II. L'ADOPTION, PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, D'UNE CARTE RÉGIONALE FORTEMENT INSPIRÉE DE CELLE ENVISAGÉE PAR LA COMMISSION SPÉCIALE
Préalablement à la discussion au fond du projet de loi, l'Assemblée nationale a examiné la motion référendaire adoptée par le Sénat le 2 juillet 2014 et l'a rejetée. Dans ce cadre, son rapporteur, le député Carlos Da Silva, avait estimé que le Sénat refusait « d'assumer son rôle constitutionnel de représentants des collectivités territoriales, préférant s'en remettre au référendum ». Il avait également jugé que le Sénat s'arrogeait, par l'adoption de cette motion référendaire, un droit de veto puisque, selon lui, la motion indiquait uniquement que« le Sénat propose au président de la République de soumettre au référendum » sans mentionner l'Assemblée nationale. Ce dispositif traditionnel d'une motion référendaire démontre au contraire que par son adoption, le Sénat n'entend engager que lui-même, l'Assemblée nationale ne s'étant alors pas prononcée.
Votre rapporteur se bornera à rappeler que ce dispositif ne traduit pas le souhait du Sénat de bloquer le processus législatif mais seulement la mise en oeuvre de l'article 11 de la Constitution. La proposition des assemblées au Président de la République d'organiser un référendum résulte d'une proposition « conjointe » : elle n'implique pas un texte commun des deux assemblées.
Votre rapporteur n'entend pas revenir sur les propos tenus à l'Assemblée nationale : le Sénat a appliqué scrupuleusement les prérogatives que la Constitution reconnaît au Parlement. Chacun devrait le reconnaître et prendre aussi la mesure des conditions dans lesquelles le Sénat a été saisi du projet loi le 18 juin. Il a dû l'examiner une semaine plus tard, dans le cadre de l'ordre du jour prioritaire arrêté par le Gouvernement et après engagement de la procédure accélérée par ce dernier.
A. LES MODIFICATIONS AYANT TRAIT AUX LIMITES RÉGIONALES
1. L'évolution de la carté régionale en deux temps
Après l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli la nouvelle délimitation des régions, en la modifiant par rapport à celle initialement proposée par le Gouvernement sur un point : le Limousin était détaché de la région née de la fusion du Poitou-Charentes et du Centre et rattaché à l'Aquitaine pour former une nouvelle région. Le nombre de régions était donc maintenu à treize en métropole, sans compter la Corse.
En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement de son rapporteur et du groupe socialiste, républicain et citoyen (SRC) visant à faire encore évoluer les limites régionales :
- le Poitou-Charentes était détaché du Centre et rattaché à la région formée par le Limousin et l'Aquitaine ;
- la Picardie était rattachée au Nord Pas-de-Calais pour former une nouvelle région tandis que la Champagne-Ardenne, détachée de la Picardie, était rattaché à l'ensemble formée par la fusion de l'Alsace et de la Lorraine.
Hors la Corse, le nombre de nouvelles régions métropolitaines s'élève alors à douze.
2. Une procédure de choix du nom et du chef-lieu de région précisée
À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a prévu que le chef-lieu provisoire serait déterminé en 2015 par décret après consultation des conseils régionaux existants et a ajouté l'organisation d'un large débat réunissant les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, ainsi que les représentants des collectivités territoriales, des organismes consulaires et des organisations professionnelles de la future région.
En outre, le conseil régional élu à l'issue d'une modification des limites régionales pourrait, au regard de ce débat, proposer au Gouvernement le choix d'un chef-lieu définitif ainsi qu'un autre nom que celui prévu par la loi. S'agissant du chef-lieu définitif, le rapporteur soulignait d'ailleurs, à juste titre, que celui « n'aura pas à concentrer toutes les implantations géographiques des services et toutes les réunions du conseil régional ».
En séance publique, l'Assemblée nationale complétait la procédure de fixation du chef-lieu définitif en prévoyant, sur proposition du rapporteur pour avis de la commission du développement durable, notre collègue député Florent Boudié, un rapport consultatif des présidents des conseils économiques, sociaux et environnementaux des régions regroupées qui, après communication, ferait l'objet d'un débat sans vote devant le conseil régional avant le 30 avril 2015.
En outre, à l'initiative du député Alain Tourret, l'Assemblée nationale a prévu également que le conseil régional détermine :
- la localisation de l'hôtel de région ;
- les règles de détermination de ses lieux de réunion pendant le mandat et du programme de gestion de ses implantations immobilières, le Gouvernement ayant proposé un sous-amendement adopté par l'Assemblée nationale pour permettre dans les mêmes formes la révision de ces décisions.
3. Des limites posées au regroupement volontaire des collectivités territoriales
La commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli l' article 3 en y apportant certaines modifications. Elle a notamment abrogé, à compter du 1 er janvier 2016, date d'entrée en vigueur de la nouvelle carte régionale, les dispositions relatives au regroupement des régions, estimant que la carte régionale proposée par le présent projet de loi ne justifiait pas de nouvelles évolutions, et des départements, « leur évolution n'ayant plus de sens alors que la disparition des conseils généraux est en marche ».
Elle a par ailleurs modifié les modalités de transfert d'un département appartenant à une région et souhaitant appartenir à une autre région limitrophe en introduisant le principe d'une majorité qualifiée des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour l'adoption des délibérations concordantes des deux conseils régionaux et du conseil départemental concernés. En outre, serait fixée par la loi, et non plus par décret en Conseil d'État, toute modification des limites régionales. Le recours à ces dispositions seraient limité au 1 er mars 2019, afin de stabiliser les règles électorales au moins un an avant l'organisation des prochaines élections régionales.
En séance publique, l'Assemblée nationale a rétabli, contrairement à ce qu'avait adopté sa commission des lois, la possibilité, pour des régions contigües, de fusionner en prévoyant une majorité qualifiée des trois cinquièmes pour l'adoption des délibérations concordantes des deux conseils régionaux et du conseil départemental concernés et a également limité dans le temps le recours à cette procédure, jusqu'au 1 er mars 2019.