B. UN DISPOSITIF DE RECUEIL DES INFORMATIONS PRÉOCCUPANTES RATIONALISÉ ET PILOTÉ PAR LE DÉPARTEMENT
1. Le rôle-pivot du président du conseil général en matière de protection de l'enfance
Aux termes de l'article L. 226-3 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de la loi du 5 mars 2007, le président du conseil général se voit confier une mission de recueil, de traitement et d'évaluation, à tout moment et quelle qu'en soit l'origine, des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou risquant de l'être .
Le représentant de l'État et l'autorité judiciaire lui apportent leur concours. Les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l'être, participent eux aussi au dispositif départemental. Le président du conseil général peut également requérir la collaboration d'associations concourant à la protection de l'enfance.
Il est en outre chargé de veiller au suivi de l'enfant, à la continuité et à la cohérence des interventions mises en oeuvre.
2. La création, sous son autorité, d'une cellule départementale de recueil, de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes
En application de l'article L. 226-3 du même code, des protocoles sont établis entre le président du conseil général, le représentant de l'État dans le département, les partenaires institutionnels concernés et l'autorité judiciaire en vue de centraliser le recueil des informations préoccupantes au sein d' une cellule de recueil, de traitement et d'évaluation de ces informations . Ces protocoles ont pour objectif d'officialiser les modalités de transmission de toutes les informations préoccupantes vers la cellule, en précisant le mode opératoire concernant chaque acteur, ainsi que les modalités de retour d'informations vers les personnes qui ont transmis des informations préoccupantes.
La cellule constitue donc une interface avec les services départementaux (protection maternelle et infantile, action sociale et aide sociale à l'enfance) et les juridictions, principalement le parquet, dont elle est l'interlocuteur privilégié. Elle travaille également avec l'ensemble des acteurs concernés par la protection de l'enfance (éducation nationale, services sociaux, établissements de santé, médecins, associations, police et gendarmerie, élus...) et est en relation avec le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger 3 ( * ) , qui lui communique les informations préoccupantes que lui-même a reçues.
L'intention, avec la création de cette nouvelle structure, était d' éviter la déperdition des informations préoccupantes concernant les mineurs en danger ou risquant de l'être en s'assurant que toutes ces informations convergent vers un même lieu : la cellule est ainsi la manifestation concrète du rôle-pivot du président de conseil général dans la politique de protection de l'enfance .
La cellule dispose d'une équipe pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle permanente dotée de compétences techniques dans les domaines social, éducatif et médical. La protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale sont également étroitement associées au fonctionnement de la cellule, qui doit pouvoir faire appel à d'autres compétences (médecins, pédopsychiatres, juristes, etc.). Lorsqu'une information préoccupante parvient à la cellule, celle-ci : - accuse réception de cette transmission , attestant de la prise en compte de l'information ; - procède à une analyse de premier niveau , dans un premier temps, pour rechercher si la situation du mineur est déjà connue par les services de protection de l'enfance, dans un second temps, pour déterminer, si elle exige, au vu des éléments, un signalement sans délai au procureur de la République du fait de son extrême gravité. Il s'agit notamment des situations faisant apparaître que l'enfant est en péril, qu'il est gravement atteint dans son intégrité physique ou psychique, ou qu'il est peut-être victime de faits qualifiables pénalement. Les mesures de protection administrative s'avérant d'emblée inopérantes, la situation du mineur nécessite une protection judiciaire immédiate ; - veille à ce qu' une évaluation de la situation de l'enfant soit effectuée par les services départementaux ou par d'autres acteurs de la protection de l'enfance et à ce que cette évaluation se fasse dans le respect des délais qu'elle a fixés ; - s'assure , si elle n'est pas elle-même responsable du traitement et de l'évaluation des informations préoccupantes, que celles-ci sont traitées dans les délais ; - est ensuite informée de l'issue du traitement des informations préoccupantes ainsi que de la mise en oeuvre d'éventuelles décisions administratives ou judiciaires ;
- contribue au
recueil
, par les
observatoires départementaux de la protection de l'enfance, des
données anonymisées
.
L'article 13 de la loi du 5 mars 2007 prévoit que, dans
un délai de deux ans à compter de sa promulgation, le
Gouvernement remet au Parlement un bilan de la mise en oeuvre des cellules
départementales de recueil, de traitement et d'évaluation des
informations préoccupantes. Selon les services du ministère, le
temps nécessaire pour obtenir des informations fiables et
représentatives ainsi que l'activité requise pour l'organisation
et la tenue des Etats généraux de l'enfance fragilisée de
juin 2010 n'ont pas encore permis de mener à terme ce travail, qui
devrait toutefois être achevé prochainement.
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Comme l'indique le schéma ci-dessus, la procédure d'évaluation de l'information préoccupante peut donner lieu à trois scenarii :
s'il s'avère que l'information est sans objet, il est décidé de son classement sur la base d'un rapport établissant clairement l'absence de risque de danger ou de danger pour l'enfant ;
si l'évaluation décèle une certaine fragilité de la famille, et donc des risques pour l'enfant, il peut être justifié de mettre en place un accompagnement ou un soutien dans le cadre de la prévention socio-éducative, médico-sociale ou sanitaire (par exemple, accompagnement social, soutien à la parentalité, suivi par la PMI, etc.), ou de la protection administrative ;
si l'enfant est en danger au sens de l'article 375 du code civil, le président du conseil général avise sans délai le procureur de la République (cf. article 226-4 du code de l'action sociale et des familles).
L'article 16 de la loi du 5 mars 2007 a instauré un observatoire départemental de la protection de l'enfance dans chaque département, qui comprend notamment des représentants des services du conseil général, de l'autorité judiciaire dans le département, des autres services de l'Etat, des représentants de tout service et établissement dans ce département qui participe ou apporte son concours à la protection de l'enfance, ainsi que des représentants des associations concourant à la protection de l'enfance et de la famille (article L. 226-3-1 du code de l'action sociale et des familles). Sous la responsabilité du président du conseil général, il recueille, examine et analyse les données relatives à l'enfance en danger dans le département, au regard notamment des informations anonymes qu'il a reçues. Ces données sont ensuite adressées par chaque département à l'Observatoire national de l'enfance en danger 1 . Il établit également des statistiques, transmises à l'assemblée départementale ainsi qu'aux représentants de l'Etat et de l'autorité judiciaire. 4 Afin de parvenir à une meilleure coordination de l'action de l'Etat, des conseils généraux et des associations de protection de l'enfance, la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance a créé un Observatoire national de l'enfance en danger (Oned). Sa mission consiste à approfondir le champ de l'enfance en danger dans le but de mieux la prévenir et mieux la traiter. L'Oned exerce une fonction d'appui des politiques de protection de l'enfance telles que définies par l'Etat et mises en oeuvre par tous les acteurs de la protection de l'enfance. |
3. L'encadrement du partage d'informations entre professionnels
Avant la réforme de 2007, aucun partage n'était possible, en droit, entre les professionnels soumis au secret professionnel de différents services participant aux missions de protection de l'enfance.
Cependant, dans les faits, la plupart des départements ont mis en place des dispositifs d'analyse commune des situations, notamment entre les professionnels relevant des services départementaux, associant le plus souvent des professionnels des services extérieurs. Mais ces pratiques, tolérées par l'autorité judiciaire, étaient à la merci d'actions pénales intentées par les parents pour non-respect du secret professionnel.
Pour cette raison, la loi du 5 mars 2007 a donné un cadre légal au partage d'informations concernant les mineurs en danger ou risquant de l'être. Tout en étant préservé, le secret professionnel a été aménagé pour autoriser légalement le partage d'informations entre professionnels et ce, dans l'intérêt de l'enfant.
Ainsi, le nouvel article L. 226-2-2 du code l'action sociale et des familles prévoit que, par exception à l'article 226-13 du code pénal, les personnes soumises au secret professionnel, qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance ou qui lui apportent leur concours, sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier.
Le partage des informations relatives à une situation individuelle est toutefois strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance , telle que définie à l'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles.
En outre, ce partage n'est possible qu'après en avoir préalablement informé le père, la mère, toute autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur et l'enfant , en fonction de son âge et de sa maturité. Cette exigence peut toutefois être levée si l'information est contraire à l'intérêt de l'enfant.
* 3 La loi n° 89-487 du 10 juillet 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance a institué un service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger, financé à parts égales par l'Etat et les départements. Depuis mars 2007, le service bénéficie d'un numéro d'appel simplifié à trois chiffres, le 119 (appel gratuit). Le service a une fonction d'écoute, mais également d'interrogation afin de disposer d'informations permettant d'identifier les enfants. Quand ces informations ont été recueillies, elles font l'objet d'une transmission écrite au conseil général.