B. LA CONTRIBUTION DE LA BRANCHE AT-MP AUX FONDS AMIANTE

Les dépenses de la branche AT-MP du régime général relatives à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes de l'amiante représentent près de 17 % de ses charges en 2013. Cette importance s'explique par la gravité des pathologies en cause. Les affections et les cancers liés à l'amiante comptent pour 8 % de l'ensemble des maladies professionnelles mais représentent un montant total de prestations et d'indemnisations versées (900 millions d'euros) supérieur à celui imputable aux affections péri-articulaires (810 millions d'euros) qui représentent quant à elle pourtant 79 % des maladies professionnelles.

L'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP en est le principal financeur.

Les fonds amiante


Le Fcaata

Institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le dispositif d'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) est ouvert aux salariés du régime général à partir de l'âge de 50 ans. Pour y être éligibles, ces derniers doivent être atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante ou avoir travaillé dans des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, du flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales. La liste de ces établissements est fixée par arrêté. Le dispositif a été étendu aux dockers professionnels en 2000, aux personnels portuaires de manutention en 2002 et aux salariés agricoles atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante en 2003.

Le Fcaata prend en charge :

- les allocations de cessation anticipée d'activité ;

- les cotisations au régime de l'assurance volontaire vieillesse au titre des régimes de retraite de base et complémentaire ;

- et depuis 2011, la dépense induite pour les régimes de retraite de base par le maintien à 60 ans de l'âge de départ en retraite des travailleurs de l'amiante. Cette charge prend la forme d'un transfert de compensation aux caisses de retraite des régimes de base, au premier rang desquels la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav).

Le financement du fonds est assuré par une contribution de la branche AT-MP du régime général fixée chaque année par la LFSS et qui représentait 96 % des produits du fonds en 2013, une fraction du produit des droits de consommation sur le tabac et une contribution de la branche AT-MP du régime des salariés agricoles dont le montant est fixé annuellement par arrêté.

La gestion du fonds est partagée entre la Cnam et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Depuis 2012, le Fcaata est consolidé dans les comptes de la branche AT-MP.


Le Fiva

Etablissement public administratif créé par la LFSS pour 2001, le Fiva assure quant à lui la prise en charge de la réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes de maladies liées à l'amiante et de leurs ayants droit, que ces maladies soient ou non d'origine professionnelle. Le barème d'indemnisation prend en compte à la fois l'incapacité fonctionnelle (préjudice patrimonial ou économique) et les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels. Les dépenses du fonds dépendent du nombre d'offres et de la mise en oeuvre du barème voté par le conseil d'administration de l'établissement ainsi que de l'issue des contentieux relatifs aux offres du Fiva qui peuvent aboutir à une majoration des offres.

Outre les dotations versées par branche AT-MP et, selon les années, par l'État, le Fiva dispose d'autres ressources financières constituées notamment de reprises sur provisions et des produits des actions engagées par le fonds à l'encontre des employeurs au titre de la faute inexcusable.

A son article 58, le PLFSS pour 2015 prévoit une contribution totale de la branche AT-MP du régime général au Fiva et au Fcaata de 1,073 milliard, en baisse de 14,5 % par rapport à 2014. La LFSS pour 2014 avait en effet prévu un effort important (1,256 milliard d'euros), s'agissant en particulier de la dotation au Fiva (435 millions d'euros contre 380 millions d'euros en 2015) pour lui permettre de faire face à une importante croissance de ses dépenses résultant de l'accélération du traitement des dossiers.

1. Le Fcaata : une baisse tendancielle des dépenses en lien avec la réduction des effectifs d'allocataires

Un peu moins de 1 700 établissements sont aujourd'hui inscrits sur les listes ouvrant un droit d'accès au dispositif Acaata. Fin juin 2014, 85 156 personnes au total avaient pu bénéficier de l'allocation.

Après une croissance régulière du nombre d'allocataires entre 2000 et 2006 pendant la période de montée en charge du dispositif, le nombre de bénéficiaires du Fcaata s'est stabilisé avant de décroître progressivement à partir de 2008. Les flux de sortie du dispositif ont été multipliés par deux entre 2009 et 2013 tandis que le nombre de nouveaux allocataires n'a augmenté que d'un tiers. De 23 800, le nombre d'allocataires a ainsi été ramené à 20 600 en 2013. Dans la quasi-totalité des cas, les sorties du dispositif résultent du départ à la retraite des bénéficiaires.

La réduction des effectifs d'allocataires est estimée à 9 % en 2014 et 8,5 % en 2015. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2014, les charges liées au versement de l'Acaata devraient poursuivre leur baisse tendancielle (- 7,1 % en 2013, -8,5 % en 2014 et - 7,7 % en 2015 sous l'hypothèse d'une revalorisation des allocations évaluée à 0,22 %).

En revanche, le transfert compensatoire à la Cnav continuerait sa montée en charge. Après 55 millions d'euros en 2013, son niveau est en effet estimé à 77 millions d'euros en 2014 et 92 millions d'euros en 2015.

Le fonds a été excédentaire de 109 millions d'euros en 2013 et le resterait à hauteur de 70 millions d'euros en 2014. Le Fcaata présenterait fin 2014 un résultat net cumulé de 19 millions d'euros. Sous l'effet de cet excédent, les déficits passés restant à financer, dont le montant s'établissait à 51 millions d'euros fin 2013, seraient totalement apurés.

Pour 2015, la contribution de la branche AT-MP au Fcaata est fixée à 693 millions d'euros, en baisse de 18,5 % par rapport à 2014. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, cette diminution de la dotation conduirait à un déficit de 19 millions d'euros et à un résultat net cumulé nul fin 2015.

Votre rapporteur considère que la situation budgétaire du Fcaata n'appelle pas de remarques particulières. La question de l'ouverture d'une nouvelle voie d'accès personnelle à l'Acaata reste cependant posée . Celle-ci serait fondée non plus seulement sur les pathologies déclarées ou le fait d'avoir été employé dans l'un des établissements définis par arrêté mais aussi sur les expositions subies, quel que soit le régime de protection sociale. Or pour l'heure, le rapport qui devait être remis au Parlement sur cette question en vertu de la LFSS pour 2013 n'a toujours pas vu le jour.

Figure n° 9 :

Charges et produits du Fcaata de 2011 à 2015

(en millions d'euros)

Année

2011

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

Charges

874

858

819

786

747

taux d'évolution

-2,9%

-1,8%

-4,5%

-4,1%

-4,9%

Acaata

601

573

533

488

450

Prise en charge de cotisations d'assurance volontaire vieillesse

135

129

119

118

111

Transfert à la Cnav

6

35

55

77

92

Prise en charge de cotisations retraite complémentaire

117

107

101

93

86

Autres*

14,1

13,1

11,1

10,1

9,1

Produits

924

922

928

856

728

taux d'évolution

+1,7%

-0,2%

+0,6%

-7,8%

-15%

Dotation Cnam-AT-MP

890

890

890

821

693

Droits sur les tabacs

34

33

35

35

35

Autres produits**

0,1

-0,5

2,8

0,3

0,3

Résultat net

51

64

109

70

-19

Résultat net cumulé

-225

-160

-51

19

0

* Les autres charges sont essentiellement constituées des charges de gestion des Cram et de la MSA. Il s'agit en outre des charges de gestion de la CDC et de dotations aux provisions.

**Les autres produits sont essentiellement constitués de contribution du régime AT-MP des salariés agricoles. Il s'agit en outre de produits financiers de la CDC.

Source : Annexe 8 du PLFSS pour 2015

2. Le Fiva : une situation budgétaire qui devrait se stabiliser malgré la poursuite d'une activité soutenue

Depuis 2013, l'activité du Fiva connaît un rythme soutenu qui lui a permis de raccourcir les délais de réponse et d'augmenter le nombre d'offres d'indemnisation.

Le Fiva a en effet formulé 20 396 offres en 2013, un niveau historiquement haut après 13 750 en 2011 et 19 201 en 2012. Pour la deuxième année consécutive, ce nombre a été supérieur au nombre total de demandes nouvelles, permettant de poursuivre la résorption du stock de dossiers en attente de traitement.

La tendance à la hausse des demandes d'indemnisation s'explique par la forte progression du nombre de nouveaux dossiers, c'est-à-dire de demandes initiales de victimes vivantes ou décédées. En 2013, celui-ci s'est élevé à 5 202, soit une hausse de près de 18 % par rapport à l'année précédente. La même année, 7 944 demandes ont donné lieu à la formulation d'une offre d'indemnisation contre 7 567 en 2012, soit une hausse de 5 %.

Parallèlement, les délais de traitement des demandes se sont raccourcis, ce qui a permis une baisse du volume de contentieux indemnitaire de 20 % par rapport à 2012. Pour les victimes de pathologies graves, le délai moyen de décision constaté a été réduit de 3 semaines entre 2012 et 2013 pour s'établir à 7 mois et 2 semaines. Il se rapproche ainsi progressivement du délai légal de six mois.

A l'instar des représentants de l'association nationale des victimes de l'amiante (Andeva) au cours de leur audition, votre rapporteur se réjouit de cette inflexion . Celle-ci n'aurait pas été permise sans les évolutions structurelles engagées par le fonds depuis 2012 pour améliorer les relations avec les victimes. Le deuxième contrat d'objectifs et de performance (Cop) devra permettre de poursuivre dans cette voie. Signé avec la direction du budget et la direction de la sécurité sociale le 14 octobre dernier, il fixe les priorités stratégiques de l'établissement jusqu'à la fin de l'année 2016 en lui assignant pour objectif général de garantir une indemnisation rapide et fiable des victimes et des ayant droits.

Figure n° 10 :

Evolution de l'activité du Fiva entre 2008 et 2013

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

nombre de dossiers déposés

6 563

6 645

6010

5508

4414

5 202

taux d'évolution

-39,1 %

+1,2 %

-9,6 %

-8,4 %

-19,9 %

+17,8 %

nombre de dossiers traités

7405

6180

6844

7125

7567

7944

taux d'évolution

-17 %

-17 %

+11 %

+4,1 %

+6,2 %

+5 %

NB. : Un dossier contient nécessairement une demande de victime et potentiellement une demande d'ayants droit. Il peut donner lieu à plusieurs offres. Pour le nombre de dossiers traités, les chiffres correspondent au nombre de dossiers pour lesquels au moins une offre a été faite à la victime.

Si la part des pathologies bénignes (plaques pleurales et épaississements pleuraux) demeure prépondérante dans le nombre total des demandes d'indemnisation adressées au Fiva en 2012, la part des pathologies graves augmente . En particulier, la proportion de mésothéliomes a doublé entre 2007 et 2013, passant de 7,1 % à 14,8 %. Celle des cancers broncho-pulmonaires est passée de 19,0 % à 21,2 % entre 2011 et 2013. Or les sommes versées au titre des pathologies lourdes représentent 82 % du montant total des indemnisations versées toutes pathologies confondues en 2013.

Pour la seule année 2013, le montant total des dépenses du Fiva s'est élevé à 556 millions d'euros, dont environ 469,2 millions d'euros au titre des indemnisations, un niveau supérieur de 15,5 % à celui constaté en 2012 et de 39 % par rapport à 2011. Trois facteurs principaux sont à l'origine de cette évolution :

- un effet d'acquis, de nombreuses offres faites en 2012 s'étant reportées dans les dépenses de 2013, en particulier après une importante opération de déstockage fin 2012 ;

- un niveau soutenu de production d'offres tout au long de l'année, la moyenne mensuelle ayant progressé de 6,2 % ;

- une accélération des paiements au service financier.

Au total, l'exercice 2013 s'est clos sur un résultat déficitaire et une baisse du fonds de roulement.

Pour l'année 2014, le Fiva indique que l'activité est restée soutenue. En projection, sous l'hypothèse de la poursuite du rythme actuel, le nombre de demandes pourrait avoisiner celui de 2013. S'agissant de l'offre d'indemnisation, le Fiva a pour objectif d'égaler ce niveau pour éviter la reconstitution des stocks. Les efforts déployés pour respecter les délais légaux se poursuivraient avec l'atteinte de 5 mois et 2 semaines pour les victimes de pathologies graves.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre dernier, le montant total des dépenses pour 2014 est estimé à 513 millions d'euros, en diminution de 8 % par rapport à 2013, sous l'hypothèse d'un coût moyen par dossier proche de 77 000 euros (hausse de 10 % par rapport à 2013 après une priorité donnée par le fonds aux dossiers les plus graves et donc les plus coûteux). Les produits augmenteraient fortement sous l'effet de l'évolution du montant du versement de la branche AT-MP entre 2013 et 2014. Compte tenu du niveau élevé des réserves du fonds fin 2012, la LFSS pour 2013 avait en effet ramené la dotation de la branche AT-MP de 315 à 115 millions d'euros entre 2012 et 2013. Pour l'exercice en cours à l'inverse, le versement de la branche AT-MP s'est élevé à 435 millions d'euros. L'État n'a quant à lui pas participé au financement du Fiva de 2012 à 2014.

A moyen et long terme, le Fiva ne s'attend pas à une décroissance importante de la demande, insistant sur l'importance de l'aléa à la hausse pour les victimes environnementales.

Pour l'exercice 2015, les dépenses du fonds sont estimées à 480 millions d'euros. Avec une dotation de 380 millions d'euros de la branche AT-MP et de 10 millions d'euros de l'État, le solde serait déficitaire de 10 millions d'euros. La direction du Fiva se veut néanmoins rassurante quant à la capacité financière du fonds à assurer ses missions. Le fonds de roulement s'établirait en effet à 73 millions en fin d'année.

Figure n° 11 :

Charges et produits du Fiva de 2007 à 2015

(en millions d'euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

Charges

424

424

465

400

481

556

513

480

taux d'évolution

+19 %

0%

+10%

-14%

+20%

+15,5%

-7,7%

-6,9%

Produits

419

417,5

429,5

484,5

433

240,5

515

470

taux d'évolution

+4%

0%

+3%

+13%

-10%

-45%

+114%

-8,7%

Dotation Cnam-AT-MP

315

315

315

340

315

115

435

380

Dotation Etat

47

47,5

47,5

47,5

47

0

0

10

Reprises sur provisions

34

23

41

70

39

80

50

50

Autres produits

23

32

26

27

32

45,5

30

30

Résultat net

-5

-6

-36

84

-48

-316

2

-10

Résultat net cumulé

303

297

261

346

298

-18

-16

-26

Source : Annexe 8 du PLFSS pour 2015

Votre rapporteur estime cependant que la situation reste fragile. La dette du fonds, qui est déficitaire depuis 2013, se creuse : elle atteindrait 26 millions d'euros en 2015 après 16 millions d'euros en 2014 et 18 millions d'euros en 2013. On ne peut que d'autant plus regretter le net désengagement dont fait preuve l'Etat dans le financement du Fiva . Bien que le projet de loi de finances pour 2015 prévoie une dotation complémentaire de l'Etat de 10 millions d'euros après deux exercices successifs où sa participation était nulle, cette contribution reste notoirement insuffisante. Elle ne correspond qu'à environ un cinquième du montant des participations assurées par l'Etat avant 2013. Votre rapporteur rappelle que la mission sénatoriale sur l'amiante avait jugé légitime de prévoir un engagement de l'Etat à hauteur d'un tiers du budget du Fiva, en particulier au regard tant de ses missions régaliennes que de son rôle assumé en tant qu'employeur.

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