EXAMEN EN COMMISSION
Mercredi 6 février 2013
La commission procède à l'examen du rapport et du texte sur la proposition de loi n° 272 (2012-2013), présentée par Gérard Miquel et plusieurs de ses collègues, relative à la prorogation du mécanisme de l'éco-participation pour les équipements électriques et électroniques ménagers.
M. Alain Houpert , rapporteur . - Ce texte en apparence modeste aura des conséquences pratiques importantes sur la politique environnementale et le recyclage des déchets en France. Il apporte en effet un aménagement au système des filières de responsabilité élargie du producteur (REP). La REP repose sur le principe pollueur-payeur, d'après lequel les mesures de prévention et de lutte contre la pollution doivent être prises en charge par le pollueur.
La réglementation européenne s'est très tôt emparée du sujet, notamment avec la directive de 1975 sur les déchets. En France, la loi du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets a introduit le principe de responsabilité des producteurs, disposant qu'il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs des produits de pourvoir à l'élimination des déchets qui en proviennent. Les producteurs peuvent mettre en place eux-mêmes un système de collecte et de traitement, ou adhérer à un éco-organisme agréé. Cette responsabilité, qualifiée par l'OCDE de responsabilité élargie du producteur, vise à transférer la charge du traitement de certains déchets des collectivités vers les metteurs sur le marché, c'est-à-dire des contribuables vers les consommateurs, à prévenir l'impact des produits sur la création de déchets en favorisant l'éco-conception et à développer le recyclage.
Seize filières existent aujourd'hui en France, dont quatre viennent d'être lancées. La filière déchets d'équipements électriques et électroniques est la filière des DEEE. Les déchets d'équipements électriques et électroniques comprennent les gros appareils ménagers froids et hors froid, les petits appareils en mélanges, les écrans, ou encore les lampes.
La création d'une filière de recyclage spécifique a été imposée par la directive du 27 janvier 2003, transposée par le décret du 20 juillet 2005, remaniée par une directive récente de 2012 en cours de transposition. Ces textes imposent la collecte sélective des DEEE, avec un objectif de 4 kilos par habitant en 2006, et une obligation de reprise gratuite des anciens appareils.
La filière française de recyclage est entrée en vigueur le 15 novembre 2006 pour les DEEE ménagers. Elle repose sur quatre éco-organismes agréés par les pouvoirs publics et à but non lucratif, notamment Eco-systèmes. Selon l'Ademe (agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), la filière des DEEE représente un fort gisement de valorisation : en 2011, 1,4 million de tonnes d'équipements ont été mis sur le marché ; 196 millions d'euros ont été perçus par les quatre éco-organismes, et 450 000 tonnes ont été collectées, soit 6,9 kilos par habitant et par an.
Les éco-organismes ont reversé en 2011 un total de 32 millions d'euros à leurs partenaires de collecte, dont 19 millions aux collectivités territoriales et 5,5 millions aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. La filière REP a également fait économiser 70 millions d'euros aux collectivités. Elle représente une filière d'emploi à part entière, notamment dans l'insertion, avec plus de 3 500 emplois dont 1 500 dans l'économie sociale et solidaire.
La filière des DEEE est confrontée à la problématique du stock des DEEE historiques, dont les DEEE orphelins, c'est-à-dire des déchets qui n'ont pas fait l'objet d'une éco-participation, car ils ont été mis sur le marché avant le 13 août 2005, date jalon pour la mise en oeuvre de l'obligation financière pour les metteurs sur le marché. Ces déchets historiques représentent 93 % des collectes.
Pour les équipements électriques mis sur le marché aujourd'hui, les coûts de recyclage et de valorisation sont internalisés et les metteurs sur le marché contribuent financièrement aux éco-organismes.
Pour les déchets historiques, le risque est grand que les producteurs aient des difficultés à répercuter ces coûts très importants sur l'aval de la filière, du fait des rapports de force dans les filières de distribution. Pour éviter qu'ils ne cherchent à minimiser leur contribution, la loi a instauré, à l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement, un régime obligeant les producteurs à afficher sur une ligne distincte de leurs factures le montant des éco-contributions supportées. Ce dispositif de répercussion s'arrêtera au 13 février 2013.
Les études d'échantillonnage montrent cependant que le taux de présence des déchets historiques parmi les DEEE collectés est à ce jour encore très élevé : il était en 2011 de 83 % pour les petits appareils ménagers et de 96 % pour les écrans. Sur la base d'un scénario de décroissance du taux de déchets historiques de 5 % par an, ce taux resterait supérieur à 50 % en 2019.
C'est pourquoi la proposition de loi prolonge ce mécanisme de répercussion jusqu'au 1er janvier 2020. Son article unique corrige également une erreur matérielle de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement.
Nous approuvons la consolidation d'une filière de recyclage en plein développement, et la garantie de ses moyens financiers.
Enfin, une nouvelle version de l'article précité du code de l'environnement devant entrer en vigueur au 1er juillet 2013, je vous propose d'adopter un amendement de cohérence.
La contribution visible, répercutée à l'identique du producteur jusqu'au consommateur final, est essentielle. Elle évite l'application de marges à chaque étape de la commercialisation du produit et minimise les coûts de vie tout en garantissant un traitement de qualité, et non les bénéfices des fabricants et revendeurs d'équipements.
Le régime de la contribution visible obligatoire a permis de sécuriser les ressources des éco-organismes agréés et de leur donner la visibilité nécessaire pour structurer la filière de recyclage.
La filière industrielle des DEEE est jeune : les installations récentes ne sont pas encore amorties. La montée en puissance de la collecte, avec 6,9 kilos par habitant et par an en 2011 et 10 kilos visés en 2014, montre que toutes les capacités de traitement ne sont pas encore installées.
La disparition prématurée de la contribution visible pourrait contraindre la filière à revoir ses ambitions à la baisse et fragiliser un système qui a permis la mise en place, en quelques années, d'un recyclage des DEEE à haute qualité environnementale, et qui nous permettra de léguer une belle planète à nos enfants.
Mme Évelyne Didier . - Je tiens à féliciter le rapporteur pour le travail accompli. Une remarque : la question des terres rares mériterait d'être soulignée ; le recyclage est indispensable. Merci également à Gérard Miquel d'avoir déposé ce texte, car cette mesure devait absolument être reconduite.
M. Vincent Capo-Canellas . - Notre collègue Yves Détraigne avait déposé une proposition de loi similaire. Nous sommes favorables à cette proposition de loi ainsi qu'au rapport.
M. Charles Revet . - Je me joins aux félicitations. Le sujet est important et je suis favorable à l'adoption du texte.
M. Alain Houpert , rapporteur . - Les terres rares constituent un enjeu important. Nous n'en avons pas chez nous : c'est dire l'importance du recyclage pour notre compétitivité et pour les générations futures ; de surcroit, il s'effectue dans le cadre d'une économie sociale et solidaire et favorise l'insertion de personnes en difficulté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Mme Laurence Rossignol , présidente. - Un seul amendement est proposé.
M. Alain Houpert , rapporteur. - Il répare une erreur matérielle.
L'amendement unique est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Laurence Rossignol , présidente. - A l'unanimité !
Le ministre chargé des relations avec le Parlement vient de nous annoncer que l'examen de la proposition de loi est avancé à mardi prochain après-midi en séance publique.