II. UNE « RELANCE DE LA VOIE D'EAU » AU SERVICE DU TRAFIC FLUVIAL

A partir de la première convention d'objectif et de moyens (2005-2008) passé avec VNF, l'Etat a défini une politique de « relance de la voie d'eau », en donnant la priorité au développement du fret sur le réseau magistral. A partir de 2009, VNF a défini un programme ambitieux pour les années 2010-2018 5 ( * ) , d'un montant global d'investissements de 2,7 milliards d'euros et avec l'objectif de doubler le trafic fluvial.

A. LES VOIES D'EAU, UNE CHANCE POUR NOTRE PAYS

La voie d'eau est fiable, sûre et relativement peu polluante. Fiable, au moins quand les équipements fonctionnent, parce que le transporteur peut garantir un délai de livraison, même s'il est plus long que celui du transport routier. Le transport fluvial est sûr, parce que les risques d'accidents sont bien moindres que par la route ou même par le train. Ce mode de transport est aussi le moins polluant. Les péniches de type « Freycinet » emportent l'équivalent de 12 camions - et les grands convois poussés peuvent, sur notre réseau à grand gabarit, emporter chacun l'équivalent de 200 camions.

Notre important réseau navigable est une chance, également, pour le développement du tourisme fluvial : le nombre de passagers transportés par des « bateaux promenades », des péniches-hôtels, des paquebots fluviaux s'est accru de 20 % entre 2004 et 2008 6 ( * ) .

Enfin, notre voie d'eau est utile à l'ensemble de la population, à la biodiversité du territoire et à la production d'énergie. Avec les barrages, les réservoirs et autres systèmes d'alimentation, l'État met à disposition un plan d'eau régulé et stable. Celui-ci est indispensable à la navigation, mais il assure également un accès à l'eau pour de nombreux usages : alimentation en eau potable, usages industriels, dont le refroidissement de centrales électriques et nucléaires 7 ( * ) , irrigation agricole, tourisme et loisirs nautiques. Si les ouvrages n'empêchent pas les inondations, ils peuvent en limiter l'ampleur, par une action sur les débits, et les transferts d'eau entre bassins ont aussi leur importance en période de sécheresse. L'énergie hydraulique des voies d'eau est exploitée 8 ( * ) , elle peut l'être davantage dès lors que les microcentrales se sont modernisées et que la société dans son ensemble cherche à diversifier sa production énergétique.

B. LA DÉFINITION PAR L'ÉTAT D'UNE « RELANCE DE LA VOIE D'EAU » SUR LE RÉSEAU PRINCIPAL

La loi de 2009 relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement 9 ( * ) fixe à l'État un objectif ambitieux de report modal : en douze ans, la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial doit passer de 14 % à 25 % du fret global. Pour le fluvial, où les marges de progression sont les plus importantes, cet objectif implique de doubler le fret actuel.

Second moteur de la relance, la perspective de l'ouverture du canal Seine-Nord, qui devrait raccorder, en 2019, le réseau du bassin de la Seine à celui des grandes voies du Nord de l'Europe. D'un montant dépassant 4 milliards d'euros, ce projet comprend, en plus du canal lui-même, quatre plateformes multimodales qui permettront la massification des marchandises et le développement de l'intermodalité.

Il convient également de mentionner le volet fluvial de l'avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport, de janvier 2011. Celui-ci prévoit une enveloppe d'environ 9 milliards d'euros, hors projet du canal Seine Nord Europe pour la réalisation, pour les vingt années à venir, de la liaison fluviale à grand gabarit Bray-Nogent et de la liaison fluviale à grand gabarit Saône-Moselle et Saône-Rhin.

Pour moderniser le réseau principal, qui est utilisé très en dessous de ses capacités, VNF a évalué les besoins d'investissement à 2,7 milliards qui se répartissent entre la remise en état et en sécurité du réseau (1,2 milliard), la modernisation des méthodes et la reconstruction de barrages manuels (400 millions), la mise en conformité environnementale (120 millions) et les travaux d'accroissement du gabarit (800 millions). Pour les quatre premières années (2010-2013), VNF prévoit de mobiliser 840 millions sur quatre ans.

VNF a entrepris, ensuite, de changer l'organisation du service fluvial pour l'adapter à la demande. Le fret étant concentré sur une petite partie du réseau et sur certains itinéraires, il paraît logique, quoique la démarche soit nouvelle dans le fluvial, d'adapter l'offre de service à cette demande. Dans son projet, VNF a ainsi distingué deux offres de services : sur le réseau principal, une ouverture continue 24/24 (et d'une ouverture journalière de 12 heures sur le réseau connexe) ; sur le réseau secondaire, une ouverture saisonnière et à la demande. Ces objectifs s'accompagnent d'une réorganisation de la maintenance et de l'exploitation, aussi bien pour les effectifs (regroupement dans des unités à compétence géographique plus large) que pour les métiers (avec, par exemple, la mise en place d'une maintenance préventive et spécialisée sur l'ensemble du réseau).

Au-delà de la modernisation du réseau à grand gabarit et des changements organisationnels, la relance de la voie d'eau passe par une transformation de la chaîne logistique dans son ensemble, pour y insérer les voies navigables : les collectivités publiques sont à ce titre toutes concernées. Il s'agit, en effet, d'accompagner le renouvellement nécessaire de la flotte, la mise en place de nouveaux maillons de la chaîne logistique ; d'aider les embranchements fluviaux avec des plates formes et des équipements ; de renforcer la desserte fluviale des ports maritimes ; de réformer la gestion des ports fluviaux, pour les intégrer dans des stratégies par bassins, mais aussi pour associer les collectivités territoriales à leur gouvernance ; de renforcer, en général, la promotion commerciale de la voie d'eau.


* 5 Vers une relance dynamique des voies navigables, VNF, 2011

* 6 Selon le Réseau national d'observation du tourisme fluvial.

* 7 EDF est, de loin, le premier contributeur de la taxe hydraulique

* 8 Cas à part du Rhône, concédé à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et du Rhin, notre voie d'eau est équipée surtout de microcentrales, propriété de particuliers ou d'entreprises : 78 microcentrales sont installées, produisant 115 mégawatts ; VNF estime que, sans construction d'obstacles nouveaux, on pourrait plus que doubler cette production.

* 9 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009

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