B. ANALYSE DES PRINCIPALES OUVERTURES DE CRÉDITS
1. Les effectifs et les dépenses de personnel
a) Une sous-évaluation des dépenses de personnel de 0,6 milliard d'euros
Le présent projet de loi ne modifie pas le plafond d'emplois voté en loi de finances initiale, qui demeure fixé à 1 936 014 ETPT.
Cependant, un dépassement des crédits de titre 2 hors pensions de 0,605 milliard d'euros est constaté, résultant d'ouvertures supplémentaires en décret d'avance 5 ( * ) .
Cette sous-évaluation des dépenses de personnel de titre 2 touche la plupart des ministères. Les ordres de grandeur sont moindres qu'en 2010 (930,7 millions d'euros), mais supérieurs à ceux de 2011 (349,4 millions d'euros) et témoignent que la nécessité de stabiliser en valeur les dépenses de l'Etat hors charge de la dette et pensions peut conduire à une budgétisation initiale « volontariste » .
Au ministère de la défense, et malgré les ouvertures demandées (278,9 millions d'euros en AE et en CP), les tensions sur la gestion de la masse salariale conduisent à ne pas verser certaines primes catégorielles. Par ailleurs, les dysfonctionnements dans le déploiement du logiciel LOUVOIS ont touché la plupart des primes et indemnités de ce ministère, qui font ainsi l'objet d'une demande d'enquête de la commission des finances à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF .
Des dépassements de crédits sur les mesures catégorielles persistent au ministère de l'économie, notamment dans le cadre de la fusion de la direction générale des impôts (DGI) et de la direction générale de la comptabilité publique (DGCP).
Une partie des ouvertures de crédits de personnel dans l'enseignement scolaire traduit le retard pris dans la publication des arrêtés d'application du décret de 2010 sur les indemnités de concours.
Au ministère de l'intérieur, il est procédé à un rétablissement de crédits (7 millions d'euros) pour les adjoints de sécurité, compte tenu d'un phénomène dit de « taux de chute » (absence, maladie, rupture anticipée de contrat, prise de poste différée...) qui doit à présent être intégré à la prévision budgétaire.
b) Une opération de fongibilité au sein du titre 2 d'un montant modeste, mais dont le principe pose question
Par ailleurs, le présent projet de loi de finances rectificative procède à une opération de fongibilité au sein du titre 2 à hauteur de 19,45 millions d'euros en AE et en CP prévues en PLFR 2012, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Comme l'a expliqué le Gouvernement dans les réponses au questionnaire de votre rapporteur général, « cette ouverture est destinée à garantir que, au terme de la gestion 2012, les versements au CAS 6 ( * ) « Pensions » soient bien égaux aux versements que la LFI a prévus . En effet, dans l'attente de l'entrée en vigueur du décret d'avance, certains ministères nécessitant l'ouverture de crédits de masse salariale ont pu, dans l'urgence, mobiliser des crédits de « Pensions » pour couvrir des besoins « hors Pensions » . Il s'agit ici de compenser cette forme d'avance , afin de respecter la LFI en exécution et de ne pas porter atteinte au fonds de roulement du CAS « Pensions » ».
Le respect de la norme « zéro valeur » s'oppose en pratique à une telle fongibilité des crédits du titre 2, puisque les dépenses hors pensions sont dans le périmètre de la norme et que les dépenses de pensions en sont exclues. Ainsi, seul le maintien des crédits du CAS « Pensions » au niveau voté en LFI permet in fine de s'assurer que la norme sera respectée, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de transfert entre les crédits de personnel, inscrits dans le périmètre de la norme « zéro valeur », et les crédits de pensions, hors du « zéro valeur ». Pour ce faire, la fongibilité entre crédits de pensions et de personnel doit être neutralisée par une opération inverse, soit la présente ouverture de 19,45 millions d'euros. Une telle opération de fongibilité est neutre au regard du solde budgétaire.
Ce procédé, déjà mis en oeuvre l'an passé , avait porté sur des montants beaucoup plus importants, à hauteur de près de 250 millions d'euros .
Lors de son contrôle budgétaire sur le CAS « Pensions », notre collègue Francis Delattre, rapporteur spécial, avait toutefois observé que la procédure était peu satisfaisante au regard de la LOLF , en citant les observations de la Cour des comptes dans son analyse de l'exécution 2011.
Les observations de Francis Delattre
Outre qu'il perturbe la lecture de l'exécution de la mission (la contribution au « CAS Pensions » explique 70 % de la surexécution observée sur la mission en 2011), l'abondement du CAS « Pensions » par des crédits du budget général soulève plusieurs interrogations, soulignées également par la Cour des comptes 7 ( * ) , en particulier la question de la « nature fondamentalement différente de cette dépense » par rapport aux crédits de la mission. La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace, en effet, des subventions d'équilibre versées à des régimes de retraite en déséquilibre démographique. « Dans le cas des contributions au CAS « Pensions », il s'agit d'une commodité technique d'alimentation des recettes du CAS visant à compenser en gestion un écart entre la prévision et l'évolution effective de l'assiette des contributions employeurs à la charge des différents ministères » 8 ( * ) . Enfin, toujours dans son analyse de l'exécution 2011, la Cour des comptes a observé que le décret de transfert de crédits a méconnu les dispositions de l'alinéa II de l'article 12 de la LOLF, selon lesquelles « des transferts peuvent modifier la répartition des crédits entre programmes de ministères distincts, dans la mesure où l'emploi des crédits ainsi transférés, pour un objet déterminé, correspond à des actions du programme d'origine. Ces transferts peuvent être assortis de modifications de la répartition des emplois autorisés entre les ministères concernés ». En effet, selon la Cour des comptes, le versement de ces contributions exceptionnelles au CAS « Pensions » ne correspondait pas aux actions des programmes d'origine de ces transferts. Interrogée sur ce point, la direction du budget a contesté cette interprétation , en estimant que « les actions porteuses des crédits destinés aux pensions transférés par le décret susmentionné ont bien pour objet, comme l'indique la nature et la destination de leurs crédits (« titre 2 CAS »), de financer la politique publique des pensions » 9 ( * ) . Les explications, lacunaires, de la direction du budget portent sur le degré de détail de répartition des crédits par action. Mais des questions plus fondamentales restent posées : - l'insuffisance du montant des cotisations devant alimenter le CAS « Pensions » : si l'assiette des pensions n'est pas assez dynamique, il devrait être procédé à un ajustement par une modification des taux de contribution employeurs ( cf . infra ) ; - une fongibilité opérée de fait entre des dépenses de personnel ayant en réalité des finalités différentes , selon qu'elles financent les rémunérations d'activité ou les pensions. Source : Sénat, rapport n° 652 (2011-2012) : « Le compte d'affectation spéciale « Pensions » : un outil de transparence au service de la LOLF ? » |
* 5 L'analyse du projet de décret d'avance figure en annexe au présent rapport.
* 6 Compte d'affectation spéciale.
* 7 Cour des comptes, analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes - exercice 2011 - Compte d'affectation spéciale «Pensions ».
* 8 Cour des comptes, analyses de l'exécution du budget de l'Etat par missions et programmes - exercice 2011 - Mission interministérielle « Régimes sociaux et de retraite ».
* 9 Réponse au questionnaire de notre collègue Francis Delattre, rapporteur spécial, dans le cadre de son contrôle budgétaire sur le CAS « Pensions ».