CHAPITRE V - SIMPLIFICATION ET CLARIFICATION DE DISPOSITIONS PÉNALES
Article 102 A (nouveau) (chap. II (nouveau) du titre IV du livre 1er du code de procédure pénale, art. 230-6 à 230-8 nouveaux du code procédure pénale) - Insertion dans le code de procédure pénale de dispositions concernant les autopsies judiciaires
Cet article, inséré par votre commission des lois à l'initiative de M. Jean-Pierre Sueur et ses collègues du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tend à insérer dans le code de procédure pénale, à la suite du titre IV du livre 1 er du code de procédure pénale un nouveau chapitre relatif aux autopsies judiciaires comportant trois articles. Il reprend les dispositions d'une proposition de loi présentée par M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues 88 ( * ) .
En effet, en l'état de la législation et de la jurisprudence de la Cour de cassation, aucune restitution d'organes placés sous scellés à l'issue d'une autopsie judiciaire n'est juridiquement possible, en application tant des dispositions de l'article 99 du code de procédure pénale, que du principe de non-patrimonialité du corps humain posé au troisième alinéa de l'article 16 du code civil.
Dans son rapport annuel pour 2009, la Cour de cassation a d'ailleurs observé que « les demandes de restitution d'organes soulèvent des enjeux humains majeurs touchant tant à la dignité de l'être humain qu'à des considérations morales » et qu'il y avait « dans le silence des textes, une opportunité de légiférer en la matière ».
Le présent article répond à une triple préoccupation :
- il vise à inscrire dans la loi l'obligation pour les médecins légistes de veiller à ce que la restitution du corps après l'autopsie donne lieu à la meilleure restauration possible ;
- il précise les formations que doivent suivre obligatoirement les médecins légistes pour être habilités à pratiquer une autopsie dans le cadre d'une enquête judiciaire ;
- enfin, il met fin au vide juridique actuel concernant le statut des prélèvements humains réalisés dans le cadre d'une autopsie judiciaire.
L' article 230-6 précise les autorités judicaires habilitées à ordonner une autopsie, à savoir le procureur de la République dans le cadre d'une enquête aux fins de recherche des causes d'une mort dont la cause est inconnue ou suspecte ou le juge d'instruction si une information judiciaire a été ouverte.
Par ailleurs, l'autopsie devrait être effectuée par une personne titulaire d'un diplôme de médecine légale incluant une formation en anatomo-pathologie.
En effet, comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi précitée, « si 80 % des médecins légistes pratiquant des autopsies sont désignés à partir des listes d'experts des cours d'appel, un grand nombre de ces médecins, pourtant répertoriés dans la rubrique « médecine légale » de ces listes, ne sont pas titulaires d'un diplôme attestant de leur qualification dans ce domaine selon les termes du rapport de la mission interministérielle en vue d'une réforme de la médecine légale, rapport conjoint de l'Inspection générale des services judiciaires et de l'Inspection générale des affaires sociales de janvier 2006. En outre, les deux diplômes de médecine légale existant actuellement - diplôme d'études spécialisées complémentaires (DESC) de médecine légale et expertises médicales, d'une part, et la capacité de pratiques médico-judiciaires, d'autre part - proposent une formation qui apparaît trop souvent insuffisante pour la pratique des autopsies, notamment parce qu'ils ne garantissent pas une formation de base en anatomo-pathologie, seule discipline médicale qui inclut l'apprentissage de l'examen minutieux des organes au cours des maladies . »
Le médecin légiste désigné procèderait aux prélèvements strictement nécessaires aux besoins de l'enquête.
Les proches seraient immédiatement informés par l'autorité judiciaire compétente de l'autopsie ainsi que de leur droit à connaître la nature des prélèvements effectués comme tel est le cas s'agissant des autopsies médicales mentionnées par l'article L. 1232-1 du code de la santé publique.
L' article 230-7 vise à préserver, à travers trois dispositions, les droits des proches du défunt ayant fait l'objet d'une autopsie judiciaire. En premier lieu, les proches pourraient recueillir le corps dès que sa conservation par la justice n'est plus justifiée par les besoins de l'enquête, conformément à l'arrêt Pannullo et Forte du 30 octobre 2001 de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Ensuite, les médecins légistes seraient tenus de veiller à ce que la restitution du corps après l'autopsie ait lieu dans des conditions préservant le respect dû au cadavre et la dignité des proches du défunt. Cette obligation ne vaut aujourd'hui que pour les autopsies médicales, en vertu de l'article L. 1232-5 du code de la santé publique.
Enfin, serait consacré le droit des proches du défunt à accéder au corps du défunt avant sa mise en bière, dans des conditions garantissant à ceux-ci respect, dignité et humanité.
L' article 230-8 tend à combler le vide juridique actuel concernant le statut des prélèvements humains réalisés dans le cadre d'une autopsie judiciaire. En effet, comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi relative aux autopsies judiciaires, « ces prélèvements ne sont pas concernés par les articles R. 1335-9 à R. 1335-12 du code de la santé publique qui fixent les règles relatives à l'élimination des pièces anatomiques. Ces règles visent uniquement les organes ou membres recueillis à l'occasion des activités de soins (diagnostic, traitement préventif, curatif ou palliatif dans le domaine de la médecine humaine et vétérinaire) ou d'autres activités limitativement énumérées (enseignement, recherche et production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi qu'activités de thanatopraxie) .
« Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que la procédure de restitution des objets placés sous main de justice prévue par les articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale n'est pas applicable aux prélèvements humains, qui ne sauraient être considérés comme des « objets » ordinaires (Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 3 avril 2002 et arrêt du 3 février 2010, ayant confirmé cette position). »
Inspiré de la rédaction des articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale, qu'il est cependant nécessaire d'adapter aux particularités de ces scellés, le présent article laisse à l'autorité judicaire compétente, en concertation avec les autorités hospitalières, le soin d'accepter une demande de restitution des organes. Celle-ci ne pourrait être formulée par la personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles que dans le seul but de procéder à l'incinération ou à l'inhumation du cadavre, dans le respect de son intégrité.
La restitution serait refusée lorsqu'elle est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties ou lorsqu'elle présente un danger pour les personnes ou pour la santé publique.
Dans les cas où les organes ne sont pas restitués, l'autorité judicaire compétente serait tenue d'ordonner la destruction de ceux-ci quand leur conservation n'est plus nécessaire à l'établissement de la vérité.
Votre commission a adopté l'amendement insérant un article additionnel 102 A ainsi rédigé avant l'article 102.
Article 102 (art. 131-35 du code pénal) - Possibilité de prononcer cumulativement les peines complémentaires d'affichage et de diffusion d'une décision juridictionnelle
Cet article tend à permettre aux juridictions pénales de prononcer cumulativement les peines complémentaires d'affichage et de diffusion d'une décision juridictionnelle.
Aux termes de l'article 131-35 du code pénal, la juridiction peut ordonner, à titre de peine complémentaire 89 ( * ) , l'affichage ou la diffusion de l'intégralité ou d'une partie de la décision, ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci.
Cette peine, qui a une évidente fonction vexatoire, est également un moyen d'information, d'éducation et de dissuasion, permettant de faire mieux connaître les interdits légaux et les conséquences de leur transgression. Elle représente parfois également la compensation du trouble causé par l'infraction lorsque l'objet ou l'effet de celle-ci était de faire tort à la réputation de la victime 90 ( * ) .
La juridiction qui prononce cette peine complémentaire a le choix entre deux modes de publicité :
- soit l'affichage de la décision, dans les lieux et pour la durée qu'elle détermine 91 ( * ) ;
- soit la diffusion de cette dernière, par le Journal officiel de la République française, par une ou plusieurs autres publications de presse, ou par un ou plusieurs services de communication au public par voie électronique.
En l'état du droit, ces deux modalités sont alternatives : une juridiction ne peut donc pas prononcer cumulativement l'affichage et la diffusion de la condamnation sur le fondement de l'article 131-35 du code pénal, à moins qu'un texte spécial y dérogeant ne l'autorise expressément.
Le présent article a pour but de modifier cet état du droit en prévoyant que l'affichage et la diffusion peuvent être ordonnés cumulativement .
Votre commission a adopté l'article 102 sans modification .
* 88 Proposition de loi relative aux autopsies judiciaires n° 736, seconde session extraordinaire de 2009-2010. http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl09-736.html
* 89 En matière correctionnelle.
* 90 F. Desportes, F. Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 15 ème édition, 2008, §847.
* 91 Cette durée ne peut toutefois excéder deux mois.