C. LE RÔLE DÉTERMINANT DES OPÉRATEURS ET GESTIONNAIRES D'INFRASTRUCTURES
Avec 3,69 milliards d'euros de concours budgétaires, l'AFITF, RFF (qui n'est pas un opérateur de l'Etat) et VNF mobilisent l'essentiel des crédits du programme. Cette situation justifie une vigilance particulière de vos rapporteurs spéciaux, renforcée par le constat de difficultés financières chroniques.
1. L'AFITF demeure sous perfusion de l'Etat
L'AFITF est l'opérateur de référence du programme, qui assure la majeure partie du financement des infrastructures terrestres et maritimes. Depuis 2009, son budget n'est plus équilibré par la dotation en capital de 4 milliards d'euros, attribuée en 2005 et issue du produit de la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes.
En attendant que la « taxe poids lourds » adoptée dans la loi de finances pour 2009 prenne le relais - vraisemblablement en 2012 plutôt qu'en 2011 - avec un produit estimé 880 millions d'euros par an, l'Etat octroie à l'AFITF une subvention budgétaire d'équilibre 7 ( * ) . Son montant, déduction faite de 119,7 millions d'euros de mesures de transfert à la dotation générale de décentralisation et d'avances sur marchés publics dans le cadre du plan de relance, sera de 980,24 millions d'euros en 2010 , en baisse de 6,7 % par rapport à 2009 à périmètre constant. L'évolution des recettes et dépenses de l'AFITF est présentée ci-après.
Le montant de la subvention budgétaire était initialement supposé décroître à 200 millions d'euros en 2011. Le probable report de l'entrée en vigueur de la taxe poids lourds fait craindre à vos rapporteurs spéciaux que cette subvention ne devienne un « provisoire qui dure ».
Le budget de l'agence en 2010 devrait être de 2.663 millions d'euros ou 2.672 millions d'euros selon les sources (projet annuel de performances ou réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux), dont 331 millions d'euros au titre du plan de relance. Le projet annuel de performances expose les principales opérations financées, en particulier les lignes à grande vitesse , qui devraient mobiliser plus du quart des dépenses (Tours-Bordeaux, Bretagne-Pays-de-la-Loire, contournement de Nîmes et Montpellier, deuxième phase de la LGV Est), la montée en charge des plans de développement et de modernisation des itinéraires (PDMI) et une nouvelle tranche annuelle pour les contrats de projets conclus avec les régions pour 2007-2013.
Evolution réalisée et prévisionnelle des ressources de l'AFITF sur 2005-2011
(en millions d'euros)
Ressources |
Réalisé |
Prévisions |
Total 2005-2011 |
|||||
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
||
Ressources existantes |
488 |
775 |
794 |
818 |
840 |
895 |
945 |
5.555 |
Taxe d'aménagement du territoire |
- |
512 |
526 |
521 |
525 |
535 |
560 |
3.179 |
Redevance domaniale |
156 |
163 |
168 |
174 |
175 |
180 |
185 |
1.201 |
Amendes des radars |
- |
100 |
100 |
123 |
140 |
180 |
200 |
843 |
Dividendes autoroutiers |
332 |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
332 |
Ressources exceptionnelles ou nouvelles |
4.000 |
0 |
0 |
0 |
0 |
600 |
200 |
4.800 |
Ressources pérennes |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
200 |
200 |
400 |
Taxe poids lourds (en 2012) |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
0 |
0 |
Augmentation redevance domaniale |
- |
- |
- |
- |
- |
200 |
200 |
400 |
Ressources exceptionnelles |
4.000 |
0 |
0 |
0 |
0 |
400 |
0 |
4.400 |
Dotation en capital (cession SEMCA) |
4.000 |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
4.000 |
Droit d'entrée concession A63 |
- |
- |
- |
- |
- |
400 |
- |
4.400 |
Subventions budgétaires |
0 |
62 |
0 |
0 |
1.687 |
1.168 |
14 |
2.932 |
Programme 203 |
- |
62 |
- |
- |
1.170 |
980 |
14 |
2.227 |
Programme 315 (plan de relance) |
- |
- |
- |
- |
374 |
331 |
0 |
705 |
Avance du Trésor |
- |
- |
- |
- |
143 |
- 143 |
0 |
0 |
Total |
4.488 |
837 |
794 |
818 |
2.527 |
2.663 |
1.159 |
13.287 |
Variation du fonds de roulement |
- |
- |
- |
- |
31 |
- 9 |
- 1.449 |
- 1.428 |
Source : réponses du MEEDDM au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux
Evolution prévisionnelle des dépenses l'AFITF par mode de transport sur 2009-2011
(en millions d'euros)
Dépenses |
Total CP 2008-2013 |
2009 |
2010 |
En % du total (2010) |
2011 |
Routes |
3.053 |
987 |
1.015 |
38 % |
1.051 |
Réseau routier concédé |
262 |
54 |
131 |
4,9 % |
77 |
Réseau routier non concédé et PPP |
366 |
153 |
79 |
3 % |
134 |
CPER, PDMI et programme général |
1.942 |
603 |
619 |
23,2 % |
720 |
Sécurité et exploitation |
483 |
177 |
186 |
7 % |
120 |
Transports non routiers |
4.788 |
1.573 |
1.657 |
62 % |
1.557 |
Réseau ferroviaire classique |
421 |
202 |
119 |
4,4 % |
100 |
Lignes à grande vitesse |
1.761 |
399 |
679 |
25,4 % |
682 |
Traversées alpines |
97 |
58 |
17 |
0,6 % |
22 |
Transport maritime |
146 |
41 |
53 |
2 % |
53 |
Transport fluvial |
109 |
31 |
46 |
1,7 % |
33 |
Transport combiné |
71 |
29 |
22 |
0,8 % |
20 |
Transports collectifs |
310 |
93 |
67 |
2,5 % |
150 |
Divers (Corse, littoral...) |
336 |
96 |
122 |
4,6 % |
118 |
CPER et autres contrats |
1.537 |
624 |
533 |
19,9 % |
381 |
Total |
7.841 |
2.561 |
2.672 |
100 % |
2.608 |
Source : réponses du MEEDDM au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux
Les financements de l'AFITF sont conçus comme devant contribuer fortement au redéploiement modal . A l'origine, le budget de l'agence était structuré pour mettre en oeuvre les décisions du CIADT de décembre 2003 ; ses ressources étaient donc exclusivement routières, mais ses dépenses étaient majoritairement en faveur des modes non-routiers. La décision prise fin 2005 de faire financer les contrats de plan par l'AFITF a cependant fortement infléchi cette tendance, en raison du poids des volets routiers dans les contrats de plan 2000-2006.
Depuis 2006, la part non routière progresse régulièrement , notamment en CP, et plus progressivement en AE avec la décision de réserver le volet transports des contrats de projet 2007-2013 aux investissements non routiers. Les perspectives triennales 2009-2011, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, accentuent résolument cette évolution , puisque la répartition entre le routier et le non-routier évolue progressivement pour les CP (40-60 en moyenne) et plus résolument pour les AE (le rapport passe de 31-69 à 17-83), en raison des importants investissements ferroviaires et du projet Seine-Nord Europe à lancer. Parallèlement, les ressources non budgétaires continuent de provenir essentiellement du seul mode routier.
Vos rapporteurs spéciaux regrettent à nouveau la complexité des circuits de financement de la politique de transports, qui semble n'exister que pour justifier l'existence de l'AFITF . A l'instar de la Cour des comptes, qui dans son rapport public annuel pour 2009 a préconisé la suppression de l'AFITF , qualifiée d' « agence de financement aux ambitions limitées, privée de ses moyens, désormais inutile », vos rapporteurs spéciaux constatent que l'agence est devenue « essentiellement un outil administratif qui voit circuler des crédits qui partent du budget général avant d'y retourner », sans réelle valeur ajoutée, donc sans devenir l'instance d'évaluation et de décision qui aurait conforté sa légitimité. En effet, à quoi sert-il de créer de la complexité financière si l'information des citoyens et l'évaluation de la rentabilité socio-économique des investissements publics y perdent ?
La Cour des comptes relève ainsi que « l'AFITF aurait peut-être pu, en devenant un lieu de concertation, voire d'expertise, prendre une place dans un dispositif national renforcé d'évaluation des projets d'investissements publics préalable à la prise de décision. En fait, l'agence n'a pas cherché à pallier par ses débats le manque persistant d'évaluation sérieuse, publique et contradictoire des projets d'investissements avant leur lancement ». L'AFITF constitue également un manquement au principe d'universalité budgétaire , qui n'est certes pas le premier dans le domaine des transports, mais ainsi que l'observe la Cour des comptes, « est d'autant moins justifié que l'état des finances publiques impose de choisir avec rigueur les investissements publics ».
* 7 Les autres ressources de l'AFITF sont la taxe d'aménagement du territoire prélevée sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, la redevance domaniale versées par ces sociétés et une partie du produit des amendes pour les infractions constatées par les radars.