C. REMARQUES SUR L'EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 2009
1. Une exécution à nouveau perturbée
Chaque année, un taux d'engagement élevé des crédits de la mission est constaté. Ainsi, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, au 30 juillet 2009, ce taux atteignait plus de 70 % en AE.
Il convient d'observer par ailleurs que l'exécution budgétaire 2009 se caractérise à nouveau par un profil perturbé . Comme à l'accoutumée, la budgétisation « au plus juste » , pour ne pas dire insuffisante, de la mission ne permet pas de faire face aux conséquences des crises qui affectent traditionnellement le monde agricole, qu'elles soient de nature climatique, sanitaire ou économique .
Pour la troisième année consécutive, l'absence de dotation en loi de finances initiale du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) a ainsi conduit à des abondements en cours d'exécution.
De même, les importants dégâts provoqués par le passage de la tempête Klaus les 24 et 25 janvier 2009 12 ( * ) ont conduit à la mise en oeuvre d'un plan d'urgence pour la filière bois, annoncé le 12 février 2009. Ce plan a été abondé en début d'exercice par un redéploiement de 11,8 millions d'euros en AE et CP, par un report des crédits non consommés au 31 décembre 2008, soit 1,49 million d'euros en AE et 0,38 million d'euros en CP, et, enfin, par le dégel intégral de la réserve de précaution constituée sur le programme, soit 5,86 millions d'euros en AE et 6,68 millions d'euros en CP. L'insuffisance de ces crédits a conduit à l'ouverture de 108,95 millions d'euros d'AE et 70,1 millions d'euros de CP supplémentaires en loi de finances rectificative 13 ( * ) . Votre rapporteur spécial relève que cette enveloppe globale de 128 millions d'euros d'AE et 89 millions d'euros de CP n'a pas permis de pourvoir aux besoins et a conduit au recours à un décret d'avance en novembre 2009 14 ( * ) , de manière à ouvrir 43,8 millions d'euros supplémentaires en AE .
La crise traversée par l'ensemble des filières agricoles devrait encore conduire à l'ouverture de crédits supplémentaires à l'occasion de la loi de finances rectificative de fin d'année .
Le projet de loi n °2070 (AN-XIII e législature), en cours d'examen à l'Assemblée nationale, propose ainsi d'ouvrir 638,5 millions d'euros de crédits supplémentaires (en AE=CP). Au sein de cette enveloppe, 19 millions d'euros abonderaient le programme 149 de manière à permettre le versement d'une subvention exceptionnelle à l'Office national des forêts (ONF), 60 millions d'euros financeraient la nouvelle campagne de vaccination contre la fièvre catarrhale ovine (FCO) annoncée lors du sommet de l'élevage du 7 octobre 2009, et, enfin, 559,5 millions d'euros sont destinés au programme 154 . Cette dernière somme devrait être répartie de la manière suivante :
- 344,6 millions d'euros au titre de l'apurement d'une partie des dettes de l'État vis-à-vis du régime agricole de sécurité sociale ;
- 104,9 millions d'euros au titre des refus d'apurement communautaire constatés en 2008 et du préfinancement d'aides communautaires en 2009 ;
- 60 millions d'euros au titre de la bonification de prêts aux agriculteurs ;
- 50 millions d'euros au titre de la compensation à la mutualité sociale agricole de nouvelles mesures d'allègements de charges sociales .
Sur l'effort de 650 millions d'euros de soutien exceptionnel annoncé par le Président de la République dans son discours sur l'agriculture du 27 octobre 2009 à Poligny (Jura), une proportion non négligeable , d'environ un quart, devrait donc porter sur l'exercice 2009 , principalement par l'intermédiaire des prêts bonifiés et des mesures d'allègements de charges.
Si ces mesures d'urgence devraient être de nature à limiter les difficultés de fin de gestion , fréquentes s'agissant de cette mission, elles n'empêcheront pas de dresser à nouveau le constat d'une sur-exécution en 2009 .
Votre rapporteur spécial rappelle que sur l'exercice 2008, l'exécution budgétaire avait dépassé la prévision d'environ 9 %. Ces dépassements, déjà observés les années précédentes, témoignent du sous-calibrage chronique des crédits de cette mission en loi de finances initiale .
2. Des reports de charges en augmentation
La prépondérance, au sein de la mission, des dépenses d'intervention, souvent pluriannuelles et instables, entraîne des reports de charges importants 15 ( * ) .
Dans sa contribution au rapport 16 ( * ) sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour 2008, votre rapporteur spécial relevait ainsi 214,17 millions d'euros de reports de charges en CP, dont 102,49 millions pour la seule couverture des refus d'apurement communautaire.
Il se félicitait de cette baisse notable des reports de charge en 2008 par rapport à ceux de l'exercice 2007 17 ( * ) , qui atteignaient 598,53 millions d'euros en CP, soit 21 % des crédits de paiement votés en loi de finances initiale.
Selon les réponses du MAAP au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial, cette réduction des reports de charges n'est pas confirmée en 2009 .
Ils pourraient atteindre en fin d'exercice, au moins 331 millions d'euros de CP, répartis comme suit :
- 290,5 millions d'euros en CP sur le programme 154. Au sein de ces montants, environ 195 millions d'euros correspondent aux seuls refus d'apurement communautaire notifiés et non couverts 18 ( * ) ;
- 40,5 millions d'euros en CP sur le programme 206, dont 36 millions d'euros pour le service public de l'équarrissage .
D'après les informations transmises par le MAAP, l'évaluation de la plupart des reports de charges reste soumise à des incertitudes fortes , qui résultent notamment de leur caractère prévisionnel et des remontées inégales d'informations en provenance d'opérateurs ou des services déconcentrés. Parmi les remontées d'informations incertaines, le MAAP mentionne par exemple les aides payées par le CNASEA et désormais par l'ASP.
Votre rapporteur spécial ne peut donc que réitérer pour 2010 son souhait d'une meilleure gestion et inviter dans le même temps le ministère à suivre les recommandations de la Cour des Comptes concernant l'amélioration de l'évaluation et de la justification de ses reports de charges 19 ( * ) .
* 12 Au moins 43 millions de mètres cubes de bois ont été déracinés, selon l'inventaire forestier national (IFN). Le massif forestier de l'Aquitaine a été particulièrement dévasté et les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ont également été atteintes.
* 13 Loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finance rectificative pour 2009. Cette loi a également conduit à ouvrir 16 millions d'euros en AE et 13 millions d'euros en CP sur le programme 206 au profit du service public de l'équarrissage.
* 14 Décret n° 2009-1368 du 9 novembre 2009 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance. Votre rapporteur indique que votre commission des finances a rendu sur ce projet de décret d'avance un avis, assorti d'une note explicative :
cf. http://www.senat.fr/commission/fin/decret_avance/note_explicative.pdf.
* 15 Les reports de charges correspondent à des engagements dont les paiements n'ont pu être couverts en cours d'année faute de CP suffisants. Le paiement est donc repoussé à l'exercice budgétaire suivant.
* 16 Rapport n° 542 (2008-2009), p.33.
* 17 D'après le MAAP, cette réduction des reports de charges était essentiellement imputable à une réévaluation des montants, parfois surestimés, à des ouvertures en gestion ainsi qu'à des efforts du ministère dans sa gestion.
* 18 À la demande de votre rapporteur spécial, la question de l'inscription budgétaire des refus d'apurement communautaire a fait l'objet d'une enquête confiée à la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF. Les conclusions de votre rapporteur spécial ont fait l'objet d'un rapport intitulé « PAC, la France à l'amende » (n° 93, 2008-2009).
* 19 Cf. la note de la Cour des Comptes sur l'exécution budgétaire 2008 de la mission.