C. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE DONT LA VOCATION EST CONTOURNÉE ET L'EXÉCUTION MAL CONTROLÉE
1. Un recours irrégulier au CAS pour la prise en charge des dépenses étrangères à ses objectifs
Vos rapporteurs spéciaux regrettent que le CAS soit parfois détourné afin de prendre en charge des dépenses ayant vocation à figurer au budget général (programme 309 « Entretien des bâtiments de l'Etat » et programmes ministériels). En effet, par des lettres de 2008, le ministre du Budget a autorisé les ministères de la Défense et des Affaires étrangères à financer des dépenses d'entretien et de fonctionnement sur les crédits du CAS, en théorie destinés à financer l'investissement. Bien qu'en contradiction avec la loi 106 ( * ) , cette pratique s'est poursuivie en 2012. S'y ajoute la pratique similaire des « bascules » budgétaires , consistant à exécuter en CP sur le CAS des dépenses programmées en AE sur le budget général, notamment au profit des ministères de la Défense et de la Santé.
Vos rapporteurs spéciaux rejoignent ici l'analyse de la Cour des comptes qui note dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire pour 2012 que ce recours irrégulier au CAS contourne « à la fois le principe de l'autorisation parlementaire, celui de la spécialité budgétaire, et la norme de dépense » .
Par ailleurs, pour l'exercice 2013 , le Gouvernement a fait connaître sa volonté de mobiliser le foncier public pour la construction de logements sociaux , ce qui pourrait se traduire, d'après les évaluations réalisées par France Domaine 107 ( * ) , par un manque à gagner de 210 millions d'euros sur cinq ans pour les seuls services de l'Etat. Vos rapporteurs spéciaux voient là une nouvelle entorse à l'objectif de désendettement de l'Etat , et demandent à ce que le Gouvernement s'engage à clarifier durablement les objectifs qu'il entend assigner à la politique immobilière de l'Etat.
2. Des mécanismes de contrôle de l'exécution toujours défaillants
Vos rapporteurs spéciaux déplorent également l'insuffisance du suivi et du contrôle de l'exécution des dépenses du CAS . En effet, si les gestionnaires des budgets opérationnels de programme (BOP) du CAS sont en principe tenus de transmettre des comptes-rendus de gestion à France Domaine, seuls 8 ministères sur 15 s'y sont effectivement astreints en 2012 - les ministères du Budget, de la Défense et des Affaires étrangères s'en sont notamment exemptés. Les avis rendus par les CBCM ministériels et les contrôleurs budgétaires régionaux (CBR) sur l'utilisation des crédits du CAS sont eux aussi trop rarement transmis à France Domaine et au CBCM du ministère de l'Economie et des Finances. L'éligibilité des dépenses, enjeu majeur du fonctionnement du CAS, est donc imparfaitement contrôlée.
3. Un contrôle de la performance en amélioration mais toujours en décalage avec les objectifs du CAS
Le programme 721 est, pour la première fois en 2012, doté d'indicateurs de performance, qui sont maintenus en 2013. Ainsi, l'« écart global entre prix réalisés à la vente et évaluation domaniales », n'est que de 1 % en 2012, contre 10 % en 2010 et 2011, ce qui témoigne d'une bonne estimation des prix du marché. Ces bons résultats s'expliquent aussi par la plus grande finesse du périmètre de cet indicateur, anciennement rattaché au programme 723 : ils s'appliquent à la totalité des ventes, et non plus seulement à celles supérieures à 2 millions d'euros. Le périmètre est identique pour l'« écart type des prix réalisés à la vente et évaluations domaniales », dont les résultats sont aussi encourageants, avec un écart type de 0,04 en 2012 contre 0,3 en 2011.
Le programme 723 est doté de deux nouveaux indicateurs. Calculée pour la première fois en 2012, la « durée moyenne de vente d'un bien immobilier » est de 14,1 mois, relativement proche de la cible de 13 mois. Cependant, cet indicateur masque le délai qui existe entre la « décision d'inutilité » du bâtiment et le début effectif de la procédure de vente, délai notamment consacré à un « tour de table » entre les administrations potentiellement intéressées. Vos rapporteurs spéciaux regrettent de ne pas disposer d'informations portant sur la réduction de ce délai, parfois trop long. Enfin, le « rendement d'occupation des surfaces : nombre de m² de SUN par poste de travail » atteint environ 16 m² de surface utile nette : ces résultats sont conformes aux prévisions, mais celles-ci demeurent éloignées de la cible ultime de 12 m² fixée par France Domaine. Surtout, ces résultats portent sur des travaux encore très parcellaires.
Vos rapporteurs spéciaux regrettent qu'aucun de ces indicateurs de performance n'explicite la contribution du CAS au désendettement de l'Etat, ou encore la mutualisation et la restructuration des locaux . Ils s'interrogent sur les raisons du décalage entre les objectifs du CAS et les indicateurs choisis, raisons qui leur semblent plus politiques que techniques - ceci d'autant que le nouvel outil de suivi des cessions (OSC) permet un suivi plus fiable de la politique immobilière.
* 106 L'article 60 de la loi de finances initiale pour 2010 impose que les dépenses du CAS soient « directement liées à des opérations concourant à une gestion performante du parc immobilier de l'Etat ».
* 107 Evaluation préalable annexée au projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.