EXAMEN EN COMMISSION
M. Hugues Portelli , rapporteur . - Nous examinons une proposition de loi constitutionnelle déposée par MM. les présidents Larcher et Bas, qui a pour objet d'introduire dans la Constitution le concept de représentation équitable des territoires, pour l'élection des assemblées locales. Cette révision apporterait une dimension nouvelle à la conception de représentation telle qu'elle existe en France depuis 1789, et cela permettrait de surmonter l'obstacle jurisprudentiel que représente la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment son application restrictive du principe d'égalité devant le suffrage. Cependant, cette novation se limiterait à l'élection des assemblées des collectivités territoriales et de leurs groupements.
En quoi ce texte modifie les principes fondateurs du droit électoral français ? La conception française de la représentation remonte à 1789 et part de l'idée que la souveraineté appartient à la Nation, qui est l'ensemble indivisible des citoyens. Dans cette conception, le vote était considéré non comme un droit, mais comme une fonction. Ce qui explique qu'il n'y avait pas de référence au droit de vote dans la Déclaration des droits de l'homme : toutes les questions concernant le droit de vote étaient réglées par la Constitution de 1791, dont la Déclaration faisait intégralement partie. Et cette Constitution organisait l'inégalité dans le suffrage : elle distinguait le citoyen actif et le citoyen passif, le citoyen de l'électeur, tout cela dans le cadre d'un suffrage censitaire. Il reste aujourd'hui quelque chose de cette conception d'électorat-fonction : le droit électoral distingue la population et la Nation. Le représentant est le représentant de la Nation, mais il est élu sur des bases démographiques, le calcul des circonscriptions se fait sur la base de l'ensemble de la population. En revanche, n'exercent la fonction d'électeurs que les seuls citoyens, ce qui explique que les circonscriptions qui ont une population égale peuvent avoir un nombre d'électeurs différents.
La conception globale et indivise de la Nation se retrouve au niveau territorial. En 1789, les constituants souhaitaient créer une nation une et indivisible, qui devait également exister au niveau territorial : il fallait donc supprimer toutes les différences entre les territoires. Ainsi lorsqu'on parle de représentation, on ne parle que de Nation et pas de territoire, et les calculs se font sur une base purement démographique et arithmétique. Cette tradition de la révolution française est devenue la tradition républicaine. Le Conseil constitutionnel s'est strictement calé sur cette vision et a affirmé, depuis 1999, que le député et le sénateur représentent la Nation toute entière, et non la population de leur circonscription.
Cela explique pourquoi les auteurs de la proposition de loi, prudemment, n'ont évoqué que les collectivités territoriales. Ici, nous nous heurtons au problème de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui applique le principe d'égalité devant le suffrage, ce principe étant entendu de façon purement démographique, et valant pour toutes les élections. Le Conseil constitutionnel n'admet que des correctifs à ce principe, à travers l'existence d'un motif d'intérêt général. Ce motif d'intérêt général peut être une raison géographique, autorisant l'élection d'un sénateur à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin par exemple. L'autre motif d'intérêt général était constitué par la règle des deux députés par circonscription, qui est tombé après que le nombre de député a été fixé à 577, car elle devenait inconciliable avec la limite maximale d'écart fixée à 20 %.
Cette proposition de loi constitutionnelle concerne uniquement les élections locales. La jurisprudence du juge administratif en la matière, notamment les nombreux arrêts rendus ces derniers mois concernant le périmètre des nouvelles circonscriptions départementales, est intéressante. Au sein de sa jurisprudence, le Conseil d'État utilise le terme de « territoires » pour qualifier ces circonscriptions électorales.
En outre, il fait preuve d'une plus grande flexibilité que le juge constitutionnel s'agissant du découpage des circonscriptions locales. En effet, le Conseil d'État qualifie la jurisprudence constitutionnelle selon laquelle la population d'un canton ne devrait pas s'écarter de plus 20 % de la population moyenne du département de simple « ligne directrice », notamment dans ses arrêts en date du 5 novembre 2014 relatifs à la Corse. De surcroît, dans son arrêt communauté de communes du Plateau Vert du 30 décembre 2014, il affirme que ce seuil « ne résulte ni de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, qui impose d'établir le territoire de chaque canton sur des bases essentiellement démographiques, ni d'aucun texte ». Ce seuil des 20 % ne constitue donc pas un obstacle infranchissable pour le Conseil d'État.
La présente proposition de loi constitutionnelle comporte deux types de dispositions.
Il s'agit tout d'abord de modifier l'article 1 er de la Constitution en ajoutant, après les mots « son organisation est décentralisée », que la République « garantit la représentation équitable des territoires dans leur diversité ». La notion de « territoire » serait donc insérée dans la Constitution. Leur diversité géographique, humaine ou économique serait également reconnue et traduite dans leur représentation électorale.
L'article 72 de la Constitution serait ensuite modifié. À la fin de son troisième alinéa relatif au principe de libre administration des collectivités territoriales, il est proposé que les territoires d'élection des membres de ces collectivités et de leurs groupements soient « représentés équitablement » tout en respectant le principe d'égalité devant le suffrage. Je proposerai uniquement un amendement rédactionnel.
En tant que rapporteur, j'invite à l'adoption de cette proposition de loi constitutionnelle. Je rappelle également que le pouvoir constituant est déjà intervenu à rebours du Conseil constitutionnel notamment dans le cas de la parité. Il a en effet fallu qu'une révision constitutionnelle soit adoptée en 1999 puis en 2008 pour que le Conseil revoit sa jurisprudence et s'adapte à la volonté du constituant.
M. Philippe Bas , président . - Je remercie le rapporteur pour son intervention à laquelle je souscris pleinement. Je rappelle que le Président du Sénat, lors de son discours du 21 octobre 2014, s'est fait l'écho de la préoccupation d'élus concernant ce seuil fixé par le Conseil constitutionnel et restreignant les possibilités de représentation des territoires en tant que tels.
Cette proposition de loi constitutionnelle ne remet pas en cause les grands principes de la représentation nationale. Elle ne s'appliquerait d'ailleurs ni aux élections législatives ni aux élections sénatoriales. Elle vise à être efficace et c'est d'ailleurs pourquoi il est proposé d'indiquer un seuil au sein même de la Constitution. Pour mémoire, en l'état actuel, le Conseil constitutionnel ne permet pas que la population d'un canton s'écarte de plus de 20 % de la population moyenne du département, sauf motif d'intérêt général caractérisé.
La présente proposition vise à accroître ce seuil en passant de 20 % à un tiers. Il serait également possible de dépasser ce nouveau seuil d'un tiers en présence d'un motif d'intérêt général. L'ensemble de ces dispositions permettrait de lever les difficultés de représentation des territoires.
Un amendement rédactionnel a été proposé concernant le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales mentionné à l'article 72 de la Constitution. Nous en débattrons mais je tiens à préciser qu'il ne modifie aucune règle de fond concernant ce pouvoir des collectivités.
M. François Zocchetto . - Je salue cette proposition de loi constitutionnelle qui représente une étape supplémentaire dans la réflexion que nous menons au Sénat sur les notions de territoire et de représentation de celui-ci. Comme l'a montré le rapporteur en resituant cette initiative dans son contexte, cette proposition est loin d'être anodine. Elle introduit dans notre Constitution les notions de diversité et d'équité, cette dernière restant à définir par rapport au concept d'égalité. En conjuguant, dès la première phrase, équité et égalité, cette proposition ouvre des perspectives de travail pour les exégètes.
Je remercie le Président Bas de nous avoir apporté son éclairage sur les intentions des auteurs de la proposition. Je m'interroge toutefois sur trois points.
En premier lieu, il est proposé d'élargir le « tunnel » des 20 %. Ne serait-il pas possible de prévoir d'abandonner ce « tunnel » en cas d'intérêt général suffisant ?
Par ailleurs, est-il indispensable de fixer un seuil ? Cela a pu effectivement paraître audacieux à certains. Pour ma part, j'estime cela opportun eu égard aux différents appels du juge au constituant en la matière.
Enfin, je me pose la question des intercommunalités et de la représentation des villes-centres. On a voté que celles-ci ne pouvaient obtenir plus de la moitié des sièges au sein de l'assemblée délibérante d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Cela ne conduirait-il pas dans certains cas à ce que leur représentation se trouve en deçà du seuil de 30 % ?
M. Jean-René Lecerf . - Cette proposition de loi constitutionnelle est particulièrement intéressante : peut-on encore tolérer que 80 % du territoire ne soit représenté que par 1 ou 2 % des élus ? J'aimerais toutefois revenir sur quelques aspects.
Tout d'abord, je remarque que si la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'est pas juridiquement contestable, elle l'est en revanche intellectuellement. On a évoqué la souveraineté nationale. Avec de nombreux auteurs, je considère que la Nation est la réunion des générations passées, présentes et futures. Dès lors, la représentation à la virgule près de ceux qui habitent un territoire seulement à un moment donné, peut prêter à discussion. Il y a donc matière à s'interroger sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Quant à la jurisprudence du Conseil d'État, j'en ai été à plusieurs reprises très surpris. Dans mon département, le découpage de certains cantons confine au détournement de pouvoir et pourtant le Conseil d'État n'y a pas vu malice. Cela me rappelle la déclaration de Michel Debré lorsqu'il disait : « Il n'y a pas de magistrature administrative, il n'y a que des fonctionnaires qui exercent le métier de juge. ».
Dernière remarque sur la rédaction du dernier alinéa de l'article 2. Je ne suis pour ma part pas convaincu par ce seuil du tiers, qui fait un peu « cuisine électorale ». Ne serait-il pas possible d'inverser la rédaction en écrivant : « La population représentée par les élus de chaque territoire peut, sans impératif d'intérêt général, s'écarter de moins d'un tiers de la population moyenne représentée par les élus du conseil » ? Pour ma part, j'aurais cependant préféré une rédaction plus large du deuxième alinéa, par exemple : « Les territoires d'élection des membres des conseils des collectivités territoriales et de leurs groupements sont définis de façon à concilier le respect de l'égalité devant le suffrage avec la représentation des territoires. ». Cela permettrait les adaptations locales.
Pour le reste, je note tout de même que ce débat demeure largement virtuel dans la mesure où il est fort peu probable qu'un référendum soit convoqué dans les semaines à venir. C'est pourquoi je me suis autorisé ces quelques observations virtuelles supplémentaires.
M. Philippe Kaltenbach . - Je remercie le rapporteur pour sa présentation qui a permis de remettre en perspective ce texte, sans éluder les questions de contingence que nous avons vécues récemment au Sénat. J'ai cru comprendre que cette proposition de loi constitutionnelle vient opportunément renforcer la représentation des territoires ruraux, ce qui, à l'approche des élections départementales, n'est pas sans soulever des interrogations. Comme M. Lecerf, je doute de la convocation prochaine d'un référendum sur ce texte, qui a donc une forte dimension d'affichage politique.
Je reste attaché au principe d'égalité devant le suffrage. Certes, le Conseil constitutionnel a choisi d'autoriser les ajustements dans une fourchette de plus ou moins 20 %. Il aurait aussi bien pu retenir un « tunnel » de plus ou moins 15 %, 25 % ou 30 %. Lors de l'examen de la loi sur les élections départementales, le groupe socialiste avait proposé un « tunnel » à 30 % mais le Gouvernement nous avait opposé le risque d'inconstitutionnalité d'une telle mesure. Le groupe socialiste est donc favorable au texte sur ce point.
En revanche, le texte modifie les articles 1 er et 72 de la Constitution. Est-il bien opportun de toucher à l'article 1 er si emblématique ? La modification de l'article 72 ne suffit-elle pas à répondre au problème auquel nous sommes confrontés ?
À ce stade, le groupe socialiste n'a pas encore arrêté sa position de vote qu'il ne fera donc connaître que lors de l'examen de la proposition en séance publique. La proposition est intéressante mais prospèrera-t-elle ?
Enfin, je fais tout de même observer que plus le « tunnel » est large, plus celui qui tient les ciseaux a de facilité pour procéder au découpage qui l'arrange.
M. Philippe Bas , président . - Est-ce un aveu ?
M. Philippe Kaltenbach . - Je vous rappelle qu'à la suite du dernier découpage, il n'y a eu aucune annulation, contrairement à ce qui s'était produit par le passé. Élargir le « tunnel » implique donc la vertu de celui qui tient les ciseaux.
M. François Bonhomme . - Je souscris, quant à moi, pleinement aux intentions des auteurs de cette proposition. D'abord par la portée symbolique de l'inscription dans la Constitution de la notion de territoire, qui plus est à l'initiative du Sénat. Ensuite du fait du contexte actuel : je regrette que lors du découpage cantonal, le seul critère démographique ait été retenu, faisant fi de la notion de bassin de vie, ce qui aura pour conséquence une rupture du lien entre les élus et les territoires. Le fait que le juge n'ait prononcé aucune annulation ne signifie pas pour autant que le Gouvernement a bien travaillé. D'autant que les scrutins binominaux posent d'ores et déjà des problèmes de cohabitation au sein du duo de candidats et entraînent une confusion pour les électeurs, aussi important le principe de parité soit-il.
Avec cette proposition de loi constitutionnelle, l'égalité n'est pas mise à mal, le principe un homme-une voix demeure. Mais l'équité vient rééquilibrer le dispositif. Je souscris donc à cette proposition en espérant qu'à l'avenir la notion de bassin de vie, bien connue par les travaux de l'INSEE, soit introduite pour le découpage des circonscriptions électorales.
J'ai des exemples de communautés de communes qui formaient un bassin de vie, qui ont été divisées en trois ou quatre lors du redécoupage cantonal. Nous sommes très loin de la volonté de simplification affichée. Dans les prochains mois, nous serons sans doute amenés à corriger ce découpage.
M. Jacques Mézard . - Je soutiens pleinement cette proposition de loi constitutionnelle qui est en parfaite harmonie avec ce que j'ai défendu à de multiples reprises lors de nombreux débats. Même si cette proposition de loi constitutionnelle aura sûrement du mal à faire son chemin, elle est un message de réconfort pour nos territoires.
Quant à dire que c'est une manoeuvre politicienne avant les élections départementales, je crois que personne n'a à donner de leçon à quiconque sur cette question. D'ailleurs, je ne connais aucun Gouvernement qui n'ait jamais eu de visées électoralistes.
La meilleure preuve, monsieur Kaltenbach, c'est que vous nous expliquez que votre groupe a soutenu le « tunnel » de 30 %, mais que cette fois, à 33 %, cela vous pose un problème.
Je m'étonne que les gouvernements qui se succèdent n'aient pas à coeur de trouver un consensus sur l'essentiel, c'est-à-dire les modes de représentation de nos concitoyens. Ce qui a pour effet, au fil des ans, de faire grimper l'abstention lors des élections.
Nos circonscriptions n'ont plus aucun sens. Il en est de même pour les élections régionales. Nous nous sommes déjà exprimés sur cette question. Vous le verrez, il y aura peu de votants car dans certains départements, aller voter n'aura plus aucun intérêt car le résultat sera connu d'avance. Des territoires entiers auront le sentiment de ne plus exister.
Conserver le même système pour les régionales, en procédant à des fusions en grandes régions me parait antidémocratique. Et cela éloignera encore davantage les électeurs.
Avec le « tunnel » de 20 %, nous sommes coupés des réalités, des intercommunalités, des bassins de vie.
De toute façon, nous ne voulons pas poser les vrais problèmes. Que les conseillers municipaux de Paris soient toujours conseillers généraux et cumulent les indemnités, cela ne trouble personne, et surtout pas les médias parisiens.
Dans des territoires très urbanisés, avec une densité importante de population, la situation est bien différente de celle des territoires ruraux, pour lesquels le « tunnel » de 20 % n'est pas du tout adapté. Les textes récents ne font qu'aggraver cette marginalisation. Si vous ne voulez pas, monsieur Kaltenbach, que ces territoires se sentent marginalisés et non représentés, pour ne pas dire plus, en référence à la notion utilisée récemment par le Premier ministre à destination des zones périurbaines, il faut adopter ce texte.
Je vous remercie donc, monsieur le président ainsi que le président Larcher, pour cette initiative. Quel que soit le moment où vous l'avez prise, c'est le bon moment.
M. Christophe Béchu . - Je soutiens également cette proposition et je joins mes remerciements à ceux exprimés par le président Mézard. Je souhaite réagir à l'intervention de M. Kaltenbach. Je n'ai qu'un seul point d'accord avec lui : la complexité qu'il y a à vouloir modifier l'article 1 er de la Constitution.
En revanche, il me semble invraisemblable que le groupe socialiste ait une position réservée sur cette question alors qu'il a défendu en séance publique le « tunnel » de 30 % pour les élections départementales. Vous devriez plutôt vous réjouir qu'un texte permette aujourd'hui de réaliser ce que vous souhaitiez à l'époque.
Je ne peux laisser dire que derrière ce texte il y aurait la volonté de modifier les équilibres électoraux pour pouvoir en bénéficier, alors que le Gouvernement, depuis qu'il est au pouvoir, a changé tous les modes de scrutin et toutes les dates d'élections qui ont eu lieu. Cela a été le cas pour les élections sénatoriales, départementales, régionales, en s'y reprenant parfois à plusieurs reprises pour choisir les dates.
Quant à la question des binômes, les territoires sont très exactement dans la situation que nous avions décrite, avec des attelages dont l'absence de responsabilité mutuelle de fait pose déjà des difficultés dans les méthodes de campagne et en posera demain pour les comptes de campagne, compte tenu de la solidarité qui lie les binômes en droit. Nous allons avoir un contentieux électoral de grande ampleur...
Nous nous étions également interrogés sur le principe d'équité. Pourquoi l'écart de représentation entre les départements peut dépasser largement les 20 % ? Un conseiller départemental, en fonction du département dans lequel il se trouve ne représente pas le même nombre d'habitants. On nous avait répondu qu'il faut tenir compte des particularismes locaux.
Que fait ce texte ? Il propose une vision qui n'est pas égalitariste mais qui, précisément, correspond à ce qu'est notre pays et notre histoire. Il tient compte de nos disparités territoriales avec un « tunnel » qui ne traite pas la France de manière uniformisée. Ce n'est pas un recul de la démocratie, c'est une reconnaissance de la manière dont ce pays s'est construit.
Même si je peux concevoir que cette volonté de tenir compte de la réalité des territoires puisse poser problème, si la position réservée du groupe socialiste devait être une position négative en séance publique, utiliser l'argument d'une manoeuvre politicienne de la majorité sénatoriale ne déplacerait pas un électeur de plus lors des prochains scrutins.
M. Jean-Pierre Sueur . - Je ne serais pas intervenu sans le plaidoyer de M. Béchu.
Il faut mesurer les effets des élections départementales dans le temps. Le fait qu'il y ait plus d'égalité entre les habitants des cantons me semble être une avancée. Dans l'Hérault par exemple, il y avait un écart de un à quarante entre la population des différents cantons...
Vous savez bien que nous sommes tous profondément attachés à la ruralité. Nous sommes attachés à l'égalité et à la représentation des territoires
Nous avons estimé utile que notre groupe puisse statuer sur ce sujet lors de sa prochaine réunion. Nous devons avoir ce débat démocratique au sein du groupe, car nous trouvons que cette proposition de loi, ainsi que le rapport de notre collègue Hugues Portelli, méritent réflexion.
M. Philippe Bas , président . - Je voudrais rappeler que cette proposition de loi constitutionnelle n'a que deux signataires, le Président du Sénat et moi-même. Elle n'émane pas d'un groupe - elle ne sera d'ailleurs pas inscrite dans un espace réservé - mais traduit une position que, je pense, nous partageons pour la plupart. Sa logique n'est pas politique mais sénatoriale. Par ce texte, notre institution, qui représente les collectivités territoriales, s'oppose à une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui ne prend pas suffisamment en compte la réalité des territoires.
M. Hugues Portelli , rapporteur . - La proposition de loi constitutionnelle n'innove pas en utilisant le concept d'équité. Depuis 2008, l'article 4 de notre Constitution y fait référence pour ce qui concerne la participation des groupements politiques à la vie démocratique de notre Nation. Il s'agit seulement d'appliquer ce concept à la prise en compte des territoires.
Fallait-il modifier l'article 1 er en plus de l'article 72 ? J'en suis convaincu : la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'appuie sur une interprétation particulière de ce premier article, plus que sur celle de l'article 72. Si nous voulons revenir sur cette jurisprudence, nous devons modifier les termes de l'article 1 er qui la fondent.
M. Philippe Bas , président . - Il faut aussi tenir compte de notre architecture constitutionnelle : les premiers articles de notre Constitution posent les principes, les suivants, les règles qui en découlent. Il ne serait pas tout à fait cohérent de modifier la règle à l'article 72 sans le faire, pour le principe, à l'article 1 er .
Monsieur Lecerf, ne pas fixer, comme nous le proposons, un seuil d'un tiers serait prendre le risque que le Conseil constitutionnel maintienne sa jurisprudence sur les 20 %, estimant que cette proportion tiendrait suffisamment compte des exigences que nous consacrerions. J'ajoute que ce plafond pourra parfois être dépassé pour tenir compte de certaines situations territoriales.
Monsieur Zocchetto, vous vous êtes inquiété que les villes-centres des intercommunalités soient défavorisées dans la répartition des sièges si l'on appliquait le seuil d'un tiers. Rien n'oblige le législateur à retenir dans la loi un niveau aussi élevé d'écart entre la représentation démographique de certains territoires et la moyenne de celui dans lequel ils se trouvent. La proposition de loi constitutionnelle vise seulement à lui donner une plus grande marge de manoeuvre pour fixer, au niveau où il le souhaitera, le seuil susceptible de favoriser la représentation équilibrée des territoires.
M. André Reichardt . - L'inquiétude exprimée par notre collègue sur le seuil d'un tiers fixé dans la Constitution portait sur ses conséquences juridiques.
M. Hugues Portelli , rapporteur . - Comme monsieur le président l'a rappelé, le seul moyen de lier la décision du Conseil constitutionnel est, puisque celui-ci retient une proportion, d'en fixer une autre dans la Constitution.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Hugues Portelli , rapporteur . - Cet amendement est rédactionnel en inscrivant les modifications apportées après une référence aux « conseils élus » des collectivités territoriales et en déplaçant les dispositions relatives au pouvoir réglementaire sans les modifier.
M. André Reichardt . - Il présente l'intérêt de mettre plus clairement en avant le pouvoir réglementaire de nos collectivités.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission adopte la proposition de loi constitutionnelle ainsi modifiée.
Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 2
|
|||
M. PORTELLI, rapporteur |
1 |
Rédactionnel |
Adopté |