II. LA MISE EN PLACE DE L'UNION BANCAIRE

Lancé en juin 2012 par le sommet de la zone euro, le projet d'union bancaire repose sur l'idée d' unification de la régulation du système bancaire de la zone euro afin de briser le lien entre banques et dettes souveraines 2 ( * ) . Il consiste en trois piliers : un mécanisme de surveillance unique, un mécanisme de résolution unique et un système unique de garantie des dépôts.

A. UN MÉCANISME DE SURVEILLANCE UNIQUE DÉJÀ EN PLACE

S'agissant du premier pilier, le mécanisme de surveillance unique (MSU) a été adopté en 2013 sous la forme de deux règlements européens publiés au Journal officiel de l'Union européenne le 29 octobre 2013 3 ( * ) . Son entrée en vigueur est prévue le 4 novembre 2014.

Le MSU place l'ensemble des établissements de crédit de la zone euro sous la responsabilité de la supervision par la Banque centrale européenne (BCE). Dans le détail, les cent-vingt plus grandes banques de la zone euro, dont les dix banques françaises les plus importantes 4 ( * ) , seront désormais directement supervisées par la BCE. Les autres établissements de crédit continuent d'être supervisés par les autorités nationales, mais sous le contrôle de la BCE et avec un pouvoir d'évocation de cette dernière.

Par ailleurs, l'entrée en vigueur de la supervision unique est précédée d'une revue générale de la qualité des actifs bancaires ( Assets quality review - AQR) par la BCE, accompagnée de tests de résistance menés par l'Autorité bancaire européenne (ABE), dont les résultats sont attendus pour fin octobre. Cette « mise à nu » du secteur bancaire de la zone euro est essentielle pour à la fois rassurer les marchés sur la santé de ce dernier, identifier les zones d'ombre et les risques, et asseoir la crédibilité du nouveau mécanisme.

B. LA MISE EN PLACE DU MÉCANISME DE RÉSOLUTION UNIQUE

Le deuxième pilier de l'union bancaire est le mécanisme de résolution unique (MRU), c'est-à-dire à la définition d'une procédure unique de gestion et d'un financement commun des crises bancaires . L'objectif est, en organisant mieux le démantèlement et, surtout, en prévoyant à l'avance les modalités de financement, d'éviter que ce ne soit le contribuable qui vienne au secours des établissements en difficultés, comme ce fut le cas au cours de la crise financière.

S'agissant de la résolution, l'Union européenne a d'abord légiféré en adoptant en mai 2014 la directive établissant un cadre commun pour le redressement et la résolution des banques ( Bank Recovery and Resolution Directive - BRRD) 5 ( * ) . Cette directive oblige les Etats membres à se doter d'une procédure nationale de gestion des crises bancaires comportant un certain nombre d'éléments harmonisés (autorité de résolution ; fonds national de résolution ; renflouement interne, y compris pour les créanciers ordinaires dit « seniors », etc.).

Cependant, pour la zone euro, le mécanisme de résolution unique vise à aller plus loin : il s'agit de créer un système de résolution des banques qui soit commun à l'ensemble du secteur bancaire de la zone euro , en y transposant les principes définis dans la directive BRRD au niveau de la zone euro.

Juridiquement, le MRU repose sur deux jambes : un règlement européen , publié le 15 juillet 2014, qui pose l'architecture générale du système 6 ( * ) ; et un accord intergouvernemental (AIG) , signé le 21 mai 2014 entre les Etats participants et qui prévoit les modalités d'alimentation du Fonds de résolution unique, c'est-à-dire le transfert et la mutualisation progressive (sur huit ans) des contributions des banques perçues par chacun des Etats membres.

L'architecture mise en place par le règlement européen vise à concilier le souci d'efficacité, celui de confier le pouvoir de décision à une institution de l'Union européenne en application de la jurisprudence Meroni 7 ( * ) et celui de laisser aux Etats membres, à travers le Conseil, un pouvoir d'objection pour faire valoir, dans certaines limites, les intérêts nationaux. Globalement, l'entrée d'un établissement en résolution est décidée, suite à une alerte de la Banque centrale européenne, par un Conseil de résolution unique (CRU), avec validation de la Commission européenne et pouvoir d'objection du Conseil. L'ensemble de ces procédures de décision et de consultations est complexe, mais doit avoir lieu en 32 heures maximum, pour en assurer l'efficacité, les crises bancaires étant souvent révélées et le programme de résolution décidé en l'espace d'un week-end.

Les outils à la disposition du Conseil de résolution unique sont ceux prévus pour toute autorité de résolution nationale dans la directive BRRD et quasiment identiques, par exemple, à ceux que la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation bancaire a conférés, en France, à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution : cession d'actifs, séparation et arrêt de certaines activités, création d'un établissement relais pour les activités jugées stratégiques, imputation des pertes sur les actionnaires puis les créanciers, y compris les créanciers ordinaires (ou « senior »). Ces instruments de résolution seront désormais décidés par le conseil de résolution unique au niveau européen, puis mis en oeuvre par les autorités nationales de résolution.

Le MRU s'applique à toutes les banques de la zone euro , soit environ 6 000 établissements ; il sera directement responsable des entités supervisées directement par le MSU , tandis que les autorités nationales restent responsables de la résolution des autres établissements, sauf si leur plan de résolution prévoit l'utilisation du Fonds de résolution unique. Par ailleurs, comme le MSU, le MRU dispose d'un pouvoir d'évocation pour les banques qui ne sont pas sous sa responsabilité directe.

Le MRU entrera en vigueur à compter du 1 er janvier 2016 . Ainsi, à compter de cette date, les éventuelles crises de la quasi-totalité du secteur bancaire ne seront plus gérées au niveau national, mais au niveau européen.

La question du financement de la résolution est en partie laissée ouverte par le règlement, qui fixe seulement les règles du renflouement interne par les actionnaires et les créanciers, et pose le principe d'un Fonds de résolution unique alimenté par les banques et doté, à terme, de l'équivalent de 1 % du total des dépôts garantis, soit environ 55 milliards d'euros. En revanche, l'alimentation concrète du Fonds, c'est-à-dire le transfert des contributions nationales des banques et leur mutualisation progressive, sont réglés par l'AIG . C'est en effet ce dernier qui :

- pose le principe selon lequel les Etats s'engagent à verser les contributions nationales des banques au fonds de résolution unique européen ;

- prévoit que les contributions perçues en 2015 (avant l'entrée en vigueur du MRU) devront également être reversées au Fonds de résolution unique en 2016 ;

- précise que ces contributions nationales sont d'abord affectées à des compartiments nationaux, dont l'utilisation est progressivement mutualisée sur la période transitoire de huit ans.

Le calcul des contributions des différents établissements et, partant, la répartition des contributions des différents secteurs nationaux, font l'objet d' actes délégués de la Commission européenne et, secondairement, d'actes d'exécution du Conseil, prévus respectivement par la directive BRRD et par le règlement MRU.

L'enjeu politique réside précisément, actuellement, dans la clé de calcul qui sera ainsi définie et, partant, dans la quote-part dont chaque secteur bancaire national s'acquittera dans le total du Fonds de résolution unique . Il ne serait pas acceptable que les banques françaises, dont la taille de bilan est certes importante du fait de la concentration du secteur, mais qui ne sont pas les plus risquées de la zone euro, au regard de la crise passée, soit les premières contributrices au Fonds . Au regard de la fragmentation du marché bancaire européen, les contributions de chaque banque auront en effet un impact sur sa capacité à financer l'économie du pays dont elle ressort ; il en va ainsi du financement de nos entreprises et de nos collectivités territoriales .


* 2 Déclaration du sommet de la zone euro du 29 juin 2012 : « Nous affirmons qu'il est impératif de briser le cercle vicieux qui existe entre les banques et les États. (...) Lorsqu'un mécanisme de surveillance unique, auquel sera associée la BCE, aura été créé pour les banques de la zone euro, le MES pourrait, à la suite d'une décision ordinaire, avoir la possibilité de recapitaliser directement les banques. ».

* 3 Règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit ; Règlement (UE) n° 1022/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 modifiant le règlement (UE) n° 1093/2010 instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne) en ce qui concerne des missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne en application du règlement (UE) n° 1024/2013

* 4 BNP Paribas, BPCE, BPI France, Confédération nationale du Crédit mutuel, Caisse de refinancement de l'habitat, Crédit agricole SA, HSBC France, La Banque Postale, Société de financement local, Société générale SA.

* 5 Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 1093/2010 et (UE) n° 648/2012.

* 6 Règlement (UE) n° 806/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement dans le cadre d'un mécanisme de résolution unique et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) n ° 1093/2010.

* 7 CJUE, Arrêt Meroni c/ Haute Autorité du 13 juin 1958 (aff. 9/56 et 10/56, Rec. 1958 p. 11).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page