III. LA NÉCESSITÉ D'ALLER PLUS LOIN
A. DES MESURES RENDUES URGENTES PAR LA DÉGRADATION BRUTALE DES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES MONDIALES
L'environnement économique s'est brutalement dégradé dans la première moitié du mois d'août 2011, avec une série d'événements défavorables :
- le « psychodrame » du relèvement du plafond de la dette fédérale aux Etats-Unis (qui s'est finalement achevé le 2 août par un accord généralement jugé peu satisfaisant) ;
- le risque d'une retombée des Etats-Unis dans la récession, du fait de la publication, le 5 août, de chiffres de croissance plus dégradés que prévu ;
- la dégradation de la note des Etats-Unis - qui est passée de « AAA » à « AA+ » - par Standard and Poor's, le 6 août ;
- une forte correction boursière (de l'ordre de 25 % pour le CAC 40), à cause de ces phénomènes et du risque de contagion de la crise de la dette à l'Espagne et à l'Italie ;
- l'annonce par l'Insee que la croissance en France a stagné au deuxième trimestre, ce qui rend désormais comptablement impossible d'atteindre l'objectif d'une croissance de 2 % en 2011 (cf. ci-après le commentaire de l'article premier du présent projet de loi).
1. La nécessité d'adapter les politiques économiques
Il n'est bien entendu pas possible de savoir quelle sera la croissance les prochaines années. Il paraît toutefois de plus en plus clair que la récession de 2008-2009 n'a pas été une récession classique, après laquelle le PIB retrouverait rapidement son niveau potentiel d'avant la crise. Les différents acteurs devront continuer de se désendetter, ce qui suggère que la croissance sera durablement inférieure à son potentiel.
Dans ces conditions, il est à craindre que les objectifs de solde public et de réduction du ratio dette/PIB des Etats membres de la zone euro ne puissent être atteints.
Dans ses prévisions économiques de printemps, la Commission européenne prévoit, pour la zone euro, une croissance du PIB de 1,6 % en 2011 et 1,8 % en 2012. Si la croissance devait être inférieure de, par exemple, 1 point aux prévisions en 2011, le déficit public de la zone euro ne serait pas de 3,5 points de PIB, comme le prévoit la Commission, mais de plus de 4 points (contre 4,3 points en 2011).
Le véritable problème cependant ne concerne pas la zone euro dans son ensemble, mais ses membres qui ont un déficit élevé, comme la France. Ainsi, dans ses prévisions du printemps 2011, publiées le 13 mai, la Commission européenne, s'appuyant sur des prévisions de croissance de 1,8 % en 2011 et 2 % en 2012, anticipait pour 2011 et 2012 un déficit public de 5,8 et 5,3 points de PIB (contre respectivement 5,7 et 4,6 points de PIB selon le Gouvernement). Si la croissance était inférieure à 2 % l'année prochaine, le déficit en 2012 pourrait être encore plus élevé.
Les prévisions de solde public de la Commission européenne
(en points de PIB)
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Grèce |
-5,7 |
-6,4 |
-9,8 |
-15,4 |
-10,5 |
-9,5 |
-9,3 |
Irlande |
2,9 |
0,1 |
-7,3 |
-14,3 |
-32,4 |
-10,5 |
-8,8 |
Espagne |
2 |
1,9 |
-4,2 |
-11,1 |
-9,2 |
-6,3 |
-5,3 |
France |
-2,3 |
-2,7 |
-3,3 |
-7,5 |
-7 |
-5,8 |
-5,3 |
Slovénie |
-1,4 |
-0,1 |
-1,8 |
-6 |
-5,6 |
-5,8 |
-5 |
Chypre |
-1,2 |
3,4 |
0,9 |
-6 |
-5,3 |
-5,1 |
-4,9 |
Slovaquie |
-3,2 |
-1,8 |
-2,1 |
-8 |
-7,9 |
-5,1 |
-4,6 |
Portugal |
-4,1 |
-3,1 |
-3,5 |
-10,1 |
-9,1 |
-5,9 |
-4,5 |
Belgique |
0,1 |
-0,3 |
-1,3 |
-5,9 |
-4,1 |
-3,7 |
-4,2 |
Autriche |
-1,6 |
-0,9 |
-0,9 |
-4,1 |
-4,6 |
-3,7 |
-3,3 |
Italie |
-3,4 |
-1,5 |
-2,7 |
-5,4 |
-4,6 |
-4 |
-3,2 |
Malte |
-2,8 |
-2,4 |
-4,5 |
-3,7 |
-3,6 |
-3 |
-3 |
Estonie |
2,4 |
2,5 |
-2,8 |
-1,7 |
0,1 |
-0,6 |
-2,4 |
Pays-Bas |
0,5 |
0,2 |
0,6 |
-5,5 |
-5,4 |
-3,7 |
-2,3 |
Allemagne |
-1,6 |
0,3 |
0,1 |
-3 |
-3,3 |
-2 |
-1,2 |
Luxembourg |
1,4 |
3,7 |
3 |
-0,9 |
-1,7 |
-1 |
-1,1 |
Finlande |
4 |
5,2 |
4,2 |
-2,6 |
-2,5 |
-1 |
-0,7 |
Zone euro |
-1,4 |
-0,7 |
-2 |
-6,3 |
-6 |
-4,3 |
-3,5 |
Source : commission européenne, prévisions économiques du printemps 2011 (13 mai 2011)
Cette situation appelle plusieurs réponses en termes de politiques économiques.
a) N'accentuer la rigueur que dans le cas des Etats ayant actuellement un déficit public élevé
Tout d'abord, la zone euro dans son ensemble doit renoncer à l'objectif de respecter sa trajectoire de solde quoi qu'il arrive. Si la croissance de 2012 devrait être inférieure d'1 point aux prévisions, son déficit s'en trouverait accru de plus de 0,5 point de PIB. Or, la correction de ce supplément de déficit risque de ne pas être possible au niveau de l'ensemble de la zone euro. En effet, le « multiplicateur budgétaire » est généralement estimé à environ 1,5 au niveau de la zone. En forçant un peu le trait en retenant un multiplicateur de 2, cela signifie que si les Etats de la zone prennent en même temps des mesures pour réduire leur déficit de, par exemple, 0,5 point de PIB, leur PIB s'en trouvera réduit d'1 point, ce qui annulera la réduction du ratio déficit/PIB.
Ensuite , les Etats de la zone euro, comme la France, dont le déficit est élevé, doivent respecter, dans la mesure du possible, leur objectif de solde. Il serait dangereux pour la France d'avoir un déficit supérieur à celui de l'Espagne. C'est donc à juste titre que le Président de la République a annoncé des mesures supplémentaires. Votre rapporteur général estime cependant qu'il serait utile d'atténuer le discours selon lequel la France respectera sa trajectoire « quoi qu'il arrive », ce qui en cas de forte dégradation de la situation économique n'aurait guère de crédibilité, et de lui préférer un engagement en termes d' « effort structurel » - prôné depuis le début de l'année 2010 par la commission des finances -, comme le prévoient les lois de programmation des finances publiques et le projet de loi constitutionnelle. Quelles que soient les perspectives de croissance, la commission des finances maintient donc inchangée son estimation, présentée dans son rapport d'information 43 ( * ) relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2012, selon laquelle l'effort supplémentaire nécessaire en 2012 par rapport à celui alors prévu par le Gouvernement serait de l'ordre de 10 milliards d'euros en prenant en compte l'effort prévu mais « non documenté ».
De manière complémentaire, les Etats ayant un faible déficit doivent accepter au moins de laisser jouer les stabilisateurs automatiques , faute de quoi on pourrait craindre qu'aucun Etat de la zone euro n'atteigne ses objectifs. Cette exigence concerne en particulier l'Allemagne, pour laquelle la Commission européenne prévoit un déficit de seulement 2 points de PIB en 2011 et 1,2 point de PIB en 2012.
* 43 Rapport d'information n° 708 (2010-2011), 5 juillet 2011.