N° 450
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 février 2012 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de résolution européenne portant avis motivé de M. Jean-Louis LORRAIN, présentée au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 octies du Règlement, sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d' information du marché intérieur ,
Par Mme Christiane DEMONTÈS,
Sénatrice
et TEXTE DE LA COMMISSION
(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , président ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Jean-Léonce Dupont, Mme Odette Duriez, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Claude Léonard, Jean-Claude Leroy, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, Michel Vergoz, André Villiers, Dominique Watrin. |
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Sénat : |
325 (2011-2012) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Depuis janvier 2011, le Sénat participe au contrôle des textes européens en ce qui concerne leur conformité au principe de subsidiarité. Cette nouvelle attribution - s'assurer que les compétences des échelons local et national soient préservées - est prévue par le traité de Lisbonne, qui confère ainsi aux parlements nationaux le pouvoir d'intervenir directement auprès des institutions européennes dans le processus législatif communautaire.
Comme elle le fait depuis longtemps pour l'examen au fond des textes européens pratiqué sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, la commission des affaires européennes assure une veille sur l'ensemble des documents qui lui sont transmis. Cela l'a conduite à adopter, sur l'année écoulée, sept propositions de résolution portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de plusieurs propositions de la Commission européenne.
Pour la première fois, une de ces propositions de résolution entre dans le champ de compétences de la commission des affaires sociales ; elle concerne une proposition de directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui est transversale et peut potentiellement concerner de très nombreuses professions et secteurs d'activité. Le secteur social pourrait par exemple être concerné par cette réforme.
La future directive s'appliquera aussi aux professions de santé, tant celles qui sont déjà réglementées par le droit communautaire (médecin, infirmier, sage-femme, dentiste et pharmacien) que d'autres qui contribuent au fonctionnement du système de soins (chiropracteur, masseur, orthophoniste, ostéopathe, psychothérapeute...). Or, la sécurité des patients et leur confiance dans le système de santé sont des éléments essentiels du pacte social ; c'est pourquoi il est important d'examiner avec grande attention toute modification apportée à l'offre de soins.
Ceci étant, la résolution adoptée aujourd'hui, qui conteste le bien-fondé de certains éléments de l'intervention européenne sur la base du contrôle de la subsidiarité, n'est qu'une première étape. Dans la suite du processus, il conviendra d'assurer, avec vigilance, le suivi des conséquences potentielles, sur le droit national, de la proposition de directive.
I. L'APPLICATION DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ : UN CONTRÔLE RÉCENT, FONDÉ SUR UN DROIT DÉSORMAIS ANCIEN
A. LES PRÉMISSES
L'Acte unique, signé en 1986, visait à supprimer les entraves à la libre circulation des marchandises au sein de la Communauté économique européenne, pour donner naissance au « marché unique » ; il a eu pour conséquence le développement très important de la législation communautaire.
De ce fait et alors que le traité de Maastricht contenait une nouvelle étape d'intégration dans des domaines habituellement réservés au niveau fédéral dans un Etat de ce type (monnaie, politique étrangère et de défense), les Länder allemands ont été à l'origine de l'introduction du principe de subsidiarité dans les traités communautaires.
L'article B du traité de Maastricht 1 ( * ) précisait ainsi : « Les objectifs de l'Union sont atteints conformément aux dispositions du présent traité, dans les conditions et selon les rythmes qui y sont prévus, dans le respect du principe de subsidiarité tel qu'il est défini à l'article 3 B du traité instituant la Communauté européenne . »
Cet article 3 B posait le principe général selon lequel la Communauté agit dans les limites de ses compétences ; il énonçait également un autre principe, dit de proportionnalité : l'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité. Surtout, il donnait une définition du principe de subsidiarité : « la Communauté n'intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. »
L'inscription de ces principes dans les traités à partir de 1992 n'a cependant pas eu d'effet tangible sur le fonctionnement des institutions, la Commission européenne estimant habituellement qu'elle les mettait déjà en oeuvre, d'une part, en recourant plutôt à des directives qu'à des règlements, d'autre part, en privilégiant la méthode de la reconnaissance mutuelle plutôt que celle de l'harmonisation des législations.
Par ailleurs, cette base juridique était sans doute trop faible pour que la Cour de justice des Communautés européennes s'en saisisse et, en tout état de cause, les institutions communautaires ne pouvaient guère trouver d'intérêt particulier à restreindre leurs champs d'action. Dans cette ligne, on peut noter que le protocole n° 7 annexé au traité d'Amsterdam, en 1997, sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité faisait reposer son contrôle uniquement sur les institutions communautaires (Commission, Parlement et Conseil) et dans le seul cadre général de l'examen au fond des propositions.
La convention sur l'avenir de l'Europe marque un tournant dans la mise en oeuvre des principes de subsidiarité et de proportionnalité, car le Conseil européen avait explicitement inclus dans son champ d'investigation la délimitation des compétences entre l'Union et ses Etats membres. Le groupe de travail dédié à cette question au sein de la convention a ainsi proposé un examen spécifique de la conformité au principe de subsidiarité , qui serait confié aux parlements nationaux et au Comité des régions, acteurs « extérieurs » ayant plutôt un intérêt dans ce contrôle puisqu'il s'agit de contrôler les compétences nationales et locales.
* 1 Traité sur l'Union européenne, Journal officiel des Communautés européennes, n° C 191 du 29 juillet 1992.