C. UN DÉSACCORD SUR LA QUESTION DU « MOINDRE DOUTE »
Concernant le transfert à la formation de jugement de la cour de révision de l'appréciation du doute que suscite le fait nouveau ou l'élément inconnu sur la culpabilité du condamné, il peut être fait observer que, dans son rôle d'examen de ce fait nouveau ou élément inconnu, la commission d'instruction devra forcément apprécier si celui-ci a un lien réel avec l'affaire, et donc déjà s'il peut faire naître un doute. Toutefois, il semble que, bien qu'il soit effectivement impossible d'éliminer toute appréciation de la portée du fait nouveau, la commission de révision se borne de plus en plus à établir la réalité de ce fait nouveau, afin de laisser à la cour l'essentiel de l'appréciation du doute. Votre commission a donc décidé d'approuver cette évolution.
En revanche, l'introduction de la notion de « moindre doute » paraît plus contestable.
Il s'agit pour les auteurs de la proposition de loi, par l'ajout de cet adjectif, d'inciter les magistrats à se montrer moins sévères qu'actuellement dans leur appréciation du doute. À cet égard, il convient de souligner trois points.
D'abord, s'il est vrai que la chambre criminelle s'est plusieurs fois fondée sur la notion de « doute sérieux », c'était justement en vue d'assouplir l'examen de la requête à une époque où le code de procédure pénale prévoyait que seule la conviction de l'innocence du condamné pouvait justifier la révision.
Ensuite, l'appréciation de la cour de révision a toujours varié selon que de nouveaux débats devant une autre juridiction sont possibles ou ne le sont plus. S'ils le sont, l'appréciation est alors naturellement plus indulgente que dans le cas où la cour doit statuer en dernier ressort sans renvoi.
Enfin, il paraît préférable de ne pas tenter de qualifier le doute. Notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt avait à juste titre déposé un amendement adopté par le Sénat, supprimant l'adjectif « sérieux » qui qualifiait le doute lors de l'examen de la proposition de loi ayant abouti à la réforme de 1989. Il ne serait pas plus raisonnable aujourd'hui d'introduire le « moindre » doute. Il semble préférable de laisser les magistrats apprécier si le fait nouveau fait naître ou non un doute sur la culpabilité du condamné dans leur esprit.
En conséquence, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur supprimant l'adjectif « moindre ».