2. Un « été meurtrier » pour le secteur bancaire français
a) Une forte exposition au risque souverain
L'exposition au risque de crédit et les implantations des banques françaises, en particulier de Dexia, en Europe de l'Ouest et du Sud, avaient été plutôt perçues comme une force en 2008 et 2009. En 2011, cette force supposée s'est transformée en faiblesse avec l'aggravation de la crise de la dette souveraine en Grèce, en Espagne et en Italie.
Cette inversion procède également d'un changement radical de la perception des investisseurs , les créances souveraines sur des Etats industrialisés, traditionnellement perçues comme sûres, étant désormais assimilées dans certains cas à des actifs très risqués. Lors de son audition par votre commission le 12 octobre 2011, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a ainsi affirmé que « le monde a changé : auparavant, tout le monde considérait la dette des Etats comme la plus sûre. Depuis l'été, le doute s'est installé, bien au-delà du seul cas de la Grèce. Or, si les Etats sont soupçonnables, c'est toute la finance qui est à repenser ».
La montée de l'inquiétude sur les perspectives économiques de ces pays, leur capacité à faire face à leurs échéances de financement et la mise en oeuvre d'une solidarité financière au sein de la zone euro a provoqué un mouvement de défiance des investisseurs et établissements de crédit à l'encontre des banques européennes, et singulièrement françaises .
Selon les données publiées par la Banque des règlements internationaux (BRI) 7 ( * ) , l'exposition consolidée des banques françaises aux dettes publiques et privées des cinq pays les plus fragiles de la zone euro s'élevait ainsi, à la fin du premier trimestre de 2011, à près de 672 milliards d'euros 8 ( * ) , dont 162,5 milliards d'euros relevant de contreparties publiques (dettes souveraines et d'entités publiques).
Exposition consolidée des banques françaises à la dette publique et privée des cinq Etats les plus fragiles de la zone euro - Premier trimestre de 2011
(en milliards de dollars)
Pays |
Dette publique (dont Etat) |
Dette bancaire |
Dette privée hors banques |
Total |
Espagne |
32,58 |
36,47 |
77,03 |
146,08 |
Grèce |
13,40 |
1,64 |
41,90 |
56,94 |
Irlande |
2,85 |
8,43 |
18,81 |
30,10 |
Italie |
105,04 |
49,09 |
256,10 |
410,24 |
Portugal |
8,61 |
6,27 |
13,46 |
28,35 |
Total |
162,48 |
101,9 |
407,3 |
671,71 |
Source : Banque des règlements internationaux
L'Autorité bancaire européenne évalue l'exposition des banques françaises aux dettes souveraines de ces cinq pays à 84,56 milliards d'euros 9 ( * ) à la fin du premier semestre de 2011. L'exposition des banques allemandes est inférieure puisqu'elle s'élève à près de 68 milliards d'euros.
Exposition des banques de certains pays
à la
dette publique des cinq Etats les plus fragiles de la zone euro
(en milliards d'euros)
Dette souveraine de... |
Total |
|||||
Banques de... |
Espagne |
Grèce |
Irlande |
Italie |
Portugal |
|
Allemagne |
18,61 |
7,93 |
1,01 |
36,82 |
3,58 |
67,95 |
Espagne |
222,82 |
0,45 |
0,08 |
7,20 |
4,85 |
235,4 |
France |
14,63 |
10,07 |
2,11 |
53 |
4,75 |
84,56 |
Italie |
164,01 |
1,41 |
0,17 |
0,37 |
3,23 |
169,19 |
Source : Autorité bancaire européenne, citée par le Flash économie du 14 octobre 2011 de la recherche économique de Natixis
Détail de l'exposition des trois principales banques françaises au risque souverain des cinq pays les plus fragiles de la zone euro - Premier semestre 2011
(en millions d'euros)
BNP Paribas |
Crédit agricole SA |
Société générale |
||||
Portefeuille bancaire (1) |
Portefeuille de négociation |
Portefeuille bancaire |
Portefeuille de négociation |
Portefeuille bancaire |
Portefeuille de négociation |
|
Grèce |
3 552 |
264 |
278 |
51 |
1 639 |
234 |
Espagne |
2 826 |
- 308 |
1 765 |
29 |
1 300 |
1 000 |
Irlande |
404 |
- 15 |
144 |
0 |
300 |
96 |
Italie |
20 987 |
1 752 |
7 843 |
885 |
2 200 |
2 800 |
Portugal |
1 401 |
313 |
658 |
169 |
210 |
351 |
Total |
29 170 |
2 006 |
10 688 |
1 134 |
5 649 |
4 481 |
(1) : Schématiquement, le portefeuille bancaire regroupe les titres destinés à être détenus jusqu'à leur échéance et est donc valorisé au coût historique, tandis que le portefeuille de négociation est composé d'instruments financiers détenus à des fins de négociation ou de couverture, susceptibles d'être valorisés à la valeur de marché.
Source : L'Agefi Hebdo du 8 au 14 septembre 2011
* 7 Tableau 9E sur le risque ultime consolidé d'exposition des banques, selon la nationalité des banques déclarantes et le pays d'exposition.
* 8 Soit 20,6 % de l'exposition totale des banques françaises à des dettes étrangères.
* 9 Soit 12 % du volume de dette souveraine de ces pays détenu par l'ensemble des banques de la zone euro.