2. Crise et réformes

Régulièrement critiquée depuis les années 70, la médecine du travail a fait l'objet d'une véritable remise en cause à la fin des années 90 sous l'effet de plusieurs phénomènes rappelés dans le rapport établi en 2007 par les professeurs Françoise Conso et Paul Frimat, ainsi que par l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche 2 ( * ) :

- la forte augmentation des maladies professionnelles , liée certes à une amélioration des taux de déclaration mais également au développement de certaines affections, qu'il s'agisse de l'émergence, après plusieurs décennies de latence, de pathologies à risques différés, de la multiplication des troubles musculo-squelettiques ou de ceux liés au stress ;

- la désaffection pour le métier de médecin du travail , qui traduit l'image dévalorisée d'une profession méconnue ;

- l'inapplication de la loi relevée par les rapports de l'Igas : services fonctionnant sans agrément, action en milieu du travail inférieure au « tiers temps » réglementaire...

Surtout, le drame de l'amiante est venu mettre en lumière les carences d'un système qui n'a pas su empêcher une catastrophe sanitaire majeure.

Parallèlement à cette remise en cause, le droit communautaire est venu encourager la réforme de l'organisation de la médecine du travail. La directive européenne du 12 juin 1989 sur la santé et la sécurité au travail a en effet introduit une approche de prévention primaire nouvelle par rapport au dispositif français. L'apport de la directive au droit français tient en deux points essentiels :

- elle introduit l' évaluation a priori des risques qui devient un élément essentiel de la prévention dans l'entreprise. Ainsi, l'employeur « doit disposer d'une évaluation des risques pour la sécurité et la santé au travail » ;

- l'article 7 de la directive prévoit que l'employeur fait appel aux compétences nécessaires pour assurer les activités de prévention des risques professionnels dans l'entreprise . Cette disposition constitue la base à partir de laquelle sera introduite la notion de pluridisciplinarité, la prévention des risques professionnels supposant la mobilisation de savoirs très divers qui dépassent le cadre médical : toxicologie, psychologie, ergonomie...

Dans ces conditions, la médecine du travail a connu d'importantes évolutions au début des années 2000.

En 2002, la loi de modernisation sociale 3 ( * ) a apporté plusieurs modifications au dispositif en vigueur :

- la protection statutaire des médecins du travail a été renforcée, notamment en conditionnant un éventuel licenciement à l'autorisation de l'inspection du travail ;

- pour faire face - déjà - à la crise démographique, une procédure de reconversion des médecins généralistes ou exerçant d'autres spécialités a été créée ;

- les services médicaux du travail ont été renommés « services de santé au travail » et ils font appel à des ressources spécialisées afin d'assurer la mise en oeuvre des compétences médicales, techniques et d'organisation nécessaires à la prévention des risques professionnels et à l'amélioration des conditions de travail.

Un arrêté du ministre du travail en date du 24 décembre 2003 4 ( * ) a évoqué précisément dans son titre « une obligation de pluridisciplinarité » pour décrire l'interaction nécessaire entre les services de santé au travail et les intervenants extérieurs.

Enfin, un décret du 28 juillet 2004 5 ( * ) a précisé les missions des médecins du travail en renforçant leur activité de prévention sur le milieu du travail et en redéfinissant leur charge maximale de travail afin de leur permettre de remplir leurs missions. Ce décret a en outre modifié les règles de constitution des services de santé au travail et a porté de douze à vingt-quatre mois la périodicité des examens médicaux dont doivent bénéficier les salariés, sauf si ces examens sont pratiqués dans le cadre de la surveillance médicale renforcée.


* 2 Rapport sur le bilan de réforme de la médecine du travail, octobre 2007.

* 3 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, article 193.

* 4 Arrêté du 24 décembre 2003 relatif à la mise en oeuvre de l'obligation de pluridisciplinarité dans les services de santé au travail.

* 5 Décret n°2004-760 du 28 juillet 2004 relatif à la réforme de la médecine du travail et modifiant le code du travail.

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