Rapport n° 457 (2009-2010) de M. René BEAUMONT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 18 mai 2010
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INTRODUCTION
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE I -
VERS UNE CONVENTION-CADRE SUR L'UTILISATION DES COURS D'EAU À D'AUTRES FINS QUE LA NAVIGATION
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ANNEXE II -
L'ÉGYPTE MENACE DE FAIRE LA GUERRE POUR LES EAUX DU NIL
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ANNEXE III -
OFFENSIVE DIPLOMATIQUE DE L'EGYPTE POUR PRÉSERVER SES DROITS SUR LE NIL
N° 457
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 mai 2010 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant l' adhésion à la convention des Nations unies de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d' eau internationaux à des fins autres que la navigation ,
Par M. René BEAUMONT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca. |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : |
2009 , 2433 et T.A. 441 |
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Sénat : |
402, 458 (2009-2010) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'eau douce, récemment rebaptisée « or bleu » par référence à « l'or noir » que représente le pétrole, va devenir, sans conteste, un enjeu géopolitique majeur du XXIème siècle.
Les rivalités, et même les conflits, pour la possession de cette ressource limitée, sont déjà apparus sur plusieurs points du globe, sous l'effet conjugué des pressions démographique et économique.
Dès 1970, l'Organisation des Nations Unies s'est saisie de cette question : son Assemblée générale a alors demandé à sa Commission de Droit International (CDI), d'étudier les normes internationales existantes en matière d'utilisation des cours d'eaux internationaux à d'autres fins que la navigation, et de proposer de les compléter, si nécessaire.
Les travaux de la CDI ont conduit à l'élaboration d'une convention-cadre, soumise à la 49 e session de l'Assemblée générale, réunie en 1994. L'Assemblée générale a proposé aux États membres de l'étudier, pour y apporter leurs observations et commentaires avant le 1 er juillet 1996.
Ce processus a conduit à l'adoption le 21 mai 1997, par l'Assemblée générale, de la convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation.
I. LES IMPORTANTS ENJEUX DE SOUVERAINETÉ CONTENUS DANS LA CONVENTION DE 1997 ONT CONDUIT À SA RATIFICATION PAR UN NOMBRE RESTREINT D'ÉTATS
La Convention adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 21 mai 1997 constitue le premier texte international posant les principes de la gestion concertée des cours d'eau internationaux et incitant les État riverains à une coopération en ce domaine . Cette initiative contrarie les intérêts de ceux des États qui estiment que la gestion des fleuves les traversant relève de leur seule souveraineté nationale. Cette réticence s'est manifestée durablement, comme en témoigne le fait que la Convention n'est pas encore entrée en vigueur, faute des 35 signatures ou ratifications nécessaires.
Le texte de 1997 adopté par 103 voix pour, 3 contre (Burundi, Chine et Turquie), a été marqué par un nombre important d'abstention, 27, dont celle de la France.
La position de notre pays, fondée sur un litige aujourd'hui dépassé, lié aux rejets dans le Rhin des Potasses d'Alsace, a évolué et la convention est soumise au Sénat pour ratification, après sa récente adoption par l'Assemblée nationale.
A. UNE CONVENTION D'UNE PORTÉE POTENTIELLE CONSIDÉRABLE
Selon les chiffres avancés par le programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il existe dans le monde 263 fleuves transfrontaliers, dont plus de 150 étaient, en 2010, dépourvus de tout cadre coopératif.
La Convention de 1997 vise donc à inciter les États riverains à la coopération. Mais son adoption a été précédée de vives oppositions -dont beaucoup restent vivaces- entre les États favorables au maintien du statu quo et ceux désireux que les accords existants soient considérés, sinon comme caducs, du moins comme devant être révisés.
B. UN TEXTE NOVATEUR QUI INCITE À LA COOPÉRATION LES ÉTATS RIVERAINS D'UN FLEUVE TRANSFRONTALIER
Le présent texte n'a, en effet, pas de caractère contraignant. Il dispose ainsi, dans son article 3, qu'« à moins que les États du cours d'eau n'en soient convenus autrement, la présente Convention ne modifie en rien les droits ou obligations résultant, pour ces États, d'accords en vigueur à la date à laquelle ils sont devenus parties à la présente Convention ». Dans les principes généraux qui constituent sa deuxième partie, la première étant consacrée à son champ d'application et aux définitions des termes-clés de « cours d'eau », « accords de cours d'eau », et « parties à ces accords », il détermine les notions d'utilisation et participation équitables et raisonnables des États riverains à la gestion des cours d'eau et en définit les facteurs pertinents (article 5 et 6). Il pose l'obligation de ne pas susciter de dommages aux autres États riverains et de coopérer pour parvenir à « l'utilisation optimale et la protection adéquate du cours d'eau international » (articles 7 et 8).
Il incite ces États à un échange régulier de données, notamment sur le débit et la qualité des eaux, et souligne que, dans leur utilisation, « une attention spéciale est accordée à la satisfaction des besoins humains essentiels » (articles 9 et 10).
La troisième partie de la Convention établit des règles de procédures sur l'échange d'information et de notifications obligatoires préalables à la mise en oeuvre de mesures susceptibles d'avoir des effets négatifs sur les autres États riverains (articles 11 à 19).
Les quatrième et cinquième parties du texte incitent à l'établissement de mécanismes de gestion concertée de ces fleuves (articles 20 à 28), et la sixième partie, ainsi que l'annexe, déterminent les modalités de règlement des différends, par l'arbitrage (articles 29 à 33).
Enfin, la septième partie organise les clauses de ratification et d'entrée en vigueur de la Convention (articles 34 et 37).
II. UN LIBRE ACCÈS À L'EAU PROCURE AUX ÉTATS QUI EN DISPOSENT UN AVANTAGE STRATÉGIQUE QUI VA CROISSANT
A. DES INTÉRÊTS DIVERGENTS ENTRE LES ÉTATS SELON LEUR SITUATION GÉOGRAPHIQUE
Au refus de la convention, pourtant seulement incitative, de 1997, clairement manifesté par la Chine, la Turquie et le Burundi, s'est ajoutée l'hostilité d'États craignant que leur situation favorable en matière d'accès à l'eau ne soit fragilisée par ce texte. Ces réticences découlent de deux éléments essentiels :
L'impact de la Convention sur les accords existants : les Etats « conservateurs », partisans d'un statu quo , se sont opposés aux « révisionnistes » voulant faire admettre la caducité des accords déjà existants, ou, au moins, la possibilité de révision de ceux-ci.
Les modalités de règlement des différends qui pourraient naître de l'interprétation ou de l'application de la future convention ont également été âprement discutées. Ce sont des mécanismes pacifiques de règlement des conflits en cas de désaccords qui ont finalement été retenus.
B. LA PRÉSENTE CONVENTION CONSTITUE UN APPORT JURIDIQUE UTILE DANS UN CONTEXTE TENDU
Les zones de conflit hydrique sont nombreuses, et situées sur tous les continents, hormis le nord de l'Europe, qui jouit de ressources abondantes. Par ailleurs, les Etats membres de l'Union européenne ont adopté, en 2000, une directive cadre sur l'eau, plus contraignante que la présente convention.
Le ministère des affaires étrangères et européennes présente ainsi les principales zones de conflit, potentiel ou ouvert, liées à l'accès à l'eau :
- Le bassin du Jourdain est marqué par des tensions croissantes entre Israël, la Jordanie et les Territoires palestiniens ;
- Le bassin du Tigre et de l'Euphrate : la Turquie, située en amont, contrôle 90 % des eaux de l'Euphrate, alors que ce fleuve, avec le Tigre, irrigue en aval la Syrie et l'Irak, qui en dépendent étroitement ;
- Le bassin du Nil 1 ( * ) ;
- Le bassin de la Mer d'Aral ;
- Les bassins transfrontaliers d'Afrique, notamment d'Afrique de l'Ouest ;
- Le bassin du fleuve Amour , qui oppose la Chine à la Russie ;
- Le rio Silala , pour lequel le Chili et la Bolivie sont en concurrence ;
- Les Etats-Unis et le Mexique s'opposent sur la gestion du Colorado et du Rio Grande .
Il s'agit là des zones de conflits ouverts, qui se traduisent par des tensions diplomatiques plus ou moins vives, et qui ne sont pas exclusives d'autres affrontements non identifiés à ce jour.
La convention de 1997 fournit aux Etats qui le souhaiteraient un cadre juridique clair, et promu par l'ONU, pour une gestion concertée des fleuves transfrontaliers.
Ce texte, même s'il n'est pas encore entré en application faute des 35 ratifications requises, a déjà permis des avancées notables. Ainsi, les six pays riverains de la Volta (Bénin, Burkina-Faso, Côte d'Ivoire, Ghana, Mali et Togo) ont-ils conclu en 2007 une convention portant statut de ce fleuve, et créant l'Autorité du bassin de la Volta , qui s'appuie sur la convention de 1997.
De même, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal ont actualisé, en 2002 , avec la charte des eaux du Fleuve Sénégal , inspirée par la convention de 1997, l'organisation pour la mise en valeur de ce fleuve, établie en 1972. Dans ces deux cas, la notion de bassin versant d'un fleuve, sur lequel s'appuie le texte de 1997, constitue la base de la coopération interétatique.
CONCLUSION
La position de la France envers la convention de 1997 a évolué : à une abstention initiale, due à un contentieux désormais résolu à son avantage, s'est substitué l'engagement, pris lors du Forum mondial de l'eau réuni à Istanbul en 2009, de ratifier cette convention.
Notre pays disposera ainsi d'une position plus claire lors du prochain Forum mondial, qui se tiendra à Marseille en 2012.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 18 mai 2010, sous la présidence de M. Josselin de Rohan, président, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.
M. Josselin de Rohan, président - La raréfaction des ressources en eau représente en effet un problème majeur, comme en témoigne la multiplication des projets de barrages, par exemple en Chine. Le récent accord conclu entre quatre pays d'amont du Nil, contre la volonté de l'Egypte, constitue un exemple des conflits à venir. La présente convention suggère la recherche d'arbitrages de ces conflits par voie diplomatique : c'est une suggestion positive mais limitée.
M. Robert del Picchia - Le problème du partage des eaux du Jourdain entre Israël et les Territoires palestiniens est un des plus aigus, et a conduit à l'échec de la IVe conférence euro-méditerranéenne sur l'eau, organisée par l'Union pour la Méditerranée à Amman en Jordanie.
M. Josselin de Rohan, président - En effet, Israël bloque tous les projets visant à améliorer les ressources en eau des Territoires palestiniens, auxquels il accepte simplement de vendre de l'eau. Ainsi, le projet d'usine de dessalement d'eau de mer envisagé à Gaza, qui permettrait de satisfaire tous les besoins de la Cisjordanie s'est-il heurté au refus israélien.
M. André Vantomme - Je souhaite, du fait de l'importance du sujet, que ce texte soit discuté en séance publique.
M. Josselin de Rohan, président - Votre demande est de droit.
Puis la commission adopte le projet de loi.
ANNEXE I -
VERS UNE
CONVENTION-CADRE SUR L'UTILISATION DES COURS D'EAU À D'AUTRES FINS QUE
LA NAVIGATION
Par LACHERET Cécile
Dernière mise à jour : mai 2009 - Première publication : septembre 1995
Sous l'égide des Nations-Unies s'est engagé un processus d'élaboration d'une convention relative à l'utilisation des cours d'eau transnationaux, dont l'intérêt est de traiter simultanément de l'usage équitable de ces cours d'eau - chaque État devant aussi prendre en compte l'intérêt de son voisin - et de la coopération dans la préservation des écosystèmes concernés. Il y a lieu, toutefois, de s'interroger sur la capacité des États à dépasser leurs modes traditionnels de relation pour se porter à la hauteur des enjeux. L'eau, essentielle à la vie, est constamment mise en péril par l'activité humaine. Une action concertée à l'échelle internationale s'avère nécessaire pour assurer un approvisionnement en eau potable pour tous. En décembre 1970, l'Assemblée générale des Nations-Unies demandait à la Commission de droit international (CDI) d'étudier le droit relatif à l'utilisation des cours d'eaux internationaux à d'autres fins que la navigation. Cette Commission des Nations-Unies, fondée en 1946, est formée de conseillers juridiques experts. Elle prépare des projets de conventions (traités multilatéraux) sur des questions d'actualité et codifie le droit international là où des pratiques entre États se sont visiblement imposées. En juin 1994, la CDI adoptait 33 projets d'articles de loi et une résolution sur « les eaux souterraines des zones transfrontalières ». Ces projets ont été déposés à l'Assemblée générale à l'automne 1994, avec la recommandation qu'ils servent à l'élaboration d'une convention de l'Assemblée ou à la mise sur pied d'une conférence internationale des plénipotentiaires. Lors de sa 49e session en 1994, l'Assemblée a adopté une résolution invitant ses États membres à déposer par écrit avant le 1er juillet 1996, leurs commentaires et observations sur les propositions de la CDI. Les recommandations de la CDI : Principes et innovations La CDI définit un cours d'eau comme étant une nappe d'eau souterraine ou de surface comprenant rivières, fleuves, lacs, nappes phréatiques, glaciers, réservoirs et canaux (article 2). Deux principes généraux du droit international des cours d'eau inspirent le texte de la CDI : la jouissance de notre propriété et la conduite de nos activités ne doivent pas causer de nuisances aux autres. l'État qui partage avec d'autres États un système hydrographique doit prendre en considération leurs intérêts au même titre que le sien (doctrine de l'usage équitable). L'utilisation de l'expression « écosystème » dans le projet de la CDI marque un progrès par rapport à celui d'« environnement » utilisé dans les premières versions : il permet l'élargissement du champ visé en mettant l'accent sur l'interdépendance qui existe entre ceux qui utilisent et tirent avantage d'un système hydrographique, y compris les agents non humains. Le projet de la CDI se veut aussi applicable à la protection et la gestion des cours d'eau liées à leur utilisation. La grande diversité des cours d'eau individuels rend difficile l'établissement de principes de droits généraux universellement applicables. Le principe d'une convention-cadre permet à la CDI de surmonter cet obstacle. Ce type d'approche, décrit à l'article 3, permet aux États partageant un même système hydrographique de conclure des ententes lorsque les dispositions prévues par la CDI sont adaptées aux caractéristiques des cours d'eau concernés. Équité en matière de partage et d'usage des cours d'eau Un usage équitable : la règle première prévoit qu'un État a le droit d'utiliser un cours d'eau transfrontalier d'une manière juste et raisonnable, mais qu'il a l'obligation de ne pas priver un autre État de ce même usage. Un partage équitable : pour réaliser l'utilisation optimale d'un cours d'eau partagé par plusieurs États et en tirer tous les bénéfices, ceux-ci doivent coopérer à la protection et à l'aménagement de ce cours d'eau. L'article 8 du projet prévoit l'obligation commune des Etats partageant un même cours d'eau de coopérer à la réalisation des objectifs fixés dans les articles de la loi en projet. L'article 10 établit le principe directeur selon lequel aucun usage ne peut se prévaloir d'une priorité intrinsèque par rapport à d'autres usages (sauf en cas d'entente ou de pratique préalables). Protection des écosystèmes et prévention de la pollution La CDI note que l'interférence humaine « peut modifier de façon irrévocable l'équilibre des écosystèmes d'eaux douces » et rendre ainsi ces écosystèmes incapables de « soutenir la vie humaine ou toute autre forme de vie ». D'où l'article 20 qui stipule l'obligation générale de protéger et préserver les écosystèmes. Des mesures individuelles ou conjointes devront prévenir, réduire et contrôler la pollution des cours d'eau transfrontaliers. Les États devront également harmoniser leurs politiques respectives quant à la pollution des eaux. La CDI propose des mesures préventives concernant les « substances toxiques dont la dégradation est lente et qui ont un effet cumulatif sur l'organisme vivant ». Elle fait mention de la nécessaire coopération entre Etats pour assurer la régulation du débit des cours d'eau. Elle envisage également la protection et l'usage des cours d'eaux internationaux lors des conflits armés ainsi que des règles de base pour la résolution des litiges. Les recommandations de la CDI peuvent aider à l'établissement d'ententes spécifiques à certains bassins hydrographiques, mais rien évidemment ne permet d'assurer que les États les suivront. De plus, si une entente est conclue, ces États devront définir et appliquer les termes de leur coopération. Si ce n'est déjà pas simple lorsqu'il s'agit de deux États, la difficulté est encore plus grande s'il s'agit de plusieurs États partageant un cours d'eau principal (Nil, Amazone, Rhin, par exemple). Même des lois-cadres exhaustives ne pourront suffire sans des institutions capables d'assumer la gestion des ressources, une volonté politique, des moyens financiers et techniques permettant de recueillir des données valables et de les partager. SOURCE Terry Mueller et Allan McChesney, Écodécision, n°17, 1995/07 : « Le droit relatif à l'utilisation des cours d'eau internationaux à d'autres fins que la navigation ». Post-scriptum (Olivier Petitjean, 2009) La convention sur l'utilisation des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation a été officiellement adoptée par les Nations-Unies en 1997. En mars 2009, la France a annoncé qu'elle ratifierait cette convention, rejoignant les 16 pays qui l'avaient déjà fait à cette date (il en faut 35 pour que la convention entre en vigueur). La Chine et la Turquie (deux pays d'amont) figurent parmi les principaux opposants de cette convention-cadre. Il est difficile de juger de l'impact concret de la convention dans ces conditions, mais il semble par exemple que sa ratification par l'Afrique du Sud et le Mozambique ait conduit à une révision des règles du jeu de la gestion des fleuves transfrontaliers d'Afrique australe. Rappelons que l'on ne compte pas moins de 263 fleuves transfrontaliers dans le monde, dont, selon le PNUD, 157 étaient encore dépourvus de tout cadre coopératif en 2006. Une convention-cadre spécifique sur les aquifères souterrains est désormais en préparation (voir le texte La question des aquifères souterrains transfrontaliers). |
ANNEXE II -
L'ÉGYPTE
MENACE DE FAIRE LA GUERRE POUR LES EAUX DU NIL
Le Figaro - 17 mai 2010
Quatre pays africains, riverains du fleuve, ont décidé de revoir le partage de ses ressources hydrauliques. L'Égypte le redoutait. C'est arrivé. Au bout de dix ans de négociations, quatre pays africains riverains du Nil ont conclu seuls un accord pour se partager les eaux du fleuve nourricier, sans lequel l'Égypte ne serait qu'un vaste désert. Réunis à Entebbe, en Ouganda, l'Éthiopie, le Rwanda, la Tanzanie et l'Ouganda, qui demandaient en vain à l'Égypte de participer aux négociations, ont signé vendredi un texte créant une commission chargée de gérer les projets d'irrigation, canaux ou barrages, sur la totalité des 6 700 km du Nil. Le Kenya devrait prochainement les rejoindre. La commission, qui aura droit de veto sur toute infrastructure concernant le Nil, devrait être basée à Addis-Abeba, la capitale de l'Éthiopie, puissance régionale. Une injure supplémentaire pour Le Caire, qui a aussitôt rejeté l'accord, avec des intonations martiales. «Les droits historiques de notre pays restent une ligne rouge», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit. Le ministre de l'Eau, Mohammed Allam, assure que l'Égypte «se réserve le droit de prendre toutes les mesures», évoquant ainsi la perspective d'une guerre de l'eau. Pour Le Caire, il s'agit d'une question vitale. Les 80 millions d'Égyptiens reçoivent du Nil 90 % de leurs ressources en eau. Un rapport officiel prévoit néanmoins un déficit pour 2017. Le gouvernement égyptien s'appuie sur le droit international. Un texte de 1959 réserve la part du lion à l'Égypte, avec 55 milliards de mètres cubes, et au Soudan, le pays où se rejoignent le Nil Blanc et le Nil Bleu, avec 18,5 milliards de mètres cubes. À eux deux, l'Égypte et le Soudan, qui a lui aussi rejeté l'accord d'Entebbe, trustent 87 % de l'eau du Nil. C'est cet arrangement que les quatre pays riverains veulent réformer. «L'eau du Nil appartient à tous les pays, pas à un petit nombre», a déclaré le ministre des Ressources hydrologiques éthiopien. L'Éthiopie, 85 millions d'habitants, abrite la source du Nil Bleu (85 % du débit) dans le lac Tana, et l'Ouganda, 31 millions d'âmes, celle du Nil Blanc dans le lac Victoria. Ces deux pays cherchent à se développer. L'Éthiopie a décidé de devenir le principal exportateur d'électricité en Afrique de l'Est. L'Initiative du bassin du Nil (IBN), jusqu'ici compétente, gère 22 projets de canaux ou de barrages. Les dirigeants égyptiens essaient de se rassurer en espérant que les États dissidents auront du mal à trouver des capitaux. C'est compter sans la Chine, qui finance déjà de nombreux chantiers et agira selon ses intérêts. Facteur d'inquiétude supplémentaire pour Le Caire, l'accord controversé a été signé à huit mois du référendum de janvier 2011, qui risque d'entériner la sécession de la partie sud du Soudan, où transite le Nil Blanc. Or l'Éthiopie et l'Ouganda figurent parmi les alliés historiques de l'ancienne guérilla du Sud, futur gouvernement de l'éventuel nouvel État. Ce n'est pas une bonne nouvelle, entre autres, pour le chantier du canal de Jonglei, situé au Sud-Soudan et toujours en panne malgré la fin de la guerre civile Nord-Sud en 2005. L'Égypte compte beaucoup sur ce projet, qui devrait améliorer le débit du Nil Blanc. Le Caire peut-il pour autant mettre ses menaces à exécution ? En réalité, on voit mal l'armée égyptienne se lancer dans des expéditions contre des pays lointains et disposant de forces aguerries. La guerre de l'eau n'aura sans doute pas lieu. «L'Égypte devra probablement négocier et perdre au passage une partie de son prestige et de son influence dans la région», estime Sophie Pommier, consultante spécialiste de l'Égypte. |
ANNEXE III -
OFFENSIVE
DIPLOMATIQUE DE L'EGYPTE POUR PRÉSERVER SES DROITS SUR LE NIL
AFP - 19 mai 2010
LE CAIRE, 19 mai 2010 (AFP) - L'Egypte a fait savoir mercredi qu'elle allait intensifier ses efforts diplomatiques pour préserver ses "droits historiques" sur l'utilisation des eaux du Nil, menacés par un nouveau traité signé par des pays africains en amont du fleuve. Le ministre de l'Eau et de l'Irrigation, Mohammed Allam, s'est envolé mercredi pour Khartoum, principal allié de l'Egypte dans ce dossier, a annoncé l'agence officielle égyptienne Mena. M. Allam et ses interlocuteurs soudanais doivent discuter des "moyens de maintenir les droits des deux pays" --qui portent actuellement sur 87% du débit du fleuve--, selon l'agence. Ce dossier devrait également être au centre d'une visite de quatre jours au Caire, à partir de samedi, du Premier ministre du Kenya Raila Odinga, dont le pays a signé mercredi un nouveau traité plus avantageux pour les pays de l'amont, rejoignant l'Ethiopie, le Rwanda, l'Ouganda et la Tanzanie qui l'ont déjà paraphé vendredi dernier. Le Caire, selon la Mena, attend également le 29 mai une visite du président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila, et en juin du président du Burundi Pierre Nkurunziza. Ces deux pays de l'amont du bassin du Nil n'ont pour l'instant pas rejoint les signataires du nouvel accord. L'Egypte compte aussi dépêcher dans les prochaines semaines ses ministres de l'Agriculture Amine Abaza et des Investissements Mahmoud Mohieldine en Ethiopie et en Ouganda. Le nouveau texte est destiné à revenir sur deux traités précédents datant de l'époque coloniale (1929 et 1959) accordant à l'Egypte 55,5 milliards de m3 et 18,5 mds, soit des droits sur 87% au total du débit du fleuve. Les accords actuels donnent en outre à l'Egypte un droit de veto sur tout projet en amont qu'elle jugerait préjudiciable à ses intérêts. L'Egypte a ces derniers jours fait alterner les propos conciliants et les déclarations plus menaçantes, en plaidant pour davantage de négociations tout en assurant qu'elle s'opposerait à tout projet de barrage, pompage, irrigation etc. dans ces pays qui affecterait le débit du fleuve en aval. Le Caire "n'hésitera pas à prendre des dispositions juridiques et diplomatiques pour empêcher tout projet qui affecterait le quota de l'Egypte ou le débit du Nil sur son territoire", a réaffirmé mardi M. Allam. L'Egypte se prévaut du fait que les accords actuels restent valables tant qu'ils ne sont pas modifiés à l'unanimité. Elle souligne aussi le caractère vital de ses droits sur un fleuve qui lui fournit 90% de ses besoins en eau, alors que les pays africains de l'amont bénéficient d'une pluviométrie bien meilleure que l'Egypte désertique. jaz-cr/vl - AFP |
* 1 Voir les annexes II et III