B. UNE PROBLEMATIQUE GRANDISSANTE AUTOUR DE LA « VIE CHÈRE »
La Nouvelle-Calédonie bénéficie d'une économie en plein développement ; essentiellement grâce aux ressources minières dont elle dispose. Avec une croissance soutenue en 2012, le PIB par habitant de la Nouvelle-Calédonie est ainsi supérieur à celui de la Nouvelle-Zélande. L'activité économique est principalement soutenue par l'exploitation et la transformation du nickel, le territoire disposant à lui seul d'un quart des ressources mondiales de ce minerai. À titre d'illustration, en 2008, l'activité « mines et métallurgie » employait directement près de 5,3 % des emplois salariés de l'archipel et représentait plus de 11 % du PIB néo-calédonien, sans compter ses effets indirects sur l'activité économique.
En revanche, la contrepartie de cette situation est une forte dépendance du secteur économique à la volatilité des cours du nickel sur le marché mondial, comme l'a rappelé l'année 2008 et le laissent pressentir les perspectives pour 2014.
Malgré la richesse produite, les difficultés sociales se sont fait jour ces dernières années en raison des particularités de l'économie locale dues à l'insularité de ce territoire et des fortes disparités sociales.
S'agissant des inégalités sociales, la Nouvelle-Calédonie est marquée par une situation plus dégradée qu'en métropole. En prenant en compte, l'indice de Gini 2 ( * ) , la Nouvelle-Calédonie se situe à un niveau intermédiaire (0,32), moins égalitaire que la France (0,42), l'Australie (0,35) et la Nouvelle-Zélande (0,36) de même que Mayotte (0,46) ou Wallis-et-Futuna (0,50).
Sur la structure de l'économie locale, la faible population qu'elle accueille au regard des pays voisins tels que l'Australie et la Nouvelle-Zélande conduit à maintenir la Nouvelle-Calédonie à l'écart des circuits de distribution. Ajouté à des habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains et à des frais de transport maritime ou aérien, ce facteur explique le niveau moyen des prix particulièrement élevé, certains observateurs évoquant le syndrome d'une « économie de comptoir ». Ce phénomène a pu être aggravé par une fiscalité grevant les importations.
Comme le soulignait notre collègue Hilarion Vendegou, sénateur de la Nouvelle-Calédonie, lors de son audition, le niveau élevé des prix est d'autant plus mal vécu pour les produits de première nécessité, notamment au sein des îles Loyauté, de l'île des Pins ou des îles Belep où des difficultés d'acheminement peuvent rendre encore plus délicat l'approvisionnement des denrées.
Cette situation a abouti à des mouvements sociaux en mai 2013 qui se sont traduits par un mouvement général de grève et à des blocages notamment du port de Nouméa. Un sommet social réunissant les syndicats et le patronat aux côtés du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et sous l'égide de l'État a permis d'aboutir à la signature d'un protocole d'accord le 27 mai 2013. Il est prévu une baisse immédiate de 10 % des prix sur 300 produits alimentaires et d'hygiène et sur 200 produits non alimentaires selon des listes établies conjointement entre l'intersyndicale, les distributeurs, les fournisseurs. De même, la liste des produits à marge contrôlée a été étendue à l'ensemble des produits qui bénéficient d'une exonération totale de droits et taxes à l'importation, les représentants des entreprises s'engageant sur la disponibilité de ces produits jusqu'au 31 décembre 2014, et à défaut, à leur remplacement.
En outre, le gel des prix à compter de la signature du protocole, et jusqu'au 31 décembre 2014, de l'ensemble des produits et services offerts en Nouvelle-Calédonie hors alcool, tabacs et boissons et produits sucrés a été décidé, sous réserve de strictes dérogations.
Le protocole prévoit enfin d'autres mesures nécessitant l'adoption de délibération de la part du congrès de la Nouvelle-Calédonie pour compenser les coûts de surenchérissement des produits du fait des coûts de transport du fret hors de l'agglomération de Nouméa, réformer les structures administratives de contrôle des prix et les obligations d'information des entreprises sur les prix qu'ils pratiquent.
Ces mesures répondent à une attente sociale forte qui s'est exprimée pacifiquement. Sur le long terme cependant, la lutte contre la vie chère nécessite des réponses structurelles que le présent projet de loi organique propose justement de rendre possible. En effet, mandaté par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l'Autorité de la concurrence nationale a dressé, dans ses rapports 3 ( * ) du 21 septembre 2012, un diagnostic qui a confirmé les obstacles à la libre concurrence. Comme le soulignait M. Bruno Lasserre, lors de son audition, les handicaps structurels sont maintenus et renforcés par des comportements anti-concurrentiels comme la « tentation de l'entente ».
* 2 Mesure statistique de la dispersion d'une distribution dans une population donnée, l'indice de Gini varie de 0 à 1, 0 signifiant l'égalité parfaite et 1 traduisant une inégalité maximale.
* 3 Rapport de l'Autorité de la concurrence relatif aux structures de contrôle en matière de concurrence en Nouvelle-Calédonie du 21 septembre 2012 - Rapport de l'Autorité de la concurrence relatif aux mécanismes d'importation et de distribution des produits de grande consommation en Nouvelle-Calédonie du 21 septembre 2012