CHAPITRE III
LUTTE CONTRE LA FRACTURE NUMÉRIQUE
Article 27
(art. L. 1425-1,
L. 1425-2 et L. 5722-11 [nouveau]
du code général des
collectivités territoriales
Principe de cohérence entre les
différents interventions
des collectivités territoriales et de
leurs groupements
en matière de lutte contre la fracture
numérique
Le présent article vise à renforcer la cohérence des interventions publiques en matière numérique, en clarifiant les modalités d'interventions des personnes publiques concernées, d'une part, par la définition de nouvelles conditions de versement de fonds de concours entre personnes publiques pour l'établissement et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques, d'autre part, par l'articulation de la planification numérique avec le nouveau schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) prévu à l'article 6.
Votre commission a adopté, en première lecture, un amendement de M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, afin :
- de porter à trente ans la durée maximale de versement des fonds de concours en raison de la nature des investissements concernés impliquant de longues périodes d'amortissement ;
- d'étendre à l'ensemble des collectivités territoriales et à leurs groupements la faculté de recevoir des fonds de concours des autres collectivités ou groupements concernés par un projet d'aménagement numérique ;
- de sécuriser la base légale de certains montages existants en faisant référence à la compétence générale d'aménagement du territoire ;
- d'étendre, à l'initiative de vos rapporteurs, les missions des syndicats mixtes concernés à l'exploitation des réseaux de télécommunications, et non pas seulement à leur établissement.
En séance publique, outre un amendement rédactionnel de ses rapporteurs, votre Haute Assemblée a adopté un amendement de M. Éric Doligé autorisant la délégation de compétence en matière d'aménagement numérique entre deux syndicats mixtes, afin de permettre une « exploitation supra-départementale des réseaux construits à une échelle départementale ».
En dehors de plusieurs amendements rédactionnels de son rapporteur à l'utilité discutable, la commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé le critère portant sur la période de déploiement comme élément définissant le principe de cohérence des réseaux d'initiative publique, en raison de son caractère superflu en comparaison des deux autres critères que sont le type de services rendus et les zones géographiques concernées. Elle a également supprimé la disposition permettant la délégation de compétence en matière d'aménagement numérique entre deux syndicats mixtes, cette faculté étant déjà prévue par le présent article. Enfin, elle a rétabli, sur proposition de son rapporteur, le dispositif initial du Gouvernement relatif à la possibilité de bénéficier de fonds de concours pour l'établissement d'un réseau de communications électroniques : ainsi, elle a supprimé ce bénéfice à l'exploitation des réseaux et réduit à vingt ans la durée maximale de versement de ces fonds de concours.
Votre commission ne partage pas ces dernières modifications. Elle estime que la période de trente ans répond à un véritable besoin des acteurs, en raison notamment de la nécessaire organisation qu'implique la mise en service des réseaux numériques. En outre, elle estime important de prévoir le recours à ces fonds de concours pour l'exploitation des réseaux et non pas seulement pour leur investissement.
C'est pourquoi, outre les amendements rédactionnels COM-658 et COM-659 de ses rapporteurs, votre commission a adopté l' amendement COM-660 allongeant à trente ans la durée maximale de versement des fonds de concours et élargissant ce bénéfice à l'exploitation des réseaux numériques.
Elle a également, par l' amendement COM-424 de Mme Jacqueline Gourault, renforcé l'optimisation des stratégies et des financements de l'aménagement numérique tout en respectant l'investissement et les prérogatives des départements en la matière. Enfin, elle a adopté l' amendement COM-510 du Gouvernement visant à ouvrir le dispositif dérogatoire sur les fonds de concours uniquement aux syndicats mixtes exerçant pleinement la compétence numérique et non à ceux gérant par délégation un ou plusieurs réseaux pour le compte d'une autre collectivité dans un temps limité.
Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié .
Article 27 bis
(art. L. 32,
L. 34-8-1 et L. 34-8-5 [nouveau] du code des postes
et des
télécommunications électroniques)
Obligation de
couverture
des zones « blanches » et
« grises » de téléphonie mobile
Le présent article résulte d'un amendement de M. Jacques Mézard, adopté par le Sénat en séance publique, reprenant les dispositions de l'article 6 de la proposition de loi n° 118 (2011-2012) de MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy visant à assurer l'aménagement numérique du territoire, adoptée par le Sénat le 14 février 2012 et rejetée par l'Assemblée nationale le 22 novembre 2012. Il tend à mettre en oeuvre une obligation de couverture des zones dites « grises » ou « blanches » de téléphonie mobile, en recourant à la prestation d'itinérance locale ou à la mutualisation des infrastructures de deuxième génération.
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) évalue à 2,2 % la part de la population métropolitaine - soit plus d'un million de personnes - vivant dans des zones « blanches » ou « grises » 110 ( * ) , c'est-à-dire des territoires ne présentant pas une couverture téléphonique satisfaisante. Comme l'indique M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, « dans la mesure où elles sont peu peuplées, parfois difficiles d'accès et, en tout état de cause, peu rentables, ces zones sont malheureusement trop fréquemment délaissées par les opérateurs. »
Pour améliorer les conditions de réception en matière de téléphonie mobile dans ces zones, ont été créés deux dispositifs techniques.
Le premier, appelé « itinérance » et défini à l'article L. 34-8-1 du code des postes et télécommunications électroniques, consiste à ce que l'opérateur présent prenne en charge les communications des autres opérateurs. Ainsi, chaque abonné, quel que soit son opérateur, peut émettre et recevoir des appels dans une zone couverte par au moins un opérateur. Cette prestation fait l'objet d'une convention de droit privé entre les opérateurs et détermine les conditions techniques et financières du dispositif. Cette convention est ensuite communiquée à l'ARCEP qui peut, après avis de l'Autorité de la concurrence, demander la modification des accords d'itinérance locale déjà conclus.
Le second est celui de la mutualisation, prévu par le décret n° 2006-268 du 7 mars 2006 relatif aux conditions d'établissement et d'exploitation des réseaux et à la fourniture de services de radiocommunications mobiles, qui vise à inciter les opérateurs à conclure des accords de mutualisation pour les infrastructures passives - les pylônes - afin de réduire leurs coûts dans les zones « grises » jugées peu rentables.
Comme l'avait souligné notre collègue, M. Hervé Maurey, « Si le cadre juridique permet ou incite donc à l'itinérance et à la mutualisation, notamment dans les zones `zones grises', il ne l'impose aucunement, ce qui explique sans doute l'importance encore non négligeable de ces dernières. ». 111 ( * )
Afin d'assurer un déploiement satisfaisant du dispositif de l'itinérance et permettre une couverture en téléphonie mobile sur l'ensemble du territoire, le présent article pose notamment l'obligation, à la charge des opérateurs, de prestation d'itinérance locale dans les zones non couvertes par des services de téléphonie mobile de deuxième génération. Par dérogation, les opérateurs pourraient mutualiser leurs infrastructures, en cas d'accord en ce sens. Les zones concernées feraient l'objet d'une concertation entre le représentant de l'État dans la région, les départements et les opérateurs de radiocommunications mobiles.
Outre quatre amendements rédactionnels, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de son rapporteur, un amendement supprimant la référence aux services mobiles de deuxième génération pour recourir à la prestation d'itinérance locale afin de permettre son utilisation aux autres générations (3G et 4G). En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision de son rapporteur.
Votre commission se félicite de la position du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale qui a rappelé, à l'instar de M. Jacques Mézard lors du débat en séance publique en première lecture, que « la situation de certains de nos territoires en matière d'accès à la téléphonie mobile appelle une réponse rapide . » Malgré les annonces répétées du Gouvernement du dépôt et de l'examen d'un projet de loi numérique qui, à ce jour, n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour parlementaire, le présent article permet d'imposer aux opérateurs de téléphonie mobile la couverture des zones « grises » et « blanches » tout en limitant la prestation d'itinérance aux seules services de deuxième génération.
Votre commission a adopté l'article 27 bis sans modification .
* 110 Les zones « blanches » sont les zones dans lesquelles n'est présent aucun opérateur de téléphone mobile. Les zones « grises » sont les zones dans lesquelles sont présent un ou deux des opérateurs de téléphonie, non les trois.
* 111 Rapport n° 321 (2011-2012) de M. Hervé MAUREY sur la proposition de loi visant à assurer l'aménagement numérique du territoire, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.