TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 10 novembre 2010 , sous la présidence de Muguette Dini, présidente , la commission examine , en deuxième lecture, le rapport de Marie-Thérèse Hermange et le texte proposé pour la proposition de loi n° 426 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, relative aux recherches impliquant la personne humaine .

EXAMEN DU RAPPORT

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Il est devenu rare que nous examinions un texte en deuxième lecture. Je salue donc l'initiative de notre collègue député Olivier Jardé, auteur de la proposition de loi, qui nous donne l'occasion d'un travail approfondi.

Ce texte propose de réformer la loi Huriet-Sérusclat de 1988, modifiée par la loi relative aux recherches biomédicales de 2004, qui a posé le cadre de la recherche impliquant les personnes.

Lorsqu'un protocole de recherche prévoit une intervention sur l'homme, le promoteur, public ou privé, doit faire approuver l'objet de la recherche, sa méthodologie ainsi que les documents d'information remis aux participants, par un comité de protection des personnes (CPP). Au nombre de quarante, ces comités ont une compétence géographique ; ils sont composés de sept représentants de la société civile et de sept scientifiques. Ce double regard doit garantir la qualité de la recherche et le respect du droit des personnes. Les CPP peuvent demander la modification d'un protocole de recherche, voire le rejeter. Dans ce cas, un autre comité, choisi au hasard, pourra le réexaminer.

La proposition de loi élargit la compétence des CPP à l'ensemble des recherches impliquant les personnes, qu'elles soient interventionnelles ou observationnelles. Ces dernières faisant à ce jour l'objet d'un contrôle uniquement méthodologique, certaines recherches risquaient d'être abusivement qualifiées d'observationnelles par leur promoteur pour échapper au contrôle des CPP.

Les mesures tendant à simplifier la mise en oeuvre des recherches biomédicales, complétées par le Sénat en première lecture, n'ont fait l'objet que d'ajustements techniques lors du nouvel examen par l'Assemblée nationale. Je vous proposerai d'y apporter des précisions afin de conforter la protection des personnes.

Toutefois, un désaccord subsiste entre nos deux assemblées sur deux points : la nature du consentement en matière de « recherche interventionnelle à risque minime », et le renforcement des CPP.

En première lecture, nous avions collectivement souhaité que les personnes participant à la recherche le fassent en pleine connaissance de cause. Nous étions ainsi revenus sur la création par l'Assemblée nationale d'une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime » - par exemple, un régime protéiné -, qui aurait exigé non plus un consentement écrit, mais un simple consentement « libre et éclairé », exprimé oralement - celui qui est demandé à tout patient avant un soin.

Or, la recherche n'est pas le soin. Sa finalité est altruiste. Le malade qui y participe doit être conscient de cette distinction pour qu'il ne se fasse pas d'illusion sur le bénéfice à en attendre, et pour que s'établisse entre lui et le médecin-chercheur une relation de confiance. C'est pourquoi nous avions tenu à poser une distinction unique entre deux types de recherche : recherche interventionnelle et recherche observationnelle. La recherche exigera t elle du malade participant qu'il se soumette à une procédure qui ne relève pas des soins qu'il reçoit ou de sa prise en charge habituelle ? C'est la seule distinction qui importe. Or, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue à son texte initial.

Deuxième point de discordance : les CPP. Le Sénat avait créé une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, chargée d'assurer la coordination entre les CPP afin de renforcer la qualité et l'uniformité de leurs analyses. Nous l'avions chargée du deuxième examen des protocoles rejetés ; pour garantir son indépendance, nous l'avions rattachée à la Haute Autorité de santé (HAS), contre l'avis du Gouvernement.

Or, l'Assemblée nationale a supprimé ce rattachement à la HAS, ainsi que la distribution aléatoire des protocoles entre les CPP, pourtant demandée par ces derniers et par les associations de patients, qui mettait fin à la possibilité pour les promoteurs de choisir parmi les CPP géographiquement compétents, celui auquel ils préfèrent confier leur dossier.

Enfin, les députés ont supprimé l'article issu d'un amendement de Nicolas About tendant à interdire d'administrer la dose maximale d'un médicament sans lien avec la pathologie du patient.

Au vu de l'écart entre nos positions, je pense que nous ne pouvons ni nous rallier à la rédaction de l'Assemblée, ni espérer que notre texte initial sera retenu, d'autant que chaque chambre a adopté son texte à l'unanimité.

Pour rechercher un compromis acceptable par l'ensemble de notre commission, j'ai consulté nos collègues About, Godefroy et Autain qui s'étaient particulièrement investis lors de la première lecture du texte. J'en ai aussi longuement débattu avec les principaux acteurs de la recherche, dont l'expérience du terrain ne peut être négligée.

Notre mission première étant de protéger les droits des personnes, le principe du consentement écrit pour les recherches interventionnelles ne me paraît pas négociable. Il n'est pas concevable de permettre des recherches sans consentement réel des participants : cet âge de la science est heureusement révolu. Le consentement écrit est le meilleur moyen de garantir un consentement réel car il oblige au dialogue.

Néanmoins, les chercheurs sont attachés à une catégorie de « recherches interventionnelles à risque minime », qui se substituerait à celle des « recherches en soins courants », adoptée en 2004 dans le cadre de la loi sur les recherches biomédicales mais qui n'a jamais été clairement définie. Je vous propose donc de prévoir une procédure dérogatoire pour cette catégorie de recherches, permettant aux CPP de lever, au cas par cas, la nécessité du consentement écrit et de le remplacer par un simple consentement « libre et éclairé ». Faisons confiance aux CPP, qui sont composés pour moitié des représentants de patients.

La dérogation devra dépendre non du seul degré de risque, déterminé par les chercheurs, mais de la qualité de la procédure d'information et de dialogue avec le patient : le CPP ne prononcera la dérogation que s'il a la certitude que le consentement du patient sera véritablement libre et éclairé, que l'information fournie sera véritablement pédagogique. La faiblesse du risque est une condition nécessaire mais non suffisante.

Avec cette procédure dérogatoire, il est plus que jamais nécessaire de renforcer les CPP afin d'homogénéiser les pratiques et les niveaux de compétence. Pour cela, il me paraît indispensable de créer une instance centrale indépendante permettant une coordination réelle. La création d'une autorité administrative indépendante réunissant l'ensemble des CPP, que préconisait Claude Huriet, se heurte à l'article 40.

Dominique Leclerc . - Tant mieux !

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - A défaut, nous avions décidé du rattachement d'une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine à la HAS, ce qui a été supprimé par l'Assemblée. S'il me semble important de revenir à ce rattachement, seul garant de l'indépendance de cette instance, nous pourrions renoncer à faire de cette commission l'instance unique d'appel des CPP, qui dénonçaient une hiérarchie trop contraignante.

Le véritable enjeu est la composition de la commission. Nous ne pouvons accepter que les promoteurs publics et privés y siègent. Pour que les CPP aient confiance dans la commission nationale chargée de les coordonner, elle doit émaner d'eux.

Nous avons choisi de rétablir la répartition aléatoire des protocoles entre les CPP, seule à même d'assurer l'absence de biais dans l'examen. Pour que la compétence des CPP soit garantie, nous donnons la possibilité aux promoteurs de faire appel de la décision et de demander à la commission nationale que le protocole rejeté soit examiné par un autre CPP.

La technicité du sujet et les contraintes de temps ne doivent pas nous faire perdre de vue les principes fondamentaux du droit des personnes. Si vous retenez les amendements que je vous propose, il faudra également affirmer que nous n'accepterons plus d'évolution du texte, en séance publique ou en commission mixte paritaire. Revenir sur le consentement écrit ou sur l'indépendance de la commission nationale ne pourrait, à mes yeux, qu'entraîner le rejet du texte par notre assemblée. Je vous demande donc d'adopter les amendements que je vous soumets et de définir la position de notre commission pour la suite de l'examen de ce texte. Nous pourrons ainsi aboutir, je crois, au meilleur texte possible.

Nicolas About . - J'admire le travail de notre rapporteur, qui propose, avec une grande sagesse, d'assouplir la position du Sénat mais de tenir bon sur l'essentiel. J'approuve le distinguo entre interventionnel à risque minime, interventionnel classique et observationnel. Le rattachement de la commission nationale à la HAS me paraît indispensable.

Je souhaite que la commission adopte à nouveau mon amendement qui visait à interdire l'administration de la dose maximale d'un médicament sans lien avec la pathologie du patient, en excluant cette fois les sujets sains. Le terme de « patient » s'applique à un malade ; il s'agit souvent de personnes à l'extrémité de leur vie, que l'on abuse en testant sur eux la dose maximale d'une molécule, sans se soucier du consentement ou de l'intérêt du patient. Il faut mettre fin à cette pratique inacceptable.

Jean-Pierre Godefroy . - Je remercie Mme Hermange, qui nous a consultés tout au long de son travail.

La recherche est indispensable, mais attention aux dérives incontrôlées. La protection du droit des personnes doit rester la priorité. Veillons à maintenir les avancées de la loi Huriet-Sérusclat.

Y aurait-il des enjeux cachés dans ce texte ? On assistait hier à un véritable ballet des laboratoires pharmaceutiques au Sénat. Pour ma part, j'ai refusé de recevoir ces lobbyistes, n'ayant nul besoin d'être évangélisé.

Je suis d'accord à 95 % avec le rapport de Mme Hermange, mais les dérogations au consentement écrit pour les recherches interventionnelles devront être ponctuelles.

La répartition entre CPP doit être aléatoire. Permettre au promoteur de choisir son CPP, c'est permettre à l'étudiant de choisir son examinateur, au prévenu de choisir son jury ! Et les promoteurs voudraient siéger dans les CPP ?

Traiter les CPP d'incompétents n'est guère aimable pour les scientifiques et les représentants des patients qui les composent !

Alain Milon . - Hier, vous accusiez d'incompétence les experts sur la grippe !

Jean-Pierre Godefroy . - Je ne me suis jamais dédit sur ce dossier. Les promoteurs doivent pouvoir faire appel, d'où la nécessité d'une instance. D'accord pour la rattacher à la HAS, à défaut d'autorité indépendante.

Nous nous rallierons à la position de M. About sur l'administration de doses maximales : d'accord pour la recherche sur des sujets sains, mais pas sur les personnes diminuées, les individus ne sont pas des souris blanches !

Enfin, j'ai déposé à titre personnel un amendement visant à interdire toute recherche sur des personnes non couvertes par la sécurité sociale. Comment ces personnes, qui sont souvent de passage, feront-elles valoir leurs droits une fois raccompagnées à la frontière ? On leur impose déjà une franchise de 30 euros pour l'aide médicale d'Etat (AME), n'en rajoutons pas !

François Autain . - Je remercie Mme Hermange de nous avoir associés à ses travaux. Pour ma part, je n'ai pas été approché par les laboratoires pharmaceutiques...

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Moi non plus !

François Autain . - Se heurtant à des principes éthiques, les laboratoires s'en vont réaliser leurs essais thérapeutiques dans les pays du tiers monde. Je remercie notre rapporteur de tenir bon devant leurs assauts - l'Assemblée nationale ne peut en dire autant.

Créer une nouvelle autorité administrative indépendante ne s'impose pas : nous en avons déjà trop, qui ont tendance à se substituer à l'autorité de l'Etat. Je suis contre leur prolifération. Le rattachement de la commission à la HAS offre une garantie d'indépendance et de compétence. Il n'y a que le Leem, syndicat des laboratoires, pour dire qu'un expert n'est compétent que s'il a un lien d'intérêt avec les laboratoires !

L'article 2 précise que lorsque la recherche ayant bénéficié d'une prise en charge ne répond plus à la définition d'une recherche à finalité non commerciale, le promoteur reverse les sommes engagées à la sécurité sociale. Ne pourrait-on prévoir une sanction contre les promoteurs qui ne s'acquitteraient pas de cette obligation, afin de garantir ce remboursement ?

Isabelle Debré . - Qui nomme les sept représentants de la société civile et les sept scientifiques qui composent les CPP ? C'est une question essentielle.

Comment l'Assemblée nationale a-t-elle motivé son refus de rattacher la commission nationale à l'HAS ?

Je regrette que l'on en arrive à devoir adopter la mesure que propose l'amendement de M. About : les médecins ont quand même prêté le serment d'Hippocrate !

François Autain . - Et alors ?

Isabelle Debré . - Votre scepticisme me désole. Je n'imagine pas ceux que je connais administrer à un patient une dose mortelle d'un médicament qui n'aurait rien à voir avec sa pathologie !

Jean-Louis Lorrain . - Je respecte le travail de longue haleine du rapporteur, mais je regrette que seuls certains de nos collègues y aient été associés...

J'ai fondé en 1988 une fondation pour la recherche en neurosciences appliquées à la psychiatrie : ai-je encore le droit de m'exprimer ici, ou mes propos sont-ils entachés de suspicion ?

Quels sont les arguments en faveur de l'approche aléatoire, qui ne se pratique pas en Europe ? Les potentiels de compétences des CPP ne seront pas les mêmes en Ile de France, à Toulouse ou à Grenoble qu'ailleurs.

Il me semble difficile d'imposer un consentement écrit dans certains cas : il y a aussi des recherches sur des enfants, en psychiatrie, en réanimation...

Enfin, je suis gêné par le refus de notre rapporteur de faire dorénavant évoluer la position du Sénat : pour ma part, j'estime que l'on peut toujours discuter, échanger, et je ne refuse jamais le dialogue ! Soit je m'abstiendrai sur l'ensemble du rapport, soit je m'y opposerai.

Claude Jeannerot . - A mon tour de remercier Mme Hermange.

Tout compromis implique de faire des concessions, mais autoriser la dérogation au principe du consentement écrit pour la recherche interventionnelle crée une zone de flou et d'incertitude. La procédure écrite permet le dialogue. Pour le reste, j'approuve le rapport.

Alain Milon . - Je partage la position de Jean-Louis Lorrain, et j'adopterai la même attitude que lui lors du vote. Pour le reste, je souhaite que la HAS puisse véritablement intervenir.

Raymonde Le Texier . - La profane que je suis ne comprend pas la notion de « dose maximale ». Par exemple, comment savoir quelles réactions extrêmes le traitement par statines peut entraîner si l'on ne va pas jusqu'au bout ? Une jeune femme de ma connaissance, atteinte d'une forme modérée de la maladie des os de verre, mais loin d'être en fin de vie, est entrée dans un protocole de recherche pour tester des médicaments. Il me semble important de pouvoir aller le plus loin possible pour vérifier les effets positifs ou secondaires.

Nicolas About .  - Il faut bien entendu poursuivre ces essais le plus longtemps possible. Mon amendement vise les expériences réalisées sur certains patients en toute fin de vie auxquels, « perdus pour perdus », on administre une dose triple ou quintuple d'un produit sans rapport avec leur pathologie, pour voir par exemple si les cellules hépatiques vont exploser... Sur le plan humain, c'est choquant. Si le médicament a un lien avec la maladie, on pourrait, à la rigueur, espérer un bénéfice d'un tel traitement, mais là, dans le rapport bénéfice-risque, le bénéfice est nul, voire négatif !

Quant à la maladie des os de verre, elle a tendance à s'améliorer avec le temps.

Raymonde Le Texier . - Qu'est-ce qu'une dose « maximale » ?

Nicolas About . - Les chercheurs savent ce dont il s'agit : c'est ce qu'on appelait autrefois une dose « létale » ou « toxique » - même si tout médicament est toxique !

J'approuve le choix aléatoire du CPP, avec possibilité pour le promoteur de déposer un recours motivé devant la commission nationale, qui le rejetterait ou désignerait un autre comité. On peut accepter que le CPP local lève l'obligation de consentement écrit pour les interventions à risque minime, comme un prélèvement de gorge sur des enfants d'âge scolaire. Enfin, l'article L. 1123-3 du code de santé publique règle le problème de conflit d'intérêts au sein des CPP.

Jacky Le Menn . - Il est bon d'avoir plusieurs lectures sur ce texte important. Je salue l'excellent rapport de Mme Hermange, empreint de beaucoup de subtilité. Mais pourquoi l'Assemblée nationale, alors que les députés sont attachés comme nous à la sécurité des personnes, a-t-elle pris une position radicalement différente de la nôtre ?

Muguette Dini, présidente . - Unanimement !

Jacky Le Menn . - Il y a sans doute des raisons...

Quoi qu'il en soit, les propositions de notre rapporteur sont pleines de bon sens. Il faut chercher une issue, en se souvenant qu'il est impossible d'être exhaustif ni de tout prévoir. Qui définit le « risque minime » ? Quel est le seuil ? Des conflits d'analyse sont inévitables.

Je souscris à la position ferme de Mme Hermange : toute recherche interventionnelle exige un écrit, de l'intéressé ou des personnes, parents ou tuteurs légaux, susceptibles de prendre une décision à la place du patient. Les dérogations doivent être prévues, mais très encadrées. C'est sur ce point qu'il faut travailler, avec les députés, pour trouver une solution. La distribution aléatoire des protocoles aux divers CPP apporte les garanties souhaitables, le promoteur conservant une possibilité de faire appel, autrement dit de récuser le CPP désigné.

L'amendement de M. About est plein de bon sens, d'inspiration plus philosophique que scientifique : il s'agit de savoir jusqu'où on peut aller, à vouloir faire le bonheur des gens malgré eux.

Alain Vasselle . - Mme Hermange nous a apporté un éclairage pertinent sur un sujet d'une grande complexité et très délicat. Les intérêts sont divers. La protection des personnes ne souffre pas de compromis et je félicite notre collègue de son intransigeance sur certains points, qui l'a conduite à formuler des conclusions très fermes. Je partage son analyse.

Dans la première partie de son exposé, elle a fait référence à la disparition de l'amendement About dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Mais elle n'a pas dit si elle entendait le rétablir. De même, nous ignorons ses intentions sur le rattachement à la HAS. Il ne faut pas lâcher prise au motif, invoqué par certains, que « c'est la composition des CPP qui compte ».

Patricia Schillinger . - Comment réagiront les assurances quand une personne aura un pépin de santé à la suite d'une expérimentation ? Dans les autres pays européens, les normes d'expérimentation sont-elles les mêmes que chez nous ?

Les groupes pharmaceutiques se délocalisent. Les médicaments viennent d'ailleurs : les expériences faites en Inde respectent-elles les mêmes exigences qu'en France ? M. Yves Bur a appelé de ses voeux un déremboursement de nombreux médicaments « qui ne servent à rien ». Sommes-nous intoxiqués pour rien ?

Gisèle Printz . - Les termes que j'entends dans notre discussion, « dose maximum » ou « expériences sur des patients en fin de vie » m'évoquent les expérimentations conduites dans les camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale. Il faut être très prudent...

Yves Daudigny . - Où est la frontière entre le consentement écrit et l'exigence d'une explication détaillée, pédagogique ? Si l'on prend un long moment pour expliquer les choses au patient, pourquoi ne pas recueillir à cette occasion son autorisation écrite ?

Brigitte Bout . - Bravo à Marie-Thérèse Hermange pour son travail qui repose sur une réflexion de très long terme. Cependant, il m'est difficile de partager sa conclusion, selon laquelle, dans certains cas, « il faut s'arrêter là » : non, il faut laisser la science avancer. Et prendre en compte la liberté du patient qui, même à l'approche de la mort, est vivant et doit conserver la possibilité de se rétracter.

Jean-Pierre Godefroy . - Les députés ont remarqué que la HAS ne possédait pas la compétence pour exercer la tutelle sur les CPP : eh bien il n'y a qu'à la lui donner ! Ne renvoyons pas à un décret la composition des comités.

Marie-Thérèse Hermange , rapporteur. - Le dialogue reste possible. J'ai voulu proposer un texte qui soit le plus largement acceptable, en faisant un compromis entre développement de la recherche et protection de la personne, en restant fidèle aux principes votés en première lecture, à la professionnalisation des CPP et leur rattachement à la HAS, tout en prenant en compte les orientations du Président de la République sur la recherche et en maintenant l'obligation du consentement écrit. Protéger les personnes, c'est aussi rendre la recherche plus professionnelle. La commission nationale est importante, pour harmoniser les conditions d'examen d'un CPP à l'autre. Sur le terrain, j'ai vu des comités qui agissent de façon très variable... Il est bon de les rattacher à la Haute Autorité et d'assigner à celle-ci une mission en matière de recherche. Il n'est pas acceptable que le promoteur de la recherche choisisse le CPP, nous avons donc maintenu le principe de la répartition aléatoire - avec appel devant la commission nationale.

Le consentement des personnes hors d'état de s'exprimer est prévu dans le code civil. Je remercie M. About de son amendement, nous l'examinerons en séance publique et aurons alors les informations du Gouvernement sur ce qui se passe dans la phase I des protocoles. Sur le sujet sain, M. About apporte des nuances. Je crois qu'un accord sera possible.

La dérogation est le pendant du consentement écrit. Je fais confiance aux CPP réformés.

Ne privons pas les personnes non couvertes par la sécurité sociale de ce qui peut constituer pour elles un accès à des traitements innovants et onéreux, sur des pathologies orphelines par exemple.

Je renvoie M. Autain, sur l'article 2, aux sanctions de droit commun pour le non paiement des dettes. Et je précise à Mme Debré que les membres des CPP sont choisis sur listes préfectorales, les représentants de la société civile étant désignés en accord avec les associations de patients. J'ignore pourquoi l'Assemblée nationale a supprimé le rattachement des comités à la HAS. Les CPP étaient jusqu'à présent gérés par le ministère - en théorie du moins, car personne ne s'en occupait. La proposition de loi vise justement à les réformer dans le sens d'une plus grande professionnalisation.

Pour ce qui est de mes remarques finales, il est évidemment toujours possible de poursuivre le dialogue. Cependant si, en CMP, l'Assemblée nationale devait revenir sur le consentement écrit, la composition de la commission nationale et la répartition aléatoire, je vous le dis tout net, cela se fera sans moi.

Muguette Dini, présidente . - La CMP peut échouer...

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Absence d'obligation du contrat écrit, nécessité du dialogue, tel est le sens de la dérogation. L'Assemblée nationale s'efforce de promouvoir la recherche, nous la suivons, mais en exigeant des garanties. Le « risque minime » sera défini par un arrêté pris après avis du directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

Le rattachement à la HAS est important mais la composition de la commission compte aussi : cette dernière ne doit pas inclure de promoteurs. Une plus grande coordination des autorités en Europe et dans le monde serait bienvenue, Mme Schillinger a raison. Mme Bout, ne faisons pas de confusion entre la recherche et les soins. Et restons fermes sur les principes.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 7 clarifie la rédaction en regroupant les dispositions qui concernent les personnes non affiliées à un régime de sécurité sociale.

Jean-Pierre Godefroy . - J'avais émis des réserves en première lecture. Aujourd'hui, ce sont des interrogations ! Des personnes sans couverture sociale pourraient être tentées d'accepter un protocole afin de pouvoir se soigner- le risque sera plus fort encore si une franchise de 30 euros est appliquée pour l'accès à l'AME.

François Autain . - Je partage les craintes de Jean-Pierre Godefroy mais nous avons prévu suffisamment de verrous - l'ayant obtenu en première lecture, je ne peux pas être contre ici. C'est le CPP qui autorise la personne non affiliée à suivre un protocole ; nous avons amélioré la qualité des comités et créé une commission nationale dépendant de la HAS.

Catherine Procaccia . - Et la recherche à l'étranger ?

Catherine Deroche . - Ceux qui sont attirés par une rétribution se présenteront : 30 euros ou non n'y changeront pas grand-chose.

Jean-Louis Lorrain . - Que les personnes non affiliées puissent entrer dans un protocole, par exemple les frontaliers qui passent la frontière pour se soigner chez nous, me dérange.

Jean-Pierre Godefroy . - Je ne pense pas que « les personnes non affiliées » vise les frontaliers. Soit dit en passant, les Anglais traversent la Manche pour se faire soigner en France et les établissements, ensuite, ont le plus grand mal à récupérer les frais hospitaliers... Néanmoins, ayant entendu les explications de M. Autain, je me range à son avis.

L'amendement n° 7 est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - La recherche à l'étranger ne tombe pas sous le coup de la loi française. Quant au terme d'affilié, il est consacré et recouvre les Français et les étrangers en situation régulière dans notre pays. Nous avons voté la disposition en première lecture.

L'amendement n° 1 est retiré.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 5 prévoit une distribution aléatoire des protocoles entre les CPP et une procédure d'appel pour le promoteur.

Alain Milon et Jean-Louis Lorrain . - Nous nous abstenons.

L'amendement n° 5 est adopté.

L'amendement n° 2, satisfait, est retiré.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 8 répond à une demande de la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et tend à garantir que les personnes seront informées du traitement de leurs données personnelles.

L'amendement n° 8 est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Je suis favorable au I de l'amendement n° 3 mais souhaite le retrait du II.

Jean-Pierre Godefroy . - J'accepte la dérogation touchant la recherche interventionnelle avec risque minime, puisque c'est le comité de protection des personnes qui la prononce. J'accepte de rectifier mon amendement en retirant le II.

L'amendement n° 3 rectifié est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 6 concerne la dérogation à l'obligation de consentement écrit pour les recherches à risque minime.

Muguette Dini, présidente . - Où est précisé ce qu'est le risque minime ?

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - A l'alinéa 8 de l'article 1er.

L'amendement n° 6 est adopté.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Le Sénat a adopté une disposition qui permet de débuter une recherche sans le consentement de la famille en cas d'urgence vitale. L'amendement n° 9 tend à prévoir que, dans la mesure du possible, le consentement sera demandé de façon retardée.

Jean-Louis Lorrain . - En quoi l'urgence vitale concerne-t-elle le processus de recherche ? C'est ubuesque !

Jean-Pierre Godefroy . - Qu'est-ce que ce consentement retardé ? Que fait-on si la famille ne donne pas son accord ?

Alain Vasselle . - La disposition votée en première lecture n'a pas été remise en cause par l'Assemblée nationale. L'urgence vitale, c'est quand la vie est menacée. La recherche peut tout de même commencer... L'idéal serait un accord en amont.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'urgence existe sur le plan médical, non par rapport à la recherche. Par exemple, un patient fait un arrêt cardiaque et un protocole nouveau est proposé.

Jean-Louis Lorrain . - N'oublions pas que nous disposons des grands textes fondateurs, le code de Nuremberg en particulier. Ici, nous ne sommes pas dans le cadre d'un consentement éclairé. Dans un protocole de recherche, la personne peut à tout moment mettre un terme à sa participation, sans avoir même à donner d'explications. Nous ne sommes pas dans ce cadre ici.

François Autain . - Lorsqu'il y a urgence vitale, pas le temps de demander l'autorisation de la personne : elle risque de mourir avant ! Il faut être pragmatique et autoriser des expérimentations dans ces circonstances, afin de ne pas priver le malade d'une chance de s'en sortir. Parfois, on a intérêt à se passer du consentement, dans l'intérêt du malade.

Nicolas About . - Il y a une obligation légale à mettre tous les moyens techniques et toutes les connaissances au service du patient. Si l'on applique un protocole expérimental, c'est que les méthodes en vigueur ont échoué. On est ici dans le domaine du soin, non de la recherche. Si le malade est conscient, le problème est tout autre. On lui propose par exemple de participer à un programme portant sur l'interféron dans l'hépatite A : la moitié des patients recevront le médicament, l'autre moitié un placebo. On donne là son consentement à la possibilité de ne pas recevoir le médicament ; on accepte de renoncer à une chance de guérir mais aussi au risque potentiel du traitement. Je ne comprends pas la crainte de Jean-Pierre Godefroy, s'agissant de personnes inconscientes en fin de vie.

Jean-Pierre Godefroy . - J'ai fait l'expérience de ce genre de situation : ma mère et moi avons dû décider à la place de mon père pour autoriser l'application d'un traitement qui n'était pas en usage.

M. Alain Vasselle . - Merci à Nicolas About de son analyse éclairante de praticien. Je suis néanmoins inquiet des risques de dérapage. Ne risque-t-on pas d'engager des recherches dont on ne connaît pas les conséquences possibles ? Dans les lois de bioéthique, nous avons prévu pour les dons d'organes, non pas un accord tacite, mais une absence de refus explicite. Pourquoi ne pas imaginer un dispositif comparable pour les cas d'urgence vitale, lorsque les promoteurs veulent démarrer une recherche ?

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - Soit on décide de ne pas autoriser les protocoles de recherche dans les situations d'urgence vitale, soit on les accepte et, dans ce cas, il faut prévoir un dispositif. L'amendement n° 10 va de pair avec l'amendement n° 9 : il prévoit que la personne, lorsqu'elle retrouve sa capacité à consentir, doit être informée et donner son autorisation à la poursuite de la recherche.

Jean-Pierre Godefroy . - Le traitement que ma mère et moi avions autorisé a bien fonctionné et mon père a recouvré sa santé : que se serait-il passé s'il avait après coup contesté le traitement et refusé d'y consentir ?

Les amendements n os 9 et 10 sont adoptés.

Marie-Thérèse Hermange, rapporteur . - L'amendement n° 11 correspond à une demande de la Cnil. Les CPP joueront auprès d'elle une mission d'expertise scientifique, concernant le traitement des informations de santé dans le cadre des études observationnelles.

L'amendement n° 11 est adopté, ainsi que les amendements n os 12, 13 et 14.

L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 15 est adopté.

Nicolas About . - J'ai voté les amendements n os 9 et 10 car des recherches pourraient devoir s'engager dans une situation d'urgence vitale : non pas une recherche sur un protocole de soins, mais sur les conséquences des soins. Les dispositions votées ne dérogent pas à l'impératif médical, mobiliser tous les moyens pour soigner le malade.

Raymonde Le Texier . - Je pense qu'il faut clarifier notre débat : les amendements n os 9 et 10 du rapporteur apportent des garanties supplémentaires pour les personnes en matière de consentement puisqu'ils prévoient un consentement avec retard, s'il est possible, plutôt que pas de consentement du tout.

Jean-Pierre Godefroy . - Nous demandons une suspension de séance avant le vote sur l'ensemble du texte.

Muguette Dini, présidente . - J'appelle à voter sur l'ensemble du texte.

Jean-Pierre Godefroy . - Nous remercions Mme Hermange, qui a su rendre le texte aussi acceptable que possible : nous le voterons, ce qui ne préjuge pas de notre vote en séance si le Gouvernement en modifiait l'équilibre.

François Autain . - Nous le voterons également, dans les mêmes conditions, en remerciant Mme Hermange d'être allée aussi loin que possible.

Muguette Dini, présidente . - A mon tour de féliciter notre collègue pour avoir consulté et obtenu un tel accord.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté dans le texte résultant des travaux de la commission.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page