Article 4 (art. L. 321-1 du code de commerce) - Opérateurs autorisés à organiser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
Cet article définit le statut juridique des opérateurs autorisés à organiser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
L'article L. 321-2 du code de commerce confie en effet à une catégorie particulière de sociétés de forme commerciale à objet civil, les sociétés des ventes volontaires, une compétence de droit commun pour l'organisation et la réalisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. La loi du 10 juillet 2000 a substitué ces sociétés aux commissaires-priseurs, qui ont alors perdu leur monopole dans ce domaine.
1. Les modifications apportées par le Sénat en première lecture
Afin de libéraliser l'exercice de l'activité de ventes volontaires, votre commission avait prévu, en première lecture, que ces ventes pourraient être réalisées par des opérateurs exerçant à titre individuel ou sous la forme juridique de leur choix : société civile ou commerciale.
Par ailleurs, les notaires et les huissiers de justice garderaient la possibilité de réaliser, à titre accessoire, des ventes volontaires dans le cadre de leur office, dans les communes où il n'existe pas d'étude de commissaire-priseur-judiciaire. Ainsi, à la différence des commissaires-priseurs judiciaires, les notaires et les huissiers n'ont pas à créer une société spécifique pour exercer l'activité de ventes volontaires aux enchères publiques. Cette activité reste très marginale pour les notaires. En revanche, près de 500 huissiers pratiquent les ventes volontaires, une dizaine d'entre eux réalisant dans cette activité une part plus qu'accessoire de leur chiffre d'affaires. Ils ne pourraient cependant pas réaliser de ventes volontaires de marchandises en gros.
Afin d'éviter toute ambiguïté quant au caractère accessoire de l'activité de ventes volontaires des huissiers et de tenir compte des avantages comparatifs que ceux-ci peuvent tirer de la possibilité de réaliser des ventes volontaires sans avoir à souscrire à une assurance spécifique ni à créer une société, votre commission avait limité, en première lecture, la part de cette activité à 20 % du chiffre d'affaires annuel de leur office.
En outre, pour limiter les distorsions de concurrence et assurer au public les mêmes garanties, votre commission avait prévu que les notaires et huissiers exerçant l'activité de ventes volontaires devraient remplir les mêmes conditions de qualification que les personnes habilitées à diriger ces ventes. Cette obligation de formation, qui supposait que les notaires et huissiers de justice acquièrent un diplôme de niveau bac + 2 dans une autre matière que le droit, telle que l'histoire de l'art, ne devait s'appliquer qu'aux ventes volontaires, en application des exigences de protection du consommateur définies par la directive service.
Lors de la discussion du texte en séance publique, le Sénat avait réduit cette exigence de formation à une année d'études supérieures d'histoire de l'art ou d'arts appliqués, cette condition, comme la limitation de l'activité de ventes volontaires à 20 % du chiffre d'affaires annuel brut de l'office ne devant entrer en vigueur qu'à compter du 1 er janvier 2012.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé la définition du caractère accessoire de l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice. Elle a préféré s'en tenir à l'interprétation que font de la jurisprudence la doctrine et l'administration du ministère de la justice. Selon cette interprétation d'un arrêt du tribunal de grande instance de Nancy du 24 septembre 2003, confirmé par une décision de la cour d'appel de Nancy du 11 mars 2008, le caractère accessoire suppose que :
- l'activité de ventes volontaires n'entrave pas la mission principale et monopolistique de l'huissier, qu'il se doit d'accomplir avec diligence ;
- cette activité doit être appréciée au regard d'un faisceau d'indices, comprenant le produit financier généré et le temps consacré.
Les députés ont en outre renvoyé à la voie réglementaire la définition des conditions de formation auxquelles devront satisfaire les notaires et les huissiers pour réaliser des ventes volontaires.
L'entrée en vigueur de ces conditions a été reportée au 1 er janvier 2013, les députés ayant par ailleurs précisé que les notaires et huissiers de justice qui réalisent, avant cette date, des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques depuis plus de deux ans, sont réputés remplir cette exigence de formation.
3. La position de votre commission des lois
Votre commission considère que l'activité de ventes volontaires des huissiers et des notaires peut se révéler utile, en particulier dans les régions où les maisons de ventes sont peu présentes. Toutefois, compte tenu des conditions très favorables dans lesquelles ils peuvent exercer cette activité, il semble souhaitable de préciser la part que celle-ci peut prendre par rapport à leur activité principale d'officier public.
En effet, si la loi dispose que l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice doit demeurer accessoire, il apparaît en pratique que cette activité peut être très développée et concurrencer fortement celle des sociétés de ventes constituées par des commissaires-priseurs judiciaires. Les critères dégagés par la jurisprudence ne se révèlent pas assez précis et ne semblent pas permettre aux parquets généraux des cours d'appel de réaliser un contrôle adapté et efficace.
En outre, la notion d'activité « accessoire » reste floue et permet aux notaires et huissiers de justice de développer sans limite précise une activité qui est sans rapport avec leur statut d'officier public et ministériel.
Une précision paraît donc indispensable pour assurer une égalité de traitement des différents acteurs du secteur des ventes volontaires. Il s'agit également d'assurer la cohérence et la préservation du statut d'officier public et ministériel des notaires et des huissiers de justice, qui n'est justifié, au regard du droit de l'Union européenne, que si leur activité au sein de leur office les amène à participer à l'exercice de l'autorité publique.
Or, l'activité de ventes volontaires est sans rapport avec l'exercice de l'autorité publique. Cette activité, lorsqu'elle est exercée dans le cadre d'un office d'huissier de justice, doit donc rester limitée, sous peine de mettre en danger le statut d'officier public de ces deniers. Elle doit permettre aux huissiers de justice et aux notaires d'exercer une activité de ventes volontaires qui complète le maillage territorial assuré par les sociétés de ventes, dont les sociétés crées par des commissaires-priseurs judiciaires.
Votre commission a par conséquent adopté un amendement de son rapporteur précisant que les notaires et les huissiers de justice peuvent exercer l'activité de ventes volontaires à titre accessoire et occasionnel.
Indiquer que cette activité doit avoir un caractère occasionnel permet de souligner ainsi que les huissiers de justice ont vocation à réaliser les ventes volontaires dont les autres opérateurs se désintéressent ou qu'ils ne sont pas en mesure de réaliser pour des raisons d'éloignement géographique.
En effet, le caractère accessoire s'entend, d'après la jurisprudence 4 ( * ) « au regard de l'ensemble des produits de l'office », ce qui peut en réalité conduire à donner à l'activité de ventes volontaires une part importante, correspondant à la réalisation de nombreuses ventes.
La précision adoptée par votre commission permet donc d'équilibrer les conditions d'exercice des différents professionnels des ventes volontaires et d'assurer une plus grande cohérence entre l'exercice de cette activité et le statut d'officier public et ministériel des professions dont ce n'est pas l'activité principale.
Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .
* 4 Voir la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 8 février 2006, Société VPO.