Article 11 (loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d'un bien de famille insaisissable) Biens de famille insaisissables

Cet article vise à transférer du tribunal d'instance au tribunal de grande instance le contentieux relatif à la constitution, la transmission et la protection d'un bien de famille.

L'article premier de la loi du 12 juillet 1909 dispose qu'« il peut être constitué, au profit de toute famille, un bien insaisissable qui portera le nom de bien de famille ». La notion, qu'on doit distinguer de ce qu'on entend généralement par « biens de famille », comme le logement, les meubles ou les souvenirs de la famille, renvoie à une institution spécifique créée pour offrir au propriétaire du bien la possibilité de le rendre insaisissable en raison de son caractère familial 45 ( * ) .

Initialement, le dispositif poursuivait deux objectifs : il protégeait le conjoint survivant lors du décès du « constituant » (celui qui a créé le bien de famille). Il permettait à ce dernier de mettre à l'abri une partie de son patrimoine, avant de se lancer dans une activité économique ou agricole, puisqu'étant alors insaisissable, il échappait aux poursuites des créanciers.

Le contentieux relatif aux biens de famille relève du juge d'instance. Conformément à l'objet du présent chapitre, l'article 11 prévoit son transfert au tribunal de grande instance.

Un tel transfert ne pose, dans son principe, pas de difficulté. Cependant, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de maintenir le régime juridique particulier des biens de famille.

En effet, cette institution, qui n'a jamais rencontré le succès escompté, n'a pas prospéré et elle semble aujourd'hui obsolète. De nombreux commentateurs s'interrogent sur sa pertinence 46 ( * ) : les réformes successives affectant les régimes matrimoniaux, les successions ou l'autorité parentale ne l'ont pas prise en compte. La valeur maximale des biens pouvant donner lieu à constitution d'un bien de famille n'a pas été réévaluée depuis 1953 et s'élève aujourd'hui à 7 622,45 euros, ce qui est insuffisant au regard des prix actuels de l'immobilier. Enfin, la mise en place de dispositifs nouveaux de protection ou d'affectation du patrimoine des entrepreneurs 47 ( * ) et l'amélioration des droits du conjoint survivant 48 ( * ) lui ôtent une part de son intérêt.

L'obsolescence du dispositif pourrait justifier l'abrogation de la loi du 12 juillet 1909. Toutefois, en l'état des informations disponibles, il n'est pas acquis que cette abrogation ne présente aucun dommage pour les quelques personnes qui continuent de bénéficier de sa protection. C'est pourquoi votre rapporteur a écarté cette solution.

L'attribution du contentieux relatif aux biens de famille au tribunal de grande instance plutôt qu'au tribunal d'instance, ne correspond pas au niveau de compétence normal du TGI, puisque celui-ci est de 10 000 euros quand la valeur maximale des biens de famille est de 7 622,45 euros. Cependant elle se justifie par la volonté de rassembler certains contentieux épars au sein du TGI.

Votre commission a adopté l'article 11 sans modification .


* 45 Michel Boudot, « Bien de famille », Répertoire civil Dalloz , n° 1.

* 46 Ainsi, outre Michel Boudot, dans son article au Répertoire Dalloz , les auteurs qu'il cite : Roger Perrot et Philippe Théry, Procédures civiles d'exécution , 2000, p. 233, n° 219 et Jean-Baptiste Donnier, Voies d'exécution et procédures de distribution , 6 e éd., 2000, P. 81, n°236, note 13.

* 47 Ainsi notamment, de la protection du patrimoine immobilier privé de l'entrepreneur individuel prévu par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie l'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel

* 48 Par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant.

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