LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
I. MODIFICATIONS DES CRÉDITS À TITRE RECONDUCTIBLE
En seconde délibération , l'Assemblée nationale a minoré de 760 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement les crédits de la mission « Sécurité civile ».
Cette réduction de crédits est répartie comme suit :
- 200 000 euros en AE et en CP sur le programme 161 « Intervention des services opérationnels » ;
- 560 000 euros en AE et en CP sur le programme 128 « Coordination des moyens de secours ».
II. MODIFICATION DES CRÉDITS À TITRE NON RECONDUCTIBLE
En seconde délibération , l'Assemblée nationale a majoré, à titre non reconductible de 88 000 euros en AE et en CP les crédits de la présente mission. Cet abondement du plafond bénéficie à hauteur de 87 000 euros au programme 128 « Coordination des moyens de secours » et de 1 000 euros au programme 161 « Intervention des services opérationnels ».
III. SOLDE DE CES MODIFICATIONS DES CRÉDITS
Le solde de ces modifications aboutit à diminuer, globalement, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission « Sécurité civile » de 672 000 euros .
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 31 octobre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurité civile ».
M. Philippe Marini , président . - Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Sécurité civile ». Devons-nous être tranquilles ou inquiets ?
M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - La mission « Sécurité civile » recevra en 2013 440,3 millions d'euros de crédits de paiement (+ 0,8 %). La trajectoire des deux programmes qui la composent, toutefois, est nettement différenciée : augmentation de 6,8 % des moyens du programme « Intervention des services opérationnels », qui atteignent 278,3 millions d'euros ; baisse de 8 % des crédits du programme « Coordination des moyens de secours ». Cet effet de ciseau résulte des efforts importants consentis pour assurer le maintien en condition opérationnelle des appareils de la flotte aérienne. Leur maintenance absorbe 43,3 millions d'euros en 2013, contre 34,6 millions d'euros en 2012, soit une augmentation de 25 %. Cette forte hausse obère les marges de manoeuvre budgétaire au sein de la mission, et illustre le vieillissement des aéronefs, dont le remplacement est une préoccupation récurrente, qui appelle désormais une décision.
Cette mission ne contribue d'ailleurs que marginalement à l'effort global de sécurité civile : les dépenses des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) représentent 5,6 milliards d'euros en 2012.
L'infrastructure de communication Antares constituera l'un des principaux enjeux pour cette mission en 2013. Elle équipera trois SDIS sur quatre l'an prochain. Ce système a nécessité un investissement important, de 145,7 millions d'euros, ce qui a absorbé une part importante du Fonds d'aide à l'investissement (FAI) des SDIS. Il occasionne aussi des coûts cachés : son fonctionnement, assumé par les SDIS et les départements, a représenté 12 millions en 2012. Il faut souhaiter qu'il puisse être adapté aux avions de la sécurité civile, ce qui n'est pas le cas actuellement - il fonctionne à terre, mais pas dans les avions.
Le FAI ne sera plus doté en 2013 que de 3,9 millions d'euros en crédits de paiement, pour faire face à des engagements antérieurs. Les autorisations d'engagement sont ramenées à zéro : le projet de loi de finances pour 2013 signe l'arrêt de mort du FAI, qui manifestait pourtant une volonté de l'Etat de participer au financement des décisions qu'il prenait.
Autre enjeu important, le renouvellement de la flotte aérienne : selon les scénarios, le besoin de financement est évalué à 60 ou 160 million d'euros. L'on ne peut que s'inquiéter de l'absence de décision en la matière. La composante Trackers arrivera en fin de vie en 2016, et l'expérimentation de l' Air Tractor a été repoussée à 2013. Les montants en jeu incitent à s'interroger sur l'opportunité de l'acquisition d'appareils neufs. Le directeur général de l'aviation civile réfléchit à une solution clefs en main, les appareils ne servant que pendant une faible portion de l'année.
La décision de remplacement des Trackers doit en tout cas s'accompagner d'une véritable réflexion sur la stratégie actuellement mise en oeuvre dans la lutte contre les feux de forêts, le « guet aérien armé retardant » (GAAR), qui consiste à attaquer systématiquement tous les feux naissants. Or, certains feux ne présentent pas de danger, et contribuent de fait à assainir la garrigue non entretenue.
L'avenir de la base de Marignane demeure en suspens. Les hypothèses étaient, au printemps, son maintien sur le site actuel ou un déménagement à Nîmes. Or, la semaine dernière, Jean-Paul Kihl nous a appris que l'idée d'un transfert vers Salon-de-Provence, qui avait été écartée il y a quelques mois, redevenait d'actualité.
La nomination avant la fin de l'année 2012 d'un directeur à la tête de l'Ecole nationale supérieurs des officiers sapeurs-pompiers (ENSOSP) doit donner à celle-ci une nouvelle impulsion, autour de deux objectifs : prévenir le risque de surcapacité d'accueil, et former non seulement des ingénieurs du risque, mais aussi de bons gestionnaires et de vrais managers d'équipe.
En progression, les sorties des pompiers relèvent de plus en plus d'une prise en charge sociale ou médicale, ce qui appelle une meilleure collaboration des acteurs de l'urgence.
Je m'abstiendrai d'adopter les crédits de la mission, en raison des réserves que doivent susciter la disparition annoncée du FAI et l'absence très préjudiciable de décision sur le renouvellement de la flotte aérienne. Je m'en remettrai donc à la sagesse de notre commission.
M. Philippe Marini , président . - Vous nous avez montré qu'on pouvait faire un grand rapport sur un petit budget... Quelles variations dans les hypothèses expliquent l'écart considérable du coût de renouvellement de la flotte que vous avez évoqué ? Je comprends que votre intention lors du vote sur ces crédits est de vous abstenir.
M. Dominique de Legge , rapporteur spécial. - L'écart budgétaire tient d'abord à ce que nous ne sommes pas tout à fait au point en matière de stratégie. L'hypothèse basse correspond au choix de l' Air Tractor . Ce petit appareil, employé principalement dans l'agriculture, est-il bien adapté aux conditions de vol du sud de la France ? Aucun test n'a été fait. Le choix de stratégie retenue influera aussi sur le coût global : ne pourrait-on assurer une surveillance sans avoir à faire décoller des avions à chaque départ de feu ? Le nombre d'aéronefs est également un facteur important, ainsi que le coût de l'heure de vol : celle d'un Canadair est supérieure à celle d'un Air Tractor . On ne peut pas continuer à se plaindre de coûts d'entretien excessifs tout en ne faisant rien pour que la situation change : il nous faut tirer la sonnette d'alarme.
Le FAI n'a cessé de diminuer. C'était la seule ligne budgétaire par laquelle l'Etat aidait, modestement, les départements, quand ceux-ci s'engageaient dans le sens de ses préconisations. Aujourd'hui on le supprime.
Le budget proposé ne va pas dans le bon sens : il n'apporte aucune réponse à des questions pourtant récurrentes.
M. Philippe Marini , président . - Une traduction décomplexée de votre propos serait un vote contre.
M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - En effet.
M. François Trucy . - Mes compliments au rapporteur spécial, car ce budget n'est pas simple. Ce qu'il a mis en évidence m'inquiète. En ce qui concerne le guet aérien, que les responsables décident et, s'il est possible, grâce au progrès technique, qu'ils remplacent le système actuel, tant mieux.
Je ne suis pas, en revanche, le rapport spécial sur la lutte contre les feux naissants. La sécurité doit prévaloir, car on ne sait jamais quand un incendie se déclare, quels dégâts il provoquerait.
Les atermoiements des responsables quant au choix de la base aérienne me laissent perplexe. Faut-il comprendre que ce ne sont plus deux mais trois hypothèses qui sont désormais en concurrence, la rénovation de Marignane, le transfert à Nîmes, ou une troisième option, plus au nord ? Pourquoi quitter Marignane, qui donne satisfaction à tous les acteurs concernés ?
Mme Michèle André . - Je rejoins M. Trucy sur les feux naissants. On ne sait jamais comment vont tourner les choses. Ne pas conserver une surveillance active peut coûter très cher.
Des cohortes de pompiers venus des départements du nord doivent descendre vers le sud, en cas de propagation de feux importants, et le fonctionnement de nos SDIS en pâtit.
En ce qui concerne Antares, le problème n'est pas le même dans les Landes et dans les zones vallonnées, où le système fonctionne mal. Antares ne fonctionne pas en l'air, nous dit le rapporteur spécial, mais il ne fonctionne pas non plus toujours à terre, en particulier en zone de montagne. Je pense en particulier à l'Isère mais aussi au Puy-de-Dôme. Le ministère de l'Intérieur a élaboré un plan triennal pour résoudre ce problème. Quelle solution vous semblerait la plus appropriée ?
J'ai eu vent de difficultés, l'hiver dernier, pour payer les soldes des jeunes stagiaires dans des formations au métier de sapeur-pompier. Ces problèmes sont-ils derrière nous ? On ne peut laisser les familles supporter la charge de ces formations, au risque de décourager les jeunes volontaires, dont certains ont dû renoncer.
M. Philippe Marini , président . - « Louvois » aurait-il sévi en ce domaine ?
M. Claude Haut . - Je partage les inquiétudes de M. Trucy sur les dangers qui menacent les régions du sud. Il faut y maintenir une flotte de qualité. J'ai été rapporteur spécial sur ces crédits : nous tirons la sonnette depuis de nombreuses années pour qu'un plan se mette en place. Nous connaissions depuis dix ans le moment où les avions arriveraient en fin de vie, mais les gouvernements se sont succédé sans s'en préoccuper. Les décisions de dernière minute, bien dans les habitudes françaises, ne sont pas toujours les mieux adaptées.
Antares ? Songeons surtout que les départements financent un dispositif qui leur a été imposé, et qui de surcroît, ne fonctionne pas dans tous les cas. Situation bien délicate.
Il n'est pas inutile de rappeler que le FAI avait été mis en place pour remplacer le FCTVA, que percevaient les SDIS. Et voilà qu'on le supprime aujourd'hui. C'est un nouveau transfert de charges difficile à accepter.
M. Philippe Marini , président . - Je relève la continuité d'analyse entre l'ancien rapporteur spécial et le nouveau.
M. Joël Bourdin . - Qu'en est-il du décret annoncé depuis plus de douze ans sur la gestion des points d'eau destinée à assurer la sécurité ?
Mme Michèle André . - Bonne question !
M. Philippe Dominati . - Notre rapporteur a-t-il connaissance d'expérimentations de drones pour le guet aérien ? A Paris, on en a parlé pour les manifestations. Ne serait-il pas financièrement intéressant d'en faire usage à proximité des côtes ?
M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Il faut évidemment maintenir le dispositif de guet aérien. La question est de savoir s'il faut poursuivre avec le système existant ou mettre autre chose en place. J'entends bien les préoccupations de mes collègues. Mais avec le réchauffement climatique, les risques de feux de forêt au nord vont croissant. Il faudra trancher : veut-on surveiller 100 % du territoire ou se concentrer sur les zones à risque humain et économique ? Chaque saison, des moyens importants sont sollicités dans des zones qui ne se limitent plus à la côte d'Azur.
Oui, monsieur Dominati, la direction de la sécurité civile réfléchit à l'utilisation de drones. Elle rencontre encore des problèmes techniques, mais la technique est faite pour surmonter les problèmes. On y gagnerait en disponibilité des appareils et en souplesse. Le renouvellement, monsieur Trucy ? Je m'intéresserai de près aux expérimentations conduites durant l'été 2013. Il s'agit de voir ce qui n'a pas été fait en 2012.
Les tergiversations sur la position de la base m'ont plongé dans la plus grande stupéfaction. Le site de Salon-de-Provence, apparemment situé en zone inondable, avait été éliminé. Mais la question du déménagement de Marignane restait posée, parce que la base a besoin de se développer, et c'est pourquoi Nîmes avait été retenue. Je suis donc étonné de voir réapparaître Salon. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une demande de la direction de la sécurité civile, mais plutôt d'un voeu des personnels. C'est donc un problème de gestion des équipes...
En 2013, madame André, les trois quarts des départements seront concernés par Antares, mais le problème est le même que pour la couverture en téléphonie mobile : quand les opérateurs disent que 99 % des communes sont couvertes, cela ne signifie pas que 99 % du territoire soit couvert.
M. Jean-Claude Frécon . - Absolument !
M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - La priorité est d'identifier les zones blanches ; c'est en cours. J'appelle cependant l'attention sur le fait qu'Antares était largement financé par le FAI. Je ne sais ce qu'il en sera à l'avenir, sauf à se tourner vers les SDIS...
Il y aurait eu des impayés, dites-vous ? J'ai fait cinq déplacements lors de mon récent contrôle budgétaire et à aucun moment ce problème n'a été soulevé. Peut-être est-il propre à certains SDIS ?
Mme Michèle André . - Le problème s'est posé pour des volontaires en formation à Nogent-le-Rotrou. C'est ainsi que l'on décourage des vocations.
M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Je me renseignerai et vous tiendrai informée.
Mes propos, monsieur Haut, sont en effet dans la ligne des vôtres ; c'est que j'ai lu attentivement vos travaux de rapporteur spécial. Il était bon de rappeler, comme vous l'avez fait, l'origine du FAI ; cela renforce notre analyse.
Je m'appliquerai à savoir où en est, monsieur Bourdin, le décret sur la gestion des points d'eau, et reviendrai vers vous.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Sécurité civile ».
M. Philippe Adnot . - Un mot sur le FAI, dont vous avez dit qu'il a remplacé le FCTVA : les SDIS récupèrent toujours la TVA, je viens de m'en assurer.
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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2012, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission des finances a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.