LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du lundi 12 juillet 2010, la commission a procédé à l'examen du rapport et à l'élaboration du texte pour la proposition de loi n° 586 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jacques Legendre, président . - Je précise que si nous examinons ce rapport aujourd'hui, c'est que le texte doit être examiné mi-septembre en séance publique. Mon souci était de ne pas vous mobiliser à la fin du mois d'août, pour que vous puissiez demeurer dans vos circonscriptions.

M. Pierre Martin . - Ce texte a au moins un mérite, celui d'exister... L'obligation scolaire, de 6 à 16 ans, dont le respect est placé sous la responsabilité des parents, doit être contrôlée par les enseignants. Il y a normalement dans les classes des registres d'appel, destinés à contrôler les présences. Hélas, les valeurs se perdent. On en vient à oublier ses responsabilités... Mais quand les enfants ne sont plus contrôlés, ils en prennent à leur aise, et que peuvent faire les parents s'ils ne sont pas prévenus ?

Il y a certes des enfants qui ne manifestent aucun intérêt pour l'école. Si la famille ne fait rien, les absences se multiplient. L'enfant a bien pris le car, mais pour aller faire un tour en ville... S'il n'y a pas de contrôle à l'école, à qui revient la responsabilité ?

Procéder par contrainte n'est pas la solution idéale. Et les familles avec un seul enfant ne touchent pas d'allocations familiales, ce qui limite la portée de la mesure... Il faut, cela est certain, responsabiliser les parents. Je vous suis quand vous recommandez plusieurs réunions pour informer de ce qu'est l'obligation scolaire. Mais une fois encore j'observe qu'autrefois, on exigeait, après toute absence, un mot d'excuse des parents ou un certificat médical...

Je voterai bien entendu ce texte mais j'estime qu'il faut, à l'intérieur de la « famille scolaire », trouver des solutions pour que chacun assume son rôle.

M. Jacques Legendre, président . - Merci pour ce rappel aux temps des hussards de la République...

M. Yannick Bodin . - Les membres du groupe socialiste voterons contre ce texte, qui propose un dispositif inadapté, inefficace, injuste, impraticable et pour clore par un cinquième « i », j'aurais pu ajouter imbécile, si le sens du mot n'ayant évolué, il n'était prudent de lui préférer celui de sot, en trois lettres.

M. Jacques Legendre, président . - Préservons le bon climat de cette commission.

M. Claude Domeizel . - Nous savons tous que cette loi a été dictée par des propos de café du commerce, où l'on supprime les allocations pour leur en faire voir, aux garnements qui s'absentent de l'école ! Or, nous savons aussi que, face à l'absentéisme, la réponse doit être éducative : nous devons montrer l'importance de l'école. Ce qui va se passer avec cette loi, à travers tout un long parcours qui va de l'école à la mairie et aux services sociaux, en passant par l'inspection d'académie, c'est qu'on va constituer des dossiers sur les élèves, on va les ficher : c'est inadmissible ! On saura que tel ou tel enfant a fait supprimer les allocations familiales chez lui, parce qu'il n'est pas allé à l'école : c'est insupportable !

Puisqu'un fichier va être ainsi constitué, qu'en pensera la CNIL ?

Mme Françoise Laborde . - Je m'exprime en mon nom propre, pour dire que j'ai été intéressée par les arguments de M. Martin. J'étais une fervente d'Hadopi, mais le passage à la réalité m'a montré les difficultés d'application des sanctions, au-delà des mesures d'information et d'éducation de l'internaute. Ici je suis sceptique, car je sais que les familles sont dans des situations très diverses, qu'elles ne sont pas toutes réceptives aux mesures éducatives. Aussi, je vais profiter de l'été pour réfléchir davantage et consulter : j'exprimerai mon avis en septembre.

M. Jacques Legendre, président . - De fait, la loi Hadopi commence seulement à être appliquée, les services se mettent en place. Je proposerai que nous examinions la situation dès la rentrée.

Mme Françoise Laborde . - J'ajoute une crainte : que les agents de la CAF, qui travaillent déjà à flux tendus, manquent de réactivité.

M. Jean-Pierre Plancade . - Je n'ai pas lu le texte, mais je sais que l'absentéisme est un véritable problème devant lequel nous ne devons pas nous dérober. Mme Ségolène Royal a proposé de rétablir les maisons de correction, est-ce une solution ? Je crois surtout qu'il ne faut pas perdre l'essentiel : l'éducation relève des parents. Je constate que l'enseignement se dégrade, notamment parce qu'au moins la moitié des nouveaux enseignants choisissent ce métier à défaut d'un autre, alors qu'avant, on faisait ce métier par conviction : c'est donc aussi la relation d'enseignement qui se dégrade, le rapport éducatif. Et l'absentéisme, c'est le début de la délinquance, ne l'oublions pas.

J'entends donc qu'on s'oppose à ce texte, mais quelles sont les propositions alternatives ? Il ne doit pas y avoir de tabou, surtout au nom de réalités qui n'ont plus cours. Je vous remercie donc, monsieur le président, d'avoir inscrit ce débat dès avant l'été.

Mme Marie-Agnès Labarre . - Le groupe CRC-SPG votera contre le rapport et contre cette loi injuste et inefficace. Le Gouvernement a reconnu l'inefficacité de telles mesures, lorsque M. Sarkozy était ministre. Du reste, nous n'avons pas de bilan des contrats de responsabilité parentale : il faut en faire l'évaluation !

M. Jean-Pierre Leleux . - Le contrat de responsabilité parentale existe depuis 2006, les départements n'ont pas été très nombreux à le mettre en place, car il nécessite un accompagnement des familles. Le mérite de cette proposition de loi, c'est d'organiser une alerte dès les premières absences, pour accompagner les familles qui sont souvent préoccupées par la situation de leur enfant, je peux en témoigner. Le contrat de responsabilité parentale fonctionne : dans les Alpes-Maritimes, nous avons mis en place une centaine de contrats, les familles sont satisfaites de trouver les institutions à leurs côtés.

La suspension des allocations familiales ne se produira que très rarement, mais elle fonctionnera comme une légère menace, utile à la pleine mobilisation des familles. Je voterai pour ce texte.

M. Claude Domeizel . - Les enseignants d'aujourd'hui n'ont pas moins de mérite que ceux d'hier, ils font tout autant leur travail, pour lequel ils sont formés, et il ne sert à rien d'accuser le corps enseignant !

M. Jean-Pierre Plancade . - Je le fais d'autant moins que ma fille est enseignante en ZEP : c'est bien pourquoi, aussi, je constate des changements, par rapport aux générations antérieures.

M. Yannick Bodin . - Il y avait plus d'absentéisme au début du XX e siècle qu'au début du XXI e siècle !

M. Jean-Pierre Plancade . - Vous savez bien que c'était pour d'autres raisons...

M. Jacques Legendre, président . - Ce texte est venu devant notre commission parce qu'il est de nature éducative, et j'ai travaillé à le faire reconnaître. Si son objet avait été principalement la suspension des allocations familiales, la commission des affaires sociales en aurait été saisie : voilà l'esprit de ce texte !

J'admets la comparaison avec la loi Hadopi, qui est effectivement longue à mettre en place. Avec Hadopi, nous n'avons pas cherché à supprimer par plaisir l'accès à Internet, mais à rappeler l'exigence républicaine consistant à payer le service utilisé, au bénéfice de la création. De même, ici, la perspective de suspendre les allocations familiales ne vise pas à faire des économies, mais à mobiliser les familles contre l'absentéisme à l'école. Des effets positifs d'Hadopi ont d'ailleurs été enregistrés avant même l'entrée en application de la loi : les ventes de disques ont progressé de 7 % depuis le début de l'année, c'est bien que des gens n'ont plus piraté sans retenue comme ils le faisaient auparavant. Ici encore, il s'agit de sensibiliser les parents, pour n'avoir pas à suspendre les allocations.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - L'absentéisme est une réalité, mais est-ce un tabou ? Il faut le traiter sans passion en évitant le tout-répressif comme l'angélisme, car ce qui est grave, c'est le risque de dérive vers la délinquance. Il faut briser un cercle infernal et prévenir des situations dramatiques en jouant des trois leviers à notre disposition. La responsabilité est d'abord celle des parents. Je siège au conseil d'administration d'un lycée hôtelier : on nous signalait récemment une amélioration des résultats mais une aggravation de l'absentéisme, désormais couvert par les parents. La suspension, puis la suppression des allocations familiales, est l'arme dissuasive et elle peut avoir des effets, car elle sera plus applicable que la loi actuelle, qui n'est pas appliquée. Il n'y a pas eu de signalement aux CAF depuis 2006 alors qu'il y en avait eu plus de 7 000 en 2002 ; mais après la suspension des allocations, il n'y avait plus que 700 récidivistes. La mesure marchera puisque le président du conseil général n'interviendra plus que pour proposer le contrat d'accompagnement parental. Enfin, l'Assemblée nationale a introduit l'article 1 er bis , qui fait obligation au directeur d'école ou d'établissement de recevoir les parents pour leur exposer le projet d'école et le règlement intérieur.

Pour toutes ces raisons, je propose un vote conforme.

M. Jacques Legendre, président . - Mes collègues peuvent poursuivre leur réflexion pendant l'été. Mais je dois néanmoins mettre aux voix la proposition de loi.

M. Serge Lagauche . - C'est comme toujours le gouvernement qui a demandé l'urgence pour l'Hadopi. Quant à ce texte, vous seriez plus crédibles si vous arrêtiez la révision générale des politiques publiques à l'Éducation nationale, qui devient intolérable, surtout à l'approche de la rentrée.

Conformément à la proposition du rapporteur, la commission a adopté le texte de la proposition de loi sans modification, dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

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