3. Les réponses apportées à cette urgence sociale ne sont pas parvenues à endiguer ce phénomène
a) L'emploi des jeunes, une priorité politique ancienne marquée par un manque de continuité dans l'action publique
La forte hausse du chômage des jeunes, concomitante à l'arrivée du chômage de masse en France, a conduit les gouvernements qui se sont succédé à agir pour tenter de favoriser leur entrée et leur maintien dans l'emploi. Cette politique publique a pris plusieurs formes au fil des ans, selon que le soutien était apporté au secteur marchand ou non-marchand et qu'un ciblage spécifique était imposé.
S'agissant du secteur marchand, les entreprises peuvent embaucher un jeune qui fait face à d'importantes difficultés d'accès à l'emploi en contrat unique d'insertion - contrat initiative emploi (CUI-CIE). Prescrit par le service public de l'emploi, il comprend le versement à l'employeur d'une aide à l'insertion professionnelle dont le montant ne peut excéder 47 % du Smic, diminuant d'autant le coût du travail du salarié. L'aide se cumule au bénéfice de la réduction générale de cotisations de sécurité sociale « Fillon », dégressive pour les salaires jusqu'à 1,6 Smic. Ce type de contrat aidé n'est toutefois pas réservé aux moins de vingt-six ans ; ce public représentait 32,8 % de ses titulaires en 2011.
L'aide à l'emploi dans le secteur non-marchand a été également instituée sous la forme d'une prise en charge, par l'Etat, d'une partie du coût que représente l'embauche d'un salarié pour une structure publique ou associative. Après les travaux d'utilité collective (Tuc) dans les années 1980 puis les contrats emploi solidarité (CES) au début des années 1990, les emplois jeunes ont marqué une rupture dans la politique menée à l'égard des jeunes actifs, aussi bien sur le plan symbolique que pratique.
Créés par la loi du 16 octobre 1997 12 ( * ) , ils visaient à « promouvoir le développement d'activités créatrices d'emplois pour les jeunes répondant à des besoins émergents ou non satisfaits et présentant un caractère d'utilité sociale notamment dans les domaines des activités sportives, culturelles, éducatives, d'environnement et de proximité ». Outil innovant, orienté vers le service de l'intérêt commun et l'identification de nouvelles sources d'emplois, les emplois jeunes ont permis à plus de 500 000 jeunes d'acquérir une première expérience professionnelle auprès d'une collectivité territoriale, de l'Etat ou d'organisme à but non lucratif . N'étant pas spécifiquement ciblés sur les jeunes les plus en difficulté, ils ont bénéficié, dans un contexte économique favorable, pour 85 % 13 ( * ) , aux personnes titulaires du baccalauréat ou d'une qualification supérieure. Si le coût de cette mesure pour l'Etat, qui subventionnait pour cinq ans ces emplois à hauteur de 80 % du Smic, a été élevé, il n'en reste pas moins qu'elle a constitué un facteur déterminant d'insertion pour ses bénéficiaires et un signal fort de la part du Gouvernement en direction de la jeunesse.
Désormais, le soutien public à l'emploi non marchand passe par le contrat unique d'insertion - contrat d'accompagnement dans l'emploi (CUI-CAE) qui, comme le CUI-CIE, s'adresse à toute la population. En 2011, 28,2 % des CUI-CAE avaient été conclus avec des jeunes de moins de vingt-six ans et étaient assortis d'une aide pour l'employeur pouvant atteindre 95 % du Smic.
Cette succession de dispositifs, jusqu'à leur fusion au sein des deux types de CUI, a nui à l'efficacité dans la durée de l'action de l'Etat. Toutefois, la politique de l'emploi n'est pas seulement une question d'incitations financières à l'embauche : son efficacité se mesure également à l'aune de sa capacité à offrir un accompagnement adapté aux besoins spécifiques de chaque groupe de population. En 1982, le rapport de Bertrand Schwartz sur l'insertion professionnelle et sociale des jeunes a souligné la nécessité d'établir une nouvelle politique à leur égard. Dans la foulée, la création cette même année des missions locales, en coopération avec les collectivités territoriales, a consacré l'existence d'un service public de proximité dédié aux jeunes en difficulté.
Trente et un ans plus tard, plus de 450 structures réparties sur l'ensemble du territoire réalisent un accompagnement individualisé des jeunes, à travers notamment le contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis), qui prévoit pour les personnes de seize à vingt-cinq ans titulaires au maximum du baccalauréat un appui délivré par un référent et peut s'accompagner du versement d'une allocation. En 2010, les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) ont réalisé plus de 3,9 millions d'entretiens individuels et accueilli pour la première fois 515 000 jeunes, conduisant à la signature de 576 000 contrats de travail 14 ( * ) .
Ces politiques publiques ont montré leur efficacité pour venir en aide aux jeunes présentant l'éloignement de l'emploi le plus important, que celui-ci soit dû à des difficultés économiques, sociales, ou liées au parcours scolaire de la personne. Les contrats aidés sont souvent un bon outil d'intégration progressive sur le marché du travail. Néanmoins, le rapide enchaînement de dispositifs au ciblage fluctuant a pu susciter des effets d'éviction de ceux pour lesquels de telles mesures auraient été les plus bénéfiques.
* 12 Loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes.
* 13 Source : Centre d'études de l'emploi, Effets des emplois jeunes sur les trajectoires professionnelles, Connaissance de l'emploi n° 94, juillet 2012.
* 14 Source : L'activité des missions locales et PAIO en 2010, Dares Analyses n° 7, janvier 2012.