Article 36 (art. L. 1435-8 à L. 1435-11 (nouveaux), art. L. 1432-6, L. 1433-1, L. 1434-6, L. 1435-4 et L. 6323-5 du code de la santé publique ; art. L. 221-1-1 et L. 162-45 du code de la sécurité sociale ; art. 40 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000) - Création d'un fonds d'intervention régional
Objet : Cet article vise à créer un fonds d'intervention régional (Fir) regroupant divers financements gérés par les ARS.
I - Le dispositif proposé
Il existe actuellement une multitude de fonds intervenant dans le secteur sanitaire et hospitalier.
- Le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs) concerne principalement les soins dispensés en ville ; il finance le développement des nouveaux modes d'exercice, les structures contribuant à la permanence des soins (maisons médicales de garde, centres de régulation libérale), les actions ou structures visant au maintien de l'activité et à l'installation en zone déficitaire, celles favorisant l'exercice pluridisciplinaire et regroupé et celles concourant à l'amélioration de la qualité des soins de ville. En outre, le fonds finance une part du développement du dossier médical personnel (DMP).
Pour 2011, l'autorisation de dépenses du Fiqcs s'élève à 296 millions d'euros dont environ 20 % sont gérés au niveau national, principalement pour le DMP, et 80 % au niveau régional.
- Le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp) finance des actions très variées, principalement des investissements (74 % des crédits 2010), mais intervient aussi en matière de ressources humaines (18 %) et pour d'autres actions de modernisation des établissements (8 %). L'abondement de crédits inscrit dans la LFSS pour 2011 s'élève à 347,7 millions d'euros.
- En outre, les régimes d'assurance maladie gèrent chacun un fonds dédié aux actions de prévention : le FNPEIS pour le régime général, le FNPEISA pour le régime agricole et le FNMP pour le régime social indépendant. En 2009, les charges de ces fonds, qui comprennent des périmètres variés, se sont élevées à 520 millions d'euros, dont seulement environ 40 millions étaient délégués au niveau régional. L' Etat finance également, à hauteur de 180 millions d'euros en 2010, à partir du programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire », des dépenses régionales de prévention.
Or, la création des ARS par la loi HPST, adoptée il y a plus de deux ans maintenant, traduisait la volonté de regrouper, en un seul organisme, différents services ou structures du champ sanitaire et médico-social.
Le présent article propose donc le regroupement d'une partie de ces fonds par la création d'un fonds d'intervention régional (Fir).
Le paragraphe I instaure ce fonds et prévoit diverses coordinations.
Le 1° insère quatre articles nouveaux dans le code de la santé publique.
L'article L. 1435-8 fixe sept secteurs que le fonds, sur décision des ARS, peut financer : la permanence des soins, en ambulatoire et en établissements ; la qualité et la coordination des soins ; la répartition territoriale des professionnels, des maisons, des pôles et des centres de santé ; l'adaptation de l'offre de soins des établissements de santé et les démarches visant à améliorer la performance hospitalière ; les conditions de travail des personnels de ces établissements ; la prévention et la sécurité sanitaire ; la mutualisation de systèmes d'information.
L'article L. 1435-9 concerne les ressources du fonds. Celles-ci sont principalement constituées de trois dotations, en provenance des régimes d'assurance maladie, de l'Etat et de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). La dotation des régimes d'assurance maladie sera fixée par arrêté des ministres compétents, en fonction de l'Ondam. Au sein des ressources du fonds seront identifiés, d'une part, les crédits de prévention, d'autre part, ceux destinés à la perte d'autonomie et au handicap.
L'article L. 1435-10 prévoit que les orientations nationales du fonds sont déterminées par le conseil national de pilotage des ARS (CNP) et la répartition régionale des crédits fixée par le Gouvernement. En outre, la gestion comptable et financière est confiée à la Cnam, qui peut en déléguer une partie aux ARS. Enfin, les sommes notifiées sont prescrites, au profit du fonds, dans un délai de quatre ans.
L'article L. 1435-11 renvoie les modalités d'application des précédents articles à un décret en Conseil d'Etat.
Par ailleurs, le 2° supprime de la liste des ressources des ARS la possibilité de recevoir des crédits du Fmespp, puisque ce type de financements passera dorénavant par le Fir. Il est cependant singulier de ne pas prévoir explicitement que l'une des ressources des agences proviendra du Fir.
En miroir avec l'article L. 1435-10 précité, le 3° insère dans l'article L. 1433-1 du même code la nouvelle mission du CNP de déterminer les orientations nationales du Fir.
Le 4° opère une modification rédactionnelle à l'article L. 1434-6 pour prévoir que le montant de la contribution des caisses d'assurance maladie au titre de la prévention sera fixé par arrêté.
Les contrats ayant pour objet d'améliorer la qualité et la coordination des soins (Caqcs), que l'ARS peut proposer aux professionnels ou établissements en contrepartie d'engagements pris dans ce domaine, sont aujourd'hui financés par la dotation régionale du Fiqcs et par les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac). Le 5° prévoit que le montant de la contribution des régimes d'assurance maladie sera arrêté dans le cadre des dispositions de l'article L. 1435-9, qui fixe les ressources du Fir.
Enfin, l'article L. 6323-5 du code de la santé publique prévoit que les réseaux, centres, maisons et pôles de santé perçoivent une dotation du Fiqcs au titre de la coordination des soins. Le 6° remplace donc la mention du Fiqcs par une référence au nouveau Fir ; il supprime également le fait que cette dotation de coordination est fixée chaque année en loi de financement de la sécurité sociale.
Le paragraphe II assure diverses adaptations dans le code de la sécurité sociale.
Le 1° modifie son article L. 221-1-1 qui crée le Fiqcs, en supprimant les compétences qui lui étaient dévolues et qui seront transférées au nouveau Fir : le financement des nouveaux modes d'exercice, de la permanence des soins et de l'exercice pluridisciplinaire et regroupé. Il restreint le champ du Fiqcs au niveau national et supprime le financement des actions à caractère régional.
A l'occasion de cet article et sans lien avec la création du Fir, la transmission du bilan d'activité du comité national de gestion du Fiqcs au Parlement est supprimée.
En outre, l'article supprime - étrangement - la possibilité pour le Fiqcs de verser une aide sur une base pluriannuelle.
Enfin, le 2° modifie l'article L. 162-45, qui prévoit que le comité national de gestion du Fiqcs et les ARS « peuvent » prévoir la prise en charge par l'assurance maladie des « dépenses du réseau », sans qu'on sache d'ailleurs précisément de quel réseau il s'agit. En outre, les autres articles de cette sous-section du code 54 ( * ) ont été abrogés par la loi de financement pour 2007 55 ( * ) . De ce fait, l'article L. 162-45 apparaît plus comme une résurgence que comme une base solide. Aucune information n'a pu être donnée à votre rapporteur sur l'intérêt de conserver cet article. Pour autant, le 2° supprime la référence au Fiqcs, puisque la compétence des réseaux de santé sera assumée par le Fir.
Le paragraphe III adapte les modalités de fonctionnement du Fmespp , qui sont fixées à l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 56 ( * ) . Il supprime la possibilité, pour le fonds, de financer toute charge de fonctionnement ; le Fmespp se concentrera donc sur des dépenses d'investissement. Comme pour le Fiqcs, il supprime les compétences qui étaient dévolues au Fmespp et qui seront transférées au Fir : financement d'actions d'amélioration des conditions de travail des personnels des établissements de santé et de la performance hospitalière ; frais de fonctionnement de la mission d'expertise et d'audit hospitaliers et de la mission nationale d'appui à l'investissement. Enfin, la possibilité de déconcentration des crédits du fonds en-dessous d'un seuil fixé par arrêté est supprimée, de même que la possibilité de verser des aides sur une base pluriannuelle.
Le paragraphe IV reporte l'entrée en vigueur de plusieurs mesures de cet article au 1 er janvier 2013, notamment celles relatives aux évolutions du Fmespp.
Le paragraphe V prévoit, de manière transitoire, les modalités de fixation des ressources du Fir pour l'année 2012 sur la base d'un arrêté et en conservant la possibilité d'un abondement par le Fiqcs et le Fmespp pour éviter toute rupture dans les financements.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles dans la définition des missions du Fir, notamment pour inclure les pôles de santé, les maisons de santé et les réseaux de santé dans le 2° relatif à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins.
Elle a également ajouté un huitième domaine d'action : la prévention des handicaps et de la perte d'autonomie, la prise en charge et les accompagnements des personnes handicapées ou âgées dépendantes.
Elle a élargi, aux établissements médico-sociaux, l'évaluation dans les Cpom des financements alloués par le Fir.
Elle a prévu des modalités de suivi de l'utilisation des dotations affectées au Fir, avec « un bilan élaboré sur la base des données transmises par chaque ARS » adressé chaque année avant le 15 octobre au Parlement. Ce bilan devra notamment contenir une analyse du bien-fondé du périmètre des actions du fonds, de l'évolution des dotations régionales et d'une « explicitation » des critères de répartition régionale.
Enfin, elle a abrogé l'article L. 6112-3-2, pourtant créé il y a seulement deux mois, à l'initiative du Gouvernement, à l'occasion de l'examen de la loi « Fourcade » 57 ( * ) . Celui-ci prévoit que les médecins libéraux participant à la permanence des soins dans un établissement de santé assurant cette mission de service public sont indemnisés par l'établissement. Les compétences du Fir, telles qu'elles figurent à ce stade, englobent en effet le financement de la permanence des soins. A titre transitoire, l'Assemblée a ajouté, à la fin de l'article, que dans l'attente de la mise en oeuvre du fonds, un arrêté fixe les conditions d'indemnisation des médecins libéraux participant à cette mission de service public.
III - La position de la commission
La rédaction actuelle de cet article ne répond pas aux objectifs de clarté, d'intelligibilité et de transparence que le Parlement appelle de ses voeux depuis de nombreuses années en ce qui concerne les fonds auxquels doivent contribuer, à des niveaux élevés, les régimes obligatoires d'assurance maladie.
A l'initiative du Gouvernement et sur la demande insistante du président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 avait introduit quelques dispositions de déconcentration des crédits du Fiqcs et du Fmespp, qu'il est aujourd'hui nécessaire de « détricoter » du fait de la création du Fir.
Ce fonds est directement inspiré d'un rapport IGF-Igas de juillet 2010 sur les fonds d'assurance maladie 58 ( * ) , qui constatait une centralisation excessive dans la gestion de ces fonds, des lacunes de pilotage et un suivi financier pluriannuel défaillant . Il proposait notamment de créer un fonds régional d'intervention à deux compartiments, le premier regroupant les parts régionales du Fiqcs et du Fmespp, le second les parts régionales des fonds de prévention des régimes d'assurance maladie et de l'Etat.
Or, ce rapport n'évoquait pas l'intégration, dans le Fir, des missions d'intérêt général liées à la permanence des soins ; il envisageait certes l'élargissement de la fongibilité, estimant cependant qu'elle « soulevait des questions complexes ». Le Gouvernement, qui justifie la création du Fir par le rapprochement de « politiques proches ou complémentaires » , y inclut pourtant la permanence des soins, sans évaluation et alors qu'elle n'a que peu à voir avec la prévention et la promotion de la santé ou avec la qualité et la performance des soins.
Aucun garde-fou n'est posé pour éviter qu'une ARS, soumise aux pressions éventuelles de revalorisation des tarifs des médecins libéraux, ne privilégie à court terme ceux-ci au détriment de l'hôpital, dont elle pourrait estimer que l'assise financière plus large permettrait d'absorber cette diminution, quitte à ce que le déficit augmente.
C'est pourquoi la commission a adopté un amendement de prudence ôtant, à ce stade encore expérimental, la permanence des soins du champ de financement du Fir. Il y aurait trop de risque de perturbation dans l'affectation des crédits à se précipiter en la matière.
Finalement, le Fir fonctionnerait sur trois fondements hétérogènes : la permanence des soins ; la qualité et la performance des soins ; la prévention et la promotion de la santé. Ce rapprochement est pour le moins artificiel , d'autant qu'en application de la fongibilité asymétrique décidée par la loi HPST, les crédits destinés à la prévention, d'un côté, et ceux destinés au handicap et à la perte d'autonomie, de l'autre, sont sanctuarisés. En l'occurrence, ces deux types de crédits seraient simplement « identifiés » au sein des ressources du fonds : ne sont formalisés ni procédure ni contrôle. Votre commission a donc adopté un amendement pour, a minima , faire référence à l'article L. 1434-6 du code de la santé publique qui fixe le principe de la fongibilité asymétrique .
Parallèlement, le Gouvernement conserve les fonds existants, Fmespp et Fiqcs, avec les particularités et les lourdeurs qui ont déjà été souvent dénoncées. Par exemple, la gestion du Fiqcs est assurée par un comité national de gestion, un conseil national de la qualité et de la coordination des soins et un bureau du conseil national... Alors que leurs compétences se réduiront comme peau de chagrin, ces fonds continueront de mobiliser les moyens d'une gestion complexe et coûteuse.
Paradoxalement, les modalités de gouvernance envisagées pour le nouveau fonds sont inexistantes : le texte proposé se limite à indiquer que le CNP déterminera les orientations nationales, mais aucune structure ou conseil n'est nommé pour prendre des décisions, contrôler et évaluer les actions. L'Assemblée nationale, sensible à ces lacunes, a d'ailleurs pris l'initiative d'introduire la notion d'évaluation et la transmission d'informations au Parlement.
Tous ces motifs ont conduit votre commission à adopter un amendement relatif aux droits du Parlement :
- pour restaurer la transmission du rapport d'activité du Fiqcs ;
- pour définir une procédure d'évaluation du Fir, accompagnée d'un rapport adressé au Parlement .
Votre commission a également adopté un amendement de simplification concernant l'attribution, par les ARS, de crédits destinés à la prévention à partir des fonds constitués par les caisses d'assurance maladie. Cette disposition n'a plus lieu de figurer dans le code en tant que telle : elle devient redondante puisque ce sera l'un des objets du Fir, lui-même alimenté par une dotation des caisses à ce titre.
Surtout, votre commission a adopté un amendement de principe relatif, à nouveau, aux droits du Parlement, auxquels elle est particulièrement attachée : la loi prévoit aujourd'hui que les dotations de l'assurance maladie au Fiqcs et au Fmespp sont fixées, chaque année, en loi de financement de la sécurité sociale. Or, le projet de loi indique que la future dotation des caisses au Fir sera arrêtée par les ministres compétents. Cette perte d'information et de contrôle pour le Parlement n'est pas tolérable . Votre commission propose donc de revenir au principe d'une dotation des caisses au Fir votée en PLFSS.
Enfin, vu la complexité du montage et la nécessité de transformer les systèmes informatiques de plusieurs opérateurs, dont la Cnam, nouvelle gestionnaire de l'ensemble des crédits, votre commission a adopté un amendement pour reporter l'entrée vigueur du dispositif au 1 er janvier 2013 , alors que le Gouvernement souhaite avancer, à marche forcée, pour instituer le Fir dès mars ou avril 2012. Cette précipitation inutile présente plus de risques que d'avantages.
En conclusion, si le Fir peut apporter de la souplesse aux ARS, il est peu probable que sa création apporte la transparence nécessaire à l'utilisation des crédits consacrés aux multiples politiques visées. Récipiendaire unique de financements divers relevant qui plus est de plusieurs sous-objectifs de l'Ondam, il risque de rendre encore plus difficile le suivi de celui-ci.
Pour autant, et afin de montrer l'importance qu'elle attache à la clarification du dispositif des fonds, la commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.
* 54 L. 162-43 et L. 162-44.
* 55 Article 94 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006.
* 56 Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000.
* 57 Article 8 de la loi n° 2011-940 du 10 août 2011, modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
* 58 Rapport sur les fonds d'assurance maladie (FNPEIS, FNPEISA, FNPM, Fiqcs, Fmespp), établi par Yves Bonnet, Bertrand Brassens et Jean-Luc Vieilleribière, inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales.