3. Un redémarrage de la dépense inquiétant en 2009
A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, votre rapporteur spécial avait toutefois souligné, tout en saluant les efforts produits par les magistrats et la Chancellerie, « qu'il serait naturellement illusoire de croire que la maîtrise des frais de justice est définitivement acquise » . Il avait au contraire estimé qu' « une vigilance continue (devait) être exercée » 20 ( * ) .
Cette mise en garde trouve malheureusement toute sa portée en 2009. L'enveloppe allouée au titre de ces frais pour cet exercice s'élève à 409 millions d'euros . Toutefois, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial 21 ( * ) , 364,6 millions d'euros ont déjà été consommés au 25 octobre 2009.
A supposer que ce rythme de consommation soit maintenu d'ici à la fin de l'année 2009, le montant total des frais de justice à supporter au cours du présent exercice serait donc de l'ordre de 440 millions d'euros , soit un dépassement de l'autorisation initiale de 31 millions d'euros .
L'année 2009 s'est d'ailleurs d'ores et déjà caractérisée par des difficultés de paiement , par exemple à la CA de Versailles. L'une des principales raisons avancées par la Chancellerie pour expliquer ces difficultés réside dans l'expérimentation d'un nouveau circuit de paiement des mémoires, plus court, dans le cas des mémoires de moins de 150 euros (qui représentent environ 80 % de l'ensemble des mémoires) 22 ( * ) . Ce circuit raccourci a eu pour effet un déstockage important des mémoires en attente de règlement.
L'assombrissement récent de la situation générale des frais de justice ne doit cependant pas occulter un certains nombre de résultats encourageants , au premier rang desquels la baisse très substantielle des frais d'analyses génétiques . Ainsi, quatre marchés publics d'analyses génétiques sur individus ont été passés entre 2005 et 2009. Par ailleurs, en 2009, un premier marché d'analyses génétiques à partir de traces biologiques, concernant essentiellement la délinquance de masse, a également été conclu.
Ces mises en concurrence ont permis d'obtenir une réduction très significative du coût unitaire des analyses. Pour les analyses « individus », ce coût est ainsi passé de 67 euros à 17 euros , et, pour les analyses « traces », il est passé de 265 euros hors marché à 92 euros dans le cadre du marché 23 ( * ) .
4. Un problème de sincérité budgétaire pour 2010
Pour 2010, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 395 millions d'euros . Paradoxalement, alors que l'année 2009 enregistre une reprise de la dynamique à la hausse de ces frais, cette enveloppe se situe donc à un niveau inférieur à celle prévue pour 2009, déjà probablement insuffisante.
Or, le phénomène de déstockage des mémoires en 2009 ne devrait pas s'interrompre brutalement en 2010, mais au contraire se poursuivre 24 ( * ) . Il constitue donc une donnée structurelle , et non limitée à 2009, du budget du programme « Justice judiciaire » pour 2010.
De même, l'augmentation du nombre de procédures pénales comme la diversification des possibilités offertes par les nouvelles technologies au service de la recherche de la preuve représentent des tendances de fond qui feront très vraisemblablement sentir leurs effets au-delà du seul exercice 2009.
Au total, ce « faisceau d'indices » amène votre rapporteur spécial à s'interroger sur la sincérité du budget proposé pour le présent programme, eu égard aux nouvelles difficultés en matière de maîtrise de la dépense liée aux frais de justice .
Cette interrogation est d'autant plus forte que l'enveloppe de 395 millions d'euros vise, en outre, à couvrir le financement des dépenses supplémentaires induites par la réforme de la médecine légale (14 millions d'euros) 25 ( * ) et à absorber le coût de la réforme relative à la sécurité routière (tests salivaires avec dépistage de consommation de stupéfiants) ainsi que le plein effet de la revalorisation tarifaire des interprètes , intervenue en avril 2009 26 ( * ) .
En conséquence, votre rapporteur spécial vous propose un amendement , annexé au présent rapport, visant à abonder le programme « Justice judiciaire » de 30 millions d'euros afin de couvrir le surplus de frais de justice prévisible en 2010.
Dans le projet de loi de finances pour 2010, les frais de justice figurent, au sein du programme « Justice judiciaire », parmi les crédits de fonctionnement des actions ci-après (en crédits de paiement) :
- Action 1 « Traitement et jugement des contentieux civils » : 54 millions d'euros ;
- Action 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » : 270 millions d'euros ;
- Action 3 « Cassation » : 0,3 million d'euros ;
- Action 5 « Enregistrement des décisions judiciaires » : 1,9 million d'euros ;
- Action 6 « Soutien » : 68,8 millions d'euros 27 ( * ) .
* 20 Rapport spécial n° 99 (2008-2009) - tome III - annexe 16.
* 21 Audition par votre rapporteur spécial du responsable du programme « Justice judiciaire », Mme Dominique Lottin, directrice des services judiciaires, et audition du secrétaire général de la Chancellerie, M. Gilbert Azibert, le 4 novembre 2009.
* 22 L'expérimentation de ce nouveau circuit de la dépense s'est déroulée, en 2008, dans les cours d'appel (CA) d'Amiens, de Nîmes, de Pau, de Grenoble et de Versailles. Ce circuit s'articule, notamment, autour de la mise en place de services centralisateurs dans les tribunaux de grande instance (TGI) et a pour objectif la réduction des délais de paiement, la professionnalisation des acteurs et le développement de l'assistance aux prescripteurs. Il est ressorti des premiers bilans de cette expérimentation une meilleure visibilité du traitement des mémoires des frais de justice et une réduction des délais de paiement. Les modalités de contrôle interne comptable doivent toutefois encore être améliorées. La réduction des délais de paiement a pour contrepartie un rythme de consommation des crédits de frais de justice plus rapide que celui des années précédentes. Si l'expérimentation n'a pas été jugée suffisamment probante pour être généralisée en 2009, les résultats encourageants ont justifié qu'elle soit prolongée. Elle a donc été étendue à quatre nouvelles CA à compter du 1 er septembre 2009 : à Bastia, Dijon et Nancy, et à compter du 1 er janvier 2010, à Aix-en-Provence.
* 23 Coûts hors taxe.
* 24 Audition par votre rapporteur spécial du secrétaire général de la Chancellerie, M. Gilbert Azibert, le 4 novembre 2009.
* 25 Alors qu'auparavant le paiement s'effectuait à l'acte, le financement des structures dédiées à la médecine légale (dépenses de personnel et dépenses de fonctionnement) est désormais effectué sur la base de conventions passées entre le ministère de la justice et des libertés et celui de la santé. Seuls les médecins appartenant au réseau de proximité continueront d'être rémunérés à l'acte.
* 26 Décret n° 2008-764 du 30 juillet 2008 et arrêté du 2 septembre 2008.
* 27 Il s'agit des frais postaux, de l'indemnisation des victimes, de celles ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ainsi que des frais liés aux révisions et erreurs judiciaires. On peut se demander si ces dépenses sont vraiment de même nature que celles liées aux procédures civiles et pénales (enquêtes...) et si elles ne devraient pas être disjointes de ces frais de justice, qui font l'objet d'une problématique particulière.