N° 696
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 juin 2011 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi (procédure accélérée) fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région ,
Par M. Jean-Patrick COURTOIS,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest , président ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Patrice Gélard, Jean-René Lecerf, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, M. Yves Détraigne , vice-présidents ; MM. Laurent Béteille, Christian Cointat, Charles Gautier, Jacques Mahéas , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, Nicole Bonnefoy, Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Louis-Constant Fleming, Gaston Flosse, Christophe-André Frassa, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Mme Jacqueline Gourault, Mlle Sophie Joissains, Mme Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Richard Tuheiava, Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung, François Zocchetto. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
689 et 697 (2010-2011) |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Après la décision n° 2011-632 DC du 23 juin 2011 -par laquelle le Conseil constitutionnel a clarifié sa jurisprudence sur la priorité du Sénat pour les projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales », posée par le deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution-, notre Haute Assemblée est à nouveau appelée à se prononcer sur la répartition des conseillers territoriaux par département et par région.
En effet, lors de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, le constituant a souhaité imposer au gouvernement de soumettre en premier lieu au Sénat, représentant des collectivités locales en vertu de l'article 24 de la Constitution, les projets de loi relatifs à l'organisation de ces mêmes collectivités. Aux termes de l'article 39 de la Constitution, cette priorité sénatoriale s'exerce « sans préjudice du premier alinéa de l'article 44 », c'est-à-dire du droit d'amendement : elle n'interdit donc ni au gouvernement, ni aux députés d'introduire, par voie d'amendement, des dispositions nouvelles relatives à l'organisation des collectivités territoriales dans un projet de loi lors de son examen par l'Assemblée nationale 1 ( * ) ; de même, comme le précise le texte de l'article 39, le champ de cette priorité n'inclut pas les propositions de loi.
En tout état de cause, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'étendue de la priorité conférée au Sénat par l'article 39 était -et, dans une certaine mesure, demeure- lacunaire. Ainsi, si le Conseil avait jugé, dès 2003, que les projets de loi relatifs aux « conditions dans lesquelles sont organisées les procédures conduisant à la prise de décision dans le domaine de compétence que détiennent les collectivités territoriales » devaient être soumis en premier lieu au Sénat 2 ( * ) , il avait néanmoins semblé retenir une appréciation restrictive de la notion d'« organisation des collectivités territoriales » en considérant, par exemple, que le projet de loi relatif à l'expérimentation locale ne ressortissait pas de la priorité de la Haute Assemblée 3 ( * ) . En raison du faible nombre de décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur ce sujet, la portée des dispositions du deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution restait donc floue.
Or, ces incertitudes ont largement été levées par la décision précitée du 23 juin 2011. En effet, en censurant le projet de loi portant répartition des conseillers territoriaux par département et par région au motif que ce texte devait être soumis en premier lieu au Sénat, et non à l'Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a consacré la doctrine selon laquelle l'ensemble des dispositions regroupées sous l'intitulé « organisation » par le code général des collectivités territoriales doivent être considérées comme relevant de « l'organisation des collectivités territoriales » au sens de l'article 39 de la Constitution 4 ( * ) : ainsi, c'est sur le fondement de cet argument que le Conseil a estimé « qu'au nombre des règles d'organisation des collectivités territoriales figure la fixation des effectifs de leur assemblée délibérante » 5 ( * ) .
Votre commission a salué cette décision, qui réaffirme la spécificité du Sénat comme représentant des collectivités territoriales et contribue à renforcer la lisibilité de l'article 39 de la Constitution. Elle a également noté que le gouvernement en avait pleinement tiré les conséquences en déposant le présent texte sur le bureau de la Haute Assemblée, auquel il sera bel et bien soumis en premier lieu.
Sur le fond, votre commission a constaté que le nouveau projet de loi de répartition des conseillers territoriaux établi par le gouvernement était l'exacte reprise du texte qu'elle avait adopté le 25 mai dernier : au bénéfice des observations qu'elle avait alors formulées 6 ( * ) , elle a maintenu sa position et a adopté le présent projet de loi sans modification .
* 1 C'est sur le fondement de cette précision que le Conseil constitutionnel a estimé, lors de sa décision n° 2010-618 du 9 décembre 2010, que l'intégration au projet de loi de réforme des collectivités territoriales, en première lecture à l'Assemblée nationale et par un amendement du gouvernement, du tableau fixant la répartition des conseillers territoriaux par département et par région, n'était pas contraire à la Constitution du point de vue de la procédure.
* 2 Décision n° 2003-482 DC du 30 juillet 2003, « Loi organique relative au référendum local ».
* 3 Décision n° 2003-478 DC du 30 juillet 2003, « Loi organique relative à l'expérimentation par les collectivités territoriales ».
* 4 Voir le commentaire aux cahiers de la décision du 23 juin 2011 précitée, où il est précisé qu'en réécrivant l'article 39 lors de la révision de mars 2003, « le constituant a entendu se référer à la notion d'organisation contenue dans le code général des collectivités territoriales, qui range sous l'intitulé `organisation' les dispositions relatives au nom et au territoire de la collectivité, à la composition, au fonctionnement et aux attributions de ses organes, ainsi qu'au régime juridique de leurs actes ».
* 5 Décision n° 2011-632 précitée, considérant 4.
* 6 Voir le rapport n° 551 (2010-2011) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois : http://www.senat.fr/rap/l10-551/l10-551.html