EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa séance du jeudi 1 er juillet 2010, la commission a procédé à l'examen du rapport et à l'élaboration du texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 563 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques et la proposition de loi n° 411 (2009-2010) relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques .
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Jack Ralite . - Bien des questions demeurent. Pour la première fois, le système qui a fait l'originalité et le maintien même de notre cinéma, ce système mis en place au lendemain de la guerre, tout entier se trouve mis en cause. Car la solution qu'on nous propose, n'est rien d'autre que la copie conforme du système américain, qui ne compte que des grandes salles. En France, grâce en particulier à l'action des agences pour le développement régional du cinéma (ADRC), nous avons encore un réseau très dynamique de salles en milieu rural, en particulier le cinéma itinérant, qui vit bien !
Or, ce texte va aider les salles d'importance, en laissant de côté les plus petites et le cinéma itinérant : c'est la conséquence de l'introduction d'un tiers opérateur, d'un tiers financier, dont on a su se passer depuis la guerre en faisant travailler ensemble le public et le privé, dans l'intérêt du public et du cinéma. Le tiers financier va constituer un groupement financier, qui ne tardera pas, comme c'est partout le cas avec la finance, à prendre le pouvoir : c'est un tournant historique dans l'histoire de notre politique cinématographique !
Les grands exploitants se sont opposés farouchement à l'idée pourtant très bonne d'une taxe, qui aurait abondé un fonds de soutien à l'équipement numérique, ils ont mis en avant tous les investissements qu'ils avaient réalisés pour faire leurs multiplexes, puis l'Autorité de la concurrence est venue à leur secours, pour interdire un véritable fonds de mutualisation. Reste une redistribution, qui serait estimée à 10 millions, certaines rumeurs évoquent même 40, voire 70 millions. Mais ce qu'il faudrait, pour aider toutes les petites salles à s'équiper, c'est une enveloppe de 120 millions : en dessous de 100 millions, il y aura des victimes.
Quand les grands distributeurs ont vu que certaines salles étaient peu rentables et qu'ils ont concentré leur diffusion en centre-ville, ils ont fermé systématiquement leurs salles de banlieue, et il a fallu que les municipalités les rachètent, qu'elles maintiennent les équipements. Rien qu'en Seine-Saint-Denis, 17 salles ont été sauvées, c'est un succès, mais que vont-elles devenir si elles ne peuvent s'équiper ? Les collectivités territoriales, on le sait, n'ont plus les moyens d'intervenir, et la loi que le Gouvernement fait passer ces jours-ci va aggraver la situation. Il faut aider les salles, toutes les salles !
Le Médiateur, ensuite, n'a pas les pouvoirs qu'il lui faut...
M. Jacques Legendre, président . - Ses pouvoirs augmentent.
M. Jack Ralite . - Oui, mais ce n'est pas suffisant. Et il faut veiller aussi à la bonne application de la règle européenne de minimis : la pression est trop forte ! Le CNC lui-même ne s'est pas assez battu pour les petites salles... Je proposerai donc des amendements en séance.
M. Serge Lagauche, rapporteur . - Les règles ont été fixées au lendemain de la guerre, mais l'Europe, depuis, est passée par là ! Nous devons en tenir compte... Les grandes salles s'équipent, nous avons cherché à ce que les salles plus petites puissent suivre.
Le projet d'aide du CNC s'adresse aux établissements qui ne sont pas, du fait de leur programmation, susceptibles de générer suffisamment de contributions des distributeurs pour couvrir au moins les trois quarts du coût de leurs investissements. Elle est placée sous le régime d'exemption de minimis , qui autorise les Etats à accorder une aide de cette nature à condition qu'elle ne dépasse pas le montant de 200 000 euros sur trois exercices fiscaux consécutifs. Ce montant s'apprécie en cumulant toutes les aides perçues par un bénéficiaire donné, tous dispositifs publics confondus.
L'aide est réservée aux établissements n'appartenant pas à un circuit ou groupement de plus de 50 écrans, elle est destinée en priorité aux établissements de un à trois écrans, et sont exclus les établissements qui ont moins de cinq séances hebdomadaires en moyenne sur l'année et les circuits itinérants, qui feront l'objet d'un soutien spécifique.
Le CNC se mobilise, les collectivités territoriales également, et les autres dispositifs de modernisation des salles sont en vigueur.
Des distributeurs se sont inquiétés pour la programmation, car la concurrence est particulièrement vive sur les nouveaux films, mais la numérisation diminue de beaucoup les coûts de copie, dans une proportion considérable.
Sur la gestion, ensuite, je crois que le CNC est consolidé par les ordonnances, et le Médiateur dispose de pouvoirs nouveaux, en particulier sur l'investigation.
Enfin, le comité de concertation professionnelle pourra s'ouvrir à toute personnalité, et le comité de suivi parlementaire sera très vigilant sur le devenir des petites salles. Nous ferons un premier bilan dans un an, nous mesurerons alors quelles sont les difficultés.
Nous avons donc dû composer avec un système libéral, pour équiper notre réseau de salles au mieux que nous pouvons, mais nous n'allons pas cependant faire comme si les règles de concurrence n'existaient pas, ni revoter sur le traité européen...
Nous avons utilisé nos possibilités d'action, la régulation par les pics de copies a été obtenue à l'arraché, nous adaptons un système libéral, pour protéger la diversité de notre programmation. C'est le sens également des mesures sur le « hors film » et sur les territoires ruraux.
M. Jean-Pierre Leleux . - Puisque j'ai eu l'honneur d'être le cosignataire de notre proposition de loi, monsieur le président, je veux aussi rassurer M. Ralite. Le CNC se préoccupe de la diversité, ce texte en porte témoignage.
Cette loi est nécessaire, urgente mais pas suffisante : il faut la compléter par une aide aux salles de moins de trois écrans, aux salles en territoire rural et au cinéma itinérant. Cette aide complémentaire est en préparation, les premiers éléments dont nous avons connaissance sont rassurants.
Ce texte respecte l'avis de l'Autorité de la concurrence et les regrets du CNC sont, en quelque sorte, le gage de ce qu'il se mobilisera pour aider les plus petites salles. Nous facilitons donc l'adaptation à cette mutation technologique du numérique, c'est très important.
Mme Bernadette Bourzai . - Les professionnels étaient satisfaits par la proposition d'un fonds de mutualisation, l'intervention de l'Autorité de la concurrence les préoccupe vivement, car l'avenir des petites salles est en jeu. Le cinéma accessible est le résultat d'efforts très importants, qui sont nécessaires pour que les petites salles jouent le rôle d'animation qui est le leur. Les collectivités territoriales se mobilisent. En Limousin, nous avons lancé la numérisation de six écrans, avec un subventionnement de moitié : la région finance 15 %, l'État aussi, et le reste des subventions vient de l'Union européenne, à travers le programme opérationnel Massif central, qui concerne aussi l'Internet à haut débit. Venez le constater au cinéma de Neuvic, qui est passé au numérique ! Dans une région comme le Limousin, où la moitié de la population est rurale, l'investissement pour le cinéma a toute son importance.
M. Serge Lagauche . - La situation des territoires ruraux doit être prise en compte, c'est ce que fait ce texte.
M. Jack Ralite . - On a évoqué la somme de 10 millions, puis de 40 à 70 millions, saura-t-on bientôt ce qu'il en est ?
L'ADRC, où j'ai longtemps siégé, s'attachait à prendre en compte la création et le pluralisme de la programmation, d'un cinéma pour tous les publics et tous les territoires : puisse cette philosophie qui a prévalu depuis soixante ans et fait travailler ensemble le public et le privé, puisse cette belle oeuvre collective ne pas être oubliée !
La proposition de loi est adoptée sans modification dans la rédaction de l'Assemblée nationale.