B. MIEUX ORGANISER LES GRANDS PASSAGES
L'arrivée inopinée d'un grand nombre de caravanes sur le territoire d'une commune peut créer des tensions avec la population locale et la municipalité est bien souvent démunie pour y faire face.
C'est pourquoi, il est apparu à votre commission qu'il importait, comme tel est déjà le cas aujourd'hui pour les rassemblements traditionnels, de mieux organiser avec les pouvoirs publics le déroulement de ces déplacements.
À cette fin, suivant son rapporteur, la commission :
- a attribué à l'État la charge du bon ordre des grands passages et des grands rassemblements traditionnels ou occasionnels ;
- a mis en place une procédure d'information préalable des grands passages pour favoriser une organisation harmonieuse du stationnement des caravanes.
C. POURSUIVRE LA RÉFLEXION
Votre rapporteur avait proposé à la commission des lois deux autres séries d'amendement destinées à conforter l'équilibre du dispositif législatif.
1. Rechercher les moyens de renforcer la capacité d'accueil sur le territoire
Pour votre rapporteur, il importe tout à la fois de connaître le niveau de réalisation des schémas départementaux et de mettre en place des mesures sanctionnant les collectivités qui ne les respectent pas.
Il avait en conséquence proposé à la commission, d'une part, de prévoir une obligation annuelle d'inventaire à la charge des communes et EPCI intéressés, dont le non-respect serait sanctionné par une amende et, d'autre part, d'instituer un prélèvement sur les ressources fiscales des communes qui ne se sont pas conformées au schéma. Les sommes correspondantes alimenteraient un fonds départemental dédié au financement des aires d'accueil.
2. Supprimer les aspects discriminatoires du statut juridique des gens du voyage
Si le Conseil constitutionnel a censuré en 2012 les aspects les plus choquants du régime applicable aux personnes sans domicile ni résidence fixe, institué par la loi du 3 janvier 1969, votre rapporteur juge indispensable d'abroger ce texte qui institue un statut discriminatoire pour les gens du voyage, notamment l'obligation de détenir un titre de circulation.
Il rappelle que les dispositions spécifiques adoptées en 1969 visaient à se substituer à la loi du 16 juillet 1912 sur l'exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades, qui imposait aux gens du voyage la détention d'un carnet anthropométrique. Il observe que ce document a permis l'internement des populations nomades au cours de la seconde guerre mondiale et, dans certains cas, leur déportation. C'est pourquoi la loi revêt, pour les gens du voyage, un caractère stigmatisant.
Loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des
activités ambulantes
1. Le régime spécifique adopté en 1969 Il comprenait, pour l'essentiel, deux volets :
La loi distinguait trois situations soumises chacune à des règles différentes : - Les personnes n'ayant ni domicile, ni résidence fixe de plus de six mois dans un État membre de l'Union européenne doivent être munies d'un livret spécial de circulation, y compris leurs accompagnants et préposés de plus de seize ans. Ce livret doit être prorogé périodiquement par l'autorité administrative mais il n'est soumis à aucun visa. - Les personnes âgées de plus de seize ans ainsi que celles qui sont à leur charge, dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois, doivent détenir un livret de circulation si elles logent en permanence dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile. Ce livret doit être visé tous les trois mois au moins et prorogé périodiquement. - Un régime spécifique -censuré en 2012 par le Conseil constitutionnel ( cf. infra )- pour les personnes dépourvues de « ressources régulières leur assurant des conditions normales d'existence notamment par l'exercice d'une activité salariée » : dans ce cas, le visa devait être renouvelé tous les trois mois, de quantième à quantième. À défaut, ces personnes encouraient une peine d'emprisonnement de trois mois à un an.
Ces dispositions ont été critiquées, sans effet, par la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) dans une délibération du 17 décembre 2007 et par la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), notamment dans son avis du 22 mars 2012. 2. Un régime partiellement censuré en 2012 Saisie, par la voie d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), de la constitutionnalité de la loi du 3 janvier 1969, le Conseil constitutionnel a censuré, le 5 octobre 2012, certaines de ses dispositions 17 ( * ) : a) Les dispositions censurées Deux dispositifs ont été déclarés contraires à la Constitution : - en premier lieu, la différence de traitement entre les personnes résidant dans un habitat mobile selon qu'elles ont ou non des ressources régulières : cette distinction « n'est pas en rapport direct avec les fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires poursuivies par la loi ». Par ailleurs, le visa trimestriel et la sanction de la circulation sans carnet porte « à l'exercice de la liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi » ; - en second lieu, la condition de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour l'inscription des personnes sans domicile ou résidence fixe sur les listes électorales. Cette exigence est contraire aux principes constitutionnels qui « s'opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles » : « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et d'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'ont sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu ». b) Des spécificités validées En revanche, les autres dispositions de la loi ont été déclarées conformes à la Constitution.
Le régime des titres de circulation est fondé sur une différence de situation résultant de leur mode d'habitat non sédentaire, qui interdit de les localiser à leur domicile. Il vise à « permettre, à des fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires, l'identification et la recherche de ceux qui ne peuvent être trouvés à un domicile ou à une résidence fixe d'une certaine durée, tout en assurant aux mêmes fins, un moyen de communiquer » avec eux. La distinction n'institue aucune discrimination ethnique et repose sur des critères objectifs. En conséquence, le principe d'égalité n'a pas été violé et l'atteinte à la liberté d'aller et de venir est « justifiée par la nécessité de protéger l'ordre public et proportionné à cet objectif ».
Pour le Conseil, l'obligation de rattachement à une commune, pour les personnes dépourvues de domicile ou résidence fixe depuis plus de six mois, est une obligation administrative qui ne viole pas la liberté d'aller et de venir non plus que le droit au respect de la vie privée. Il ne restreint ni leur « liberté de déplacement, (...), ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire », non plus que leur faculté de déterminer un domicile ou lieu de résidence fixe pendant plus de six mois ; il ne leur impose pas de résider dans la commune de rattachement. Le principe de rattachement vise à régler les conditions de jouissance de certains droits ou d'accomplissement de certains devoirs. |
Votre rapporteur note qu'au régime de domiciliation institué par la loi du 3 janvier 1969 pourrait être substitué le principe d'une élection de domicile soit auprès d'un centre communal ou intercommunal d'action sociale, soit auprès d'un organisme agréé.
En l'état, la commission des lois n'a pas retenu ces dispositions. Sa réflexion se poursuit d'ici l'examen de la proposition de loi en séance plénière le 12 décembre prochain.
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La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
* 17 Cf. décision n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012.