II. L'INDISPENSABLE ACTUALISATION DE LA CLAUSE D'ÉCHANGE DE RENSEIGNEMENTS
La négociation de l'avenant répond au besoin légitime de renforcer la coopération fiscale afin de lutter contre la fraude.
A. DEUX ANNÉES DE NÉGOCIATION
Le champ de l'assistance avec les autorités autrichiennes autorisée à ce jour par la convention du 26 mars 1993 est trop restreint , comme en témoigne le nombre de demandes formulées. Ces stipulations ne sont conformes ni aux standards internationaux ni les stipulations issues de la politique conventionnelle française.
Nombre de demandes de renseignements adressées à l'Autriche
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
|
Demandes présentées par la France |
2 |
3 |
6 |
7 |
Demandes présentées par la France ayant obtenu une réponse |
4 |
4 |
4 |
5 |
Délai de réponse moyen en jours |
236 |
43 |
104 |
141 |
Source : Direction de la législation fiscale
Parallèlement à la volonté française d'approfondir l'assistance administrative en matière fiscale, l'Autriche a informé le Secrétaire général du Forum mondial, le 13 mars 2009, de sa volonté de lever sa réserve relative au secret bancaire, c'est-à-dire sur le paragraphe 5 de l'article 26 du modèle OCDE. Elle a, en conséquence, adapté son cadre législatif en septembre 2009 afin d'autoriser les établissements de crédit à communiquer des informations bancaires aux autorités fiscales dans le cadre d'une demande d'assistance administrative bilatérale. ( Cf supra )
Prenant acte de la démarche autrichienne de mise à jour de ses conventions fiscales par insertion d'un article relatif à l'échange de renseignements conforme aux standards de l'OCDE, la France a informé l'Autriche dès le 24 mars 2009, de sa volonté d'intégrer un tel article dans la convention fiscale franco-autrichienne de 1993.
Aux termes de nombreux échanges, l'avenant a été paraphé le 27 janvier 2011 puis signé le 23 mai 2011 par M. Andreas Schieder, secrétaire d'Etat aux Finances autrichien, et Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En réponse à votre rapporteure sur les conditions de la négociation, la direction de la législation fiscale a indiqué que « La France n'a octroyé aucun avantage fiscal. Les discussions ont permis la finalisation d'un texte satisfaisant pleinement les exigences françaises en matière d'échange de renseignements. »
B. DES STIPULATIONS AMENDÉES CONFORMES AU MODÈLE OCDE
A titre liminaire, l'avenant à la convention franco-autrichienne de suppression des doubles impositions du 26 mars 1993 ne modifie pas les modalités d'élimination des doubles impositions prévues par la convention actuelle et rappelées en annexe au présent rapport.
Il tend, d'une part, à actualiser les dispositions de la convention en intégrant les dernières évolutions rédactionnelles des stipulations de l'article 26 du modèle OCDE en la matière.
D'autre part, il traduit dans le texte de la convention la récente évolution législative autrichienne permettant la levée du secret bancaire. Il est accompagné d'un protocole visant à en préciser les modalités d'application.
Il devrait donc permettre aux autorités compétentes françaises d'obtenir des renseignements de la part des autorités autrichiennes, sans limitation quant à la nature des impôts, des personnes et des renseignements visés par la demande. Ainsi, l'Autriche ne pourra opposer sa législation sur le secret bancaire afin de refuser de communiquer à la France les informations requises.
1. Un champ d'application non limité aux impôts visés par la convention
Le premier paragraphe de l'article 26 de la convention ainsi amendé par l'article 1 er de l'avenant tend à élargir la portée de l'assistance administrative . Elle concerne tout d'abord l'échange de renseignements « vraisemblablement pertinents » tandis que le texte actuel fait référence aux renseignements « nécessaires ».
Si la nouvelle rédaction vise à garantir un échange qui soit le plus large possible, la pertinence vraisemblable du renseignement interdit « toute pêche aux renseignements » conformément aux recommandations de l'OCDE. Le deuxième point du protocole prévoit que les informations demandées doivent être pertinentes pour élucider les affaires fiscales d'un contribuable déterminé.
Par ailleurs, la demande doit être précédée d'un effort de collecte de l'information, ce qui est rappelé par le premier point du protocole. Celui-ci précise que « les sources habituelles de renseignements disponibles dans l'Etat requérant doivent avoir été utilisées avant qu'une demande de renseignements soit faite ».
Aux termes du troisième point du protocole, l'Etat demandeur doit fournir l'identité, la période, une description des renseignements recherchés, le but fiscal et les noms et adresses des personnes supposées en possession des renseignements demandés, s'ils sont connus ainsi que tout élément susceptible de faciliter la recherche d'informations.
Il s'agit donc bien d'une assistance administrative en matière fiscale sur demande ainsi que l'énonce le quatrième point du protocole : « l'article 26 n'oblige pas les Etats à procéder à un échange de renseignements spontané ou automatique ».
La pertinence s'apprécie par rapport à la finalité de la demande, à savoir l'application, non seulement des dispositions de la convention de suppression des doubles impositions, mais également celle de la législation interne à chaque Etat relative « aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants ou de leurs collectivités locales ». Cette clause étend donc le périmètre d'intervention de la coopération puisque l'article en vigueur ne mentionne que les dispositions de la convention et celles de la législation interne relative aux impôts visés par la convention.
Ce premier paragraphe conforme au modèle OCDE est identique aux textes signés avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg.
La finalité de la demande est également précisée dans le deuxième paragraphe de l'article 26 de la convention relatif au respect de la confidentialité. Les informations échangées doivent être tenues secrètes. Elles ne peuvent être transmises qu'aux personnes et autorités concernées par l'objet de la demande, c'est-à-dire l'établissement, le recouvrement des impôts, les procédures et poursuites concernant ces impôts pour les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Il convient de souligner qu'elles peuvent être, toutefois, révélées au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements.
De surcroît, les stipulations de ce deuxième paragraphe ont été complétées par l'article 1 er de l'avenant afin d'autoriser l'utilisation des renseignements échangés à des fins autres que fiscales . Il s'agit notamment d'informations permettant de lutter contre la fraude en droit du travail, le blanchiment de capitaux, etc.
2. La levée des restrictions à l'échange
Le troisième paragraphe de l'article 26 de la convention énonce les restrictions traditionnelles en matière d'échange d'informations. L'Etat requis peut refuser de répondre favorablement à une demande si cette dernière le conduit :
- à prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation ;
- à transmettre des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou qui révèleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou dont la communication serait contraire à l'ordre public.
En revanche, une stipulation supplémentaire a été introduite dans ce troisième paragraphe par l'article 1 er de l'avenant afin de prévoir expressément que chaque Etat « doit prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre 11 ( * ) ». Cette précision est absente des textes signés avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg.
Les deux paragraphes suivants constituent l'objet principal de la mise à jour de la clause d'échange de renseignements. Ils visent à lever les obstacles normatifs à l'échange de renseignements invoqués par l'Etat requis : l'absence d'intérêt fiscal propre et le secret bancaire.
Le quatrième paragraphe de l'article 26 de la convention, tel que modifié par l'article 1 er de l'avenant, interdit à l'Etat requis de refuser de transmettre une information au motif qu'il n'en aurait pas besoin pour l'application de sa propre législation fiscale. Il est similaire aux textes signés avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg.
Enfin, le cinquième paragraphe de l'article 26 de la convention, tel qu'amendé par l'article 1 er de l'avenant, impose à l'Etat requis de transmettre les renseignements qui seraient détenus par une banque, un établissement financier, un mandataire, un agent ou un fiduciaire, ainsi que ceux concernant la propriété.
Une telle clause figure dans les textes signés avec la Suisse, la Belgique et le Luxembourg. Toutefois, le cinquième paragraphe de l'avenant franco-suisse introduit une précision qui permet à la Suisse de déroger aux dispositions de son droit interne qui limitent l'accès de l'administration fiscale aux renseignements, notamment bancaires, aux fins de l'établissement des impôts. Le cinquième paragraphe de l'avenant franco-belge introduit la même clause.
Enfin, le quatrième point du protocole stipule « les règles doivent être interprétées de manière libérale afin de ne pas constituer une entrave à un échange de renseignements effectif ».
L'article 2 de l'avenant prévoit qu'il entre en vigueur le premier jour du mois suivant la date de la dernière notification. A la demande de la France, les autorités autrichiennes ont accepté que les demandes de renseignements fondées sur le nouvel article 26 puissent concerner toute année civile ou exercice commençant à compter du 1 er janvier 2011.
Stipulations de l'avenant
Articles du projet |
Comparaison avec le modèle de l'OCDE |
Demande de la France |
Demande de l'Autriche |
Commentaires |
Article 1 er modifiant l'art 26 § 1 |
« Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la présente convention ou pour l'administration ou l'application de la législation interne relative aux impôts de toute nature ou dénomination perçus pour le compte des Etats contractants, ou de leurs collectivités locales, dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la convention. L'échange de renseignements n'est pas restreint par les articles 1 et 2. » |
X |
X |
Texte identique au modèle OCDE. |
Article 1 er modifiant l'art 26 § 2 |
« Les renseignements reçus en vertu du paragraphe 1 par un Etat contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet Etat et ne sont communiqués qu'aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l'établissement ou le recouvrement des impôts mentionnés au paragraphe 1, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts, ou par le contrôle de ce qui précède. Ces personnes ou autorités n'utilisent ces renseignements qu'à ces fins. Elles peuvent révéler ces renseignements au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements. Nonobstant ce qui précède, les renseignements reçus par un Etat contractant peuvent être utilisés à d'autres fins lorsque cette possibilité résulte des lois des deux Etats et lorsque l'autorité compétente de l'Etat qui fournit les renseignements autorise cette utilisation. » |
X |
X |
Texte identique au modèle OCDE mais les dernières lignes ont été ajoutées conformément au souhait des deux Etats. |
Article 1 er modifiant l'art 26 § 3 |
« Chaque Etat contractant doit prendre les mesures nécessaires afin de garantir la disponibilité des renseignements et la capacité de son administration fiscale à accéder à ces renseignements et à les transmettre à son homologue. Les dispositions des paragraphes 1 et 2 ne peuvent pas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation : a) de prendre des mesures administratives dérogeant à sa législation et à sa pratique administrative ou à celles de l'autre Etat contractant ; b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre Etat contractant ; c) de fournir des renseignements qui révèleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial ou des renseignements dont la communication serait contraire à l'ordre public. » |
X |
Texte identique au modèle OCDE mais les Etats contractants ont convenu de compléter la rédaction de ce paragraphe. |
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Article 1 er modifiant l'art 26 § 4 |
« Si des renseignements sont demandés par un Etat contractant conformément au présent article, l'autre Etat contractant utilise les pouvoirs dont il dispose pour obtenir les renseignements demandés, même s'il n'en a pas besoin à ses propres fins fiscales. L'obligation qui figure dans la phrase précédente est soumise aux limitations prévues au paragraphe 3 sauf si ces limitations sont susceptibles d'empêcher un Etat contractant de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci ne présente pas d'intérêt pour lui dans le cadre national. » |
X |
X |
Texte identique au modèle OCDE. |
Article 1 er modifiant l'art 26 § 5 |
« En aucun cas les dispositions du paragraphe 3 ne peuvent être interprétées comme permettant à un Etat contractant de refuser de communiquer des renseignements uniquement parce que ceux-ci sont détenus par une banque, un autre établissement financier, un mandataire ou une personne agissant en tant qu'agent ou fiduciaire ou parce que ces renseignements se rattachent aux droits de propriété d'une personne. » |
X |
X |
Texte identique au modèle OCDE |
Protocole |
Point 1 : « En ce qui concerne l'article 26, les sources habituelles de renseignements disponibles dans l'Etat requérant doivent avoir été utilisées avant qu'une demande de renseignements soit faite. » Point 2 : « La référence aux renseignements « vraisemblablement pertinents » a pour but d'assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu'il soit pour autant loisible aux Etats contractants de demander des renseignements dont il est peu probable qu'ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d'un contribuable déterminé (« pêche aux renseignements »). Point 3 : « L'autorité fiscale requérante fournit les informations suivantes à l'autorité fiscale requise : a) l'identité de la personne faisant l'objet d'un contrôle ou d'une enquête ; b) la période au titre de laquelle les renseignements sont demandés ; c) une description des renseignements recherchés, notamment leur nature et la forme sous laquelle l'Etat requérant souhaite recevoir les renseignements de l'Etat requis ; d) le but fiscal dans lequel les renseignements sont recherchés ; e) dans la mesure où ils sont connus, les noms et adresse de toute personne dont il y a lieu de penser qu'elle est en possession des renseignements demandés ainsi que tout élément qui pourrait faciliter la recherche d'informations. » Point 4 : « Il est entendu que l'article 26 n'oblige pas les Etats contractants à procéder à un échange de renseignements spontané ou automatique. Il est en outre entendu que ces règles de procédure doivent être interprétées de manière libérale afin de ne pas constituer une entrave à un échange de renseignements effectif. » |
X |
X |
S'inspire des commentaires sur l'article 26 du modèle de convention. |
Source : OCDE
* 11 Cf. Paragraphe 3 de l'article 1 er de l'avenant modifiant l'article 27 de la convention franco-mauricienne.