Rapport n° 662 (2009-2010) de M. Jean-Claude CARLE , fait au nom de la commission de la culture, déposé le 12 juillet 2010

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N° 662

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juillet 2010

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, visant à lutter contre l' absentéisme scolaire ,

Par M. Jean-Claude CARLE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Claude Carle , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, M. Alain Le Vern, Mme Christiane Longère, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2487 , 2593 et T.A. 503

Sénat :

586 et 663 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Il n'est pas d'institution qui incarne mieux les valeurs de la République, et qui leur apporte un soutien plus solide, que l'école. Si comme le disait Danton en 1793 devant la Convention, « après le pain, l'éducation est le premier besoin d'un peuple », alors tout ce qui vient empêcher l'instruction des enfants menace les fondements même de notre pacte social.

L'obligation scolaire imposée par la loi du 28 mars 1882 n'est plus confrontée à la résistance d'une société largement rurale et à un défaut massif d'inscription comme cela a pu être le cas sous la III e République. En revanche, elle est aujourd'hui minée insidieusement par l'absentéisme, qui touche plus de 300 000 élèves par an.

Phénomène complexe aux multiples causes, l'absentéisme scolaire touche tous les milieux et tous les territoires. Révélateur potentiel de difficultés d'apprentissage, de perte du sens de l'école, de souffrances psychologiques ou d'exclusion sociale, il est souvent le premier pas sur le chemin du décrochage, et parfois, malheureusement, de la délinquance. Il doit donc être coûte que coûte endigué avant de porter gravement préjudice à l'enfant, à sa famille et à la société.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à lutter contre l'absentéisme scolaire, en veillant à ce que soient conjuguées de façon équilibrée sanction et éducation au service d'une responsabilisation juste et efficace des parents.

À partir de ce socle, il conviendra d'élaborer une politique globale et cohérente pour combattre l'absentéisme scolaire sous toutes ses formes, à tous les âges et dans tous les types d'établissements. À cet égard, les leviers de la politique de la ville et de l'éducation nationale devront être activés en même temps que les instruments de la politique familiale privilégiés par le texte. C'est ainsi que naîtra une authentique mobilisation de l'ensemble de la communauté éducative au service de la sécurisation des parcours scolaires.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ABSENTÉISME SCOLAIRE, UN PHÉNOMÈNE AUX MILLE VISAGES DONT LA PERSISTANCE EST INQUIÉTANTE

A. L'AMPLEUR ET LES DANGERS DE L'ABSENTÉISME

1. Une amplification certaine du phénomène, malgré l'imperfection des instruments statistiques

Le principe de l'assiduité scolaire complète l'instruction obligatoire pour les enfants français et étrangers de six à seize ans, pilier de la législation républicaine. Inscrit à l'article L. 511-1 du code de l'éducation et partie intégrante des devoirs de l'élève, dès lors que celui-ci est inscrit dans un établissement, il couvre l'ensemble des mineurs même après la fin de la scolarité obligatoire.

Les mesures statistiques de l'absentéisme utilisent le seuil de signalement potentiel de l'élève à l'inspection académique pour défaut d'assiduité, fixé par l'article L. 131-8 du code de l'éducation. Ainsi, tout élève absent de classe quatre demi-journées ou plus dans un même mois, sans justification, est considéré comme absentéiste.

Plusieurs précisions méritent cependant d'être apportées à titre liminaire pour clarifier l'interprétation des statistiques. Tout d'abord, le seuil des quatre demi-journées d'absence date du XIX e siècle. Il a été instauré par la loi du 28 mars 1882 en tenant compte des résistances que rencontrait la généralisation de l'enseignement primaire dans une société encore largement rurale, où les enfants participaient activement aux travaux agricoles. Il n'est plus nécessairement adapté à l'école d'aujourd'hui et mériterait d'être révisé après concertation avec les acteurs de terrain. Le rapport de M. Luc Machard, délégué interministériel à la famille, proposait déjà en 2003 de supprimer le seuil des quatre demi-journées. À sa place, il retenait comme principe que la rupture ou l'inefficacité du dialogue engagé avec la famille sur un mois devait déclencher la saisine de l'inspecteur d'académie. 1 ( * )

Le décompte des demi-journées d'absence n'est, de plus, pas effectué de la même façon dans tous les établissements. Par exemple, ainsi que les auditions l'ont révélé à votre rapporteur, dans certains établissements, une demi-heure de retard au premier cours du matin ou de l'après-midi suffit pour que l'élève soit considéré comme absent une demi-journée. La justification des absences par les parents peut aussi être validée avec plus ou moins de rigueur ou de relâchement selon les collèges et les lycées. Ceci explique pour partie les grandes disparités constatées entre zones et entre établissements.

En outre, il ne faut pas confondre signalement à l'inspection et mesure de l'absentéisme. Tous les élèves absentéistes ne sont pas en effet signalés aux inspecteurs d'académie . La direction de l'évaluation, de la performance et de la prospective (DEPP) du ministère de l'éducation nationale considère que ne sont signalés que 34,4 % des élèves absentéistes au collège, 8,2 % d'entre eux au lycée général et technologique et 11,5 % au lycée professionnel. Les chefs d'établissement préfèrent sans doute une gestion au plus près du problème, sans intervention systématique de l'échelon administratif supérieur.

Enfin, à la notion d'absence injustifiée pour laquelle n'ont été produits ni motif légitime, ni excuse valable, la DEPP préfère substituer dans ses enquêtes celle d'absence non régularisée qui correspond plus aux pratiques du terrain. Sans retenir d'appréciation de la validité des explications fournies par les parents, les statistiques écartent de leur décompte toute absence que les parents ont expliquée ou justifiée auprès de l'établissement. En réalité, certaines absences régularisées par les parents et les chefs d'établissement devraient être considérées comme injustifiées et par conséquent comptabilisées. Une série de petites absences toutes régularisées peut donc passer inaperçue, alors même qu'elle aura des conséquences néfastes sur la scolarité des enfants concernés, qui ne seront donc ni détectés, ni pris en charge. Les statistiques du ministère sont tributaires des politiques locales des établissements et ont donc tendance à minorer l'intensité de l'absentéisme.

La DEPP estime sur cette base que pour l'année 2007-2008, 7 % des élèves du second degré public sont absentéistes tous mois et types d'établissements confondus 2 ( * ) . Sur quatre années d'enquête de septembre 2003 à avril 2007, la DEPP constatait que le taux moyen d'élèves absentéistes restait stable d'une année à l'autre et oscillait chaque année entre 2 % et 6 % des élèves selon les mois. Mais, en 2007-2008, le même taux variait entre 3 % et 10 %, ce qui témoigne d'une amplification soudaine, après une stagnation durable .

Cette hausse s'observe dans tous les types d'établissements, à la fois au collège, au lycée général et technologique et au lycée professionnel. Elle se retrouve aussi dans la mesure de l'absentéisme lourd , défini par des absences de plus de dix demi-journées sur un mois : 2 % des élèves sont touchés en 2007-2008 contre 1 % sur les quatre années précédentes . C'est pourquoi il est impératif de regarder avec lucidité le danger que représente l'absentéisme pour nos enfants, de tenir compte de la souffrance personnelle et familiale qu'il reflète et d'user de tous les moyens pertinents pour l'affronter.

PROPORTION D'ÉLÈVES ABSENTÉISTES PAR ÉTABLISSEMENT (EN %)

Collège

Lycée général et technologique

Lycée professionnel

2007-2008

2003-2004

2007-2008

2003-2004

2007-2008

2003-2004

Septembre

1,3

1,0

1,8

1,3

6,9

4,8

Octobre

2,6

1,4

4,4

2,2

15,3

6,8

Novembre

2,5

2,8

8,3

4,1

19,6

9,9

Décembre

2,6

3,0

6,2

4,2

15,0

9,0

Janvier

3,1

2,2

5,8

4,9

15,2

10,8

Février

2,0

1,7

4,8

3,0

11,3

8,5

Mars

2,7

2,1

7,4

5,5

16,6

11,0

Avril

2,6

1,7

9,0

4,4

19,3

9,0

Source : MEN-DEPP, enquête auprès des établissements sur l'absentéisme des élèves

2. La lutte contre l'absentéisme comme instrument de prévention précoce de la délinquance des mineurs

La persistance d'un volet significatif et tendant à s'accroître d'élèves absentéistes est à la fois incontestable et inquiétante. Le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs en 2002 3 ( * ) avait déjà conclu que la prévention de l'absentéisme et de l'échec scolaire, qui vont malheureusement souvent de pair, était cruciale pour éviter le glissement des jeunes dans la violence , tant au sein de l'école qu'à l'extérieur.

Il est certes impossible d'affirmer que l'absentéisme et l'échec scolaire fabriquent seuls la délinquance. De même, il n'y a pas de lien mécanique entre les difficultés familiales et les comportements délictueux. Le refus du déterminisme étroit ne doit pas, cependant, disqualifier toute recherche sur les facteurs de risques. Les incivilités et les transgressions scolaires sont souvent corrélées avec l'absentéisme. On ne peut nier que l'échec scolaire et l'absentéisme peuvent jouer un rôle important dans le basculement, trop souvent irrémédiable, dans la violence et la déviance.

Il convient de reconnaître qu'une immense majorité des délinquants a échoué à l'école, même si tous les jeunes en échec scolaire sont très loin de tomber dans la délinquance. Le rejet de l'institution scolaire peut être le premier signe d'un rejet plus général des règles sociales, qu'il est très difficile de rattraper lorsque la justice pénale doit intervenir. Interrogé sur le niveau d'instruction des mineurs incarcérés, le ministère de l'éducation nationale estimait devant la commission d'enquête que 80 % d'entre eux étaient sans diplôme, près de la moitié en échec au bilan lecture et au moins 10 % relevaient de l'illettrisme.

Ces relations entre l'absentéisme et la délinquance furent pointées par l'INSERM dès 1993 dans son enquête sur la santé de l'adolescent. Les jeunes absentéistes présentent manifestement plus que les autres un comportement délinquant. Les garçons sont plus souvent, par importance décroissante, fugueurs, toxicomanes, alcooliques et violents. Mais les filles ne sont pas épargnées : absentéistes, elles sont plus souvent toxicomanes, violentes, et commettent davantage de vols. Il faut également souligner que ces jeunes sont généralement eux-mêmes des victimes de violences physiques ou sexuelles. Ils sont souvent en grande souffrance psychologique, parfois suicidaires.

C'est pourquoi il faut coûte que coûte ramener les absentéistes en classe. Ils doivent être maintenus à tout prix dans un univers socialisé, structuré par des règles, et non pas abandonnés à leur sort, dérivant sans repères . La rue ne doit surtout pas devenir une alternative à l'école, sous peine des plus grands dommages pour l'enfant, sa famille et la société.

B. LA MULTIPLICITÉ DES FORMES ET DES CAUSES D'ABSENTÉISME

L'absentéisme est un phénomène complexe qui se présente sous toutes sortes de formes et reflète des situations psychologiques et sociales sous-jacentes très diverses. Il peut être très régulier et confiner au décrochage scolaire, mais il se manifeste le plus souvent de façon perlée, irrégulière et aléatoire . On constate aussi certaines formes d'absences sélectives pour éviter un contrôle ou bien visant une matière ou un professeur particulier. Les acteurs de terrain parlent de « zapping » scolaire, variante consumériste de l'absentéisme qui, d'après les personnes auditionnées par votre rapporteur, tend à se répandre. L'absentéisme de confort pousse à prolonger les vacances scolaires au-delà des dates de rentrée. Parfois, les élèves sont absents en cours mais présents dans l'établissement, devenu leur lieu de vie principal, à défaut d'être un lieu d'instruction.

Les causes de l'absentéisme sont aussi diverses que ses manifestations 4 ( * ) . Les difficultés d'apprentissage et les retards accumulés depuis le primaire rendent souvent le suivi des cours impossible dès le collège. Confronté à son échec et bientôt à l'ennui devant des cours qu'il ne peut comprendre, l'élève perd tout intérêt pour l'école et commence à s'absenter. Il faut aussi tenir compte des orientations par défaut, source majeure de démotivation, qui joue lourdement en lycée professionnel. La pression du groupe de pairs peut aussi favoriser un absentéisme occasionnel, notamment chez les garçons, pour éviter de se distinguer par des comportements trop sérieux et trop respectueux de l'école. Il ne faut pas non plus négliger les éventuels problèmes psychologiques, ni la violence subie à l'école. L'élève peut avoir peur de revenir dans l'établissement pour ne pas retrouver ses tourmenteurs ou ses agresseurs ; il est alors en quelque sorte contraint à l'absentéisme. Enfin, l'absentéisme peut être la conséquence d'un travail exercé en parallèle, notamment en lycée professionnel.

L'absentéisme connaît une forte volatilité selon les mois de l'année avec des pics en novembre, souvent liés à une rentrée difficile, et surtout à la fin de l'année scolaire d'avril à juin. En outre, son ampleur varie considérablement selon les types de formation et d'établissements. Dans plus de la moitié des établissements du secondaire, moins de 3 % des élèves étaient absentéistes en 2007-2008. En revanche, en novembre et en avril 2008, un dixième des établissements connaissaient un taux d'absentéisme très élevé, proche de 30 %. En outre, il convient de distinguer la situation dans les collèges et les lycées, l'absentéisme tendant à augmenter avec l'âge. En janvier 2008, 3,1 % en moyenne des élèves de collège étaient considérés comme absentéistes par l'éducation nationale. Cette proportion doublait presque dans les lycées d'enseignement général et technologique (5,8 % des élèves) et quintuplait dans les lycées professionnels (15,2 %).

Il existe à l'évidence une problématique spécifique du lycée professionnel , sans doute liée à la hiérarchisation des filières et des formes d'intelligence et aux défaillances avérées du système d'orientation. Dans les 10 % d'établissements les plus touchés, c'est près de 40 % des élèves qui étaient considérés comme absentéistes en janvier 2008. De même, les lycées professionnels sont les plus touchés par l'absentéisme lourd, qui varie entre 1,5 % et 5,4 % des élèves sur 2007-2008 selon les mois contre un taux stable autour de 1 % au lycée général et technologique 5 ( * ) .

Cependant, l'absentéisme chronique au collège est le signe d'une situation extrêmement difficile, débouchant immanquablement sur l'échec scolaire sans maîtrise par l'enfant des fondamentaux . Même si une action contre le décrochage et pour lutter contre l'orientation par défaut dans la voie professionnelle est nécessaire, il convient d'agir le plus en amont possible, dès la charnière délicate entre le primaire et la classe de 6 e , à l'orée de l'adolescence.

II. UNE PROPOSITION DE LOI CONJUGUANT ÉDUCATION ET SANCTION, QUI DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE MOBILISATION DE LA COMMUNAUTÉ ÉDUCATIVE

A. LA SUSPENSION DES ALLOCATIONS FAMILIALES COMME INSTRUMENT DE DISSUASION AU SERVICE DE L'ÉDUCATION PARENTALE

1. Les principes fondamentaux de la lutte contre l'absentéisme : le pragmatisme, l'aide à la parentalité et l'ouverture de l'école

La complexité intrinsèque du phénomène d'absentéisme rend illusoire l'espoir de le traiter une bonne fois pour toutes par le biais d'un unique dispositif. Pour tenir compte de la pluralité des causes qui peuvent lui être reconnues et agir sur l'ensemble de ces facteurs, c'est plutôt une politique cohérente et globale qui doit être menée, sans qu'il faille espérer trouver la panacée dans une mesure isolée.

Il paraît nécessaire d'agir simultanément sur les parents, sur l'école et sur l'environnement urbain en conjuguant les instruments de la politique familiale, de l'éducation nationale et de la politique de la ville. La proposition de loi, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, tendant à lutter contre l'absentéisme scolaire, insiste sur le premier volet : la politique familiale. Elle fait de la responsabilisation et de l'accompagnement des parents, qui sont les premiers éducateurs de leur enfant, un élément clef de la lutte contre l'absentéisme.

Cette proposition de loi reprend l'ancien régime de suspension des allocations pour manquement à l'obligation d'assiduité scolaire, en vigueur entre 1966 et 2004, dont la suppression était sans doute prématurée et coïncidait avec une stabilisation de l'absentéisme. Le texte s'inscrit donc largement dans la continuité du droit français, qui, depuis l'ordonnance du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire, prévoyait un double mécanisme de sanctions pénales et administratives .

Pour tirer pleinement le bénéfice du dispositif, votre commission a la conviction qu'il faudra :

- l'appliquer avec pragmatisme et discernement pour tenir compte de la singularité de chaque cas ;

- insister sur la visée éducative de la sanction , qui doit être plus dissuasive que punitive et favoriser l'entrée dans un processus d' accompagnement des parents ;

- ouvrir véritablement l'école à l'ensemble des acteurs de la communauté éducative , aux parents d'élèves au premier chef, mais aussi aux élus locaux et au monde socioprofessionnel.

2. Une conjugaison légitime et efficace de sanction et d'accompagnement des parents

La proposition de loi prévoit un régime gradué de suspension partielle des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes. Après quatre demi-journées d'absence non justifiée sur un mois, l'inspecteur d'académie, saisi par le chef d'établissement, adresse un avertissement aux personnes responsables de l'enfant. Dans le souci de gagner en valeur pédagogique et de proposer une aide aux familles, l'avertissement devra comporter une information sur les dispositifs d'accompagnement parental auxquels les parents peuvent prétendre. Parallèlement à l'avertissement, l'inspecteur saisit le président du conseil général pour qu'il puisse proposer aux familles un contrat de responsabilité parentale ou toute autre mesure d'accompagnement parental pertinente.

La suspension partielle des allocations n'interviendra qu'après le constat de l'inefficacité de l'avertissement. Dans le cas où l'élève manque de nouveau quatre demi-journées de classe sur un mois, malgré son avertissement, l'inspecteur d'académie doit mettre par tout moyen les personnes responsables de l'enfant en mesure de se justifier. En l'absence de tout motif légitime 6 ( * ) d'absence et de toute excuse valable, l'inspecteur d'académie saisit alors la caisse d'allocations familiales (CAF) en vue de la suspension de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause.

Une large liberté d'appréciation est laissée aux chefs d'établissement et aux inspecteurs d'académie pour faire face à la complexité des situations individuelles et éviter une application mécanique et désincarnée du texte. La notion d'excuse valable permet une régularisation souple des situations.

En revanche, la compétence des CAF est liée, si bien qu'elles devront obligatoirement suspendre les versements à la demande de l'inspecteur. Le texte leur fait aussi obligation d'informer les parents des dispositifs d'accompagnement parental auxquels ils peuvent recourir. Cette information vient compléter utilement les démarches de l'inspecteur d'académie et du président du conseil général. En effet, les CAF, qui sont d'importants financeurs d'actions à destination des familles, pourront notamment les aiguiller vers les centres locaux d'accompagnement ou les réseaux d'écoute, d'aide et d'appui à la parentalité (REAAP). Ces lieux où s'organisent des groupes de paroles permettent aux parents d'échanger avec d'autres qui connaissent les mêmes difficultés afin de reprendre pied et retrouver confiance en leur capacité d'assumer pleinement leur rôle dans leur famille .

Après la suspension, deux cas peuvent se présenter :

- soit l'élève redevient assidu après la suspension des allocations et le versement est rétabli pleinement et rétroactivement ;

- soit l'élève demeure absent sans justification pendant quatre nouvelles demi-journées sur le mois et les allocations suspendues sont supprimées.

La suppression ne peut intervenir qu'après que les personnes responsables de l'enfant ont eu une nouvelle possibilité de présenter leurs observations à l'inspecteur d'académie.

La gradation de la sanction est donc bien définie : le premier mois d'absence aboutit à un avertissement, le deuxième à une suspension des allocations familiales et le troisième à une suppression. Le retour à l'assiduité déclenche le rétablissement des allocations suspendues. À chaque étape est ainsi prévu un temps d'écoute et de dialogue avec les parents. À chaque étape, une aide sous forme d'accompagnement parental leur est proposée, dans le souci de conjuguer éducation et sanction. Votre rapporteur estime donc que le dispositif retenu est à la fois légitime et équilibré .

3. Une arme de dissuasion à visée éducative
a) La nécessité de rétablir une sanction administrative qui a fait ses preuves par le passé

Aujourd'hui, les sanctions des manquements à l'obligation scolaire peuvent répondre à deux incriminations pénales comme contravention et comme délit. L'article R. 624-7 du code pénal punit le fait de ne pas imposer à un enfant l'obligation d'assiduité scolaire d'une amende pouvant aller jusqu'à 750 euros. L'article 227-17 du même code vise les atteintes à la santé, à la sécurité, à la moralité ou à l'éducation de leur enfant, dues à la négligence des parents. Peuvent être requis jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Les sanctions pénales des carences de l'autorité parentale sont lourdes à mettre en place et mal adaptées au seul suivi de l'assiduité scolaire. En outre, à aucun moment dans la sanction pénale, il n'est prévu d'aider et d'accompagner les parents.

C'est pourquoi existait jusqu'en 2004 une sanction administrative des manquements à l'assiduité scolaire. La Caisse nationale des allocations familiales a mené en 2002 une enquête sur les demandes de suspensions d'allocations familiales pour absentéisme. 65 % des élèves ont repris le chemin de l'école après l'avertissement de l'inspecteur d'académie. Le moment de l'avertissement constitue donc une étape essentielle permettant de nouer un dialogue fructueux avec les familles ou de les ramener tout simplement à leurs responsabilités . Ceci prouve que l'avertissement et le dialogue en face à face ont une efficacité certaine et doivent toujours être privilégiés en première approche.

En outre, les CAF ont enregistré pour une année, sur l'ensemble du territoire, 7 333 signalements pour 6 742 familles, ce qui veut dire qu'environ 6,5 % des familles avaient au moins deux enfants concernés par l'absentéisme. Après la suspension ou la suppression des allocations familiales, les caisses n'ont enregistré que 760 récidivistes. Ainsi, 10 % seulement des élèves ont été plusieurs fois de suite à l'origine, par leurs absences répétées, d'une procédure de suspension des prestations. C'est le signe indéniable de l'efficacité de la mesure dans certains cas. Il convenait donc de ne pas se priver de cet instrument parmi d'autres de lutte contre l'absentéisme.

À l'inverse, la procédure mise en place à partir de la loi du 31 mars 2006, n'a pas eu d'effet : d'après la CNAF, aucune suspension n'a été ordonnée depuis cette date, alors même que l'absentéisme a crû. Les raisons en sont, d'une part, que la demande de suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme est subordonnée à la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale (CRP) entre les parents et le conseil général, d'autre part, que l'inspecteur d'académie a perdu au profit du président du conseil général son pouvoir de saisine des CAF. Force est de constater que les conseils généraux, à l'exception de celui des Alpes-Maritimes, ne se sont pas encore emparés de l'instrument d'accompagnement des parents que constitue le CRP.

Il convient donc de rétablir un échelon de sanction administrative, fondé sur la menace de la suspension des allocations familiales qui a montré son efficacité . Cette sanction doit être articulée avec une éducation à la parentalité et un renforcement du dialogue entre l'école et les familles. C'est précisément l'objet de la présente proposition de loi, qui comble donc un manque dans l'arsenal de la lutte contre l'absentéisme.

b) Le développement de l'aide à la parentalité

Ce sont les vertus pédagogiques de la proposition de loi qui doivent être mises en avant plutôt que son volet punitif . La suspension des allocations familiales constitue un moyen de pousser les parents à suivre avec plus d'attention et d'implication les comportements de leurs enfants. Plus que la sanction, c'est la menace de la sanction qui doit prévaloir pour amener des publics en difficulté à accepter d'être accompagnés . L'objectif est bien de faire prendre conscience aux parents de la gravité de la situation dans laquelle se trouve leur enfant et de les contraindre, si nécessaire, à recevoir une aide adéquate. En un mot, la suspension des prestations présente une double face : d'un côté, c'est un carton jaune, de l'autre, une main tendue .

Il pourrait être tiré bénéfice de l'expérience des instruments de responsabilisation des parents développés dans de nombreux États, de la Californie à l'Angleterre en passant par le Québec et la Belgique dans le contexte spécifique du traitement de la délinquance des mineurs. Dans notre pays, dont le système pénal et la politique familiale sont différents, ces instruments d'aide sous contrainte seraient recentrés sur la lutte contre l'absentéisme.

DEUX EXEMPLES ÉTRANGERS DE RESPONSABILISATION DES PARENTS

1) Le Royaume-Uni

La loi de responsabilisation des parents a été promulguée en 1998 avec l'arrivée au pouvoir du New Labour . Donnant lieu à un jugement civil initial, le jugement devient pénal dès lors que les parents ne se plient pas aux décisions de justice.

Ont été mis en place, en Angleterre et au Pays de Galles, des parenting orders (ordonnances parentales) qui peuvent être appliquées à des enfants entre 10 et 17 ans condamnés pour des délits mais également en cas d'absentéisme scolaire. Elles consistent en un suivi hebdomadaire ou un soutien sur une période de trois mois afin d'accompagner les parents dans le contrôle de leurs enfants et les aider à mieux les éduquer. Le refus d'exécution des décisions de justice est susceptible d'entraîner une amende allant jusqu'à 1 000 livres. Les parenting programs reposent, quant à eux, sur une base volontaire, des injonctions à comparaître pouvant néanmoins être adressées aux parents.

D'après une étude menée par le Youth Justice Board , organe public chargé des réformes relatives à la justice des mineurs, et le Policy Research Bureau entre juin 1999 et décembre 2001, une grande majorité des parents participant à ces programmes de leur propre chef ou sur injonction judiciaire s'en déclarent satisfaits et constatent de nettes améliorations dans leurs capacités à communiquer avec leurs enfants et à influer sur leur comportement. Ils affirment mieux assumer leur rôle de parent en général. 90 % d'entre eux les recommanderaient à d'autres parents confrontés aux mêmes difficultés.

2) La Belgique

L'instauration d'un système de responsabilisation des parents mettant en place un dispositif de stage parental est récente en Belgique. Elle résulte de la nouvelle loi de protection de la jeunesse de 2006.

En principe, un stage parental est proposé aux parents du jeune présumé auteur d'un acte de délinquance. Néanmoins, si les parents manifestent un « désintérêt caractérisé » à l'égard des comportements de l'enfant, ce stage peut être rendu obligatoire par le juge des mineurs et être accompagné d'une amende et d'un emprisonnement de 1 à 7 jours.

Le stage, qui peut ou doit être suivi par les parents, comptabilise 30 heures de prise en charge des parents, dont une première phase qui consiste en une rencontre individuelle des parents avec les travailleurs sociaux et une deuxième phase collective, de type groupe de parole. Cette mesure n'a pas encore fait l'objet d'un bilan.

Source : M. Boisson & L. Delannoy, Conseil d'analyse stratégique, La responsabilisation des parents, une réponse à la délinquance des mineurs ?, note de cadrage et actes du colloque, janvier 2008.

La restauration de l'autorité parentale au sein de la famille afin d'améliorer l'assiduité des enfants est un processus ardu , alors que la parole de l'adulte est souvent invalidée et que les modes traditionnels d'exercice de l'autorité sont disqualifiés. Les tentatives de « reprise en main » directe sont souvent des échecs. C'est d'autant plus vrai lorsque le parent connaît lui-même une situation difficile, par exemple le chômage. Il faut donc réapprendre aux parents à trouver les moyens de parler à leurs enfants, de s'impliquer dans le suivi de leur scolarité et de réinvestir la fonction parentale dans sa plénitude.

Si la possibilité d'ordonner la suspension des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes est rétablie, il faudra veiller à développer des modules d'aide à la parentalité sous la forme de groupes de parole. Les conférences magistrales devront être évitées puisqu'elles brusqueront les parents dont le parcours scolaire a été chaotique et qu'ils se croiront revenus à l'école. Il s'agira plutôt de travailler avec eux sur les moyens de développer concrètement et au quotidien leurs compétences parentales, c'est-à-dire leur capacité à remplir le rôle de parents, qui n'est pas innée et peut être apprise. Votre commission estime nécessaire le développement de l'éducation à la parentalité, comme complément nécessaire de la sanction des carences de l'autorité parentale .

B. LA NÉCESSITÉ D'OUVRIR L'ÉCOLE AUX PARENTS

Plus largement, l'ensemble des auditions menées ont renforcé une conviction déjà ancienne de votre rapporteur : la lutte contre l'absentéisme et l'échec scolaire passe nécessairement par davantage d'implication des parents d'élèves dans la vie de l'école et par plus de dialogue entre les acteurs de la communauté éducative . Il peut arriver, en effet, que certains parents ne perçoivent plus l'utilité ni le sens de l'école, qu'ils considèrent comme une institution lointaine, impénétrable, voire hostile. Il peut même alors être très difficile de les faire venir dans l'établissement. C'est plus particulièrement le cas des parents qui ont eux-mêmes connu des difficultés au cours de leur scolarité, qui subissent l'exclusion sociale ou encore qui ne maîtrisent pas la langue française.

Si l'on veut que les parents veillent à l'assiduité scolaire de leurs enfants, il faut d'abord entreprendre de leur expliquer ce qu'est l'école, ce qu'elle apportera à leurs enfants et ce qui est attendu d'eux. L'expérience de la Malette des Parents a été menée dans des collèges de l'académie de Créteil en plusieurs langues étrangères, y compris le chinois, le kurde et le bambara, et évaluée rigoureusement par l'école d'économie de Paris. Elle établit que des parents d'élèves à qui l'on donne les mots et les clefs de l'école sont à même de relayer le message de l'équipe enseignante au sein de leur famille. Les comportements de leurs enfants, notamment leur assiduité, s'améliorent très notablement. L'annonce récente de sa généralisation par le ministre de l'éducation nationale est donc une excellente nouvelle .

La proposition de loi fait également un pas vers une plus grande intégration des parents au sein de la communauté éducative, puisqu'elle prévoit que dans chaque école et établissement d'enseignement scolaire public, le projet d'école ou d'établissement et le règlement intérieur devront être présentés aux parents lors de la première inscription de leur enfant par le directeur de l'école ou le chef d'établissement.

Ce rendez-vous obligatoire constituera le premier contact des parents avec l'école, sans qu'aucun passif ne soit déjà accumulé. Cependant, cette démarche de dialogue ne devra pas se cantonner au seul moment de l'inscription. Au contraire, elle devra être poursuivie après ce premier contact tout au long de l'année scolaire, sans être limitée à de simples convocations en cas de mauvais comportements ou de mauvais résultats des enfants. C'est sur cette base que pourra se nouer une relation de confiance entre l'école et les parents pour le plus grand bénéfice des enfants.

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Réunie le lundi 12 juillet 2010, votre commission a adopté sans modification la proposition de loi tendant à lutter contre l'absentéisme scolaire.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (article L. 131-8 du code de l'éducation) - Suspension du versement des allocations familiales des parents des élèves absentéistes

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

La loi fondatrice du 28 mars 1882 a posé le principe de l'obligation scolaire. Celle-ci se décline aujourd'hui en deux volets :

- d'une part, l'instruction obligatoire des enfants des deux sexes, français et étrangers, de six à seize ans, soit dans un établissement d'enseignement public ou privé, soit dans la famille sous la responsabilité des parents (art. L. 131-1 et L. 131-2 du code de l'éducation) ;

- d'autre part, l'assiduité obligatoire, qui constitue spécifiquement un devoir de l'élève, dès lors qu'il est inscrit dans un établissement, et s'impose donc même après la fin de la scolarité obligatoire (art. L. 511-1 du code de l'éducation).

L'article premier de la présente proposition de loi modifie l'article L. 131-8 du code de l'éducation, qui règle le contrôle de l'obligation d'assiduité scolaire, pour prévoir un régime de suspension des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes sur la demande de l'inspecteur d'académie, après le constat qu'un premier avertissement est resté sans effet.

Il conserve le principe qu'en cas d'absence d'un enfant, les personnes responsables doivent, sans délai, en faire connaître les motifs au directeur de l'établissement d'enseignement, ce qui vise aussi bien les écoles, les collèges et les lycées que les établissements privés et les centres de formation des apprentis. De même, il ne revient pas sur la liste des motifs réputés légitimes 7 ( * ) , ni sur le pouvoir d'appréciation des autres motifs laissé à l'inspecteur d'académie. Il garde également à l'inspecteur le pouvoir de diligenter une enquête sociale.

En outre, l'article premier de la proposition de loi maintient le principe de la saisine de l'inspecteur d'académie par le directeur d'établissement, lorsqu'aucun motif d'absence n'a été donné, lorsque les motifs invoqués se révèlent inexacts, ou lorsque les absences sans motif légitime ni excuses valables s'élèvent au moins à quatre demi-journées dans le mois. C'est au chef d'établissement, puis à l'inspecteur, de juger de la validité des excuses proposées. À l'issue d'un dialogue avec les parents, obligatoire en cas d'absences répétées, justifiées ou non, ainsi que l'impose l'article R. 131-6 du code de l'éducation, une régularisation des absences reste donc possible, au-delà des seuls motifs réputés légitimes, tant au niveau des établissements que de l'inspection.

En revanche, outre des modifications rédactionnelles, dont la suppression par l'Assemblée nationale de la mention d'enfants « présumés réfractaires », excessivement péjorative, l'article premier ( alinéa 4 ) modifie le contenu de l'avertissement adressé aux personnes responsables d'un enfant absentéiste par l'inspecteur d'académie .

D'une part, dans le souci de gagner en valeur pédagogique et de proposer une aide aux familles, l'avertissement devra comporter une information sur les dispositifs d'accompagnement parental auxquels les personnes responsables de l'enfant peuvent prétendre.

D'autre part, l'avertissement devra non seulement rappeler les sanctions pénales applicables, mais également administratives. Les sanctions pénales existantes répondent à deux incriminations possibles comme contravention et comme délit. L'article R. 624-7 du code pénal punit d'une amende, pouvant aller jusqu'à 750 euros 8 ( * ) , le fait de ne pas imposer à un enfant l'obligation d'assiduité scolaire, après avertissement de l'inspecteur d'académie. Plus largement et plus sévèrement, l'article 227-17 du même code vise la répression de la mise en péril des mineurs et plus spécifiquement des atteintes à la santé, à la sécurité, à la moralité ou à l'éducation de leur enfant, dues à la négligence des parents. Peuvent être requis jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Les sanctions administratives ne visent, quant à elles, que la seule suspension d'allocations familiales, qui fait précisément l'objet de la proposition de loi.

L'article premier ( alinéa 7 ) modifie les conditions de saisine du président de conseil général pour la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale (CRP) . L'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, issu de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, a prévu la possibilité pour le président de conseil général de proposer aux personnes responsables de l'enfant la signature d'un CRP. Un tel contrat doit rappeler les obligations des titulaires de l'autorité parentale et comporter toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation constatée. Le non-respect du CRP ou le refus de signature peut entraîner une demande de suspension des allocations familiales.

La version en vigueur de l'article L. 131-8 du code de l'éducation prévoit que l'inspecteur d'académie saisisse le président du conseil général des situations lui paraissant justifier la mise en place d'un CRP. La proposition de loi infléchit ce dispositif, de telle sorte que l'inspecteur soit tenu de saisir sans délai le président du conseil général de tous les avertissements qu'il a adressé pour défaut d'assiduité. L'Assemblée nationale, en séance plénière, a précisé que cette saisine peut avoir pour visée la mise en place non seulement d'un CRP, mais aussi de toute autre mesure d'accompagnement à la disposition du conseil général. Alors que les CRP n'ont pas connu d'engouement de la part des conseils généraux, cette précision laisse ainsi aux exécutifs locaux chargés de l'action sociale une large marge de manoeuvre dans le choix des instruments de soutien aux familles.

N'est pas, par ailleurs, remise en cause la possibilité pour l'inspecteur de saisir le conseil général en vue de la signature d'un CRP en cas de trouble porté au fonctionnement de l'établissement ou de carence de l'autorité parentale, conformément à l'article L. 224-4-1 du code de l'action sociale et des familles.

De plus, dans un souci d'allègement de la gestion administrative, l'article 1 er ( alinéa 7 ) supprime l'information obligatoire du maire de la commune de résidence de l'élève , qui s'impose au directeur d'établissement au moment de sa saisine de l'inspecteur d'académie. Cependant, le maire reste informé par l'inspecteur d'académie des avertissements qu'il adresse, conformément au texte aujourd'hui en vigueur. Une précision supplémentaire est apportée afin que la communication de cette liste ait lieu trimestriellement ( alinéa 8 ) : cette mesure de simplification vise à éviter des signalements au fil de l'eau, imposant une consolidation par les services de la mairie.

La procédure de suspension des allocations familiales ne peut être mise en oeuvre qu'après le constat que l'avertissement de l'inspecteur est resté sans effet . Conformément à la définition de l'obligation d'assiduité, elle vise tous les enfants mineurs , mais uniquement ceux-là. En effet, une fois majeur, l'élève est personnellement responsable de ses actes sans que la responsabilité de sa famille puisse se substituer à la sienne. L'article premier ( alinéa 10 ) de la proposition de loi prévoit que dans le cas où l'élève manque de nouveau quatre demi-journées de classe sur un mois, malgré son avertissement, l'inspecteur d'académie donne l'occasion aux personnes responsables de l'enfant de présenter leurs observations. Cette disposition est nécessaire à plusieurs titres : d'une part, elle est propice au dialogue et à la pédagogie de la responsabilisation en permettant un nouveau contact, par tout moyen, entre l'inspecteur et les parents , d'autre part, elle assure la compatibilité de l'éventuelle procédure de sanction avec les principes de jugement équitable rappelés tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour européenne des droits de l'homme. Si aucun motif légitime d'absence n'est avancé, ni aucune excuse qu'il estime valable, l'inspecteur d'académie saisit le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales en vue de la suspension de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause. Les modalités de calcul de la part sont renvoyées à l'article L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale, lui-même introduit par l'article 2 de la présente proposition de loi.

Autant l'inspecteur d'académie garde, même après l'avertissement, un large pouvoir d'appréciation, autant les caisses d'allocations familiales ou de mutualité sociale agricole ont compétence liée et ne peuvent en opportunité s'opposer à la suspension ou retarder sa mise en oeuvre. Cependant, le traitement administratif des demandes de suspension au sein des caisses prend du temps, si bien que pour une suspension au début d'un mois donné, l'ordre doit être parvenu avant le 20 du mois précédent. Ces déphasages expliquent qu'il soit demandé au directeur de caisse de prévenir l'inspecteur d'académie et le président du conseil général de la date de mise en oeuvre effective de la suspension. Il devra également informer les personnes responsables de l'enfant de la suspension, ainsi que des dispositifs d'accompagnement parental dont elles peuvent disposer. Cette information ne fait pas doublon avec celle de l'inspecteur d'académie, dans la mesure où les CAF connaissent mieux que l'éducation nationale les réseaux, les lieux et les personnes susceptibles d'aider les parents.

Le rétablissement du versement des allocations familiales respecte le parallélisme des formes ( alinéa 11 ) : l'inspecteur d'académie saisit le directeur de l'organisme débiteur d'une demande de rétablissement après avoir constaté l'assiduité de l'enfant. L'assiduité est ici caractérisée négativement comme le fait de ne pas avoir été absent pendant plus de quatre demi-journées sans motif légitime ou excuses valables au cours d'un mois. Elle est mesurée sur un mois de scolarisation , et non un mois calendaire, à compter du mois au titre duquel le versement des allocations a été suspendu. Les vacances scolaires ne sont donc pas prises en compte dans le calcul de la durée d'assiduité retrouvée. Ainsi, après un premier avertissement resté sans effet, pour l'absentéisme d'un enfant en mars donnant lieu à une suspension d'allocations, les versements pourront reprendre si l'assiduité de l'enfant est avérée à partir du 1 er avril pendant un mois de scolarité, c'est-à-dire jusqu'au mois de mai s'il n'y a pas eu de vacances scolaires ou jusqu'au mois de juin dans le cas contraire.

La suspension des allocations familiales peut déboucher sur leur suppression en cas de persistance de l'absentéisme ( alinéa 12 ). Deux cas se présentent :

- soit, l'élève redevient assidu après la suspension des allocations et le versement est rétabli pleinement et rétroactivement ;

- soit l'élève demeure absent sans justification pendant quatre nouvelles demi-journées sur le mois et les allocations suspendues sont supprimées.

La suppression intervient à la demande de l'inspecteur d'académie après qu'il a une nouvelle fois mis en mesure les personnes responsables de l'enfant de lui présenter leurs observations et qu'il a apprécié la validité des excuses qui lui étaient présentées. En résumé, en cas d'absences continues sur plusieurs mois consécutifs, le premier mois donne lieu à un avertissement, le deuxième mois à une suspension et le troisième à une suppression. En revanche, tout retour à l'assiduité peut déclencher le rétablissement des allocations suspendues, à l'exclusion des allocations supprimées dont le paiement n'est plus dû.

Reste le problème des vacances d'été, pendant lesquelles un élève ne peut par définition prouver son assiduité. En cas d'absence en juin, suite à un avertissement resté lettre morte, quelle que soit la bonne volonté des parents, l'élève n'aura pas l'occasion matérielle de retrouver le chemin des cours. Le dispositif de suspension et les conditions de rétablissement des allocations familiales entraîneraient mécaniquement la poursuite de l'arrêt des versements pendant l'été, puis au mois d'août leur suppression. Pour pallier ce défaut et garantir l'équité du dispositif, l'article premier de la proposition de loi ( alinéa 13 ) prévoit que la suspension des allocations ne peut prendre effet s'il est impossible de vérifier sous deux mois la condition de reprise d'assiduité. Ainsi, les allocations familiales resteront versées pendant l'été et une éventuelle suspension des allocations familiales ne pourra intervenir avant le mois de septembre.

II - La position de votre commission

L'absentéisme est un phénomène complexe qui ne peut être traité par le biais d'une seule mesure . Il se présente sous des formes très diverses : il peut être très régulier et confiner au décrochage scolaire, mais il se manifeste souvent de façon perlée ou sélective. Parfois, les élèves sont présents dans les établissements sans être présents au cours. Toutes ces manifestations d'absentéisme ont été bien caractérisées récemment dans un rapport de l'académie de Créteil ciblant l'enseignement professionnel. 9 ( * ) L'absentéisme connaît une forte volatilité et prend une ampleur différente selon l'âge de l'élève, son cycle de formation, son établissement, les mois de l'année, ...

À ces différentes manifestations peuvent correspondre des causes très diverses , parmi lesquelles les difficultés d'apprentissage et une orientation par défaut doivent être prises en compte aussi bien que les problèmes psychologiques ou le travail dissimulé.

La proposition de loi fait de la responsabilisation et de l'accompagnement des parents un élément clef de la lutte contre l'absentéisme . Elle est le pendant d'un autre volet proprement scolaire , qui est parallèlement mis en oeuvre par le Gouvernement avec la réforme du primaire afin de lutter contre l'échec scolaire au collège, avec la rénovation en chantier du système d'orientation et avec les mesures de suivi et de traitement du décrochage scolaire.

Le dispositif de suspension des allocations familiales, élaboré dans la proposition de loi, ne manque pas de légitimité , réaffirme symboliquement l'attachement de la société à l'assiduité scolaire et se révèle plus souple et moins lourd que les sanctions pénales . La possibilité de sanctionner les manquements à l'obligation scolaire par la suspension des allocations familiales existe depuis longtemps en droit français.

L'article 5 de l'ordonnance du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire prévoit déjà un double mécanisme de sanctions pénales et administratives : « les manquements à l'obligation scolaire constituent des contraventions. Ils peuvent entraîner la suspension ou la suppression du versement aux parents de prestations familiales dans des conditions fixées par décret . » C'est le fondement légal du décret du 18 février 1966 qui, jusqu'à son abrogation par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, réglait la procédure de suspension ou de suppression des allocations familiales. Mais parallèlement à cette abrogation, le décret n° 2004-162 du 19 février 2004 prévoyait une nouvelle contravention spécifique dans le code pénal et la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances créait avec les contrats de responsabilité parentale un instrument de médiation souple couplant accompagnement et sanction.

Les sanctions pénales des carences de l'autorité parentale, soit au titre d'une contravention, soit d'un délit, demeurent d'emploi difficile, parce qu'elles risquent d'être disproportionnées dans des cas légers et d'arriver trop tard pour des cas lourds. Votre commission estime que peu de familles sont véritablement dans la négligence mais beaucoup dans la souffrance et la résignation. C'est sur ces familles qu'il faut agir pour les faire sortir de leur fatalisme par un électrochoc salutaire et les faire bénéficier d'une aide à la parentalité adéquate.

La proposition de loi rétablit un dispositif de sanction administrative très progressif avec une phase d'avertissement et une véritable offre de dialogue avec les parents qui pourront expliquer leurs situations à l'inspecteur d'académie, puis une phase de suspension partielle des allocations et à nouveau une nouvelle possibilité d'échange et d'aide, et enfin la suppression au bout de trois mois dans les cas les plus graves . Les phases d'avertissement et de dialogue avec l'éducation nationale sont des moments cruciaux : c'est là que se jouera concrètement le succès de la mesure parce que les parents pourront être écoutés et aiguillés vers des structures, des réseaux ou des groupes de paroles, susceptibles de les aider.

Les représentants de l'académie de Créteil reçus par votre rapporteur estiment que sur 600 à 800 familles aujourd'hui convoquées à l'inspection académique, la moitié règle rapidement les problèmes d'assiduité scolaire après l'entretien. Ceci prouve que l'avertissement et le dialogue en face à face ont une efficacité certaine et doivent toujours être privilégiés en première approche. Dans la moitié restante des cas, soit la famille ne s'est pas rendue à l'entretien, soit rien n'a changé dans la scolarité de l'enfant. Les inspecteurs et le rectorat envisageraient, si la proposition de loi était adoptée, de convoquer une nouvelle fois ces familles devant une commission solennelle et de leur proposer un choix clair entre la suspension des allocations familiales et le suivi de modules d'aide à la parentalité sous la responsabilité des assistantes sociales de l'éducation nationale. Ces modules éducatifs prendraient idéalement la forme de groupes de paroles et d'échanges plutôt que d'exposés magistraux inutiles. Cette démarche pragmatique est très intéressante. Ce n'est pas, en effet, l'aspect punitif de la proposition de loi qui doit être mis en avant mais son versant éducatif qui peut être très bénéfique, s'il est pris à bras le corps par l'ensemble des acteurs de terrain.

Votre commission estime, en effet, que la suspension des allocations familiales doit être plutôt considérée comme une arme de dissuasion visant à inciter les parents à une supervision plus attentive et plus active de leurs enfants . C'est la menace de la punition en dernier ressort, qui poussera des familles à entrer dans une démarche constructive de long terme. Cette suspension des allocations brandie à l'horizon peut faire prendre conscience aux parents de la gravité de la situation dans laquelle se trouve leur enfant et pour les contraindre, si nécessaire, à recevoir une aide adéquate. Il n'est pas rare en effet que les familles les plus en difficulté se cachent, évitent tout regard extérieur et fuient toute aide pour préserver leur dignité, alors même que leur situation se détériore irrémédiablement . Il est de la responsabilité de la communauté nationale d'aider ces familles, malgré elles-mêmes dans un premier temps, mais à leur bénéfice et à leur soulagement sur le long terme.

Le dispositif de suspension des allocations familiales sera efficace s'il est appliqué avec discernement et pragmatisme , comme une mesure de dissuasion plutôt que comme sanction et s'il s'inscrit dans une démarche globale d'accompagnement des familles. Il est donc bienvenu de laisser la plus large liberté d'appréciation des situations particulières aux chefs d'établissement et aux inspecteurs d'académie, dont votre rapporteur a rencontré les représentants et a pu apprécier la compréhension fine de toutes les composantes de l'absentéisme.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er bis (article L. 401-3 (nouveau) du code de l'éducation) - Présentation du projet d'établissement et du règlement intérieur aux parents d'élèves

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, inséré au cours de la discussion en séance publique à l'initiative du rapporteur de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, crée un nouvel article L. 401-3 dans le code de l'éducation. Il vise à ce que, dans chaque école et établissement d'enseignement scolaire public, le projet d'école ou d'établissement et le règlement intérieur soient présentés aux personnes responsables d'un enfant lors de sa première inscription par le directeur de l'école ou le chef d'établissement.

II - La position de votre commission

Au sein du livre quatrième du code de l'éducation consacré aux établissements d'enseignement scolaire, les articles L. 401-1 et L. 401-2 forment un titre préliminaire introduit par la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école afin de rassembler les dispositions, peu nombreuses, communes aux écoles et aux établissements d'enseignement secondaire.

Dans chaque école et établissement d'enseignement scolaire public doit être élaboré avec les représentants de la communauté éducative, un projet d'école ou d'établissement. Il est ensuite adopté par le conseil d'école ou le conseil d'administration de l'établissement pour une durée de 3 à 5 ans. Son but fondamental est de définir les modalités particulières de mise en oeuvre des objectifs et des programmes nationaux. Il doit préciser les voies et les moyens mis en oeuvre pour assurer la réussite de tous les élèves, y compris le mode d'association des parents à la réalisation de cet objectif.

En outre, les écoles et les EPLE doivent rappeler dans un règlement intérieur les droits et les devoirs de chaque membre de la communauté éducative et déterminer les moyens d'en assurer le respect. Les modalités du contrôle de l'assiduité y figurent de plein droit. Dans les écoles, le règlement intérieur est préparé à partir d'un document type élaboré par l'inspecteur d'académie du département. L'article D. 411-7 du code de l'éducation prévoit l'affichage du règlement dans les écoles et sa remise aux parents d'élèves. En parallèle, l'article R. 421-5 du même code précise pour les collèges et les lycées que le règlement intérieur adopté par le conseil d'administration de l'établissement est porté à la connaissance des membres de la communauté éducative, sans préciser les modalités de la publicité.

Le projet d'établissement et le règlement intérieur constituent le ciment de la communauté éducative , toute orientée vers la réussite de l'ensemble des élèves. Votre commission estime par conséquent fondamental que les parents d'élèves, membres à part entière de la communauté éducative, puissent être associés à leur élaboration par l'intermédiaire de leurs représentants, conformément aux textes en vigueur. Cependant, il convient d'aller plus loin pour que tous les parents d'élèves soient clairement informés des règles qui prévalent à l'école, mais aussi de l'importance que revêt l'école pour l'avenir de leurs enfants. C'est pourquoi les modalités de publicité prévues par le code de l'éducation ne paraissent pas suffisantes.

En effet, l'ensemble des auditions menées par votre rapporteur pointaient le renforcement de l'implication des parents d'élèves dans la vie de l'école comme l'élément fondamental de la lutte contre l'absentéisme scolaire . Il n'est pas rare que des parents ne perçoivent plus l'utilité ni le sens de l'école. Dans ce cas, il est difficile de leur demander d'accompagner la réussite scolaire de leurs enfants ou même simplement de les faire venir physiquement à l'école pour échanger avec les enseignants. L'institution scolaire peut paraître comme distante et intimidante, voire parfois tout simplement incompréhensible, pour des parents qui n'en possèdent pas les codes.

Votre commission approuve donc le principe d'une rencontre obligatoire entre les parents et le chef d'établissement pour présenter le projet d'école ou d'établissement, y compris et surtout son volet pédagogique, et le règlement intérieur . Ce rendez-vous obligatoire constituera le premier contact des parents avec l'école et devrait permettre de mieux les intégrer au sein de la communauté éducative au grand bénéfice de tous. Il est important de commencer cette démarche dès le primaire . En effet, c'est à la fois là où le contact avec les parents est le plus aisé et où les retards cognitifs et scolaires peuvent s'accumuler irréversiblement. Si l'on veut améliorer les comportements, et notamment l'assiduité au collège, puis au lycée, il faut s'assurer que les enfants n'aient pas déjà perdu pied en primaire. La transition entre le primaire et le collège, avec la classe de 6 e en pivot, est un moment difficile et doit également être convenablement préparée. La Malette des Parents ciblait précisément ce moment crucial. C'est aussi pour établir une continuité entre le primaire et le secondaire que les réseaux ambition réussite de l'éducation prioritaire sont conçus comme des réseaux d'écoles et de collèges en synergie.

Le moment de la première inscription est bien choisi pour une rencontre entre le directeur ou le chef d'établissement et les parents puisqu'il est neutre , sans qu'un passif soit déjà accumulé entre la famille et l'école, avant que l'enfant soit jugé comme un bon ou mauvais élève. Un entretien individuel serait préférable , mais devant les difficultés pratiques de mise en oeuvre, il apparaît sage de prévoir la possibilité de réunions collectives d'information.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (article L. 552-3-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale) - Modalités de suspension du versement des allocations familiales

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 2 de cette proposition de loi insère au sein du code de la sécurité sociale un nouvel article L. 552-3-1. Il reprend par coordination certaines des dispositions insérées par l'article premier dans le code de l'éducation. Il rappelle qu'en cas de manquement à l'obligation d'assiduité scolaire, le directeur d'une caisse d'allocations familiales est tenu de suspendre, sur demande de l'inspecteur d'académie, le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause. Il précise enfin que les modalités de calcul de la part susceptible d'être suspendue sont définies par décret en Conseil d'État .

II - La position de votre commission

Le code de la sécurité sociale dispose que les allocations sont dues à partir du deuxième enfant à charge (art. L. 521-1) et sont versés à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant (art. L. 521-2). Leur calcul est complexe et s'appuie sur des fractions d'une base mensuelle revalorisable. Hors majoration, les allocations familiales représentent 32 % de la base mensuelle pour le deuxième enfant à charge et 41 % pour le troisième enfant à charge et les suivants (art. D. 521-1), soit 73 % de la base pour trois enfants, 114 % pour quatre enfants, etc. En 2010, les allocations familiales s'élèvent à 123,92 € pour deux enfants et 282,70 € pour trois enfants, puis 158,78 € par enfant supplémentaire.

D'après les échos qu'en a reçus votre rapporteur, le décret en Conseil d'État exigé par l'article 2 devrait retenir le principe de la suspension d'une part des allocations dues normalement à la famille égale au ratio d'enfants absentéistes sur l'ensemble de la fratrie . Si un des enfants au sein d'une fratrie de trois est absentéiste, alors la part susceptible d'être suspendue représente un tiers du montant des allocations, soit 94,23 €.

Il n'aurait été ni juste, ni raisonnable de punir l'ensemble d'une fratrie pour les erreurs d'un seul enfant en suspendant la totalité des allocations familiales à cause d'un seul absentéiste. Votre commission approuve donc la suspension partielle des allocations qui ne visera que la part due au titre de l'enfant en cause et le renvoi à un décret en Conseil d'État des modalités pratiques de calcul.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles) - Aménagement du régime du contrat de responsabilité parentale

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 3 de cette proposition de loi assure la coordination entre le code de l'éducation et le code de l'action sociale et des familles en tirant les conséquences des nouvelles modalités de suspension des allocations familiales sur le régime du contrat de responsabilité parentale (CRP ).

Aux termes de l'actuel article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, peuvent seuls justifier la conclusion d'un CRP entre le conseil général et les parents ou représentants légaux d'un mineur, les cas avérés d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement de l'établissement ou toute manifestation de carence de l'autorité parentale. En cas d'un manquement aux obligations fixées dans le CRP ou d'un refus de signature sans motif légitime, le président du conseil général peut :

- demander la suspension des allocations familiales afférentes à l'enfant concerné ;

- saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;

- saisir l'autorité judiciaire en vue d'une mise sous tutelle des prestations familiales ; le juge des enfants peut, s'il y a lieu, nommer un délégué aux prestations familiales, chargé de prendre toutes décisions pour répondre aux besoins liés à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et de préparer les parents à une gestion autonome des allocations, conformément à l'article 375-9-1 du code civil.

L'article 3 de la proposition de loi modifie l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles pour :

- mettre en exergue la possibilité offerte au président du conseil général, saisi par l'inspecteur d'académie d'un cas d' absentéisme scolaire , de proposer aux parents ou représentants légaux de l'enfant la signature d'un CRP , conformément à l'article premier de la présente proposition de loi (alinéas 3 et 4) ;

- élargir aux parents et représentants légaux d'un mineur l'initiative de solliciter la signature d'un CRP , alors que seul le président du conseil général lui-même, de son propre chef ou saisi par un tiers, peut jusqu'à présent le proposer (alinéa 6) ;

- supprimer la possibilité pour le président du conseil général de demander comme sanction la suspension des allocations familiales en cas de CRP dus à des cas d'absentéisme scolaire, puisque il revient désormais à l'inspecteur d'académie d'agir (alinéa 8).

II - La position de votre commission

La plupart des dispositions de l'article 3 effectuent des coordinations utiles à l'intelligence de la proposition de loi et à la cohérence des codes de l'éducation et de l'action sociale. Votre commission y souscrit. Il serait en particulier préjudiciable à la clarté, à la simplicité et à l'efficacité du dispositif de laisser subsister la possibilité pour le président du conseil général de demander la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire, en concurrence des pouvoirs de l'inspecteur d'académie.

Plus significatif est l'élargissement de l'initiative de la signature d'un CRP aux représentants légaux d'un enfant. Ceci est de nature à favoriser l'adoption par les parents d'attitudes non plus passives et réactives, mais dynamiques et proactives, ce qui devrait renforcer l'efficacité du CRP qu'ils signeront. Toutefois, il faudra veiller à la publicité de cette mesure , afin que les parents soient bien informés de la nature et du contenu d'un CRP, ainsi que de la faculté qui leur est offerte d'en solliciter la conclusion.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (article L. 131-8 du code de l'éducation) - Prise en compte de la part des allocations familiales suspendue dans le calcul du revenu de solidarité active

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 4 de cette proposition de loi vise à éviter que la suspension des allocations familiales ne soit compensée par un rehaussement du revenu de solidarité active (RSA), pour les familles qui en sont les bénéficiaires.

En effet, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, le RSA est une allocation différentielle qui porte les ressources du foyer au niveau d'un revenu garanti calculé en faisant la somme d'une fraction des revenus professionnels des membres du foyer et d'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants à charge. Les allocations familiales sont prises en compte dans l'estimation des ressources du foyer, conformément à l'article L. 262-3 du même code, si bien qu'en cas de baisse du niveau d'allocations en raison d'une suspension, le RSA versé augmentera à due concurrence pour garantir le revenu du foyer.

Pour éviter que la suspension des allocations familiales soit privée de toute portée auprès des familles bénéficiaires du RSA, l'article 4 prévoit que la part d'allocations suspendue demeure prise en compte dans l'estimation des ressources du foyer (alinéas 3). Le montant du RSA versé restera donc inchangé. La même mesure est transposée dans les départements d'outre-mer et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon qui n'ont pas encore mis en place le RSA et conservent le dispositif du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de parent isolé (API) jusqu'au 1 er janvier 2011 (alinéas 5 et 7).

II - La position de votre commission

Le rapport du délégué interministériel à la famille sur les manquements à l'obligation scolaire en 2003 soulignait que le RMI tendait par son caractère différentiel à annuler les effets de la suspension des allocations familiales. 10 ( * ) Il était instauré de ce fait une grave inégalité entre les familles bénéficiaires de minima sociaux et celles dont les revenus supérieurs au seuil réglementaire leur en interdisaient le bénéfice.

Pour que la dissuasion éducative ne perde pas toute efficacité et pour restaurer l'égalité entre les familles, il apparaît nécessaire de garantir qu'aucun relèvement du RSA ou du RMI dans les collectivités d'outre mer ne viendra compenser la suspension des prestations familiales.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 bis - Élaboration dans chaque établissement scolaire d'un rapport annuel sur l'absentéisme

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

Afin de renforcer le suivi statistique de l'absentéisme scolaire, l'Assemblée nationale a inséré cet article additionnel, qui prévoit la présentation d'un rapport d'information annuel dans chaque école et chaque établissement du secondaire. Le conseil d'école pour les écoles primaires et le conseil d'administration seraient compétents pour élaborer et diffuser auprès de la communauté éducative le rapport sur l'absentéisme.

II - La position de votre commission

Une lutte efficace contre l'absentéisme scolaire nécessite un suivi rigoureux des dispositifs mis en place afin de les évaluer et de les adapter à la complexité des situations concrètes rencontrées dans chaque établissement. Il est donc primordial que l'éducation nationale se dote d'un outil statistique performant et que les données collectées localement soient mises à la disposition de la communauté éducative.

Les grandes tendances de l'absentéisme sont connues : il est nettement moins important au primaire qu'au secondaire, au collège qu'au lycée, au lycée général et technologique qu'au lycée professionnel. Cependant, le besoin se fait désormais sentir d'enquêtes détaillées et régulières sur le modèle de celle menée par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) sur l'année 2007-2008. À ces statistiques agrégées au niveau national, il faut joindre des données plus fines par établissement et par zone géographique afin de dresser un profil plus ressemblant d'un phénomène complexe et d'en mesurer avec plus d'exactitude l'ampleur.

C'est pourquoi votre commission accueille favorablement la présentation d'un rapport annuel sur l'absentéisme école par école, établissement par établissement . Dans la mesure où les chefs d'établissement procèdent déjà au pointage des absences, conformément aux articles R. 131-5 et R. 131-6 du code de l'éducation, et où bien souvent la saisie informatique des données en permet une extraction aisée, l'élaboration d'un rapport annuel ne devrait pas entraîner un surcroît de travail trop important.

En outre, la remise d'un rapport sur l'absentéisme n'aura pas qu'une utilité statistique, si ce document comporte un minimum de travail sur les données collectées avec un traitement par classe, par section, par âge et une réflexion partagée sur les causes locales de l'absentéisme constaté dans l'établissement. On peut en attendre des vertus pédagogiques . D'abord, l'ensemble des acteurs, enseignants, CPE, chefs d'établissement, parents et aussi enfants prendront pleinement conscience de l'ampleur globale de comportements très isolés et appréhendés de façon morcelée . Ensuite, ce rapport fournira l'occasion chaque année d'un dialogue entre tous ces acteurs afin de trouver les solutions les plus adaptées à la situation particulière de l'établissement. Enfin, il devrait être l'occasion d'un rapprochement entre les établissements d'une même zone , encouragés à se doter des mêmes procédures de mesure de l'absentéisme.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 - Rapport d'évaluation et mise en place d'un comité de suivi

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 5 de cette proposition de loi prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport évaluant les dispositifs de lutte contre l'absentéisme scolaire et d'accompagnement parental. Un comité de suivi pluraliste composé de députés et de sénateurs formulera parallèlement ses recommandations.

II - La position de votre commission

Quoique le Gouvernement ne respecte pas toujours les obligations qui lui sont faites à cet égard, l'absentéisme scolaire est un sujet suffisamment grave et délicat pour mériter tant la remise d'un rapport que la mise en place d'un comité de suivi, qui permettront de sortir des postures idéologiques et des imprécisions partisanes au profit d'une évaluation concrète et rigoureuse.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du lundi 12 juillet 2010, la commission a procédé à l'examen du rapport et à l'élaboration du texte pour la proposition de loi n° 586 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre l'absentéisme scolaire.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jacques Legendre, président . - Je précise que si nous examinons ce rapport aujourd'hui, c'est que le texte doit être examiné mi-septembre en séance publique. Mon souci était de ne pas vous mobiliser à la fin du mois d'août, pour que vous puissiez demeurer dans vos circonscriptions.

M. Pierre Martin . - Ce texte a au moins un mérite, celui d'exister... L'obligation scolaire, de 6 à 16 ans, dont le respect est placé sous la responsabilité des parents, doit être contrôlée par les enseignants. Il y a normalement dans les classes des registres d'appel, destinés à contrôler les présences. Hélas, les valeurs se perdent. On en vient à oublier ses responsabilités... Mais quand les enfants ne sont plus contrôlés, ils en prennent à leur aise, et que peuvent faire les parents s'ils ne sont pas prévenus ?

Il y a certes des enfants qui ne manifestent aucun intérêt pour l'école. Si la famille ne fait rien, les absences se multiplient. L'enfant a bien pris le car, mais pour aller faire un tour en ville... S'il n'y a pas de contrôle à l'école, à qui revient la responsabilité ?

Procéder par contrainte n'est pas la solution idéale. Et les familles avec un seul enfant ne touchent pas d'allocations familiales, ce qui limite la portée de la mesure... Il faut, cela est certain, responsabiliser les parents. Je vous suis quand vous recommandez plusieurs réunions pour informer de ce qu'est l'obligation scolaire. Mais une fois encore j'observe qu'autrefois, on exigeait, après toute absence, un mot d'excuse des parents ou un certificat médical...

Je voterai bien entendu ce texte mais j'estime qu'il faut, à l'intérieur de la « famille scolaire », trouver des solutions pour que chacun assume son rôle.

M. Jacques Legendre, président . - Merci pour ce rappel aux temps des hussards de la République...

M. Yannick Bodin . - Les membres du groupe socialiste voterons contre ce texte, qui propose un dispositif inadapté, inefficace, injuste, impraticable et pour clore par un cinquième « i », j'aurais pu ajouter imbécile, si le sens du mot n'ayant évolué, il n'était prudent de lui préférer celui de sot, en trois lettres.

M. Jacques Legendre, président . - Préservons le bon climat de cette commission.

M. Claude Domeizel . - Nous savons tous que cette loi a été dictée par des propos de café du commerce, où l'on supprime les allocations pour leur en faire voir, aux garnements qui s'absentent de l'école ! Or, nous savons aussi que, face à l'absentéisme, la réponse doit être éducative : nous devons montrer l'importance de l'école. Ce qui va se passer avec cette loi, à travers tout un long parcours qui va de l'école à la mairie et aux services sociaux, en passant par l'inspection d'académie, c'est qu'on va constituer des dossiers sur les élèves, on va les ficher : c'est inadmissible ! On saura que tel ou tel enfant a fait supprimer les allocations familiales chez lui, parce qu'il n'est pas allé à l'école : c'est insupportable !

Puisqu'un fichier va être ainsi constitué, qu'en pensera la CNIL ?

Mme Françoise Laborde . - Je m'exprime en mon nom propre, pour dire que j'ai été intéressée par les arguments de M. Martin. J'étais une fervente d'Hadopi, mais le passage à la réalité m'a montré les difficultés d'application des sanctions, au-delà des mesures d'information et d'éducation de l'internaute. Ici je suis sceptique, car je sais que les familles sont dans des situations très diverses, qu'elles ne sont pas toutes réceptives aux mesures éducatives. Aussi, je vais profiter de l'été pour réfléchir davantage et consulter : j'exprimerai mon avis en septembre.

M. Jacques Legendre, président . - De fait, la loi Hadopi commence seulement à être appliquée, les services se mettent en place. Je proposerai que nous examinions la situation dès la rentrée.

Mme Françoise Laborde . - J'ajoute une crainte : que les agents de la CAF, qui travaillent déjà à flux tendus, manquent de réactivité.

M. Jean-Pierre Plancade . - Je n'ai pas lu le texte, mais je sais que l'absentéisme est un véritable problème devant lequel nous ne devons pas nous dérober. Mme Ségolène Royal a proposé de rétablir les maisons de correction, est-ce une solution ? Je crois surtout qu'il ne faut pas perdre l'essentiel : l'éducation relève des parents. Je constate que l'enseignement se dégrade, notamment parce qu'au moins la moitié des nouveaux enseignants choisissent ce métier à défaut d'un autre, alors qu'avant, on faisait ce métier par conviction : c'est donc aussi la relation d'enseignement qui se dégrade, le rapport éducatif. Et l'absentéisme, c'est le début de la délinquance, ne l'oublions pas.

J'entends donc qu'on s'oppose à ce texte, mais quelles sont les propositions alternatives ? Il ne doit pas y avoir de tabou, surtout au nom de réalités qui n'ont plus cours. Je vous remercie donc, monsieur le président, d'avoir inscrit ce débat dès avant l'été.

Mme Marie-Agnès Labarre . - Le groupe CRC-SPG votera contre le rapport et contre cette loi injuste et inefficace. Le Gouvernement a reconnu l'inefficacité de telles mesures, lorsque M. Sarkozy était ministre. Du reste, nous n'avons pas de bilan des contrats de responsabilité parentale : il faut en faire l'évaluation !

M. Jean-Pierre Leleux . - Le contrat de responsabilité parentale existe depuis 2006, les départements n'ont pas été très nombreux à le mettre en place, car il nécessite un accompagnement des familles. Le mérite de cette proposition de loi, c'est d'organiser une alerte dès les premières absences, pour accompagner les familles qui sont souvent préoccupées par la situation de leur enfant, je peux en témoigner. Le contrat de responsabilité parentale fonctionne : dans les Alpes-Maritimes, nous avons mis en place une centaine de contrats, les familles sont satisfaites de trouver les institutions à leurs côtés.

La suspension des allocations familiales ne se produira que très rarement, mais elle fonctionnera comme une légère menace, utile à la pleine mobilisation des familles. Je voterai pour ce texte.

M. Claude Domeizel . - Les enseignants d'aujourd'hui n'ont pas moins de mérite que ceux d'hier, ils font tout autant leur travail, pour lequel ils sont formés, et il ne sert à rien d'accuser le corps enseignant !

M. Jean-Pierre Plancade . - Je le fais d'autant moins que ma fille est enseignante en ZEP : c'est bien pourquoi, aussi, je constate des changements, par rapport aux générations antérieures.

M. Yannick Bodin . - Il y avait plus d'absentéisme au début du XX e siècle qu'au début du XXI e siècle !

M. Jean-Pierre Plancade . - Vous savez bien que c'était pour d'autres raisons...

M. Jacques Legendre, président . - Ce texte est venu devant notre commission parce qu'il est de nature éducative, et j'ai travaillé à le faire reconnaître. Si son objet avait été principalement la suspension des allocations familiales, la commission des affaires sociales en aurait été saisie : voilà l'esprit de ce texte !

J'admets la comparaison avec la loi Hadopi, qui est effectivement longue à mettre en place. Avec Hadopi, nous n'avons pas cherché à supprimer par plaisir l'accès à Internet, mais à rappeler l'exigence républicaine consistant à payer le service utilisé, au bénéfice de la création. De même, ici, la perspective de suspendre les allocations familiales ne vise pas à faire des économies, mais à mobiliser les familles contre l'absentéisme à l'école. Des effets positifs d'Hadopi ont d'ailleurs été enregistrés avant même l'entrée en application de la loi : les ventes de disques ont progressé de 7 % depuis le début de l'année, c'est bien que des gens n'ont plus piraté sans retenue comme ils le faisaient auparavant. Ici encore, il s'agit de sensibiliser les parents, pour n'avoir pas à suspendre les allocations.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur . - L'absentéisme est une réalité, mais est-ce un tabou ? Il faut le traiter sans passion en évitant le tout-répressif comme l'angélisme, car ce qui est grave, c'est le risque de dérive vers la délinquance. Il faut briser un cercle infernal et prévenir des situations dramatiques en jouant des trois leviers à notre disposition. La responsabilité est d'abord celle des parents. Je siège au conseil d'administration d'un lycée hôtelier : on nous signalait récemment une amélioration des résultats mais une aggravation de l'absentéisme, désormais couvert par les parents. La suspension, puis la suppression des allocations familiales, est l'arme dissuasive et elle peut avoir des effets, car elle sera plus applicable que la loi actuelle, qui n'est pas appliquée. Il n'y a pas eu de signalement aux CAF depuis 2006 alors qu'il y en avait eu plus de 7 000 en 2002 ; mais après la suspension des allocations, il n'y avait plus que 700 récidivistes. La mesure marchera puisque le président du conseil général n'interviendra plus que pour proposer le contrat d'accompagnement parental. Enfin, l'Assemblée nationale a introduit l'article 1 er bis , qui fait obligation au directeur d'école ou d'établissement de recevoir les parents pour leur exposer le projet d'école et le règlement intérieur.

Pour toutes ces raisons, je propose un vote conforme.

M. Jacques Legendre, président . - Mes collègues peuvent poursuivre leur réflexion pendant l'été. Mais je dois néanmoins mettre aux voix la proposition de loi.

M. Serge Lagauche . - C'est comme toujours le gouvernement qui a demandé l'urgence pour l'Hadopi. Quant à ce texte, vous seriez plus crédibles si vous arrêtiez la révision générale des politiques publiques à l'Éducation nationale, qui devient intolérable, surtout à l'approche de la rentrée.

Conformément à la proposition du rapporteur, la commission a adopté le texte de la proposition de loi sans modification, dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Académie de Créteil : MM. William MAROIS, recteur et Daniel AUVERLOT, inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'Éducation nationale de la Seine-Saint-Denis

Agence du Service Civique : M. Martin HIRSCH, président

Assemblée des départements de France (ADF) : M. Luc BROUSSY, vice-président du conseil général du Val d'Oise, Mmes Catherine BERTIN, directrice de la communication, et Marylène JOUVIEN, chargée des relations avec le Parlement

Caisses nationale d'allocations familiales (CNAF) : M. Aymeric de CHALUP, responsable adjoint du département « Enfance et parentalité » et Mme Patricia CHANTIN, responsable des relations avec les parlementaires

Centre d'analyse stratégique : Mme Marine BOISSON, chef du département affaires sociales

Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE) : Mmes Christiane ALLAIN, vice-présidente et Cécile BLANCHARD, chargée de mission

Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP) : Mmes Claudine CAUX, vice-présidente, et Marie-Line BRUGIDOU, membre conseiller

Syndicat national des enseignements de second degré (SNES) : M. Daniel ROBIN, co-secrétaire général

Syndicat national des inspecteurs d'académie - Inspecteurs pédagogiques régionaux (SNIA-IPR) : MM. Jean-François LE BORGNE, président, Patrick DUPONT, membre du bureau du syndicat et LE PRAT, inspecteur

Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale (SNPDEN) : MM. Philippe TOURNIER, secrétaire général et Michel RICHARD, secrétaire général adjoint

Union nationale des associations familiales (UNAF) : M. Rémy GUILLEUX, administrateur au Conseil d'Administration et président du pôle « Éducation Jeunesse », Mmes Claire MENARD, responsable relations avec le Parlement et Patricia HUMANN, coordonnatrice Pôle Éducation Jeunesse

Union nationale des parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) : M. Christophe ABRAHAM, chargé des relations extérieures


* 1 L. Machard , Les manquements à l'obligation scolaire, janvier 2003, pp. 87-89.

* 2 L'absentéisme des élèves dans le second degré en 2007-2008, DEPP-MEN, note d'information 10.08, avril 2010.

* 3 Délinquance des mineurs : la République en quête de respect , rapport de M. Jean-Claude Carle, n° 340 (2001-2002).

* 4 Pour une analyse centrée sur les lycées professionnels, cf. Lutter contre l'absentéisme dans la voie professionnelle initiale, Rapport des IEN de l'académie de Créteil, novembre 2007 .

* 5 L'absentéisme des élèves dans le second degré en 2007-2008, DEPP-MEN, note d'information 10.08, avril 2010.

* 6 L'article L. 131-8 du code de l'éducation énumère limitativement les motifs légitimes d'absence : la maladie de l'enfant, la maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de la famille, une réunion solennelle de famille, un empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications et l'absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent.

* 7 La maladie de l'enfant, la maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de la famille, une réunion solennelle de famille, un empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications et l'absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent.

* 8 Montant maximal correspondant à une contravention de 4 e classe, conformément à l'article 131-13 du code pénal.

* 9 Lutter contre l'absentéisme dans la voie professionnelle initiale, IEN 2 nd degré, Académie de Créteil, novembre 2007, pp. 5-6.

* 10 Luc Machard , Les manquements à l'obligation scolaire, janvier 2003, p. 133.

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