Rapport n° 243 (2013-2014) de M. François MARC , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 décembre 2013

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N° 243

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 décembre 2013

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 octies du Règlement, sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne une déclaration de TVA normalisée (COM (2013) 721) ,

Par M. François MARC,

Sénateur

ET TEXTE DE LA COMMISSION

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

206 (2013-2014)

Mesdames, Messieurs,

A l'initiative de notre collègue Yannick Botrel, la commission des affaires européennes a adopté, le 3 décembre 2013, une proposition de résolution européenne (PPRE) relative à la proposition de directive 1 ( * ) tendant à rendre obligatoire, pour l'ensemble des Etats membres et de leurs entreprises, une déclaration normalisée de TVA .

La proposition de la Commission vise à substituer aux déclarations nationales une déclaration normalisée, applicable dans tous les Etats membres, et à s'assurer que toutes les entreprises de l'Union européenne (UE) fournissent les mêmes informations de base dans les mêmes délais.

En matière de TVA, les entreprises collectent le produit de la taxe et peuvent, s'il y a lieu, déduire le montant de la TVA ayant grevé leurs consommations intermédiaires. Pour ce faire, elles remplissent des déclarations de TVA périodiques. Ces déclarations contiennent les informations nécessaires pour le paiement et le contrôle de la TVA.

Ces opérations peuvent se révéler complexes, notamment dans le cas où les déclarations sont déposées dans plusieurs Etats membres différents. La lourdeur de ce mécanisme peut alors avoir des répercussions préjudiciables sur le développement des échanges intracommunautaires, la charge administrative pesant sur les acteurs économiques et la fiabilité des données des administrations responsables de la collecte de l'impôt.

Dans ces conditions, l'idée d'une déclaration de TVA normalisée renvoie à l'ambition de surmonter ces difficultés . Elle correspond également à une avancée, certes modeste, sur la voie de l'harmonisation des systèmes fiscaux au sein de l'UE.

Pour autant, la PPRE précitée souligne les limites de cette démarche et le non-respect du principe de subsidiarité , entendu au sens de l'article 5 du traité sur l'Union européenne (TUE). Cet article dispose en effet que « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union ».

I. LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE (TVA) : UN IMPÔT AU CENTRE DES RÉFLEXIONS À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE

A. UNE ATTENTION PARTICULIÈRE AU COURS DE LA PÉRIODE RÉCENTE

Au cours des dernières années, la Commission européenne a mené une réflexion particulièrement active sur le système de TVA en vigueur au sein de l'UE, ses spécificités, ses limites et son devenir.

Le 1 er décembre 2010 , la Commission a adopté un Livre vert sur l'avenir de la TVA 2 ( * ) . Dans ce document elle invitait l'ensemble des parties prenantes à porter un regard critique sur tous les aspects du système de TVA de l'UE. En retour, elle a obtenu plus de 1 700 contributions émanant des entreprises, des universitaires, des citoyens et des autorités fiscales. Ce bon taux de retour, comme l'analyse du contenu des contributions, ont amené la Commission européenne à estimer nécessaire l'approfondissement du débat.

Le 6 décembre 2012 , la Commission a rendu public une communication sur l'avenir de la TVA, « Vers un système de TVA plus simple, plus robuste et plus efficace, adapté au marché unique » 3 ( * ) . Cette communication représente à ce jour le socle de la réflexion de la Commission en matière de TVA, dans un contexte d'accélération de la mondialisation, d'intensification de la concurrence, d'évolution rapide du progrès technique et de développement du commerce électronique, ainsi que d'efforts d'assainissement des finances publiques des Etats membres.

A la suite de la publication de ce document de synthèse, la Commission européenne a lancé une consultation en vue d'un réexamen de la législation existante sur les taux réduits de TVA. Cette consultation s'est déroulée du 8 octobre 2012 au 4 janvier 2013 .

B. COMMENT FAIRE DE LA TVA UN IMPÔT D'AVENIR ?

Dans sa communication du 6 décembre 2012, la Commission européenne dégage les principales lignes directrices pouvant inspirer, selon elle, une évolution du système de TVA au sein de l'UE.

La Commission identifie trois caractéristiques essentielles pour le futur système de TVA.

Tout d'abord, le système doit être « simple » : « l'assujetti qui opère à l'échelle de l'UE devrait être soumis à un ensemble unique de règles claires et simples en matière de TVA ». La Commission envisage ainsi un « code européen de la TVA », fixant des règles adaptées aux modèles d'entreprise modernes et des obligations normalisées.

Par ailleurs, le système doit être « efficace et neutre » . Dans cette perspective, la Commission estime que « l'introduction d'une assiette d'imposition élargie, ainsi que la mise en oeuvre du principe de l'imposition au taux normal, permettraient de générer davantage de recettes à moindre coût, ou, autre possibilité, de réduire le taux normal sans incidence sur les recettes ». Elle souligne que « toute dérogation à ces principes devrait être rationnelle et définie de manière uniforme ».

Enfin, le système doit être « robuste et imperméable à la fraude » . Dans ce but, la Commission préconise une modernisation des méthodes de collecte et de contrôle de la TVA en s'appuyant, notamment, sur « un échange d'informations intensifié, automatisé et rapide entre les administrations fiscales nationales ».

II. LA PROPOSITION RELATIVE À UNE DÉCLARATION NORMALISÉE DE TVA

A. LES OBJECTIFS POURSUIVIS

Par la proposition de directive précitée tendant à rendre obligatoire, pour l'ensemble des Etats membres et de leurs entreprises, une déclaration normalisée de TVA, la Commission européenne souhaite apporter une réponse à la complexité des opérations de déclaration de la TVA. La Commission européenne précise que « cette complexité est le résultat des différentes informations à fournir, de la non-harmonisation des définitions, du manque d'orientations communes appropriées, des divergences des règles et procédures de dépôt et de correction et de la nécessité d'utiliser la langue du pays concerné ».

La Commission européenne souligne que « les entreprises se plaignent de plus en plus souvent de la difficulté à respecter les règles de TVA lorsqu'elles exercent leurs activités dans l'Union. Cela vaut particulièrement pour le commerce électronique et les livraisons de biens sur le marché intérieur lorsque le client est un particulier et que le prestataire / fournisseur doit s'immatriculer à la TVA, déclarer la taxe ou la payer dans l'Etat membre du client ».

Au total, du point de vue de l'entreprise , l'instauration d'une déclaration normalisée de TVA vise à :

- lutter contre l'augmentation des charges administratives pesant sur les entreprises ;

- contribuer à la précision des déclarations de TVA ;

- favoriser le respect des délais de dépôt ;

- lever les entraves aux échanges transfrontières.

La mesure est également sous-tendue par un objectif de rendement budgétaire . En effet, la Commission européenne rappelle qu'« un assainissement budgétaire propice à la croissance est l'une des cinq priorités de l'examen annuel de la croissance 2013 ». Dans ces conditions, le levier fiscal représenté par la TVA constitue un enjeu majeur : « étant donné que la TVA représente environ 21 % des recettes fiscales nationales, et que 12 % des recettes de TVA ne sont jamais perçues, un système de TVA plus étanche à la fraude est nécessaire ».

Selon la Commission européenne, une déclaration normalisée de TVA peut contribuer à l'objectif ainsi fixé, dans la mesure où « l'échange d'informations en temps opportun entre les Etats membres est un élément clé pour réduire la fraude et améliorer le respect des règles ».

B. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

La proposition précitée de directive se fixe cinq objectifs principaux :

1) permettre à toutes les entreprises de fournir des informations normalisées à chaque Etat dans un format commun , afin que les données de la déclaration de TVA soient identiques pour l'ensemble des Etats membres. Au total, la déclaration comporterait vingt-six champs d'informations, dont seulement cinq seraient obligatoires. Les Etats membres pourraient dispenser les entreprises des vingt-et-un autres. Dans certains cas particuliers, les Etats membres pourraient exiger des informations allant au-delà de ces vingt-six champs d'informations normalisées ;

2) la périodicité des déclarations serait uniformisée et le paiement de la TVA interviendrait à l'échéance de dépôt de la déclaration de TVA, ce qui signifie que le paiement par acomptes serait supprimé ;

3) les délais de dépôt seraient harmonisés . La date limite de dépôt ne pourrait pas excéder deux mois à compter de la fin de chaque période imposable ;

4) les procédures de correction des déclarations de TVA seraient identiques ;

5) une norme commune de transmission électronique des déclarations de TVA serait mise en oeuvre au niveau communautaire.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UN PRINCIPE LOUABLE DE SIMPLIFICATION

A l'appui de sa proposition, la Commission européenne rappelle que « la réduction de la «paperasserie» pour les [petites et moyennes entreprises] PME , en application du principe du « Penser aux PME d'abord » du « Small Business Act » » constitue l'un de ses objectifs clés. Elle insiste sur le fait que « la récente communication intitulée « Réglementation intelligente - Répondre aux besoins des petites et moyennes entreprises », a mis en lumière, sur la base d'une enquête réalisée en ligne auprès des PME, que la directive TVA est l'un des domaines de la législation de l'Union qui entraîne le plus de lourdeurs ».

Votre commission des finances ne peut que souscrire à la volonté exprimée par la Commission européenne de simplifier les démarches des entreprises, en particulier les PME et les très petites entreprises (TPE).

Cet objectif est d'ailleurs partagé par le Gouvernement qui a annoncé, le 17 juillet 2013, un « choc de simplification » , dont une mesure concerne le régime simplifié d'imposition en matière de TVA, qui rendra possible une modulation forfaitaire des acomptes, avec un paiement de l'acompte, non plus trimestriel, mais semestriel, à compter de 2015. Grâce à cette évolution, les obligations de paiement de plus de 90 % des entreprises actuellement soumises à ce régime d'imposition seront allégées.

Cet engagement entrerait en contradiction avec les dispositions prévues par la proposition de directive de la Commission européenne, si celle-ci était appelée à remplacer le droit existant. En effet, le paiement de la TVA devrait alors intervenir à l'échéance de dépôt de la déclaration de TVA, ce qui supprimerait la possibilité de procéder à un paiement par acompte.

B. L'INTRODUCTION DE FACTEURS DE RIGIDITÉ

La contradiction relevée supra permet d'éclairer un paradoxe résultant des dispositions prévues par la présente proposition de directive de la Commission européenne. Alors que cette proposition se fixe pour objectif une simplification des démarches de déclaration de TVA, elle introduit dans ce mécanisme de nouveaux facteurs de rigidité.

Avec cette proposition de directive, les Etats membres perdent en effet la faculté d'autoriser une autre date de paiement que celle établie par la règle générale, selon laquelle le paiement de la TVA intervient au moment du dépôt de la déclaration de TVA.

De même, le paiement par acompte est supprimé et la déclaration doit être déposée au plus tard à la fin du mois suivant la période imposable.

En pratique, la déclaration normalisée paraît mal adaptée à la situation des petites entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition . Aujourd'hui, celles-ci peuvent en effet déposer une déclaration annuelle de TVA sur laquelle s'imputent les acomptes versés au cours de la période d'imposition. La proposition de directive risquerait, au contraire, de se traduire par un alourdissement des charges administratives supportées par ces entreprises.

Au total, en dépit de ses intentions louables, le texte proposé par la Commission européenne se traduit par certains reculs sur des éléments de souplesse importants dont bénéficient actuellement les entreprises assujetties à la TVA en France.

C. LES LIMITES DU DISPOSITIF PROPOSÉ

Parmi les objectifs poursuivis, la Commission européenne se fixe celui du rendement grâce à des moyens plus efficaces de lutte contre la fraude à la TVA .

Là encore, votre commission des finances souscrit pleinement à cet objectif. Votre rapporteur général avait d'ailleurs, en tant que rapporteur pour avis du projet de loi de lutte contre la fraude et la grande délinquance économique et financière, déposé un amendement permettant de mieux contrôler la réalité de l'activité des entreprises après l'attribution d'un numéro de TVA.

Plus récemment, le rapport d'information d'Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, « Les douanes face au commerce en ligne : une fraude fiscale importante et ignorée » 4 ( * ) , a mis en évidence le fait que les droits et taxes à l'importation, et notamment la TVA, ne sont pas recouvrés à leur juste niveau.

Pour autant, le dispositif proposé par la Commission européenne n'offre pas toutes les garanties nécessaires à une lutte plus efficace contre la fraude et pourrait même ouvrir de nouvelles brèches . En effet, en France, la déclaration de TVA telle qu'elle existe aujourd'hui contient plus de vingt-six champs à renseigner ; au surplus, la définition actuelle des champs en France est souvent plus précise que celle choisie par la Commission européenne.

Certes, aux termes de la présente proposition de directive, les Etats membres pourront exiger des informations complémentaires. Cependant, cette faculté sera strictement encadrée : elle ne vaudra que pour certains territoires et certains régimes particuliers. En outre, la liste de ces informations complémentaires serait fixée par la procédure de comitologie, et donc contrôlée par la seule Commission européenne.

La déclaration normalisée de TVA imaginée par la Commission européenne risque donc de se traduire par une perte d'information préjudiciable à l'action des services fiscaux nationaux . La conséquence pourrait en être une moindre efficacité dans la lutte contre la fraude à la TVA.

Enfin, la proposition de directive de la Commission européenne implique de s'assurer que les normes d'échanges des données informatisées qui seraient définies au niveau communautaire ne remettent pas en cause les modes de transmission d'ores et déjà adoptés, soit la norme dite « Echange de données informatisées pour l'administration, le commerce et le transport » (EDIFACT), élaborée par la Commission économique pour l'Europe des Nations unies comme une norme universelle de transfert de données. A ce stade, cette compatibilité n'est pas garantie.

D. LE NON RESPECT DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

En application de l'article 5 du TUE, « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union ». En d'autres termes, pour que le principe de subsidiarité s'applique, l'intervention de l'Union doit apporter une plus-value indiscutable .

Or, étant donné les éléments d'analyse exposés ci-dessus, il apparaît à votre commission des finances qu'en l'espèce, la plus-value apportée par l'intervention de l'Union demeure incertaine .

Votre commission des finances rejoint ainsi les conclusions formulées par Yannick Botrel, au nom de la commission des affaires européennes :

- l'harmonisation reste limitée ;

- la capacité d'adaptation aux situations nationales se trouve réduite ;

- le contrôle risque d'être rendu plus difficile dans un domaine où la fraude est importante ;

- la situation spécifique des petites entreprises n'est pas suffisamment prise en compte.

Votre commission des finances vous propose donc d' adopter sans modification la PPRE relative à la proposition de directive COM (2013) 721 final tendant à rendre obligatoire pour l'ensemble des Etats membres et de leurs entreprises une déclaration normalisée de TVA.

Au cours de sa réunion du mercredi 18 décembre 2013, présidée par Mme Michèle André, vice-présidente, la commission des finances a examiné le rapport de M. François Marc sur la proposition de résolution n° 206 (2012-2013), présentée par M. Yannick Botrel, au nom de la commission des affaires européennes, sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de déclaration normalisée de TVA (COM (2013) 721).

Elle a adopté sans modification cette proposition de résolution européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

La proposition de directive COM (2013) 721 tendant à rendre obligatoire pour l'ensemble des États membres et de leurs entreprises une déclaration normalisée de TVA poursuit, dans un but d'harmonisation fiscale, les objectifs suivants :

- permettre à toutes les entreprises de fournir des informations normalisées à chaque État dans un format commun ;

- rendre uniforme sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne la périodicité des déclarations et imposer le paiement de la TVA à l'échéance de dépôt de la déclaration ;

- harmoniser les délais de dépôt ;

- rendre identiques les procédures de correction des déclarations de TVA ;

- établir une norme commune de transmission électronique des déclarations de TVA.

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat fait les observations suivantes :

- en France, l'actuelle déclaration de TVA contient plus de champs à renseigner que ceux de la déclaration normalisée proposée par la Commission et cette normalisation risque de priver les services fiscaux d'informations nécessaires au contrôle et à la lutte contre la fraude ;

- la proposition supprime la possibilité laissée aux États membres de choisir une autre date de paiement que celle établie par la règle générale selon laquelle le paiement de la TVA intervient au moment du dépôt de la déclaration de TVA ;

- la proposition supprime le paiement par acompte et exige que la déclaration soit déposée au plus tard à la fin du mois suivant la période imposable alors que les délais de dépôt en France peuvent atteindre cinq mois ;

- la proposition ne prend pas en compte la situation des petites entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition qui peuvent déposer une déclaration annuelle de TVA sur laquelle s'imputent les acomptes versés au cours de la période d'imposition et ce faisant, elle alourdit leurs charges administratives ;

- la proposition ne précise pas si la norme commune de transmission électronique ne risque pas de remettre en cause les modes de transmission existant et s'appuyant sur la norme (EDIFACT) comme norme universelle de transfert de données ;

- la normalisation proposée laissera subsister, de toute manière, des disparités entre les États membres, vu le nombre élevé de champs optionnels dans la déclaration ;

Rappelant que, en application de l'article 5 du traité sur l'Union européenne, une intervention de l'Union n'est justifiée que si elle apporte une plus-value indiscutable, le Sénat estime donc que la proposition de directive ne respecte pas, en l'état, le principe de subsidiarité.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 18 décembre 2013, sous la présidence de Mme Michèle André, vice-présidente, la commission a procédé, en application de l'article 73 octies du Règlement du Sénat, à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne contenue dans le rapport n° 206 (2013 2014) de M. Yannick Botrel, adoptée par la commission des affaires européennes, portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne une déclaration de TVA normalisée (COM (2013) 721).

Puis la commission procède, en application de l'article 73 octies du Règlement du Sénat, à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne contenue dans le rapport n° 206 (2013 2014) de M. Yannick Botrel, adoptée par la commission des affaires européennes, portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne une déclaration de TVA normalisée (COM (2013) 721).

M. François Marc . - A l'initiative de notre collègue Yannick Botrel, la commission des affaires européennes a adopté, le 3 décembre dernier, une proposition de résolution européenne relative à la proposition de directive tendant à rendre obligatoire, pour l'ensemble des Etats membres et de leurs entreprises, une déclaration normalisée de TVA.

La proposition de la Commission européenne consiste à substituer une déclaration normalisée, applicable dans tous les Etats membres, aux déclarations nationales. Elle s'accompagne du souci de s'assurer que toutes les entreprises de l'Union européenne fournissent les mêmes informations de base dans les mêmes délais.

Cette initiative de la Commission européenne s'inscrit dans un contexte marqué par un intérêt fort et renouvelé à l'égard de la TVA au sein de l'Union européenne. Permettez-moi d'en rappeler brièvement les principales étapes. Le 1er décembre 2010, la Commission a adopté un Livre vert sur l'avenir de la TVA. Ce document a été suivi, le 6 décembre 2012, par une communication.

A cette occasion, la Commission européenne a dégagé les principales lignes directrices pouvant inspirer, selon elle, une évolution du système de TVA au sein de l'Union européenne. Il en ressort trois caractéristiques essentielles pour le futur système de TVA : la simplicité, l'efficacité et la robustesse (c'est-à-dire la nécessité de s'appuyer sur un système le plus imperméable possible à la fraude).

La proposition de la Commission européenne relative à une déclaration normalisée de TVA est censée renvoyer à cette logique.

La Commission européenne souhaite en effet apporter une réponse à la complexité des opérations de déclaration de la TVA à travers les pays de l'Union européenne.

Du point de vue de l'entreprise, l'instauration d'une déclaration normalisée de TVA vise à lutter contre l'augmentation des charges administratives, contribuer à la précision des déclarations de TVA, favoriser le respect des délais de dépôt et lever les entraves aux échanges transfrontières.

La mesure est également sous-tendue par un objectif de rendement budgétaire. La Commission européenne rappelle qu'« étant donné que la TVA représente environ 21 % des recettes fiscales nationales, et que 12 % des recettes de TVA ne sont jamais perçues, un système de TVA plus étanche à la fraude est nécessaire ». Selon la Commission européenne, une déclaration normalisée de TVA peut contribuer à l'objectif ainsi fixé, dans la mesure où « l'échange d'informations en temps opportun entre les Etats membres est un élément clé pour réduire la fraude et améliorer le respect des règles ».

Dans ces conditions, quels sont les objectifs poursuivis par la proposition de la Commission européenne ?

Il s'agit, tout d'abord, de permettre à toutes les entreprises de fournir des informations normalisées à chaque Etat dans un format commun, afin que les données de la déclaration de TVA soient identiques pour l'ensemble des Etats membres. Au total, la déclaration comporterait vingt-six champs d'informations, dont seulement cinq seraient obligatoires. Les Etats membres pourraient dispenser les entreprises des vingt-et-un autres.

La périodicité des déclarations serait uniformisée et le paiement de la TVA interviendrait à l'échéance de dépôt de la déclaration de TVA, ce qui signifie que le paiement par acompte serait supprimé.

Les délais de dépôt seraient harmonisés.

Les procédures de correction des déclarations de TVA seraient identiques.

Enfin, une norme commune de transmission électronique des déclarations de TVA serait mise en oeuvre au niveau communautaire.

Quelle analyse peut-on faire de cette proposition de directive ?

Nous ne pouvons que souscrire à la volonté exprimée par la Commission européenne de simplifier les démarches des entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE). Cet objectif est d'ailleurs partagé par le Gouvernement qui a annoncé, le 17 juillet 2013, un « choc de simplification » qui porte notamment sur le régime de TVA.

Toutefois, alors que ce « choc de simplification » prévoit un assouplissement en faveur du paiement par acompte dans le cadre du régime simplifié, la proposition de directive aurait pour conséquence, si elle entrait en application, de supprimer cette souplesse, le paiement par acompte devenant purement et simplement impossible.

Ainsi, alors que la proposition se fixe pour objectif de simplifier les démarches de déclaration de TVA, elle introduit dans ce mécanisme de nouveaux facteurs de rigidité, par rapport à notre législation nationale.

Les Etats membres perdraient la faculté d'autoriser une autre date de paiement que celle établie par la règle générale selon laquelle le paiement de la TVA intervient au moment du dépôt de la déclaration. Ainsi, en pratique, la déclaration normalisée paraît mal adaptée à la situation des petites entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition : elle pourrait au contraire se traduire par un alourdissement des charges administratives.

Parmi les objectifs poursuivis, la Commission européenne se fixe également celui du rendement grâce à des moyens plus efficaces de lutte contre la fraude à la TVA. Là encore, on ne peut que souscrire à l'objectif assigné. Pour autant, le dispositif proposé par la Commission européenne n'offre pas toutes les garanties nécessaires à une lutte plus efficace contre la fraude à la TVA et pourrait même ouvrir de nouvelles brèches. En effet, en France, la déclaration de TVA telle qu'elle existe aujourd'hui contient plus de vingt-six champs à renseigner, dont la définition est souvent plus précise que celle choisie par la Commission européenne.

La déclaration normalisée de TVA imaginée par la Commission européenne risque donc de se traduire par une perte d'information préjudiciable à l'action des services fiscaux nationaux. La conséquence pourrait en être une moindre efficacité dans la lutte contre la fraude, qui représente pourtant un objectif majeur de l'Etat.

Dans ces conditions, il me parait souhaitable de rejoindre la position exprimée il y a quelques jours par nos collègues de la commission des affaires européennes. Alors que le principe de subsidiarité suppose, pour s'appliquer, que l'intervention de l'Union apporte une plus-value indiscutable, cette plus-value est en l'espèce pour le moins incertaine : l'harmonisation reste limitée, la capacité d'adaptation aux situations nationales se trouve réduite, le contrôle risque d'être rendu plus difficile dans un domaine où la fraude est importante et enfin, la situation spécifique des petites entreprises n'est pas suffisamment prise en compte.

Aussi, je vous propose d'adopter sans modification la proposition de résolution européenne relative à la proposition de directive tendant à rendre obligatoire pour l'ensemble des Etats membres et de leurs entreprises une déclaration normalisée de TVA.

Mme Michèle André . - A l'origine de la proposition de résolution européenne, notre collègue Yannick Botrel souhaite probablement apporter son point de vue sur cette analyse.

M. Yannick Botrel . - Comme vous l'avez compris mes chers collègues, le sujet est extrêmement technique et j'aurai peu à ajouter sur le fond de la présentation qui vient de nous être faite. Je voudrais simplement relever deux points.

D'une part, je veux rappeler qu'historiquement la TVA est une création française qui remonte à 1954 et dont nous pouvons être fiers, puisqu'elle a été ensuite introduite chez la plupart de nos partenaires. Aujourd'hui, à l'échelle de l'Union européenne, le niveau des taux reste encore à harmoniser même s'il est déjà encadré. D'autre part, sur le fond, la TVA est une compétence partagée entre l'Union et les Etats membres. Elle relève donc du principe de subsidiarité lorsque la Commission européenne souhaite intervenir dans ce champ. C'est l'Allemagne, qui, la première, a saisi la Commission européenne sur la question de la subsidiarité s'agissant de la déclaration normalisée de TVA. Nous sommes désormais dans le cadre de cette procédure.

La proposition qui nous est soumise n'est pas de nature à améliorer la situation : le caractère restreint des champs de la déclaration induit un risque accru de fraude, l'harmonisation reste incomplète et la situation des petites entreprises n'est pas prise en compte.

La proposition de résolution européenne a alors été adoptée sans modification .


* 1 COM (2013) 721 final.

* 2 COM(2011) 695, document de travail des services de la Commission, SEC(2010).

* 3 COM(2011) 851.

* 4 Sénat, rapport d'information n° 93 (2013-2014).

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