II. UNE MESURE FORTE D'INTERDICTION DES LICENCIEMENTS BOURSIERS

La proposition de loi vise à agir, enfin efficacement, contre les licenciements boursiers. Depuis l'affaire Michelin, de nombreuses propositions ont été formulées, mais aucune n'a abouti. Les membres du groupe communiste, républicain et citoyen estiment qu'il est grand temps de mettre fin aux excès d'une finance dérégulée, qui a produit tant de catastrophes sur les plans économiques et sociaux, en particulier à partir de la crise de 2008.

A. DE NOMBREUSES PROPOSITIONS ONT DÉJÀ ÉTÉ AVANCÉES POUR LUTTER CONTRE LES LICENCIEMENTS BOURSIERS

Dès 1999, un amendement, rapidement connu sous le nom d'amendement « Michelin », a été adopté pour tenter de limiter les effets des licenciements boursiers : inséré dans la loi du 19 septembre 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, il rendait obligatoire, avant la présentation d'un plan social, la conclusion d'un accord de réduction du temps de travail ou, à tout le moins, l'ouverture de négociations sérieuses et loyales. Cette mesure a cependant été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que le législateur avait introduit une obligation trop imprécise et n'avait ainsi pas exercé pleinement sa compétence 9 ( * ) .

Une nouvelle version de cette disposition a été introduite dans la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Mais son application n'a été que de courte durée, puisque la loi du 3 janvier 2003, portant relance de la négociation collective en matière de licenciements économiques, l'a suspendue, avant que la loi de modernisation sociale du 19 janvier 2005 ne la supprime entièrement.

La loi de modernisation sociale contenait une autre mesure de nature à éviter les licenciements boursiers. Son article 107 comportait en effet une nouvelle définition du licenciement économique, ainsi libellée : « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail consécutives soit à des difficultés sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen, soit à des mutations technologiques mettant en cause la pérennité de l'entreprise, soit à des nécessités de réorganisation indispensables à la sauvegarde de l'activité de l'entreprise ».

Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cet article au motif qu'il portait à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l'objectif poursuivi de maintien de l'emploi. Selon le Conseil, cette définition aurait, d'une part, « interdit à l'entreprise d'anticiper des difficultés économiques à venir en prenant des mesures de nature à éviter des licenciements ultérieurs plus importants ». D'autre part, elle aurait conduit le juge « à substituer son appréciation à celle du chef d'entreprise quant au choix entre les différentes solutions possibles » .

Ces revers n'ont pas empêché la réflexion sur la prévention des licenciements boursiers de se poursuivre, tout au moins du côté gauche de l'échiquier politique.

En 2009, Jean-Luc Mélenchon et François Autain, sénateurs du parti de Gauche, ont par exemple déposé une proposition de loi n° 285, visant à instaurer un bouclier social face à la crise et portant diverses mesures économiques et sociales d'urgence, dont le chapitre premier tendait à interdire aux entreprises qui font des profits de licencier.

La même année, la députée Marie-Georges Buffet et plusieurs de ses collègues ont déposé une proposition de loi n° 1621, visant à prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l'emploi, des salaires et du pouvoir d'achat 10 ( * ) , dont l'article premier contient une disposition qui tend à interdire les licenciements boursiers. Ce texte a été examiné à l'Assemblée nationale, en séance publique, le 28 mai 2009 puis un vote solennel a été organisé le 2 juin. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) et le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) ont voté en faveur de ce texte qui a cependant été rejeté par la majorité de droite de l'Assemblée.


* 9 Décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000.

* 10 Cf. le rapport AN n° 1686 (XIII e législature), fait par Daniel Paul, député, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

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