EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 27 octobre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».
M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial. - L'année 2010 a vu l'aboutissement d'une vieille revendication avec la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 qui impose une décristallisation totale, mais non rétroactive, des pensions militaires de retraite. Il faut rappeler que cette décristallisation est effective depuis 2007 pour les « prestations du feu », que sont la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité.
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » poursuit, en 2011, les réformes engagées depuis plusieurs années. La première, lancée dans le cadre de la RGPP, concerne la suppression de la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, qui sera totalement réalisée au 31 décembre de l'année prochaine, date de la disparition de l'administration centrale de la direction à Paris. La seconde vise à la rationalisation de la Direction du service national, la DSN. Cette direction fournit l'essentiel de l'appui à la Journée défense et citoyenneté (JDC) qui remplace l'ancienne Journée d'appel de préparation à la défense (JAPD), suite au vote de la loi du 10 mars 2010 sur le service civique.
La mission poursuit sa pente décroissante, avec une contraction de ses moyens de 3,3 % en 2011, contre 1,1 % en 2010, soit un budget de 3,32 milliards en crédits de paiement. Cette baisse s'explique pour l'essentiel par l'ajustement réalisé sur les prestations servies aux anciens combattants, qui suivent la baisse de la population des ayants-droit. Le nombre de bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (PMI) chute ainsi en 2011 de 16 000 unités, tout comme celui des bénéficiaires de la retraite du combattant, en diminution de 60 000 unités.
Les réformes engagées ont principalement des effets sur le plafond d'emploi, qui poursuit une baisse proportionnellement supérieure à celle des crédits de la mission. Les dépenses de personnel passent en effet de 152,7 à 116 millions d'euros en 2011, soit une contraction de 24 %. Le PLF 2011 laisse apparaître une réduction de 663 ETPT pour un total autorisé de 2 372 ETPT. La suppression nette, hors transferts, est de 373 emplois.
Regardons plus en détail les principaux traits de chacun des programmes. Les crédits du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » baissent de 13,6 % en crédits de paiement, ce qui s'explique essentiellement par la poursuite de la réforme de la DSN, laquelle se traduit par la suppression de 211 emplois, ramenant le plafond d'emplois de la direction à 2 081 ETPT.
Je note, par ailleurs, plus de cohérence dans ce programme avec le transfert, au sein de l'action 2 « Politique de mémoire », des dotations de l'action 4 du programme 169 « Entretien des lieux de mémoire ». Ce mouvement se traduit budgétairement par une augmentation des crédits de l'action de 1,4 million d'euros. Cet effort supplémentaire, par rapport à l'année 2010, porte sur la rénovation globale des nécropoles militaires dans la perspective du centenaire de la Première guerre mondiale. Votre rapporteur restera attentif au respect de cet objectif.
Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » est marqué par la baisse de la population des anciens combattants. Cette évolution se répercute sur sa principale action, « administration de la dette viagère », dont les crédits baissent de 85 millions d'euros. On remarque également logiquement qu'alors que le soutien à la DSPRS chute de 60 %, les crédits alloués à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC), appelé à jouer son rôle de guichet unique, augmentent.
Une difficulté relative à la délivrance de la carte du combattant, essentielle pour l'octroi de nombreuses prestations, est apparue en 2010. En effet, de regrettables retards de traitement sont apparus en raison d'une nouvelle application informatique dont la mise en oeuvre a été défectueuse, et du stock accumulé de demandes, lequel s'explique par la disparition des commissions départementales d'attribution de la carte au profit de deux commissions nationales.
La commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté un amendement, proposé par le Gouvernement, visant au respect de l'engagement de celui-ci de porter l'indice applicable à la retraite du combattant à 48 points en 2012 alors qu'il se situe actuellement à 43 points après une revalorisation de deux points l'an passé. Cet amendement permettrait de porter l'indice à 44 points l'an prochain. Ce nouvel effort serait d'un peu plus de 4,6 millions pour 2011 pour une mesure applicable au 1 er juillet, soit le coût d'un quart de point. Dans l'hypothèse de son adoption par l'Assemblée nationale, notre commission aura à se prononcer sur cette mesure qui prendra la forme d'un article additionnel. En l'état actuel des données transmises, nous pourrions proposer un avis favorable à cette mesure.
Le dernier programme de cette mission, le programme 158, porte sur l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale. Sa dotation augmente fortement, de plus de 18 millions d'euros -soit une progression de près de 19 % en crédits de paiement - en raison de l'aboutissement de dossiers d'indemnisation dont la prévisibilité reste toujours difficile. Suite aux travaux du préfet Audouin, un décret unique sur la situation des orphelins de guerre devrait sortir avant la fin de ce mois, qui viendra corriger l'actuel dispositif constitué des deux décrets de 2000 et 2004.
Sous le bénéfice de ces observations, et en restant attentif au sort qui sera fait à l'amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale, votre rapporteur spécial vous propose d'adopter les crédits de la mission sans modification.
M. Jean Arthuis , président. - Merci de ces précisions et de cet avis en faveur d'une adoption sans modification, clair et sans état d'âme.
M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial. - L'attribution de la carte du combattant est cependant une grosse difficulté. Entre la fin de 2009 et mai 2010 il n'y avait pas eu de réunion de la Commission d'attribution de cette carte...On a bloqué le système en le centralisant.
Mme Janine Rozier , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Il y a deux catégories de veuves d'anciens combattants : celles qui ont perdu leur mari à la guerre et ont élevé seules leurs enfants ; et celles qui, devenues veuves à 70 ans par exemple, touchent également une pension. Ces deux catégories n'ont rien à voir l'une avec l'autre alors qu'on les traite de la même façon. On me dit que le rapport que j'avais demandé sur le sujet sera prêt avant le 31 décembre.
M. Jean Arthuis , président. - On a modifié la règlementation fiscale. Auparavant, le conjoint survivant d'un couple ayant élevé un ou plusieurs enfants bénéficiait d'une demi-part supplémentaire pour la détermination de son impôt sur le revenu. On a modifié cette règle et, désormais, c'est uniquement le veuf ou la veuve ayant élevé, seul, un ou plusieurs enfants pendant au moins cinq ans, qui conserve cet avantage. Je pense qu'on avait en fait généralisé la législation applicable aux veuves de guerre, mais dans des conditions contestables et relativement coûteuses. Attendons le rapport.
Mme Janine Rozier , rapporteur pour avis. - Suite à l'arrêt du Conseil d'État, le bénéfice de la campagne double est étendu aux anciens combattants d'Afrique du Nord. J'y suis opposée pour des raisons d'équité. Un militaire qui a combattu un an sur un champ de bataille bénéficiera s'il est fonctionnaire, de trois ans ! Qu'en est-il des salariés du privé ? Ce n'est pas juste.
M. Jean Arthuis , président. - C'est tout le problème de l'égalité des Français devant la retraite.
M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial. - La décision du Conseil d'État s'imposait aux ministères chargés du budget et des anciens combattants. Le décret sorti en juillet a pris pour point de départ de son application le 19 octobre 1999, date à laquelle la loi a officialisé l'expression « guerre d'Algérie ». On a ainsi limité l'application et ouvert la boîte de Pandore pour vingt ans et je ne suis pas loin d'être d'accord avec vous. Mais le problème de l'inégalité de traitement est que certaines catégories de la fonction publique - les gendarmes par exemple - bénéficient déjà de cette disposition. Le ministre s'était fermement engagé en faveur de cette campagne double, mais le décret est tel que tout le monde n'en bénéficiera pas ce qui suscitera une contestation.
M. Jean Arthuis , président. - Le Conseil d'État a veillé à ce que le principe d'égalité soit respecté ?
Mme Janine Rozier , rapporteur pour avis. - La vraie égalité serait d'en accorder le bénéfice également aux personnes du secteur privé.
M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial. - Cette disposition s'applique au secteur public. La véritable égalité, telle qu'elle est revendiquée, aurait imposé de ne pas retenir la date du 19 octobre 1999 pour ne pas limiter l'application du décret à un nombre qui sera, en réalité, restreint, de personnes.
M. Philippe Dallier . - Je fais une suggestion. La mission « Ville et logement » comporte un programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » qui comprend lui-même une action en faveur des rapatriés et des harkis Ne devrait-on pas, dans un souci de cohérence, la transférer au sein de votre mission ?
M. Jean Arthuis , président. - Si on veut privilégier le volet insertion, peut-être vaut-il mieux ne pas faire la confusion entre les harkis et le statut d'ancien combattant.
M. Philippe Dallier . - En quoi relèvent-ils du logement ? On semble ne pas savoir où rattacher cette action et ce sujet est de fait peu traité dans ma mission.
M. Jean-Marc Todeschini , rapporteur spécial. - Les problèmes des rapatriés et des harkis ont longtemps été différents de ceux du monde combattant sur plusieurs sujets. Les revendications ne sont pas du tout les mêmes. Ce n'est pas le Secrétaire d'État, Hubert Falco, qui dira le contraire.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».
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Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, et décidé de proposer l'adoption sans modification de l'article 68 ter .