TITRE VI - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 37 - Compensation financière des transferts de compétences au coût historique d'exercice par l'État des compétences transférées
Le présent article prévoit les règles de compensation financière des transferts de compétences entre collectivités territoriales prévues par le projet de loi.
• Les règles de compensation des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales
Aujourd'hui, seule la compensation financière des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales est prévue par la jurisprudence et les dispositions constitutionnelles et législatives.
Le principe de compensation financière des transferts de compétences, posé par la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, a reçu une consécration constitutionnelle avec son insertion au quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République qui dispose que « tout transfert entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». Il découle de ces dispositions deux dispositifs : d'une part, la compensation des compétences transférées par l'État ; d'autre part, le financement des compétences créées ou étendues .
La compensation financière des transferts de compétences est soumise au respect de cinq principes destinés à assurer la neutralité budgétaire desdits transferts sur le budget des collectivités territoriales bénéficiaires 135 ( * ) :
a) l'intégralité de la compensation : les ressources transférées par l'État aux collectivités territoriales doivent être équivalentes aux dépenses, directes ou indirectes, effectuées par celui-ci au titre des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts . Chaque dépense fait l'objet d'une évaluation 136 ( * ) sur une période prévue par la loi, variable selon le type de dépense :
- le droit à compensation pour les charges de fonctionnement transférées est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences ;
- le droit à compensation pour les charges d'investissement transférées est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes et hors fonds de concours, constatées au cours des dix dernières années précédant le transfert, sauf pour le domaine routier pour lequel la durée est établie à cinq ans.
b) la concomitance de la compensation au transfert : en d'autres termes, tout accroissement de charges résultant des transferts de compétences s'accompagne du transfert concomitant des ressources nécessaires à leur exercice ;
c) l'évolution de la compensation , qui est variable selon la nature des ressources transférées.
Les ressources transférées évoluent selon la dotation globale de fonctionnement (DGF). Ainsi, la dotation générale de décentralisation (DGD) évolue au même rythme que la DGF tandis que la fiscalité transférée tire son évolution du dynamisme propre aux impositions transférées. En revanche, la dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC) et la dotation régionale d'équipement scolaire (DRES) évoluent en fonction de la formation brute de capital fixe (FBCF) des administrations publiques 137 ( * ) . Enfin, en cas de diminution des recettes fiscales transférées, il appartient à l'État de maintenir un niveau de ressources équivalent à celui qu'il consacrait à l'exercice de cette compétence avant son transfert, en majorant le montant de la fiscalité transférée à due concurrence . |
d) le contrôle de la compensation , par la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC) 138 ( * ) . Formation restreinte du Comité des finances locales (CFL) , sa mission principale est le contrôle de la compensation financière allouée par l'État en contrepartie des transferts de compétences, en donnant son avis sur les projets d'arrêtés interministériels fixant le montant de cette compensation pour chacune des collectivités territoriales concernées.
e) la conformité des compensations de transferts à l'objectif d'autonomie financière : les dispositions du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution visent à privilégier les transferts de fiscalité aux dotations budgétaires pour respecter le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.
Pour assurer le respect de ces cinq principes, ont été mis en place trois dispositifs.
Le premier est le transfert d'impôts d'État 139 ( * ) qui, en vertu de l'article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, doit représenter le mécanisme de compensation principal, destiné à respecter le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, selon lequel les ressources des collectivités territoriales doivent comporter une « part déterminante » de ressources propres 140 ( * ) . Ainsi, les transferts de compétences résultant de la loi précitée du 13 août 2004 ont majoritairement été compensés aux régions métropolitaines sous forme de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et, pour les départements, sous forme de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) et de TIPP. L'évolution des fractions de ces impôts nationaux est prévue chaque année en loi de finances afin d'ajuster aux dépenses transférées les produits transférés aux collectivités territoriales.
Le deuxième dispositif de compensation est la mise en oeuvre d'un fonds de compensation de la fiscalité transférée (FCFT). Lorsque le produit des impôts d'État transférés à un département est supérieur au montant des charges transférées, il est diminué au profit du fonds de compensation de la fiscalité transférée (FCFT). Le montant de l'écrêtement est fixé chaque année par un arrêté interministériel. Les sommes ainsi prélevées sont ensuite réparties entre les départements dont le produit des ressources fiscales transférées ne couvre que partiellement le droit à compensation.
Enfin, le dernier dispositif de compensation est la dotation générale de décentralisation . La différence entre le montant des charges transférées aux collectivités territoriales et le produit de la fiscalité transférée et, le cas échéant, de la dotation du FCFT, est compensée par l'attribution d'une dotation générale de décentralisation (DGD).
S'agissant du financement des créations et des extensions de compétences , confiées directement aux collectivités territoriales sans avoir été exercées auparavant par l'État, il s'agit d'une nouveauté introduite par le quatrième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution. Dans ce cadre, l'État ne procède qu'à une estimation, et non à une évaluation des dépenses comme dans le cadre d'un transfert. Ce régime apparaît donc moins protecteur que le régime des compétences transférées pour les collectivités territoriales. Toutefois, le pouvoir d'appréciation du législateur pour déterminer les ressources nécessaires à une création ou une extension de compétences ne doit pas dénaturer le principe constitutionnel de libre administration , si bien que la compensation budgétaire doit être suffisamment élevée.
• Le dispositif prévu par le projet de loi
Ø Le I du présent article rappelle les principes traditionnels encadrant le financement des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales selon les modalités décrites précédemment. La compensation financière des transferts de compétences devraient s'effectuer au « coût historique » d'exercice par l'État des compétences transférées. Le calcul des droits à compensation ser aient évalués sur la base de moyennes actualisées consacrées par l'État, qui s'élèveraient à trois ans maximum pour les dépenses de fonctionnement et de cinq ans minimum pour celles d'investissement.
Ø Le II dispose que la compensation financière de ces transferts de compétences s'opèrerait, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toute nature, dans les conditions fixées par une loi de finances. Une garantie serait instituée en cas de baisse des compensations liée à une diminution des recettes fiscales.
Ø Le III prévoit que le financement des opérations inscrites dans les contrats de plan État-régions pour la période 2007-2013 et relevant de compétences transférées est assuré par l'État et les collectivités territoriales en distinguant :
- les opérations engagées antérieurement à la promulgation de la présente loi : dans ce cas, les sommes versées par l'État sont déduites du montant annuel de la compensation financière pour le transfert de compétences ;
- les opérations engagées postérieurement à la promulgation de la présente loi et relevant d'une compétence transférée à une collectivité territoriale seraient financées par ces dernières.
Ø Le IV prévoit que les compensations des extensions ou créations des compétences seraient soumises aux règles prévues par le droit commun.
Ø Le V prévoit l'application des règles de droit commun relatives à la compensation des transferts de compétences entre l'État et les collectivités territoriales à la compensation des transferts de compétences entre les collectivités territoriales, en particulier entre les départements et les régions ou les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Serait mise en place une commission locale pour l'évaluation des charges et des ressources transférées, composée paritairement de quatre représentants du conseil général et de quatre représentants de la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert de compétences. Elle serait présidée par le président de la chambre régionale des comptes territorialement compétente.
Elle serait consultée sur l'évaluation préalable des charges correspondant aux compétences transférées ainsi que sur les modalités de compensation. Les charges transférées devraient être équivalentes aux dépenses consacrées par la collectivité départementale à la date du transfert, éventuellement diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts. Une majorité des deux tiers des membres de la commission fixerait les périodes de références et les modalités d'évaluation des dépenses engagées par le département.
En cas de désaccord entre les membres de la commission locale, le droit à compensation des charges d'investissement serait égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes notamment, figurant dans les comptes administratifs du département et constatées sur une période de dix ans précédant la date du transfert.
S'agissant des charges de fonctionnement, la compensation, en cas de désaccord entre les membres de la commission locale, serait égale à la moyenne des dépenses actualisées figurant dans les comptes administratifs du département et constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences.
Les charges transférées par le département à une autre collectivité territoriale seraient compensées par ce dernier, chaque année, par une dotation de compensation des charges transférées, qui constitueraient une dépense obligatoire pour le département. Le département continuerait à percevoir les compensations financières allouées par l'État en contrepartie des transferts antérieurs de ces compétences et des services afférents.
Ø Le VI prévoit que le cadre du transfert des routes départementales aux régions, prévu par l'article 9 du présent projet de loi, s'accompagnerait de celui des services départementaux chargés de leur entretien, en particulier celui des parcs de l'équipement. Des règles particulières de compensation sont précisées. Le département continuerait à percevoir les compensations financières allouées par l'État en contrepartie du transfert des parcs.
Les régions seraient soumises aux mêmes obligations que les départements actuellement puisqu'elles ne pourraient pas effectuer de prestations pour le compte et à la demande des communes et de leurs groupements, en dehors des règles de mise en concurrence. La région se substituerait de plein droit au département pour poursuivre les contrats signés par ce dernier avec les communes ou leurs groupements, jusqu'à leur terme.
Ø Le VII tend à définir des dispositions similaires en cas de transferts de compétences entre communes et régions que celles définies entre départements et régions, prévues au V.
Ø Le VIII précise que les contrats conclus par les régions avant l'entrée en vigueur du présent projet de loi se poursuivent jusqu'à leur terme dans les conditions prévues lors de leur conclusion.
Ø Le IX donnent la faculté aux départements de conserver leurs participations dans le capital d'établissements de crédit destinés à garantir les concours financiers accordés à des entreprises privées.
Ø Enfin, le X prévoit la gratuité des transferts des biens dans le cadre de la constitution des nouvelles régions. Est également organisée la continuité des actes juridiques entre les anciennes régions et la nouvelle région.
Il tend à définir les modalités de fonctionnement budgétaires pour la période précédant l'adoption, par la nouvelle région, de son budget. Les crédits ouverts au budget de l'exercice précédent des anciennes régions, les recettes et les dépenses de fonctionnement inscrits au budget de l'année précédente et les autorisations de programme et d'engagement votées au cours des exercices antérieurs sont la sommes de ces crédits, recettes et dépenses de fonctionnement et autorisations de programme et d'engagement figurant dans les budgets correspondants des régions d'où est issue la nouvelle région.
• La position de la commission
Sans remettre en cause la philosophie des dispositions du présent article, qui reprennent les règles traditionnelles de compensation financière des transferts de compétences entre une commune et une intercommunalité, d'une part, et entre l'État et les collectivités territoriales, d'autre part, votre commission a adopté deux amendements identiques supprimant les dispositions prévoyant que les départements continueraient de percevoir les compensations financières allouées par l'État en contrepartie des transferts antérieurs des compétences transférées à une autre collectivité territoriale ou un groupement. Il s'agit d'une suppression cohérente avec la suppression, par votre commission, de la plupart des transferts initialement envisagés par le projet de loi.
Votre commission a également adopté un amendement de M. Christian Favier, prévoyant, en cas de désaccord de la commission locale d'évaluation des charges et ressources transférées, d'abaisser à cinq ans la période d'évaluation des charges transférées, sur le modèle prévu en cas de transfert de l'État à une collectivité territoriale.
Votre commission a adopté l'article 37 ainsi modifié .
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La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.
* 135 Article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales.
* 136 Article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales.
* 137 Articles L. 3334-16 et L. 4332-3 du code général des collectivités territoriales.
* 138 Article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales.
* 139 Article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales.
* 140 Article L. 1614-5 du code général des collectivités territoriales.