. Au contraire, d'autres magistrats du parquet estiment que le droit en vigueur interdit de telles transmissions. Enfin, la mission des inspections a constaté qu'une troisième catégorie de magistrats jugeait que le cadre juridique leur interdisait de transmettre à leur initiative mais les autorisait à répondre aux sollicitations de l'administration.

Jusqu'à présent, le ministère de la justice estimait que la jurisprudence de la Cour de cassation autorisait le parquet à prendre l'initiative d'une communication avec l'administration dès lors que les informations transmises sont en lien avec l'exercice des missions qui sont légalement dévolues au ministère public. Or, ce critère ne paraît pas totalement respecté s'agissant de la transmission d'informations à l'administration pour permettre à cette dernière d'exercer le contrôle des fonctionnaires dans la mesure où, comme le précise le rapport des inspections, « le ministère public, qui n'est pas investi du pouvoir disciplinaire, peut difficilement se réclamer de l'exercice d'une mission que la loi lui attribuerait ».

Les pratiques divergentes des parquets présentent donc d'indéniables fragilités, comme l'a au demeurant démontré la volonté du Gouvernement d'instaurer une base légale à ces transmissions d'informations lors de l'examen du projet de loi DADUE.

Votre rapporteur souscrit à l'analyse présentée dans le rapport des inspections et partage le constat qui y est effectué d'un cadre légal incertain. Il n'en reste pas moins surpris de la faiblesse, voire de l'absence, des développements consacrés, dans ce rapport, à la nécessité de mettre en balance l'information de l'autorité administrative, afin de lui permettre d'exercer ses prérogatives hiérarchiques sur ses agents, avec le souci de respecter le principe constitutionnel de présomption d'innocence.

Compte tenu de ces incertitudes juridiques et alors même que l'établissement d'un cadre légal de nature à les lever est encore en cours d'élaboration 23 ( * ) avant d'être discuté par le Parlement, il s'étonne que la circulaire précitée du 16 septembre 2015 donne aux procureurs et aux recteurs des instructions si précises en matière de transmissions d'information sur les procédures pénales en cours. Une telle initiative lui apparaît prématurée.

Extrait de la circulaire du 16 septembre 2015

« S'agissant de l'information en cours de procédure, et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le secret de l'enquête et de l'instruction n'est pas opposable au ministère public qui, dans l'exercice des missions que la loi lui attribue, peut apprécier l'opportunité de communiquer à un tiers des informations issues d'une procédure en cours, dans le respect de la présomption d'innocence.

Dès lors, il appartient au cas par cas au procureur de la République compétent d'apprécier si l'information de l'engagement de poursuites pour l'une des infractions précédemment mentionnées à l'encontre d'un agent qui, du fait de la nature de sa fonction, est en contact habituel avec des mineurs, est nécessaire à l'exercice par les autorités du ministère chargé de l'éducation nationale de leur mission de protection des mineurs accueillis dans le cadre du service public de l'éducation . »

Aux fins de mise en oeuvre de cette orientation, la circulaire comporte, en annexe, des modèles d'avis d'information, dont l'un concerne les procédures pénales en cours, devant mentionner la qualification des faits reprochés, la date et le lieu des faits, le contexte de la commission des faits et la nature des faits reprochés, la mention de l'engagement ou non de poursuites ainsi que les mesures de sûreté prises à l'encontre de la personne.

En effet, outre le fait que cette communication ne semble pas s'inscrire dans le cadre des missions confiées au ministère public par la loi, votre rapporteur n'approuve pas cette démarche qui tend à laisser les procureurs seuls juges de l'opportunité de procéder à de telles transmissions, compte tenu des incertitudes mentionnées ci-dessus. Il se demande enfin comment l'envoi d'informations concernant des procédures en cours peut s'effectuer « dans le respect de la présomption d'innocence ».

2) L'information de l'autorité administrative à l'issue d'une condamnation

La question des transmissions d'information après condamnation pose moins de problèmes juridiques dans la mesure où le secret de l'enquête et de l'instruction posé par l'article 11 du code de procédure pénale ne trouve plus à s'appliquer. À cet égard, l'article R. 156 du même code dispose que les « arrêts, jugements, ordonnances pénales définitifs et titres exécutoires » peuvent être délivrés à des tiers sans autorisation du ministère public et que les autres pièces de procédure peuvent l'être avec l'autorisation du procureur de la République ou du procureur général. En cas de refus de transmission, le magistrat compétent doit notifier sa décision en la forme administrative et faire connaître les motifs du refus.

Le rapport des inspections souligne cependant que les dysfonctionnements relevés en matière de transmission d'informations ayant trait à des condamnations peuvent aussi être d'ordre juridique, certains parquets estimant que le cadre légal actuel ne les autorise pas à prendre l'initiative de la délivrance de copies de condamnations 24 ( * ) . Par ailleurs, il arrive également que « le jugement soit sommairement motivé, se bornant à constater que les faits, dont la qualification figure en tête de la décision, sont établis et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation ». Dans de telles hypothèses, l'administration de l'éducation nationale est amenée à solliciter des copies de pièces de procédure pour étayer les poursuites disciplinaires. Or, un refus du ministère public d'accéder à une telle demande a pu entraver le bon déroulement de procédures, voire les fragiliser en cas de contestation de la sanction prise sur leur fondement devant la juridiction administrative, « l'enseignant minorant de façon sensible les faits, soutenant que leur qualification juridique n'en rendait compte que très imparfaitement ».

Les difficultés mises à jour par la mission des inspections peuvent enfin être liées à des problèmes matériels : délais de dactylographie des décisions de justice ; mauvaises orientations, au sein des tribunaux, des demandes formulées par les services de l'éducation nationale ; délais de traitement de ces demandes.

Les propositions de votre commission

Votre rapporteur émet des doutes sur la légalité des actuelles transmissions d'informations portant sur des procédures pénales en cours impliquant des fonctionnaires. Au-delà de cette question juridique, il considère qu'une telle communication se heurte au respect du principe constitutionnel de présomption d'innocence. Il apparaît donc qu'une information effectuée au stade des condamnations, même non définitives, ou en cas de contrôle judiciaire constituerait une approche plus respectueuse de ces principes.

Ce raisonnement conduit votre rapporteur à considérer contraire à cette position de principe l'article 3 de la proposition de loi, qui prévoit une transmission d'informations de « l'autorité judiciaire » 25 ( * ) dès l'ouverture d'une information judiciaire portant sur une infraction sexuelle contre mineur à l'encontre d'une personne exerçant une activité professionnelle ou bénévole la mettant au contact de mineurs. Une communication au stade même de l'ouverture d'une information judiciaire apparaît trop précoce, en l'absence d'éléments suffisamment sérieux pour justifier une telle entorse à la présomption d'innocence, d'autant plus qu'une information judiciaire peut également être ouverte en cas de plainte avec constitution de partie civile (articles 80 et 86 du code de procédure pénale).

Enfin, la proposition de loi vise toute personne exerçant une activité au contact de mineurs, impliquant ainsi l'information de « l'organisme » auprès duquel elle est placée, quand le texte adopté en juillet dernier par l'Assemblée nationale dans la loi DADUE ne visait que les activités professionnelles ou sociales placées sous le contrôle direct ou indirect de l'autorité administrative. Certes, il apparaît envisageable, à condition d'en donner effectivement les moyens au ministère public, d'organiser une transmission systématique des informations pour l'exercice des activités contrôlées, directement ou indirectement, par les pouvoirs publics. Pour autant, la mise en oeuvre d'une telle obligation pour l'ensemble des activités professionnelles semble impossible à mettre en oeuvre, compte tenu de la largeur potentielle du champ à couvrir (à seul titre d'exemple, les commerces dont les salariés peuvent être en relation habituelle avec des mineurs).

Afin de mettre en oeuvre ces orientations, votre commission a, sur proposition de votre rapporteur, adopté un amendement COM-7 rectifié de rédaction globale de l'article 3, dont certains éléments reprennent des dispositions de l'article 30 de la loi DADUE définitivement adoptée par l'Assemblée nationale, article ensuite déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte 26 ( * ) .

1) Compléter les mesures de contrôle judiciaire

Le de l'article 3 a pour objet de compléter l'article 138 du code de procédure pénale afin de prévoir que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut, parmi les mesures prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire, prévoir une interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs.

2) Élargir les facultés d'inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles

Dans le droit fil de la recommandation n° 12 émise par le rapport précité des inspections générales, le inclut explicitement le délit de détention ou de consultation habituelle d'images pédopornographiques, défini à l'article 227-23 du code pénal, dans la liste des infractions pouvant conduire à l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV), afin de lever l'ambiguïté juridique existante à cet égard. Dans sa rédaction actuelle, l'article 706-47, qui définit la liste des infractions pouvant donner lieu à inscription au FIJAISV, vise notamment « les infractions de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour les infractions d'agression ou d'atteintes sexuelles, de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur ou de proxénétisme à l'égard d'un mineur, ou de recours à la prostitution d'un mineur », définition qui ne recouvre pas les infractions de l'article 227-23. Il est donc proposé de modifier l'article 706-47 afin de les y inclure.

3) Rendre systématique la transmission des condamnations et des décisions de placement sous contrôle judiciaire

Enfin, le insère deux nouveaux articles, 706-47-4 et 706-47-5, dans le code de procédure pénale.

Le paragraphe I de l'article 706-47-4 instaure une obligation d'information de l'autorité administrative, à la charge du ministère public, lorsqu'une personne exerçant une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par une autorité administrative est condamnée, y compris de manière non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au III.

Il prévoit également que le ministère public informe l'autorité administrative quand une personne exerçant une activité mentionnée à l'alinéa précédent est placée sous contrôle judiciaire et qu'elle est soumise à l'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs. Votre rapporteur note qu'il appartiendra au Gouvernement de modifier également par voie réglementaire l'article R. 18 du code de procédure pénale, dont la rédaction actuelle fait obligation, lorsque le juge d'instruction fait application des mesures prévues au 12° de l'article 138 27 ( * ) , d'en donner avis « s'il y a lieu, soit à l'employeur ou à l'autorité hiérarchique dont relève la personne mise en examen, soit à l'ordre professionnel auquel elle appartient, soit à l'autorité à l'agrément de laquelle est soumis l'exercice de sa profession ». Il apparaît en effet souhaitable de soumettre cette nouvelle obligation du contrôle judiciaire à la même procédure pour couvrir l'ensemble des secteurs d'activité, le texte élaboré par votre commission ne prévoyant que l'information de l'autorité administrative.

Le II dispose que le ministère public informe la personne visée de la transmission à l'autorité administrative d'une information la concernant ainsi que, le cas échéant, l'autorité de l'issue de la procédure. Il précise que l'autorité destinataire de cette information ne peut la communiquer qu'aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'exercice de l'activité professionnelle. Sauf si l'information porte sur une condamnation prononcée publiquement, toute personne destinataire d'une telle information serait tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

Le paragraphe III définit la liste des infractions qui donneraient lieu à la transmission à l'autorité administrative des informations mentionnées au I. Il s'agirait :

- des infractions prévues à l'article 706-47, qui recouvre notamment les crimes et délits à caractère sexuel commis contre les mineurs, ainsi que les crimes de meurtres et d'assassinats commis avec torture ou actes de barbarie et crimes de torture, actes de barbarie, meurtres et assassinats commis en état de récidive légale ;

- des atteintes volontaires à la vie commises sur mineurs définies aux articles 221-1 à 221-5 du code pénal ainsi que des actes de torture et de barbarie et des violences commis sur mineurs définis aux articles 222-1 à 222-6 et 222-7 à 222-14 du code pénal ;

- des infractions d'exhibition sexuelle et de harcèlement sexuel ;

- des délits relatifs à l'incitation des mineurs à la consommation et à la détention de produits stupéfiants, à la consommation excessive et habituelle de boissons alcooliques ou à la commission d'un crime ou d'un délit.

Le IV renvoie enfin à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer les modalités d'application de cet article.

4) Systématiser le placement sous contrôle judiciaire

L'article 707-47-5 traite quant à lui du placement sous contrôle judiciaire. Afin d'assurer la protection des mineurs ainsi que l'information des administrations en amont d'une éventuelle condamnation, tout en garantissant, conformément à la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel 28 ( * ) , à la personne mise en cause la possibilité d'exercer ses droits, votre commission a souhaité articuler un dispositif autour de la procédure de contrôle judiciaire 29 ( * ) . Le texte retenu par votre commission prévoit que, dans le cas où une personne travaillant au contact de mineurs, dont l'activité est contrôlée directement ou indirectement par les pouvoirs publics, est mise en examen dans une procédure relative aux infractions mentionnées au III de l'article 706-47-4, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention est tenu d'ordonner, sauf décision contraire spécialement motivée, son placement sous contrôle judiciaire assorti de l'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs. Cette disposition ne trouverait bien entendu pas à s'appliquer dans le cas où la personne est placée en détention provisoire.

Une telle solution permettra ainsi de mettre à l'écart des mineurs les personnes pour lesquels existent les soupçons les plus sérieux 30 ( * ) et d'assurer, pour ces cas, l'information de l'autorité administrative.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (Art. L. 133-6 et L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles) - Modalités de renouvellement de l'agrément des assistants familiaux et maternels

L'article 4 de la proposition de loi a pour objet de lever une ambiguïté qui pourrait naître d'une interprétation littérale de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF). En vertu de ses dispositions, la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial ne peut être exercée qu'après délivrance d'un agrément par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. Un arrêté du ministre chargé de la famille fixe la composition du dossier de demande d'agrément, ainsi que le contenu du formulaire de demande. Il définit également les modalités de versement au dossier d'un extrait du bulletin n° 3 du casier judiciaire de chaque majeur vivant au domicile du demandeur, à l'exception des majeurs accueillis en application d'une mesure d'aide sociale à l'enfance. Le code dispose que cet agrément n'est pas accordé si l'un des majeurs concernés a fait l'objet d'une condamnation pour plusieurs types d'infractions graves 31 ( * ) .

Pour toute autre infraction inscrite au bulletin n° 3, il appartient au service départemental de protection maternelle et infantile de juger de l'opportunité de délivrer ou non l'agrément.

L'agrément est accordé pour une durée de cinq ans et doit être renouvelé en suivant la même procédure que celle prévue pour sa délivrance initiale 32 ( * ) . Toutefois, la loi semble contenir une dérogation à ce formalisme en application du cinquième alinéa de l'article L. 421-3 du CASF. Celui-ci dispose que le renouvellement de l'agrément d'un assistant familial est automatique et sans limitation de durée lorsque la formation que l'assistant est tenu de suivre dans un délai de trois ans après le premier contrat de travail suivant son agrément est sanctionnée par l'obtention d'une qualification. Cette précision paraît exclure que soit contrôlé périodiquement le casier judiciaire des majeurs vivant au foyer de l'assistant. La modification introduite par l'article 4 de la proposition de loi écarte cette ambiguïté pour que chaque renouvellement de l'agrément soit conditionné à ce contrôle.

Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-8 portant rédaction globale de l'article 4 qui s'articule désormais autour de deux divisions.

Le réintroduit dans le texte de la proposition de loi l'article 33 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 33 ( * ) , relatif à l'interdiction d'exploiter, de diriger l'un des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le CASF 34 ( * ) , d'y exercer une fonction à quelque titre que ce soit, ou d'être agréée au titre des dispositions du même code.

En application de l'article L. 133-6 du CASF, relèvent de ces interdictions les personnes qui ont été condamnées définitivement pour crime ou à une peine d'au moins deux mois d'emprisonnement sans sursis pour certains délits au nombre desquels :

- les délits d'atteintes à la vie, à l'exception de l'homicide involontaire ;

- les délits d'atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne, à l'exception du délit prévu au premier alinéa de l'article 222-19 35 ( * ) du code pénal ;

- les délits de mise en danger de la personne, d'atteintes aux libertés de la personne, d'atteintes à la dignité de la personne et d'atteintes aux mineurs et à la famille ;

- les délits d'appropriations frauduleuses ;

- les délits de recel et les délits assimilés ou voisins ;

- les délits de faux ;

- la provocation à l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants.

L'objet des modifications introduites par l'article 33 à l'article L. 133-6 du CASF était d'appliquer ces interdictions d'exercice à certains délits, indépendamment du quantum d'emprisonnement décidé par la juridiction de jugement.

Auraient ainsi conduit aux mêmes incapacités d'exercer les condamnations définitives pour les délits suivants :

- le délit d'agressions sexuelles, autres que le viol, imposées à un mineur de quinze ans prévu à l'article 222-29-1 du code pénal ;

- les délits de mise en péril des mineurs prévus aux articles 227-22 à 227-27 du même code (corruption d'un mineur, propositions sexuelles à un mineur de quinze ans, consultation habituelle ou en contrepartie d'un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition une image ou une représentation d'un mineur à caractère pornographique, atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur de quinze ans ou sur un mineur âgé de plus de quinze ans, etc.) ;

- le délit de recel d'images à caractère pédopornographique (combinaison des articles 321-1 et 227-23 du code pénal).

Votre commission ayant considéré bienvenue cette évolution de la législation, elle a par conséquent décidé de l'insérer au sein de la proposition de loi.

Le reprend pour sa part les dispositions de l'article 4 de la proposition de loi en y apportant des modifications de portée rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (Art. 227-23 du code pénal) - Augmentation des quantums de peine prévus pour le délit de consultation habituelle, de détention et d'acquisition d'images pédopornographiques

Le quatrième alinéa de l'article 227-23 du code pénal recouvre quatre infractions distinctes, passibles de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende, qui ne sont cependant pas applicables depuis les mêmes dates :

- détention de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, applicable depuis le 7 mars 2002 ;

- consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition l'image ou la représentation pornographique de mineur, applicable depuis le 7 mars 2007 ;

- consultation, en contrepartie d'un paiement, d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition l'image ou la représentation pornographique de mineur, applicable depuis le 7 août 2013 ;

- acquisition de l'image d'un mineur présentant un caractère pornographique, applicable depuis le 7 août 2013.

L'article 5 de la proposition de loi porte ces quantums de peine à quatre ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende.

Votre rapporteur a demandé au ministère de la justice de lui fournir des éléments statistiques pour apprécier si ces délits donnaient lieu à des condamnations par les juridictions et, dans ces cas, pour évaluer les quantums moyens de peine prononcés. Il apparaît tout d'abord que les deux infractions les plus récentes, applicables depuis le 7 août 2013, n'ont pas encore fait l'objet d'une inscription au casier judiciaire, seules les données provisoires des condamnations prononcées au cours de l'année 2013 étant pour le moment disponibles.

Le délit de détention d'images pédopornographiques, applicable depuis le 7 mars 2002, donne quant à lui lieu à environ 800 condamnations chaque année. En 2013, 462 condamnations pour lesquelles il s'agissait de l'infraction principale ont été prononcées, 218 condamnations ayant été décidées sur ce seul fondement délictuel. Lorsque l'infraction est unique, les sanctions comprennent le plus souvent une peine d'emprisonnement avec sursis. Quand une peine d'emprisonnement ferme a été prononcée (21 condamnations, à titre d'infraction unique, à de l'emprisonnement ferme en 2013), le quantum moyen était de 7 mois (10 mois en 2012, et 7 mois en 2011). En outre, entre 20 et 30 infractions conduisent chaque année à une condamnation à une peine d'amende, à titre principal ou non. Ainsi en 2013, 21 peines d'amendes ont été inscrites au casier, pour un montant moyen de 1 500 euros.

S'agissant du délit de consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition des images pédopornographiques, applicable depuis le 7 mars 2007, les condamnations prononcées sur ce fondement ont sensiblement augmenté, passant de 72 en 2008 à 266 en 2013 (27 à titre d'infraction unique). Sur ces 27 condamnations, 24 ont comporté une peine d'emprisonnement avec sursis et trois une peine d'amende pour un montant moyen de 2 333 euros.

Ces statistiques montrent que les quantums actuellement applicables sont loin d'être saturés par les juridictions, amoindrissant l'intérêt pour le législateur d'en prévoir le doublement. En outre, il est nécessaire de maintenir une cohérence de l'échelle des peines applicables en matière de lutte contre les infractions sexuelles dont sont victimes les mineurs. Outre le fait que la création d'un quantum de quatre ans d'emprisonnement constituerait une nouveauté dans le code pénal, aucun délit ne faisant actuellement l'objet d'une telle peine, le passage des quantums à quatre ans d'emprisonnement et à 60 000 euros d'amende atténuerait considérablement l'écart répressif avec d'autres délits, lesquels présentent pourtant une gravité supérieure et impliquent des victimes bien identifiées, à l'instar des agressions sexuelles autres que le viol, passibles, en vertu de l'article 222-27 du code pénal, de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Au terme de cette analyse, votre commission a adopté un amendement COM-9 de son rapporteur, ainsi qu'un amendement COM-4 identique présenté par M. Jacques Bigot afin de supprimer l'article 5.

Article 6 (Art. 212-9 et 212-10 du code du sport) - Modification des conditions d'interdiction d'enseigner, d'animer ou d'encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs

Inséré dans le texte élaboré par votre commission par un amendement COM-10 présenté par votre rapporteur, l'article 6 constitue la reprise des dispositions de l'article 31 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 36 ( * ) .

Son modifie l'article L. 212-9 du code du sport. En application de ce dispositif, nul ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs s'il a fait l'objet d'une mesure administrative d'interdiction de participer, à quelque titre que ce soit, à la direction et à l'encadrement d'institutions et d'organismes soumis aux dispositions législatives ou réglementaires relatives à la protection des mineurs accueillis en centre de vacances et de loisirs, ainsi que de groupements de jeunesse ou s'il a fait l'objet d'une mesure administrative de suspension de ces mêmes fonctions. Cette interdiction trouve donc toujours à s'appliquer alors même que la mesure administrative aurait cessé de produire ses effets : en application de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles, de telles mesures administratives peuvent, selon les cas, présenter un caractère temporaire ou définitif. La rédaction actuelle de l'article L. 212-9 du code du sport conduit donc à écarter définitivement une personne des activités d'enseignement, d'animation ou d'encadrement, alors même qu'elle n'aurait fait l'objet que d'une mesure temporaire.

Lors du débat en séance publique à l'Assemblée nationale sur le projet de loi DADUE, le Gouvernement a ainsi fait valoir que ces dispositions pourraient exposer la France à un risque de condamnation par la CEDH pour des motifs liés à leur insuffisante proportionnalité.

Dans ces conditions, en vertu du de cet article, cette interdiction d'exercice d'activités sportives ne trouverait à s'appliquer que si la personne est actuellement frappée d'une mesure administrative d'interdiction ou de suspension. Il en résulte qu'à l'issue d'une mesure administrative temporaire, l'interdiction serait levée, ce qui autoriserait la personne à exercer à nouveau de telles activités.

Le modifie l'article L. 212-10 du code du sport. Selon ce dernier, le fait pour toute personne d'exercer contre rémunération l'une des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive ou de faire usage de ces titres ou de tout autre titre similaire en méconnaissance des interdictions définies à l'article L. 212-9 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. La modification apportée à ce dispositif vise à étendre ce régime pénal à ces mêmes activités quand elles sont exercées à titre bénévole .

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi rédigé .

Article 7 (Art. L. 914-6 du code de l'éducation) - Régime disciplinaire des chefs d'établissement privé d'enseignement du premier degré

L'article 7 résulte de l'adoption par votre commission, sur proposition de son rapporteur, de l' amendement COM-11 . Celui-ci insère dans le texte élaboré par la commission l'article 32 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 37 ( * ) .

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 914-6 du code de l'éducation définit le régime disciplinaire applicable à « toute personne attachée à l'enseignement dans un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré qui n'est pas lié à l'État par contrat ou dans un établissement d'enseignement supérieur privé ». Ces dispositions sont également applicables, en vertu du dernier alinéa, à « tout chef d'établissement d'enseignement du second degré privé ou d'enseignement technique privé, ainsi qu'à toute personne attachée à la surveillance d'un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré ou d'enseignement supérieur privé ».

Cet article vise à remédier à une malfaçon de l'article L. 914-6 afin que les chefs d'établissement privé d'enseignement du premier degré, actuellement exclus de son champ d'application, soient également assujettis à ce régime disciplinaire.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé .

Intitulé de la proposition de loi - Protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles

Par cohérence avec les modifications apportées au texte tendant à élargir son objet, et dans un souci de précision juridique, votre commission a adopté, sur proposition de votre rapporteur, un amendement COM-12 modifiant l'intitulé de la proposition de loi, pour faire référence à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles.

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .


* 13 Ce chapitre concerne les atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne.

* 14 Cette section est consacrée aux agressions sexuelles.

* 15 Cette décision ayant déclaré contraire à la Constitution une sanction complémentaire d'interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales.

* 16 Dernières statistiques disponibles du casier judiciaire.

* 17 Ce point demeurant donc inchangé par rapport à la rédaction de la proposition de loi.

* 18 Loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

* 19 Des atteintes aux mineurs et à la famille.

* 20 Les deux dernières datant du 11 mars et du 16 septembre 2015.

* 21 Arrêt du 10 juin 1992 de la première chambre civile.

* 22 Arrêt du 26 mai 2004 de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

* 23 Indépendamment de l'examen de la présente proposition de loi, le Gouvernement a annoncé son intention de soumettre prochainement au Parlement un projet de loi, actuellement en cours d'examen par le Conseil d'État, portant sur ce sujet.

* 24 Le rapport indique qu'une « des difficultés - c'était notamment le cas dans l'Isère et dans l'Ille-et-Vilaine - vient de ce que précisément l'administration, ignorant que l'un de ses agents a été condamné, n'est pas en mesure de demander copie du jugement ».

* 25 Ce terme apparaissant au surplus inapproprié puisqu'il appartient au ministère public, et non à l'autorité judiciaire, de procéder aux transmissions d'information.

* 26 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 27 « Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. [...] ».

* 28 Décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010.

* 29 Le cadre procédural de l'enquête préliminaire ne garantissant pas, pour sa part, à la personne mise en cause le même exercice de ses droits à la défense.

* 30 En application de l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

* 31 Atteinte volontaire à la vie, torture, acte de barbarie, violence, viol, agression sexuelle, exhibition et harcèlement sexuel, enlèvement et séquestration, recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, délaissement de mineur et mise en péril des mineurs.

* 32 Article D. 421-20 du CASF.

* 33 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 34 Relèvent de ce régime juridique les modes d'accueil collectif à caractère éducatif de mineurs (article L. 227-4), les établissements et services sociaux et médico-sociaux (article L. 312-1) tels que les établissements ou services prenant en charge habituellement des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans relevant de l'aide sociale à l'enfance, les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, ou encore les centres d'action médico-sociale précoce mentionnés à l'article L. 2132-4 du code de la santé publique.

* 35 « Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois » [...].

* 36 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 37 Décision n° 2015-719 DC précitée.

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