MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

Présentée par Mme Bricq,

au nom de la commission des finances,

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat,

Considérant que le projet de loi de finances pour 2012 s'inscrit dans une programmation pluriannuelle privée de signification, puisque reposant sur une hypothèse de croissance des dépenses publiques peu crédible et non étayée ;

Considérant que l'empilement des mesures de rendement qui a caractérisé les dernières lois financières trahit l'absence de stratégie gouvernementale en matière de prélèvements obligatoires et confirme la nocivité des principales réformes fiscales conduites depuis 2007 ;

Considérant que les habituelles ouvertures de crédits sollicitées par le Gouvernement en fin d'exercice manifestent l'insincérité de ses prévisions budgétaires et contrastent fâcheusement avec ses engagements de maîtrise de la dépense ;

Considérant que le Gouvernement, en prétendant réaliser des économies grâce à la réserve de précaution, détourne de sa vocation une procédure destinée à respecter l'autorisation parlementaire, et non à s'en dispenser ;

Considérant que la baisse injustifiée des concours de l'Etat aux collectivités territoriales, ajoutée aux conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur l'équilibre des finances locales, mine progressivement la confiance qui prévalait entre l'Etat et les territoires ;

Considérant que le projet de loi de finances pour 2012 est dépourvu de substance, la plupart des mesures dites « de redressement » étant soumises au Parlement à la faveur de projets de loi de finances rectificative examinés dans la précipitation ;

Considérant que l'Assemblée nationale est revenue en nouvelle lecture sur la plupart des votes du Sénat ;

Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 15 décembre 2011, sous la présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport en nouvelle lecture sur le projet de loi de finances pour 2012 (Mme Nicole Bricq, rapporteure générale) .

EXAMEN DU RAPPORT

M. Jean-Claude Frécon, président . - Nous étions en attente de la transmission du texte adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Voyons en premier lieu les principaux accords complets. Par exemple, l'Assemblée nationale a accepté d'appliquer le taux réduit de TVA aux remboursements et rémunérations versés au titre des prestations de déneigement de la voierie départementale, à l'article 7 bis . Elle a adopté l'article 41 quater , qui prolonge de deux ans l'application d'un droit fixe de 125 euros au titre de la taxe de publicité foncière en faveur des organismes d'habitations à loyer modéré, des sociétés anonymes de crédit immobilier et de leurs unions pour leurs acquisitions de logements conventionnés ; il s'agissait d'une proposition de M. Repentin. Elle a également adopté sans modification l'article 47 octies A, introduit à l'initiative de M. Marini, étendant de deux à cinq ans le délai d'unification des règles de tarification des services d'élimination des déchets ménagers. Elle a enfin pris en compte l'article 51 decies , demandant un rapport sur l'enseignement agricole technique et supérieur.

J'en viens aux accords partiels. L'article 3 bis E, réformant le droit d'enregistrement des cessions de droits sociaux, à l'initiative de la commission des finances, a été en partie repris. Le principe du déplafonnement du droit d'enregistrement moyennant une diminution des taux, introduit par le Sénat, a été conservé, mais les députés ont revu à la baisse le taux et exclu de toute taxation les cessions de tous droits sociaux résultant d'un rachat de ses propres titres. Accord partiel également sur le droit de partage, à l'article 3 bis F, que nous avions rétabli à 1,1 %. Il revient à 2,5 %, mais la nouvelle rédaction prend en considération la situation des personnes en instance de divorce avant l'entrée en vigueur de la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011. L'article 5 bis B, qui rétablit l'exonération de charges sociales des jeunes entreprises innovantes, réapparaît dans le nouvel article 14 ter du projet de loi de finances rectificative pour 2011. L'article 14 bis , modifiant la répartition de la redevance sur les concessions hydroélectriques, a été complété pour permettre aux communes disposant des plus petites installations de percevoir une partie des recettes. L'Assemblée nationale a étendu, à l'article 46 bis , le bénéfice du PTZ+ aux acquisitions de logements appartenant à un organisme HLM. C'était une initiative de Thierry Repentin. L'article 47 undecies B permet la transmission aux régions d'informations de la part de l'agence nationale des titres sécurisés. Le Sénat avait souhaité que cette information soit mensuelle. L'Assemblée nationale a opté pour qu'elle soit semestrielle.

Enfin, viennent les articles relatifs aux finances locales et à la péréquation. A l'article 53 A, qui fixe un objectif à cette péréquation, l'Assemblée a gardé le principe d'évaluation et d'analyse du mécanisme en annexe au projet de loi de finances. A l'article 53 réformant les modalités de calcul du potentiel fiscal des départements, elle n'a conservé que l'identification des fonds mis en réserve par le comité des finances locales sur les excédents du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux et a rendu les départements d'outre-mer éligibles de droit aux reversements de ce fonds. A l'article 54, l'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture, en précisant que la dotation des communes situées en parc naturel marin outre-mer est répartie par parts égales et non en proportion de leur superficie. A l'article 55, l'Assemblée est également revenue à son texte de première lecture, en maintenant la création d'un indicateur de ressources élargi, voulu par notre commission. Elle a rétabli son texte de première lecture pour l'article 56, en maintenant deux apports du Sénat : le premier rend éligible à la dotation d'équipement des territoires ruraux les syndicats mixtes composés uniquement de communes et d'EPCI, mais en restant en-deçà du seuil de 60 000 habitants, et le second clarifie les années à retenir pour le calcul de la dotation de développement urbain. Elle a ajouté une définition précise de la notion de commune insulaire, permettant la mise en oeuvre du doublement de la voierie pour le calcul de la dotation de solidarité rurale et apporté une correction technique au plafonnement de l'augmentation de la dotation d'intercommunalité, lorsque celle-ci a fait l'objet d'un abattement de 50 % l'année suivant la création d'un EPCI. L'article 57 a été rétabli dans sa rédaction de première lecture. L'article 59 aussi, sous réserve du maintien de deux modifications adoptées par le Sénat concernant le fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) : avant le 1 er septembre 2015, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant les effets péréquateurs des dotations de péréquation verticale et du FSRIF ; les communes bénéficiaires des reversements du FSRIF sont celles dont l'indice synthétique est supérieur à la médiane et non, comme le prévoyait le texte initial, à 1,2.

Sur le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, l'Assemblée a adopté un amendement du Gouvernement, sous-amendé par notre collègue Gilles Carrez, réécrivant intégralement l'article 58...

M. Jean-Pierre Caffet . - Eh bien !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale . - Tout n'est pas perdu !

En effet, cet amendement reprend une partie des apports du Sénat. Il supprime les strates et reprend le système de prélèvement logarithmique, que nous avions proposé, qui gomme les effets de seuil. Il exclut les cent cinquante premières communes éligibles à la DSU-cible de tout prélèvement et réduit de 50 % le prélèvement des cent communes DSU-cible suivantes. « Pourquoi faire simple lorsque l'on peut faire compliqué » ? Il reprend la pondération des critères de reversement adoptée par le Sénat, en majorant à 60 % le critère du revenu par habitant. L'effort fiscal pris en compte dans les reversements est totalement déplafonné ; le Sénat avait relevé le plafond de 0,9 à 1, par un amendement de la commission. Le texte de l'Assemblée reprend un amendement adopté par le Sénat excluant de tout reversement les collectivités avec un effort fiscal inférieur à 0,5. La répartition des prélèvements et des reversements s'effectuera, comme l'a voté le Sénat, en fonction des potentiels et non des produits fiscaux de l'EPCI et des communes membres. Il maintient la clause de revoyure proposée par notre commission, en reportant du 1 er septembre au 1 er octobre 2012 la date de remise du rapport au Gouvernement.

Deux autres modifications adoptées par le Sénat ont été rejetées : le plafonnement des prélèvements au titre du FPIC et du FSRIF a été rabaissé de 15 % à 10 % du potentiel fiscal ; le revenu par habitant ne sera pas pondéré par le coût du loyer dans chaque région, comme le prévoyait un amendement de M. Dallier.

L'amendement du Gouvernement propose d'autres modifications du FPIC. Son montant est réduit à 150 millions d'euros en 2012 et atteindra 2 % des recettes du bloc communal en 2016, et non la valeur absolue d'un milliard, comme le souhaitait le Sénat. Le nombre d'ensembles intercommunaux éligibles est porté de la moitié à 60 % du total. Les EPCI pourront, à la majorité qualifiée classique, au lieu de l'unanimité, modifier les modalités de prélèvement et de reversement du FPIC entre l'EPCI et les communes membres, en prenant en compte les écarts de revenu par habitant et les insuffisances de ressources de chaque commune.

Ce sont des modifications sur lesquelles le Sénat a beaucoup travaillé et a porté un regard très attentif. L'Assemblée nationale ayant remis en cause l'essentiel des mesures que nous avions adoptées, la CMP a constaté l'incompatibilité de nos positions respectives.

EXAMEN DE LA MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - En conséquence, je vous propose d'adopter la motion suivante, tendant à opposer la question préalable :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat ;

« Considérant que le projet de loi de finances pour 2012 s'inscrit dans une programmation pluriannuelle privée de signification, puisque reposant sur une hypothèse de croissance des dépenses publiques peu crédible et non étayée ;

« Considérant que l'empilement des mesures de rendement qui a caractérisé les dernières lois financières trahit l'absence de stratégie gouvernementale en matière de prélèvements obligatoires et confirme la nocivité des principales réformes fiscales conduites depuis 2007 ;

« Considérant que les habituelles ouvertures de crédits sollicitées par le Gouvernement en fin d'exercice manifestent l'insincérité de ses prévisions budgétaires et contrastent fâcheusement avec ses engagements de maîtrise de la dépense ;

« Considérant que le Gouvernement, en prétendant réaliser des économies grâce à la réserve de précaution, détourne de sa vocation une procédure destinée à respecter l'autorisation parlementaire, et non à s'en dispenser ;

« Considérant que la baisse injustifiée des concours de l'Etat aux collectivités territoriales, ajoutée aux conséquences de la réforme de la taxe professionnelle sur l'équilibre des finances locales, mine - je supprime le mot « progressivement » figurant dans ma première version ! - la confiance qui prévalait entre l'Etat et les territoires ;

« Considérant que le projet de loi de finances pour 2012 est dépourvu de substance, la plupart des mesures dites « de redressement» étant soumises au Parlement à la faveur de projets de loi de finances rectificative examinés dans la précipitation ;

« Considérant que l'Assemblée nationale est revenue en nouvelle lecture sur la plupart des votes du Sénat ;

« Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ».

M. Philippe Dallier . - Que dire après un tel réquisitoire ? Sur l'article 58, je suis incapable de savoir si ce qu'a adopté l'Assemblée est meilleur que ce que proposait le Sénat, faute de simulation. Le président et la rapporteure générale pourraient-ils s'enquérir de la réalisation, par le Gouvernement, de telles simulations ? Les délais sont courts. Certaines collectivités, qui doivent adopter leur budget avant la fin de l'année, ont besoin de mesurer ce que leur donnera ce fonds de péréquation.

M. Jean-Claude Frécon , président . - Pour la version du Sénat, le Gouvernement ne nous a fait parvenir aucune simulation.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Il nous en annonce, pour la version de l'Assemblée nationale, pour lundi.

M. Albéric de Montgolfier . - Vous comprendrez que nous ne pouvons pas nous associer au vote de cette question préalable.

M. Jean-Claude Frécon , président . - La motion exprime notre réaction, d'une façon que chacun appréciera à son gré ; nous en discuterons en séance mardi après-midi...

M. Jean-Pierre Caffet . - Deux bonnes nouvelles : d'une part, nous aurons des simulations, ainsi nous saurons à quelle sauce nous serons mangés ; d'autre part, il est effectivement dans la logique politique des choses, comme pour le PLFSS, que nous posions la question préalable.

M. Michel Berson . - Quand nous aurons, enfin, lundi, les simulations sur la base du texte adopté par l'Assemblée nationale, il serait souhaitable de demander au Gouvernement d'autres simulations, fondées sur le texte que nous avons adopté, afin de pouvoir comparer les deux versions...

M. Jean-Claude Frécon , président . - Je ne pense pas que nous les aurons.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Nous les avons demandées et elles nous ont été refusées.

M. Michel Berson . - Ce refus est déjà, en lui-même, une réponse.

Mme Nicole Bricq , rapporteure générale . - Un aveu !

La commission adopte la motion présentée par Mme Nicole Bricq, rapporteure générale, tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de finances pour 2012 examiné en nouvelle lecture par le Sénat.

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