EXAMEN DES ARTICLES
Article premier (art. 41-4 du code de procédure pénale) - Conservation des scellés
Le présent article prévoit une possibilité dérogatoire de conserver les scellés criminels au-delà des six mois prévus par le droit en vigueur , afin d'accroître les chances d'une manifestation de la vérité lors d'un procès en révision d'une condamnation pénale définitive.
En effet, actuellement, en vertu de l'article 41-4 du code de procédure pénale, dans l'hypothèse où les objets saisis n'ont pas été restitués ou détruits au cours de la procédure précédant le jugement ou par décision du tribunal correctionnel ou de la Cour d'assises, le procureur de la République ou le procureur général peut décider, dans un délai de six mois 8 ( * ) suivant la décision de classement ou la décision par laquelle la dernière juridiction saisie a épuisé sa compétence, de restituer les objets. Cette restitution peut également être demandée par la personne concernée au procureur de la République ou au procureur général pendant le même délai de six mois. Le refus 9 ( * ) du magistrat peut être contesté dans le mois de sa notification par requête au tribunal correctionnel ou à la chambre des appels correctionnels qui statue alors en chambre du conseil. Enfin, le procureur de la République peut ordonner la destruction des biens qualifiés par la loi de dangereux ou illicites ou dont la détention est illicite.
Si la restitution n'a pas été demandée ou décidée dans le délai de six mois, les objets non restitués, n'étant plus utiles à la manifestation de la vérité, deviennent la propriété de l'État, qui peut soit les vendre par l'intermédiaire du service France domaine, soit les détruire, soit les remettre à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).
Le délai de conservation des scellés est toutefois porté à cinq ans pour les enregistrements d'auditions de mineurs (article 706-52 du code de procédure pénale et article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) et ceux des auditions des personnes placées en garde à vue pour des faits criminels (article 64-1 du code de procédure pénale). Il est de vingt-cinq ou de quarante ans pour les scellés à partir desquels une empreinte génétique a été enregistrée dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG, articles R. 53-10 et R. 53-14 du code de procédure pénale).
Selon le rapport d'information précité sur la révision des condamnations pénales de MM. Alain Tourret et Georges Fenech, « la très fréquente destruction des scellés en application de la loi entrave considérablement la procédure de révision, en empêchant la réalisation de nouvelles analyses qui, eu égard aux avancées scientifiques des dernières décennies, auraient peut-être permis de lever le doute sur la culpabilité du condamné ».
Cette appréciation a été partagée par la plupart des personnes entendues par votre rapporteur.
Ce sont en effet les progrès scientifiques qui font apparaître l'utilité d'une conservation des scellés au-delà des périodes prévues par la loi. Ainsi, dans l'affaire Machin, les analyses ADN effectuées à la demande de la commission de révision sur les scellés qui n'avaient, par hasard, pas été détruits, ont permis d'identifier un autre responsable. Inversement, dans l'affaire Leprince, les scellés, y compris l'arme du crime, ont été détruits sur ordre du procureur en juillet 2011, quatre ans après la condamnation, ce qui a nui aux investigations ultérieures.
La circulaire CRIM 99-16-F1 du 31 décembre 1999 prévoyait déjà que les dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale « n'excluent pas que certains scellés soient conservés au-delà du délai de six mois, soit parce qu'un texte le précise, soit parce que le procureur de la République en décide ainsi, notamment en cas de non-lieu, s'il n'exclut pas la réouverture d'une nouvelle information avant l'expiration du délai de prescription ».
Par ailleurs, par une dépêche relative du 16 mars 2011, la chancellerie a invité les magistrats à veiller à une conservation plus longue que celle prévue par les dispositions de l'article 41-4 du code de procédure pénale, dans les affaires les plus délicates, définies comme : « les scellés rattachés à une procédure dans laquelle une décision de non-lieu a été rendue, mais pour laquelle la réouverture d'une nouvelle information judiciaire avant l'expiration du délai de prescription est envisageable ; les scellés rattachés à des procédures dans lesquelles une décision de classement sans suite, de relaxe ou d'acquittement a été rendue, mais pour lesquelles la réouverture d'une enquête ou une information judiciaire avant l'expiration du délai de prescription ne peut être exclue ; les scellés rattachés à une procédure ayant fait l'objet d'une condamnation définitive mais pour laquelle la perspective d'une demande de révision ou de réexamen ne peut être exclue ». Parmi ces scellés, la chancellerie recommande « qu'une attention toute particulière soit portée à ceux qui sont rattachés à des procédures relatives à une atteinte grave aux personnes, et consistent en des restes humains et, sous réserve des circonstances de l'espèce, des armes, ou des documents, ou encore des objets et prélèvements, conservés dans les greffes ou les laboratoires, susceptibles de supporter du matériel biologique, déjà révélé ou non » 10 ( * ) .
La question des modalités et de la durée de conservation des scellés a également fait l'objet d'initiatives de plusieurs de nos collègues de la commission des lois. Ainsi, le 22 novembre 2013, une question orale avec débat de M. Jean-Patrick Courtois a conduit la ministre de la justice, garde des sceaux, à aborder cette question devant le Sénat et à faire état des efforts engagés par le ministère pour améliorer la gestion des scellés. De plus, M. Jean-Pierre Michel et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste ont déposé le 1 er août 2013 une proposition de loi relative à la conservation des objets placés sous main de justice. Cette proposition de loi prévoit la conservation pendant 30 ans à compter de la condamnation des objets placés sous main de justice, utiles à la manifestation de la vérité, aussi bien en matière criminelle qu'en matière délictuelle.
Le présent article propose à son tour un allongement de la durée de conservation des scellés, mais pour une durée ( cinq ans ) et dans des cas plus limités que la proposition de loi précitée. À cette fin, il complète l'article 41-4 du code de procédure pénale par un alinéa qui prévoit une nouvelle dérogation au principe de la conservation pendant six mois des scellés pour les seules affaires ayant fait l'objet d'une condamnation définitive par une cour d'assises .
Dans ces affaires, le procureur de la République ou le procureur général devra avertir par écrit le condamné de son intention d'ordonner la destruction ou la remise des scellés au service des domaines ou à l'AGRASC. Le condamné disposera alors d'un délai de deux mois pour s'opposer à ces opérations. Si le procureur de la République ou le procureur général ne renonce pas à la remise ou à la destruction des scellés, il saisira la chambre de l'instruction, qui devra se prononcer dans un délai d'un mois. Enfin, le procureur de la République ou le procureur général devra réexaminer tous les cinq ans, dans les mêmes formes, l'opportunité de procéder à la remise ou à la destruction des scellés .
Le rapport de l'Assemblée nationale indique que cette nouvelle disposition « est équilibrée : elle ne renverse pas le principe général de conservation des scellés durant six mois mais se borne à ajouter une dérogation supplémentaire à celles existantes, limitant ainsi les investissements à réaliser pour leur stockage ».
Votre commission a adopté l'articler premier sans modification .
Article 2 (art. 308 du code de procédure pénale) - Systématisation de l'enregistrement sonore des débats en cour d'assises
Le présent article vise à généraliser l'enregistrement sonore des débats des cours d'assises , afin de fournir à la cour de révision des éléments suffisants pour pouvoir apprécier si les éléments produits à l'appui de la demande de révision sont réellement nouveaux.
Actuellement, l'article 308 du code de procédure pénale pose l'interdiction de tout enregistrement sonore ou audiovisuel des débats, sous peine d'une amende de 18 000 euros.
Toutefois, le président de la cour peut ordonner l'enregistrement sonore des débats en tout ou partie. Il peut également, à la demande de la partie civile, ordonner que l'audition ou la déposition de ces dernières fassent l'objet d'un enregistrement visuel. L'enregistrement sonore ou audiovisuel pourra être entendu ou visionné par la cour d'assises jusqu'au prononcé de l'arrêt, par la cour d'assises statuant en appel , par la Cour de cassation saisie d'une demande en révision, ou, après cassation ou annulation sur demande en révision, par la juridiction de renvoi . Ces dispositions sont peu fréquemment mises en oeuvre par les présidents des cours d'assises. La conservation des enregistrements sonores ou visuels est pourtant susceptible de contribuer ultérieurement, lorsqu'une demande de révision est faite, à déterminer si un fait nouveau ou un élément inconnu n'a pas été débattu lors de l'audience.
Or, le procès-verbal des débats de la cour d'assises, contrairement à celui des débats du tribunal correctionnel, ne comprend pas le détail de leur déroulement.
En effet, l'article 378 du code de procédure pénale prévoit seulement que le greffier dresse un procès-verbal « à l'effet de constater l'accomplissement des formalités prescrites ». Il s'agit notamment de la constatation de la composition de la cour, de la publicité des débats, de la formation du jury, de la présence du ministère public, du greffier, de l'accusé, de son défenseur, de la lecture de la décision de mise en accusation, du serment des témoins, experts et interprètes, du fait que l'accusé a eu la parole en dernier, de ce que la dossier a été déposé entre les mains du greffier avant la délibération, de réquisitoire et des plaidoiries, de la lecture des questions.
En revanche, l'article 379 dispose qu'« à moins que le président n'en ordonne autrement d'office ou sur la demande du ministère public ou des parties, il n'est fait mention au procès-verbal, ni des réponses des accusés, ni du contenu des dépositions, sans préjudice, toutefois, de l'exécution de l'article 333 concernant les additions, changements ou variations dans les déclarations des témoins ». La transcription de ces éléments dépend ainsi entièrement de la volonté du président.
Enfin, l'introduction de la motivation obligatoire des arrêts des cours d'assises par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs ne permet pas de disposer d'une explication détaillée et exhaustive de la décision. En effet, l'article 365-1 du code de procédure pénale prévoit seulement que « En cas de condamnation, la motivation consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises. Ces éléments sont ceux qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury en application de l'article 356, préalablement aux votes sur les questions ». Il en résulte une motivation des arrêts très variable selon les cours d'assises.
Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, le 1° du présent article tend à rendre obligatoire l'enregistrement sonore des débats des cours d'assises sous le contrôle du président (l'interdiction étant maintenue pour les enregistrements effectués par d'autres personnes). L'enregistrement audiovisuel restera en revanche à la discrétion du président.
Par ailleurs, par coordination avec l'article 3 de la proposition de loi qui crée la cour de révision et de réexamen et sa commission d'instruction des demandes en révision et en réexamen, le 2° prévoit que celles-ci pourront accéder à ces enregistrements sonores et visuels.
Enfin, le 3° procède à la coordination des dispositions relatives à l'ouverture des scellés qui doit s'effectuer en présence du condamné assisté de son avocat ou de l'une des personnes admises à agir en son nom après sa mort ou son absence déclarée, dont la liste est élargie par l'article 3 de la présente proposition de loi aux personnes pacsées, concubins et petits-enfants.
Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .
Article 3 (art. 622 à 626-12 du code de procédure pénale) - Instauration d'une cour unique de révision et de réexamen
1. L'instauration d'une juridiction unique comportant une formation d'instruction
Depuis la loi du 23 juin 1989 11 ( * ) , les demandes de révision sont d'abord examinées par la Commission de révision, qui exerce un rôle de filtrage des requêtes, puis, le cas échéant, par la cour de révision.
La Commission de révision (article 623 du code de procédure pénale) constitue une commission juridictionnelle, composée de cinq conseillers de la Cour de cassation désignés par son assemblée générale et présidée par l'un d'entre eux appartenant à la chambre criminelle, cinq magistrats suppléants étant désignés dans les mêmes formes. Les fonctions du ministère public sont exercées par le parquet général de la Cour de cassation.
La cour de révision, est saisie par la commission de révision des « demandes qui lui paraissent pouvoir être admises ». C'est la chambre criminelle de la Cour de cassation qui statue en tant que cour de révision .
Par ailleurs, 18 demandes de réexamen ont été adressées à une commission de réexamen dont la composition est fixée par la loi à sept magistrats de la Cour de cassation. La commission de réexamen entend son rapporteur puis renvoie le cas échéant la demande jugée recevable devant :
- l'assemblée plénière de la Cour de cassation lorsque la violation invoquée se rapporte à la procédure suivie devant elle ou qu'elle appelle une prise de position jurisprudentielle de sa part ;
- à une juridiction de même ordre ou de même degré mais autre que celle qui a rendu la décision annulée, lorsqu'il est possible de procéder à de nouveaux débats.
Selon les auteurs de la proposition de loi, l'architecture actuelle des demandes de révision présente deux inconvénients principaux.
D'une part, la chambre criminelle n'étant pas tenue de siéger en formation plénière, sa composition varie selon les affaires. En outre, les règles de procédure applicables devant les deux formations sont essentiellement d'origine prétorienne. Cette situation nourrit des soupçons de partialité à l'encontre de la commission de révision.
D'autre part, il est souvent reproché à la cour de révision d'être composée exclusivement de magistrats de la chambre criminelle. Une ouverture à des spécialistes de droit civil, voire à des non-magistrats, permettrait une appréciation plus neutre du fait ou de l'élément nouveau : il s'agit en effet au stade de la révision essentiellement d'une question de fait et non de droit, ce qui rend moins nécessaire la présence exclusive de pénalistes. La cour de révision se fonde en réalité sur son intime conviction, un peu comme un jury, la principale différence étant que le condamné est présumé coupable alors qu'il était présumé innocent lors du procès qui a abouti à sa condamnation.
2. La nouvelle composition de la cour de révision et de réexamen
Pour remédier à ces difficultés, le présent article tend tout d'abord à instaurer une nouvelle cour de révision et de réexamen, dont la composition serait précisément définie par la loi, et qui désignerait en son sein une commission d'instruction . Cette nouvelle cour de révision et de réexamen absorberait également l'actuelle commission de réexamen.
Ainsi, l'article 622, dans sa rédaction issue du présent article, disposerait que la cour de révision et de réexamen serait composée de dix-huit magistrats de la Cour de cassation , dont le président de la chambre criminelle, qui la présiderait. En dehors du président, membre de droit, les dix-sept autres membres seraient désignés par l'assemblée générale de la Cour de cassation pour une durée de trois ans renouvelable une fois.
Chaque chambre de la Cour de cassation (chambre criminelle, première, deuxième et troisième chambre civile, chambre commerciale, financière et économique et chambre sociale) serait obligatoirement représentée par trois de ses membres.
Un suppléant serait désigné pour chaque titulaire dans les mêmes conditions, le président de la Cour, président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, étant suppléé par le conseiller de la chambre criminelle dont le rang est le plus élevé.
La cour de révision et de réexamen désignerait en son sein une commission d'instruction, également pour une durée de trois ans renouvelable une fois, composée de cinq magistrats titulaires et cinq suppléants et qui désignerait son président en son sein. De ce fait, les magistrats de la commission d'instruction ne pouvant pas siéger au sein de la formation de jugement de la cour de révision, celle-ci comprendrait treize membres.
La plupart des personnes entendues par votre rapporteur se sont montrées favorable à cette nouvelle composition de la cour de révision, en particulier parce qu'elle met fin au monopole de la chambre criminelle pour la formation de jugement, ce qui devrait avoir pour effet de permettre une appréciation plus ouverte de l'existence et de la portée du fait nouveau.
Dès lors, votre commission a approuvé cette nouvelle composition.
Toutefois, elle a adopté un amendement de précision de son rapporteur prévoyant que le président de la chambre criminelle n'est pas seulement le président de la cour de révision et de réexamen, mais aussi celui de la formation de jugement de la cour.
3. La commission d'instruction
L'article 623 comporte deux dispositions destinées à assurer l'impartialité de la commission d'instruction.
D'une part, il est prévu que « les magistrats qui siègent au sein de la commission d'instruction et leurs suppléants ne peuvent siéger au sein de la formation de jugement de la cour de révision et de réexamen ». Est ainsi assurée la conformité au principe de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement, rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 relative à la composition du tribunal pour enfants. Actuellement déjà, les magistrats de la chambre criminelle qui ont participé à l'examen de l'affaire par la commission de révision ne siègent pas à la cour de révision, mais il s'agit d'une pratique purement prétorienne.
D'autre part, la proposition de loi propose d'entériner et d'étendre aux avocats généraux la règle, déjà appliquée par la Cour de cassation, selon laquelle « ne peuvent siéger au sien de la commission d'instruction des demandes en révision et en réexamen et de la formation de jugement de la cour de révision et de réexamen ou y exercer les fonctions du ministère public les magistrats qui, dans l'affaire soumise à la cour de révision et de réexamen, ont, au sein d'autres juridictions, soit fait un acte de poursuite ou d'instruction, soit participé à une décision sur le fond relative à la culpabilité du requérant ». Il s'agit ainsi d'éviter qu'un magistrat soit en situation de se prononcer sur une affaire dont il aurait déjà eu à connaître par le passé.
La commission des lois de l'Assemblée nationale a cependant supprimé la règle de déport des magistrats ayant participé à une décision sur le pourvoi en cassation . Selon elle, les magistrats de la Cour de cassation ne statuant pas en fait mais en droit sur les dossiers dont ils sont saisis, il n'y a en effet pas lieu de leur interdire de participer aux décisions de révision ou de réexamen sur ces mêmes dossiers.
4. Une commission d'instruction censée limiter son examen à l'appréciation de l'existence ou non d'un fait nouveau ou d'un élément inconnu
L'un des principaux constats faits par les membres de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la révision des condamnations pénales est celui d'un filtrage trop sévère des demandes de révision et d'une insuffisante distinction des rôles entre la commission de révision et la Cour de révision . Les modalités concrètes d'examen des demandes de révision par les deux formations sont très proches, de sorte que la commission de révision semble avoir un rôle bien plus important que celui d'un simple filtre. D'ailleurs, le texte actuel prévoit que la commission de révision saisit la cambre criminelle des demandes qui lui « paraissent pouvoir être admises » En outre, lorsque les appréciations de la commission et de la cour divergent, la justice, aux yeux de l'opinion publique, se contredit. Ainsi en fut-il dans l'affaire Leprince : la commission de révision a estimé qu'il existait un élément nouveau mais la chambre criminelle ne l'a pas reconnu comme tel.
Selon Mme Martine Anzani, ancienne présidente de la commission de révision, la sévérité de celle-ci dans le filtrage des demandes est en partie une conséquence de la sévérité de la chambre criminelle, qui a conduit la commission de révision à « durcir » son appréciation afin de ne pas être désavouée trop souvent. Dès lors, la présente proposition de loi introduit deux nouveaux éléments par rapport à la situation actuelle :
- il est prévu au sein de l'article 624 (nouveau) du code de procédure pénale que la commission d'instruction se prononce sur la « recevabilité » des demandes et qu'elle « saisit la formation du jugement de la cour de révision et de réexamen si la demande lui paraît recevable », là où le droit positif évoque les demandes « qui lui paraissent pouvoir être admises ». Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale précise que « cette nouvelle rédaction, qui se réfère à la notion objective de recevabilité, vise à éviter à la commission d'instruction de s'interroger, comme la formation du jugement, sur l'impact du fait nouveau ou de l'élément inconnu sur la culpabilité du condamné » ;
- l'article 628-1 nouveau, au sein du chapitre III consacré aux demandes en révision, précise les conditions de l'appréciation par la commission d'instruction du critère du « fait nouveau ou élément inconnu ». Si, comme dans le droit en vigueur, il est ainsi prévu que la commission d'instruction « prend en compte l'ensemble des faits nouveaux ou éléments inconnus sur lesquels ont pu s'appuyer une ou des requêtes précédemment présentées », elle se borne par ailleurs désormais à estimer qu' « un fait nouveau s'est produit ou qu'un élément inconnu au jour du procès est apparu », laissant à la seule formation de jugement le soin de déterminer l'influence de ce fait nouveau ou élément inconnu sur la culpabilité du condamné (appréciation du doute introduit par l'élément nouveau).
En revanche, comme dans le droit positif, le président de la commission d'instruction ou son délégué peuvent déclarer par une ordonnance motivée non susceptible de recours l'irrecevabilité d'une demande manifestement irrecevable. C'est actuellement le sort d'environ deux tiers des demandes, notamment lorsque le requérant n'est pas habilité à faire une demande (petits-enfants du condamné), si la condamnation n'est pas définitive ou si le demandeur reprend exactement la même argumentation que celle déjà rejetée à l'occasion d'une précédente demande.
Enfin, en matière de réexamen, l'article 626-11 (nouveau) précise que la commission d'instruction vérifie qu'il existe un arrêt de la CEDH applicable au condamné et que le recours est déposé dans un délai d'un an à compter de cet arrêt. La commission des lois de l'Assemblée nationale a précisé que la commission d'instruction saisie d'une demande en réexamen saisissait « sans délai » la formation de jugement. Sur ce point, votre commission a considéré qu'il était inutile que les demandes en réexamen soient instruites par l'ensemble de la commission d'instruction puisqu'il s'agit seulement de constater l'existence d'un arrêt de la CEDH et le respect du délai maximal d'un an entre la publication de cet arrêt et la requête en révision. Elle a donc adopté un amendement de son rapporteur permettant au président de la commission d'instruction de statuer par ordonnance pour rejeter les demandes en réexamen irrecevables et renvoyer immédiatement celles qui sont recevables à la cour de révision et de réexamen.
Concernant le transfert à la formation de jugement de la cour de révision de l'appréciation du doute que suscite le fait nouveau sur la culpabilité du condamné, il peut être fait observer que, dans son rôle d'examen de ce fait nouveau, la commission d'instruction devra forcément apprécier si celui-ci a un lien réel avec l'affaire, et donc déjà s'il peut faire naître un doute. Toutefois, il semble que, bien qu'il soit effectivement impossible d'éliminer toute appréciation de la portée du fait nouveau, la commission de révision se borne de plus en plus à établir la réalité de ce fait nouveau, afin de laisser à la cour l'essentiel de l'appréciation du doute. Votre commission a donc décidé d'approuver cette évolution .
5. Les pouvoirs d'investigation de la commission d'instruction
Par ailleurs, l'article 624 (nouveau) tend à renforcer les pouvoirs de la commission d'instruction en matière d'investigations.
Actuellement, selon la mission d'information précitée, la commission de révision fait peu usage des prérogatives qui lui sont conférées en la matière par l'actuel article 623 du code de procédure pénale (procéder « directement ou par commission rogatoire, à toutes recherches, auditions, confrontations et vérifications utiles »).
Les mesures d'instruction les plus fréquemment ordonnées sont les expertises et auditions de témoins, les experts psychiatriques.
C'est pourquoi le présent article dispose que la commission d'instruction pourrait procéder, directement ou par commission rogatoire, « à tout acte d'information utile à l'instruction de la demande », s'inspirant ainsi de la rédaction de l'article 81 du code de procédure pénal relatif aux pouvoirs d'investigation du juge d'instruction. Le rapport de l'Assemblée nationale précise que cette rédaction « doit être interprétée largement et de manière compréhensive comme embrassant tous les actes nécessaires à la manifestation de la vérité, y compris les actes de nature coercitive ». Il s'agit en particulier des actes suivants : interrogatoires, auditions de témoin ou de la partie civile, perquisitions, saisies, confrontations, reconstitutions, écoutes géolocalisations, surveillance.
En tout état de cause, le texte de la proposition de loi n'est pas suffisamment clair pour mettre fin au débat qui existe sur la possibilité pour la commission d'instruction de prendre des mesures coercitives telles qu'une garde à vue à l'encontre de tiers soupçonnés d'avoir un lien avec l'affaire. Après les auditions qu'il a menées, votre rapporteur a acquis la conviction que les actes coercitifs sur les personnes ne relèvent pas de la compétence de la cour de révision , d'autant qu'ils supposent la présence d'un avocat et sont soumis à de nombreuses contrainte procédurales. En outre, la proposition de loi prévoit la possibilité de demander à un procureur de la République d'ouvrir une information dans les cas où de tels actes sont nécessaires.
Dès lors, votre commission a adopté deux amendements de son rapporteur indiquant que les mesures d'investigations qui peuvent être effectuées par la cour, c'est-à-dire à la fois par la commission d'instruction et par la formation de jugement, sont toutes celles correspondant aux prérogatives du juge d'instruction, à l'exclusion de « l'audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction », ce qui exclut la mise en examen, la garde à vue et l'audition libre.
L'article 626-8 précise que s'il apparaît au cours de l'instruction qu'un tiers pourrait être coupable des faits reprochés au condamné, la commission d'instruction doit en aviser immédiatement le procureur de la République aux fins d'ouverture d'une information judiciaire, qui ne pourra pas être confiée à un magistrat ayant déjà connu de l'affaire, ni à un service ou un officier de police judiciaire ayant participé à l'enquête ayant conduit à la condamnation du demandeur.
Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur précisant les conséquences de la saisine du procureur de la République par la commission d'instruction lorsqu'il apparaît qu'un tiers pourrait être impliqué dans la commission des faits : le procureur devra mener des investigations, par exemple sous la forme d'une enquête préliminaire, puis il décidera s'il doit ouvrir ou non une information judiciaire .
Enfin, l'article 624 consacre le caractère contradictoire de l'audience devant la commission d'instruction en disposant, conformément à la pratique déjà suivie actuellement, que le requérant ou son avocat peuvent s'exprimer en dernier. En outre, alors que la proposition de loi initiale prévoyait que la victime n'était informée de la demande en révision ou en réexamen qu'au stade de la formation de jugement, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur disposant que la partie civile pourrait, après en avoir été dûment avisée, formuler des observations écrites ou orales au stade de l'instruction. Il s'agit ainsi, selon le rapport de la commission des lois, de parachever « l'égalisation de la place du requérant et de la victime au cours d'un procès en révision ou en réexamen ».
6. Les prérogatives de la formation de jugement
Le présent article introduit des articles 625 et 626 du code de procédure pénale reprenant pour l'essentiel les dispositions de l'actuel article 625 qui définit les prérogatives de la cour de révision.
Toutefois, la rédaction proposée en accroît les pouvoirs d'investigation. Ainsi, le présent article précise que, comme la commission d'instruction, la formation de jugement pourra faire procéder « à tout acte d'information utile à l'instruction de la demande », sur le modèle des pouvoirs conférés au juge d'instruction par l'article 81 du code de procédure pénale.
En outre, l'article 625 (nouveau) précise que « le président de la cour peut, au cours des débats, entendre toutes les personnes utiles à l'examen de la demande », mention qui vise, selon le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, à « rendre la procédure suivie devant elle moins écrite et de la rapprocher d'une procédure d'assises ».
Enfin, le même article 625 consacre le caractère contradictoire de l'audience devant la cour de révision et de réexamen en précisant, conformément à la pratique déjà en vigueur, que « le requérant ou son avocat ont la parole en dernier ».
Pour le reste, la cour de révision et de réexamen conserve les prérogatives actuelles de la commission de révision :
- rejeter la demande si celle-ci est mal fondée ;
- annuler la décision de condamnation et renvoyer à une juridiction de même ordre et de même degré mais autre que celle qui a prononcé cette condamnation lorsqu'il est possible de procéder à de nouveaux débats contradictoires ;
- annuler sans renvoi la décision de condamnation et statuer directement au fond s'il est impossible de procéder à de nouveaux débats (en cas d'amnistie, de décès, etc.) ou lorsque l'annulation de la décision suffit pour établir pleinement l'innocence du condamné. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur supprimant les termes de « démence » et d' « excusabilité » au sein de l'énumération des cas rendant impossible un nouveau procès, ces deux termes n'ayant plus d'existence juridique en droit pénal.
Enfin, dans le cas où il est fait droit à une demande de réexamen et lorsque la violation constatée par la Cour européenne des droits de l'homme porte sur une décision de la Cour de cassation, la cour de révision renvoie le requérant devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation, sans annuler la condamnation.
7. La suspension de l'exécution de la condamnation
L'article 626-1 (nouveau) reprend la rédaction des actuels articles 624 et 625 du code de procédure pénale relatifs au régime d'exécution de la condamnation .
Il précise ainsi que la commission d'instruction et la formation de jugement de la cour de révision peuvent à tout moment ordonner la suspension de l'exécution de la condamnation . La commission d'instruction ou la formation de jugement peuvent alors assortir la suspension de l'exécution de l'obligation de respecter les conditions de la libération conditionnelle définie par les articles 731 et 731 du code de procédure pénale, y compris le placement sous surveillance électronique mobile. Cette possibilité est un ajout de la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 « tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale ». La commission d'instruction précise dans sa décision les obligations et interdictions auxquelles elle souhaite soumettre la personne, en désignant le juge d'application des peines sous le contrôle duquel elle est placée. Ces obligations et interdictions s'appliquent pendant une durée d'un an renouvelable pour la même durée par la commission d'instruction ou par la formation de jugement.
L'article 626-1 maintient également le régime spécifique en cas d'annulation de la condamnation sans annulation de l'exécution de celle-ci par la formation de jugement statuant sur la demande en réexamen.
Dans ce cas, la personne reste détenue jusqu'à la décision de la Cour de cassation statuant en assemblée plénière ou de la juridiction du fond. Si cette nouvelle décision n'est pas intervenue dans un délai d'un an, la personne est automatiquement libérée. Au cours de ce délai d'un an, la personne est placée sous le régime de la détention provisoire. Elle peut donc formuler des demandes de mise en liberté.
S'agissant de la révision, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de son rapporteur instaurant le droit de former un recours contre la décision de la formation d'instruction statuant sur la demande de mise en liberté. En effet, elle a pertinemment considéré qu'« il importe d'encadrer davantage les conditions dans lesquelles un organe chargé de l'instruction des requêtes peut décider de suspendre une condamnation, influençant ainsi le jugement de la demande en révision ou en réexamen ».
Ainsi, le condamné et le ministère public pourront-ils contester la décision de la commission d'instruction devant la formation de jugement de la cour de révision et de réexamen . Le recours du ministère public sera suspensif s'il est formulé dans les vingt-quatre heures. Selon le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, « en l'absence d'un tel recours suspensif, un condamné à perpétuité aurait pu être mis en liberté sur simple décision de la commission d'instruction, annulée par la formation de jugement qui aurait dû ordonner la réincarcération de la personne, faisant courir d'importants risques à la partie civile, la société et au condamné lui-même ».
L'Assemblée nationale a également adopté en séance publique deux amendements précisant :
- que le recours du requérant ou du ministère public contre la décision de la commission d'instruction statuant sur une demande de suspension de la peine doit, en toute hypothèse, être formé au plus tard dix jours après le prononcé de la décision, comme c'est le cas en matière d'appel ;
- que lorsque le parquet forme un recours suspensif contre une décision de la commission d'instruction, la formation de jugement devra statuer sur ce recours dans un délai maximal de trois mois, faute de quoi la décision initiale de la commission d'instruction produira ses effets et le recours perdra son caractère suspensif.
Ce dispositif semble complexe et peu satisfaisant dans la mesure où la commission d'instruction pourrait toujours décider de la suspension de la condamnation alors même que le texte propose parallèlement de réduire son rôle en matière d'appréciation de la requête. En outre, le parquet près Cour de cassation n'a pas, en principe, le rôle d'un représentant de la société, mais celui de dire le droit. Il semble dès lors quelque peu inhabituel de lui demander de former des recours pour s'opposer à des décisions de mise en liberté du condamné.
Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que toute demande de suspension, qu'elle émane du condamné, de la commission d'instruction ou de la formation de jugement, soit examinée par une tierce instance, la chambre criminelle , ce qui supprime la nécessité d'un recours contre la suspension ou le refus de suspension.
8. L'assistance obligatoire de l'avocat
À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a apporté une importante modification au texte initial de la proposition de loi en rendant obligatoire l'assistance de l'avocat dans la procédure de révision et de réexamen, afin d'« améliorer la qualité des recours (...) qui seront déposés et à placer les justiciables sur un pied d'égalité devant la cour de révision et de réexamen, dans des affaires souvent complexes ou sensibles dans lesquelles le conseil d'un avocat n'est pas superflu ».
Ainsi, le requérant devra obligatoirement être représenté ou assisté par un avocat choisi par lui ou, s'il n'en connaît pas ou en fait la demande, commis d'office, dès le stade de l'instruction de la requête. Toutefois, si l'intéressé n'en connaît pas, un avocat ne sera commis d'office par le président de la chambre d'instruction que si la demande de révision n'est pas déclarée manifestement irrecevable.
En revanche, l'assistance d'un avocat reste facultative pour la partie civile. Si elle ne connaît pas d'avocat et à condition d'en faire la demande, la victime pourra se voir reconnaître le bénéfice d'un avocat commis d'office.
Votre commission a adopté un amendement de précision de son rapporteur afin de prévoir que l'avocat « représente » le requérant ou la victime dans les actes de la procédure et l' « assiste » lors des débats .
9. La possibilité pour le condamné de demander des actes d'investigation avant une demande en révision ou pendant l'instruction de cette demande
- Préalablement à la demande en révision
Le présent article tend à insérer au sein du nouveau titre II du livre III du code de procédure pénale un chapitre II intitulé « Des demandes d'actes préalables à une demande en révision », comprenant un unique article 626-3.
Cet article prévoit qu'une personne condamnée ou toute personne autorisée par la loi à présenter une demande en révision ( cf. ci-dessous ) et « qui envisage de saisir le cour de révision et de réexamen d'une demande en révision » (à l'exclusion, donc, d'une demande en réexamen, qui ne se fonde que sur un arrêt de la CEDH) peut demander au procureur de la République la réalisation de tout acte qui lui semble nécessaire à la production d'un fait nouveau ou à la révélation d'un élément inconnu au jour du procès.
Cette faculté est encadrée de la manière suivante :
- la demande doit être écrite et motivée ;
- elle doit « porter sur des actes déterminés et, lorsqu'elle concerne une audition, préciser l'identité de la personne dont l'audition est souhaitée ».
Selon le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale, la demande devra par exemple préciser les actes qui auraient pu être faits au cours de la première enquête mais qui ne l'ont pas été ou encore inviter à exploiter des scellés qui n'auraient pas été analysés une première fois ou que les évolutions technologiques permettraient de mieux exploiter ou d'éclairer sous un jour différent (en exploitant des traces ADN que l'état des technologies n'avait pas permis d'exploiter à l'époque de l'enquête).
Le procureur devra examiner la demande et statuer par une décision motivée dans un délai d'un mois, délai porté à deux mois par l'adoption d'un amendement de votre rapporteur afin de laisser au procureur le temps nécessaire à un examen approfondi de la demande. En cas de refus, un recours sera possible auprès du procureur général, qui devra se prononcer dans un délai d'un mois.
- Pendant l'instruction d'une demande en révision
Le présent article prévoit également la possibilité pour le requérant de demander la réalisation d'actes à la commission d'instruction saisie de sa demande en révision. Cette demande doit être écrite et motivée et, s'il s'agit d'une audition, préciser l'identité de la personne à entendre. La proposition de loi initiale prévoyait que la commission d'instruction devait statuer dans un délai d'un mois par une décision motivée et non susceptible de recours. La commission des lois de l'Assemblée nationale a porté ce délai à trois mois.
10. Les motifs pouvant permettre la révision d'une condamnation
Le présent article tend à insérer au sein du nouveau titre II du livre III du code de procédure pénale un chapitre III intitulé « Des demandes en révision », comprenant des articles numérotés 626-4 à 626-8.
L'article 624-4 reprend les quatre motifs actuels susceptibles de permettre la révision d'une condamnation, en y apportant quelques modifications.
Il inverse ainsi l'ordre de présentation pour placer en premier le cas de très loin le plus utilisé. La liste est donc désormais la suivante :
a) L'apparition après une condamnation d'un fait nouveau ou d'un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître le moindre doute ( cf. ci-dessous pour cette formulation ) sur sa culpabilité ;
b) L'existence de la prétendue victime de l'homicide ;
c) L'existence d'une condamnation, pour les mêmes faits, d'une autre personne ;
d) La condamnation pour faux témoignage de l'un des témoins.
Or, si les trois derniers cas d'ouverture ont une valeur de rappel historique, ils sont tous contenus dans le premier, renvoyant tous trois à un fait nouveau. Dès lors, ils n'ont pas de raison d'être juridique. Votre commission a donc adopté un amendement de son rapporteur supprimant les trois derniers cas d'ouverture.
11. Les personnes pouvant effectuer une demande
L'article 3 complète la liste des requérants admis à présenter une requête en révision en y ajoutant le parquet, représentant de la société, en la personne du procureur général près la Cour de cassation et des procureurs généraux près les cours d'appel.
Pour tenir compte des évolutions juridiques et sociétales, il ajoute également à la liste des personnes susceptibles de faire un recours en révision en cas de décès du condamné la personne liée à lui par un PACS, son concubin et ses petits-enfants, et non plus seulement son conjoint, ses enfants, ses parents, ses légataires universels ou à titre universel ou ceux qui en ont reçu la mission expresse.
La proposition de loi prévoit ainsi, au sein de deux articles distincts du code de procédure pénale, une liste identique de demandeurs pour la révision et le réexamen, à ceci près que les procureurs généraux près les cours d'appel ne peuvent intervenir que pour la révision. Dans un souci de simplification, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur insérant à la place des deux articles préexistants un article unique valant pour les deux procédures.
12. La question de la qualification du doute
Alors que le fait nouveau ou l'élément inconnu doit être, dans le droit en vigueur, « de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné », le présent article propose de substituer à cette formule l'expression suivante : « de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître le moindre doute sur sa culpabilité ».
Il s'agit pour les auteurs de la proposition de loi, par l'ajout de cet adjectif, d'inciter les magistrats à se montrer moins sévères qu'ils ne sont supposés l'être actuellement dans leur appréciation du doute . À cet égard, il convient de souligner trois points.
D'abord, s'il est vrai que la chambre criminelle s'est plusieurs fois fondée sur la notion de « doute sérieux », cette notion visait justement à assouplir l'examen de la requête à une époque où le code de procédure pénale prévoyait que seule la conviction de l'innocence du condamné pouvait justifier la révision.
Ensuite, l'appréciation de la cour de révision a toujours varié selon que de nouveaux débats devant une autre juridiction sont possibles ou ne le sont plus. S'ils le sont, l'appréciation est alors naturellement plus indulgente que dans le cas où la cour doit statuer en dernier ressort sans renvoi.
Enfin, il paraît préférable à votre commission de ne pas tenter de qualifier le doute. Notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt avait à juste titre déposé un amendement adopté par le Sénat, supprimant l'adjectif « sérieux » qui qualifiait le doute lors de l'examen de la proposition de loi ayant abouti à la réforme de 1989. Il ne semble pas plus raisonnable d'introduire le « moindre » doute. Il paraît préférable, au contraire, de laisser les magistrats apprécier si le fait nouveau fait naître ou non un doute sur la culpabilité du condamné dans leur esprit. En conséquence, l'amendement adopté par votre commission supprimant les trois derniers cas d'ouverture (cf. ci-dessus) a également pour objet de supprimer l'adjectif « moindre ».
13. La possibilité d'obtenir une copie du dossier
Le présent article insère un article 624-6 au sein du chapitre III précité, qui dispose que le requérant et la partie civile peuvent se faire délivrer copie du dossier, cette copie étant remise le cas échéant sous forme numérisée. Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur supprimant l'expression « à leurs frais » dans la mesure où il est désormais prévu, au sein des autres articles du code de procédure pénale relatifs à la remise de copies du dossier de la procédure, que la première de ces copies est gratuite.
14. Les dispositions relatives à la réparation à raison d'une condamnation
Le présent article reprend enfin les dispositions relatives à la réparation morale et pécuniaire à raison d'une condamnation annulée à la suite d'une décision en révision ou en réexamen. Ces dispositions avaient déjà été profondément rénovées par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et la loi du 30 décembre 2000 tendant à faciliter l'indemnisation des condamnés reconnus innocents.
15. Le plan de l'article 3
Enfin, votre commission a adopté cinq amendements de son rapporteur afin d'achever de réorganiser le texte issu de l'Assemblée nationale selon le plan suivant :
- Chapitre I : Des demandes en révision et en réexamen ;
- Chapitre II : De la cour de révision et de réexamen ;
- Chapitre III : De la procédure suivie devant la cour de révision et de réexamen ;
- Chapitre IV : De la décision de la cour de révision et de réexamen ;
- Chapitre V : Des demandes de suspension de l'exécution de la condamnation ;
- Chapitre VI : Des demandes d'actes préalables ;
- Chapitre VII : De la réparation à raison d'une condamnation.
Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .
Article 4 (art. 706-71 du code de procédure pénale) - Coordination dans le code de procédure pénale
Par coordination avec l'article 3 de la proposition de loi, le présent article remplace, au sein de l'article 706-71 du code de procédure pénale relatif au recours à la visioconférence au cours de la procédure pénale, les références à la commission de révision, à la cour de révision et à la commission de réexamen des condamnations par des références à la commission d'instruction des demandes en révision et en réexamen à la cour de révision et de réexamen.
La commission a adopté l'article 4 sans modification .
Article 4 bis (art. 1125-1 du code général de la propriété des personnes publiques) - Coordination dans le code général de la propriété des personnes publiques
Le présent article, introduit à l'Assemblée nationale en commission des lois par un amendement du rapporteur, effectue une coordination avec l'article premier de la proposition de loi à l'article L. 1125-1 du code général de la propriété des personnes publiques relatif au régime juridique des objets placés sous main de justice. Il précise ainsi que les scellés non restitués à leur propriétaire sont acquis par l'État selon les règles également prévues par le dernier alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale portant dérogation, pour les scellés criminels, au délai de destruction de six mois prévu par la loi.
Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .
Article 5 (art. L. 451-1 et L. 451-2 du code de l'organisation judiciaire) - Coordination dans le code de l'organisation judiciaire
Le présent article effectue une coordination au sein des articles L. 451-1 et L. 451-2 du code de l'organisation judiciaire qui disposent que les règles relatives à l'institution, aux compétences, à l'organisation et au fonctionnement des juridictions de révision et de réexamen sont fixées par le code de procédure pénale. Il y substitue ainsi aux mentions de la commission de révision des décisions pénales, de la commission de réexamen d'une décision pénale consécutif au prononcé d'un arrêt de la CEDH et de la cour de révision celles de la commission d'instruction des demandes en révision et en réexamen et de la cour de révision et de réexamen.
Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .
Article 6 (art. L. 222-17 et L. 233-3 du code de justice militaire) - Coordination dans le code de justice militaire
Cet article modifie, au sein du code de justice militaire, les dispositions relatives aux juridictions militaires établies en temps de guerre pour tenir compte de la nouvelle procédure de révision et de réexamen des décisions pénales établie par la présente proposition de loi :
- le 1° modifie l'article L. 222-17 de ce code afin de permettre à la commission d'instruction des demandes en révision et en réexamen et à la cour de révision et de réexamen d'utiliser les enregistrements sonores des audiences des juridictions militaires. Par ailleurs, il élargit la liste des personnes dont la présence est requise à l'ouverture des scellés au cours de ces audiences en y intégrant les personnes pacsées, les concubins et les petits-enfants, dans le même esprit que l'élargissement de la liste des requérants susceptibles de former un recours en révision ou en réexamen opéré par l'article 3 de la présente proposition de loi ;
- le 2° modifie l'article L. 233-3 relatif aux conditions dans lesquelles la cour de révision et de réexamen peut décider l'annulation avec renvoi du jugement d'une juridiction militaire conformément au nouvel article 626 du code de procédure pénale tel qu'issu de l'article 3 de la présente proposition de loi ;
- enfin, à l'initiative de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de coordination complétant le présent article par un 3° tenant compte du transfert des dispositions relatives à la réparation des dommages causés par une détention injuste de l'article 626 à l'article 626-12 du code de procédure pénale.
Votre commission a adopté l'article 6 sans modification .
Article 7 - Application territoriale de la loi
Le présent article prévoit que la présente loi s'appliquera sur l'ensemble du territoire de la République.
Alors que la proposition de loi initiale prévoyait seulement une application « sur l'ensemble du territoire de la République », la commission des lois de l'Assemblée nationale a pertinemment précisé que les dispositions de la proposition de loi s'appliqueraient dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, collectivités pour lesquelles il est nécessaire de mentionner expressément l'application de dispositions pénales.
Votre commission a adopté l'article 7 sans modification.
Article 8 - Date et modalités d'entrée en vigueur de la loi
La présent article propose de différer l'entrée de la proposition de loi afin, selon le rapport de l'Assemblée nationale, de « laisser à la Cour de cassation en particulier et aux acteurs de la justice de manière générale le temps de s'adapter à la nouvelle architecture des recours en révision et en réexamen et d'appliquer dans de bonnes conditions les nouvelles dispositions relatives aux pouvoirs d'investigation, aux scellés et à l'enregistrement des débats des cours d'assises ». Il s'agit en particulier de permettre au ministère de la Justice d'élaborer une circulaire d'application des articles premier à 3 et de diffuser aux juridictions les matériels nécessaires à la systématisation de l'enregistrement sonore des débats des cours d'assises, ainsi qu'aux juridictions de réorganiser les services des scellés pour tenir compte du surcroît d'objets qui devront être conservés. Ainsi, le I fixe la date d'entrée en vigueur de l'ensemble du texte au premier jour du quatrième mois suivant la publication de la loi au Journal officiel.
Par ailleurs, afin de tenir compte de la succession dans le temps des deux régimes de révision et de réexamen des décisions pénales définitives, le II dispose que « les actes, formalités et décisions intervenues antérieurement à son entrée en vigueur demeurent valables » afin de ne pas annuler les procédures en révision et en réexamen en cours ou restant à juger à la date d'entrée en vigueur de la loi. Le II prévoit ainsi :
- le transfert des demandes en révision en cours d'examen par la commission de révision ou la cour de révision respectivement à la commission d'instruction et à la formation de jugement de la nouvelle cour de révision et de réexamen ;
- le transfert des demandes en réexamen sur lesquels la commission de réexamen n'a pas encore statué à la commission d'instruction de la nouvelle cour de révision et de réexamen.
Votre commission a adopté l'article 8 sans modification .
* 8 Ce délai, auparavant fixé à trois ans, a été ramené à six mois par la loi n° 99-515 du 23 juillet 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale en raison des difficultés matérielles rencontrées pour le stockage d'une masse toujours croissante de scellés.
* 9 Ce refus peut intervenir lorsque la propriété de l'objet est sérieusement contestée, qu'elle serait de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu'une disposition particulière prévoit la destruction des objets concernés.
* 10 Réponse du 26 février 2013 de la garde des sceaux à la question n° 12574 de Mme Cécile Untermaier, députée.
* 11 Loi n° 89-431 du 23 juin 1989 relative à la révision des condamnations pénales.