B. UNE PROCÉDURE RESPECTUEUSE DES DROITS FONDAMENTAUX
1. Un examen des demandes strictement encadré
a) Une demande pleinement renseignée
S'agissant de la procédure de la réadmission de nationaux ou de ressortissants d'États tiers ou des apatrides, la demande présentée, selon le modèle annexée à l'Accord, comporte impérativement , aux termes de l'article 4 , les documents concernant :
- les enfants mineurs célibataires et/ou le conjoint ;
- la nationalité de l'intéressé et l'indication des moyens par lesquels sera fournie notamment la présomption de la nationalité, du transit des ressortissants des pays tiers et des apatrides, et de leur entrée et séjour illicites;
- une photographie de la personne à réadmettre.
La protection des personnes conduit à prévoir, dans la mesure du possible, la transmission d'informations relatives à la santé de l'intéressé. La demande peut être accompagnée d'une « déclaration indiquant que la personne à transférer peut avoir besoin d'assistance ou de soins, sous réserve que l'intéressé ait donné son consentement exprès à cette déclaration » 53 ( * ) .
La demande de réadmission est transmise par la voie électronique, selon l'article 7 54 ( * ) .
Les modalités de présentation de la demande sont complétées par les stipulations des articles 3 55 ( * ) et 4 56 ( * ) du protocole d'application. Le modèle de demande est joint à l'Annexe I de l'Accord.
Il convient de souligner qu'une demande de réadmission n'est pas exigée afin de mettre en oeuvre la mesure d'éloignement d'un ressortissant de la Partie requise lorsque la personne concernée est en possession d'un passeport ou d'un document national d'identité, en cours de validité ou périmé 57 ( * ) , d'un passeport en cours de validité ou périmé, ou encore d'une réponse positive, datant de moins d'un an, à une demande de réadmission 58 ( * ) .
La demande de réadmission est, en revanche, requise lorsque la personne concernée n'est en possession que d'un des éléments de présomption de la nationalité (Cf. infra) .
S'agissant des ressortissants des pays tiers et apatrides , la transmission d'une demande de réadmission est obligatoire, à moins que la personne à réadmettre ne soit en possession d'un visa en cours de validité ou périmé ou d'une autorisation de séjour en cours de validité ou périmée 59 ( * ) .
b) Des éléments de preuve spécifiques dans le cadre de la procédure de réadmission
L'établissement de la nationalité est précisé à l'article 5 de l'Accord ainsi qu'à l'article 5 du protocole kosovar 60 ( * ) .
En l'absence de preuve de la nationalité qui dispense de formuler une demande de réadmission, l'autorité compétente doit alors disposer d'une présomption de nationalité 61 ( * ) . Outre les documents courants, tels que le permis de conduire, il convient de relever que ces commencements de preuve témoignent également des circonstances géopolitiques.
Ainsi pour le Kosovo, une présomption de nationalité peut s'établir sur la base d'un document de voyage, ou carte d'identité, délivrés par la Mission d'administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK) 62 ( * ) .
En cas de doute, ces présomptions peuvent être complétées d'une audition de l'intéressé, dans un délai de trois jours ouvrables, par les autorités diplomatiques et consulaires de la Partie requise, selon les modalités fixes à l'article 3 du protocole 63 ( * ) .
En ce qui concerne la preuve ou la présomption des conditions de réadmission des ressortissants de pays tiers et des apatrides , l'article 6 de l'Accord renvoie à l'article 6 du protocole d'application.
L'établissement de la preuve 64 ( * ) du séjour de l'intéressé sur le territoire de l'Etat requis autorise la Partie requérante à formuler une demande de réadmission 65 ( * ) .
En cas de présomption 66 ( * ) , la Partie requérante doit apprécier préalablement à cette demande, avec la Partie requise si les conditions de la réadmission sont établies, à moins que les Parties ne puissent prouver le contraire 67 ( * ) .
c) Les procédures particulières, accélérée et de transit
L'Accord prévoit également une procédure de réadmission accélérée pour les personnes appréhendées dans la zone d'un aéroport international, après avoir franchi illégalement la frontière, en provenance directe du territoire de la Partie requise. L'article 8 autorise la Partie requérante à présenter une demande de réadmission dans un délai de deux jours ouvrables , à compter de l'interpellation de l'intéressé.
En ce qui concerne la procédure de transit, l'article 12 de l'Accord stipule que « chaque Partie, sur demande 68 ( * ) de l'autre Partie, autorise le transit sur son territoire des ressortissants des pays tiers qui font l'objet d'une mesure d'éloignement prise par la Partie requérante ».
La demande doit être émise dans un délai de cinq jours précédant la date du transit 69 ( * ) . La durée maximale de l'opération de transit sur le territoire de la Partie requise est de vingt-quatre heures 70 ( * ) .
Le transit s'effectue par la voie aérienne . Toutefois, il ne doit pas être demandé si l'exécution de la mesure d'éloignement nécessite la sortie de la zone internationale 71 ( * ) ou un changement d'aéroport sur le territoire de la Partie requérante 72 ( * ) . Enfin, la Partie requérante assume l'entière responsabilité de la poursuite du voyage de l'étranger vers son pays de destination. Elle doit reprendre en charge cet étranger si la mesure d'éloignement ne peut être exécutée 73 ( * ) .
d) Une réponse encadrée dans des délais
S'agissant des délais de réponse à une demande de réadmission, il convient de rappeler que ceux-ci sont généralement brefs , en raison de la durée limitée de la rétention administrative française qui était de trente-deux jours maximum au moment des négociations.
Conformément à l'article 9 de l'Accord, le délai de réponse à une demande de réadmission dans le cadre de la procédure normale est fixé à douze jours calendaires, à compter de la date de la réception de la demande de réadmission. Ce délai ne doit pas excéder quinze jours calendaires à titre exceptionnel. Cette stipulation résulte d'un compromis . La France proposait douze jours alors que les Kosovars en demandaient quinze.
Le délai de réponse est de deux jours dans le cadre de la procédure accélérée 74 ( * ) ainsi que celle de transit 75 ( * ) . Dans ce dernier cas, ce délai particulièrement bref témoigne de la volonté des autorités kosovares de coopérer en matière de réadmission. Rappelons, en, effet, que le délai est fixé à cinq jours dans l'accord européen avec la Serbie, ce qui constitue le délai commun aux autres Etats des Balkans ayant signé des accords européens de réadmission.
e) Les conséquences de la réponse favorable à la demande
Lorsque la demande a été acceptée, l'autorité compétente française délivre un laissez-passer européen pour la réadmission sur le territoire de la République du Kosovo, conformément à la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 30 novembre 1994. Notons que dans les accords bilatéraux de facture classique, il revient généralement aux autorités de l'Etat tiers d'établir un laissez-passer consulaire.
Quant à l'autorité kosovare, elle émet le document de voyage requis pour la réadmission sur le sol français 76 ( * ) .
Les modalités de transfert sont prévues à l'article 10 de l'Accord. Le rapatriement d'une personne est précédé par les dispositions concernant la date du transfert, le point d'entrée et les escortes éventuelles.
S'agissant de ces dernières, l'article 9 du protocole d'application stipule que les Parties doivent accepter le recours à des escortes dans le cas de procédure de transit et de réadmission. En cas de transit d'un ressortissant d'un Etat tiers ou d'un apatride sous escorte policière, les membres de l'escorte de la Partie requérante doivent accomplir leur mission en civil, sans armes et en possession d'une autorisation de transit 77 ( * ) .
Si le transport s'effectue par voie aérienne , il n'est pas obligatoirement effectué par l'intermédiaire de transporteurs nationaux des Parties contractantes. Il peut être réalisé dans le cadre de vols réguliers ou de vols charter.
Quant aux coûts de la réadmission 78 ( * ) , l'article 13 de l'Accord organise leur prise en charge par la Partie requérante 79 ( * ) . Quant aux coûts exceptionnels, ils sont remboursés dans les trente jours par l'autorité compétente de la Partie requérante 80 ( * ) .
2. La garantie de la protection des personnes
Tout d'abord, si un étranger, persécuté dans son pays d'origine, arrive en France par le biais du Kosovo, il ne sera pas réadmis tant qu'il n'aura pas été statué sur sa demande d'asile ou de réfugié .
En effet, aux termes de l'article 3 81 ( * ) de l'Accord, l'obligation de réadmission n'existe pas à l'égard des ressortissants des pays tiers auxquels la Partie requérante a reconnu le statut de réfugié ou celui d'apatride. L'article 16 82 ( * ) de l'Accord énonce, en effet, que ses stipulations ne font pas obstacle à l'application des dispositions de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés 83 ( * ) ou de la Convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.
Par ailleurs, l'article 2 84 ( * ) de l'Accord exige que la Partie requérante tienne compte de la volonté de l'intéressé d'être réadmis dans le pays de son choix , si ce dernier possède la nationalité d'un pays tiers, en plus de la nationalité de la Partie requise.
En outre, en cas de « réadmission par erreur », l'article 11 de l'Accord stipule que « la Partie requérante reprend en charge toute personne réadmise par la Partie requise s'il est établi, dans un délai de trois mois après le transfert de l'intéressé, [...] que les conditions n'étaient pas remplies au moment de la sortie du territoire de la Partie requérante . »
L'article 12 85 ( * ) de l'Accord prévoit deux situations dans lesquels le transit pour éloignement peut être refusé, dans l'intérêt de la personne . Il s'agit du cas où, dans l'État de destination, l'étranger court des risques « de persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques [ou] d'être condamné devant un tribunal pénal [...] ou faire l'objet de poursuites pénales pour des faits antérieurs au transit » 86 ( * )
S'agissant de la communication des données personnelles, l'article 14 de l'Accord organise leur protection. L'utilisation des données communiquées par la Partie requise est restreinte aux fins prévues par l'Accord. A cet effet, chaque Partie informe, à sa demande, l'autre Partie sur leur utilisation. Leur transmission à d'autres personnes que les autorités compétentes ne peut être réalisée qu'avec l'autorisation préalable écrite de la Partie contractante qui les avait communiquées.
D'une manière générale, ces données doivent être protégées par les législations de chaque Partie en ce domaine 87 ( * ) . Or, il apparaît, selon l'étude d'impact, que « la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés estime que le Kosovo ne dispose pas d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel. A ce jour le Kosovo n'a pas fait l'objet d'une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne ».
En conséquence, seul l'échange d'informations autres que des données à caractère personnel peut être réalisé pour le moment, conformément à l'article 68 de la loi dite informatique et libertés 88 ( * ) .
* 53 Cf. article 4.3 de l'Accord.
* 54 Toutefois, les deux Parties peuvent convenir d'utiliser la voie de transmission la plus rapide, telle que la télécopie, en cas d'impossibilité de transmission par la voie électronique.
* 55 Cet article est relatif aux modalités de réadmission des ressortissants.
* 56 Cet article précise les modalités de réadmission des ressortissants d'Etats tiers et apatrides.
* 57 Cf. article 5.1 de l'Accord.
* 58 Cf. article 3.1 du protocole d'application.
* 59 Cf. article 4.1 du protocole d'application.
* 60 Pour la République française, la nationalité est réputée prouvée sur la base notamment de la carte d'identité en cours de validité ou périmée, du passeport en cours de validité ou périmé, d'une carte d'immatriculation consulaire, d'un certificat de nationalité, d'un laissez-passer européen, d'un certificat de naturalisation, du livret militaire...
* 61 Il s'agit notamment pour la République française, d'un document délivré par les autorités de la Partie requise et attestant l'identité ou la nationalité de l'intéressé, du permis de conduire, d'un extrait d'acte de naissance, d'un titre de séjour périmé, d'une déclaration de l'intéressé ...
* 62 Cf. article 5 du protocole.
* 63 Cf. article 5.3 de l'Accord.
* 64 L'article 6.1 du protocole d'application mentionne l'autorisation de séjour en cours de validité ou périmé, le cachet d'entrée ou de sortie figurant sur le document de voyage de l'intéressé, ou toute autre preuve (photographique, par exemple) de son entrée ou de sa sortie, les documents de toute nature (par exemple, notes d'hôtel, cartes de rappel de rendez-vous auprès de médecins, contrats de location de voitures, reçus de cartes de crédit, etc.) « montrant clairement que l'intéressé a séjourné sur le territoire de l'Etat requis », les billets nominatifs et/ou listes de passagers de compagnies aériennes, ferroviaires, maritimes ou d'autocars « attestant la présence de l'intéressé sur le territoire de l'Etat requis ainsi que l'itinéraire qu'il a parcouru sur ce dernier »; les informations attestant que l'intéressé a recouru aux services d'un guide ou d'une agence de voyages; les déclarations officielles émanant en particulier d'agents des postes frontaliers en mesure d'attester que l'intéressé a franchi la frontière.
* 65 Sauf en cas de visa en cours de validité ou périmé ou d'une autorisation de séjour en cours de validité ou périmée qui permet à l'Etat requérant de prendre une mesure d'éloignement sans transmettre de demande de réadmission.
* 66 L'article 6.2 du protocole d'application cite comme éléments de présomption La déclaration de l'intéressé, les « témoins en mesure d'attester que l'intéressé a franchi la frontière », l'exposé, émanant des autorités compétentes de l'Etat requérant, du lieu et des circonstances de l'interception de l'intéressé après son entrée sur le territoire de cet Etat, les « récits ou déclarations corroborant des renseignements, émanant de personnes apparentées à l'intéressé, de compagnons de voyage ou d'autres ».
* 67 Cf. article 6.2 de l'Accord.
* 68 Cf. Annexe II de l'Accord.
* 69 Cf. article 7.1 du protocole d'application.
* 70 Cf. article 7.3 du protocole d'application.
* 71 Cf. article 12.2 de l'Accord.
* 72 Cf. article 12.3 de l'Accord.
* 73 Cf. article 12.4 de l'Accord.
* 74 Cf. article 9 de l'Accord.
* 75 Cf. article 7.2 du protocole d'application.
* 76 Cf. articles 3 et 4 du protocole d'application.
* 77 Cf. article 9.2 du protocole d'application.
* 78 Les coûts de réadmission comprennent ceux liés aux frais de transit, jusqu'au moment de la remise de la personne par l'autorité compétente de la Partie requise.
* 79 Cf. article 13.1 de l'Accord.
* 80 Cf. article 13.2 de l'Accord.
* 81 Cf. article 3.2 de l'Accord.
* 82 Cf. article 16.2 de l'Accord.
* 83 Telle qu'amendée par le Protocole de New-York du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés
* 84 Cf. article 2.3 de l'Accord.
* 85 Cf. article 12.11 de l'Accord.
* 86 Aux termes de l'article 12.11, le transit peut être également refusé si la santé publique, la sécurité nationale, l'ordre public ou d'autres intérêts nationaux de l'État requis sont menacés.
* 87 Cf. article 14 de l'Accord
* 88 L'article 68 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dispose que « Le responsable d'un traitement ne peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat n'appartenant pas à la Communauté européenne que si cet Etat assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont ces données font l'objet ou peuvent faire l'objet . »